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Extrait du site de la conference
des Évêques de France
Ceci est notre première homélie, nous
espérons qu'il y en aura beaucoup d'autres.
Jeudi 19 septembre
Vêpres de Saint Louis-Marie Grignion de
Montfort
HOMÉLIE du Saint-Père
Chers Frères et Soeurs,
Lors de ce pèlerinage aux tombeaux de saint Louis-Marie Grignion de Montfort et
de la bienheureuse Marie-Louise de Jésus, c'est pour moi une joie de célébrer
l'office liturgique du soir avec vous, personnes consacrées venues de tout
l'Ouest de la France. Je remercie Mgr François Garnier, évêque de Luçon, et
les Supérieurs de la famille montfortaine des paroles qu'ils m'ont adressées
en votre nom, et aussi au nom de la communauté diocésaine représentée ici.
À tous, j'adresse mon salut affectueux.
La lecture de la Lettre aux Romains, que nous venons d'écouter, nous parle de
la vocation de l'humanité dans le Christ. Dans le Christ, nous sommes de toute
éternité connus et appelés à devenir conformes à l'image de Celui qui est
«l'aîné d'une multitude de frères» (Rm 8, 29). En Lui, vrai Dieu et vrai
Homme, le Père nous montre le sens de notre vocation. Entre la connaissance
éternelle de l'homme qu'a le Père dans le Verbe et l'appel qu'il adresse à
l'homme dans le temps, il existe un lien étroit. Le Christ sait que sa venue
dans le monde et, en particulier, sa passion, sa mort et sa résurrection
doivent dévoiler aux hommes leur vocation, inscrite par le Père dans le
mystère de l'Incarnation de son Fils. C'est conscient de cela que le Christ, au
terme de sa mission terrestre, adresse aux Apôtres cette exhortation : «Allez
donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit ; apprenez-leur à garder tous les commandements
que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin
du monde» (Mt 28, 19-20).
De siècle en siècle, les successeurs des apôtres et de nombreux disciples ont
travaillé à remplir cette mission confiée par le Seigneur. Dans votre région,
saint Louis-Marie Grignion de Montfort en fut l'un des plus remarquables. Je
suis heureux de commencer mon pèlerinage en terre de France sous le signe de
cette haute figure. Vous savez que je dois beaucoup à ce saint et à son «Traité
de la vraie dévotion à la Sainte Vierge». Aujourd'hui, puisque ma visite
pastorale est placée, pour une bonne part, sous le signe du baptême, je
voudrais avant tout mettre en relief le fait que, dans l'esprit de saint
Louis-Marie, toute la vie spirituelle découle directement du sacrement du saint
baptême, ainsi que le montre un passage significatif de l'Acte
de consécration à Jésus Christ par les mains de Marie, précisément
rédigé par Montfort. Au centre de cet acte, il y a ces paroles : «Moi _ ici
on prononce le nom, par exemple Louis-Marie, ou Jean-Paul, ou Charles _ pécheur
infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd'hui entre vos mains (entre les
mains de Marie), les voeux de mon baptême : je renonce pour toujours à Satan,
à ses pompes et à ses oeuvres, et je me donne tout entier à Jésus Christ, la
Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma
vie...» (L'Amour de la Sagesse éternelle, n. 225).
Le rappel des promesses du saint baptême est clair. Au cours de la liturgie
baptismale, il a été demandé à chacun de nous : «Renoncez-vous à Satan, à
toutes ses oeuvres et à toutes ses séductions ?» puis :
«Croyez-vous ?» L'acte du baptême va de pair avec le choix de Dieu, le choix
du Christ, le choix de vivre dans la grâce de l'Esprit Saint. Ce choix est, en
un sens, la victoire sur le péché originel. La grâce sacramentelle du
baptême efface le péché originel. Mais l'homme qui le reçoit doit donc
lui-même renoncer au péché, pour correspondre ainsi à la grâce de la
justification qui lui est offerte dans la foi au Christ. Dans le sacrement du
baptême, il y a un certain retour au commencement, aux origines, quand il
fallait choisir le bien et non le mal, le salut et non le refus. Si Grignion de
Montfort fait entrer cela dans le contenu de sa vraie dévotion à la Mère de
Dieu, il le fait parce que Marie, par la volonté divine, dès son Immaculée
Conception, a été inscrite dans le plan de Dieu pour surmonter le péché par
la justification reçue de la grâce qui vient du Christ. Il est bon qu'au
commencement de ce pèlerinage qui me conduira également à Reims pour le mille
cinq centième anniversaire du baptême de Clovis, nous puissions considérer
ici d'un point de vue marial la signification essentielle du sacrement du
baptême.
En m'adressant à vous, hommes et femmes engagés dans la vie consacrée, je
voudrais redire que, «dans la tradition de l'Église, la profession religieuse
est considérée comme un approfondissement unique et fécond de la
consécration baptismale en ce que, par elle, l'union intime avec le Christ
[...] se développe» (Vita consecrata, n. 30). Vous êtes appelés à aller
plus loin encore, grâce à «un don spécifique de l'Esprit Saint» (ibid.),
car vous choisissez de pratiquer radicalement les conseils évangéliques pour
suivre le Christ
; et vous prenez pour modèle la Vierge Marie, «exemple sublime de
consécration parfaite, par sa pleine appartenance à Dieu et par le don total
d'elle-même» (ibid., n. 28).
L'exigence de votre engagement peut paraître à vos contemporains difficile à
comprendre et presque impossible à vivre. Que cela ne vous trouble pas ! En
vérité, fidèles et humbles, vous donnez un témoignage dont le monde a besoin.
Votre libre choix du célibat, du renoncement aux biens et de l'obéissance
constitue une réponse aux questions que beaucoup se posent sur les valeurs
authentiques de leur vie. En somme, votre pratique des conseils évangéliques
n'a d'autre sens que de confesser, dans un coeur sans partage, l'amour infini de
Dieu, suprême richesse de l'homme, et la beauté libérante d'une dépendance
filiale et non servile (cf. Vita consecrata, n. 21). Vous avez vocation d'être
de vivants signes de Dieu pour le monde, en «reproduisant l'image de son Fils»
(Rm 8, 29).
Vous qui êtes venus représenter les consacrés de tout l'Ouest de la France,
vous donnez une image de la diversité des charismes qui inspirent votre
engagement, dans la vie contemplative ou la vie apostolique, dans les instituts
séculiers ou l'ordre des vierges consacrées.
Je sais que beaucoup d'entre vous éprouvent de l'inquiétude devant la
diminution actuelle du nombre des vocations et le vieillissement des
congrégations. Il vous est ainsi demandé mystérieusement une forme de
participation à la Croix. Mais l'épreuve n'est pas un terme. Je tiens à dire
ici toute l'admiration que suscitent la fidélité, le zèle, l'inventivité des
religieux et des religieuses jusque dans leur grand âge. L'oeuvre accomplie par
les nombreuses congrégations fondées dans votre région a été considérable,
pour la reconstruction de l'Église au siècle dernier, pour l'éducation, pour
le soin des malades, pour la participation à la vie pastorale. On dit justement
combien il est utile que l'Évangile soit annoncé «avec l'accent du pays» !
Mettez en oeuvre aujourd'hui avec enthousiasme les charismes de vos fondateurs.
Continuez d'écrire l'histoire vivante de vos congrégations !
J'aimerais aussi rendre hommage ici au grand nombre de missionnaires qui sont
partis de l'Ouest de la France à travers le monde, à ceux qui sont présents
encore maintenant dans de nombreux pays. Et je puis vous dire qu'il y a toujours
un grand besoin de la présence des personnes consacrées dans les jeunes
Églises.
Votre témoignage et votre apostolat sont une richesse pour les communautés
locales. Osez faire connaître la qualité de votre expérience, le sens de
votre spiritualité et des charismes de vos diverses fondations, votre joie de
servir. Que ce soit pour le clergé diocésain ou pour les laïcs, la présence
des consacrés demeure un précieux stimulant et souvent un élément
indispensable pour l'évangélisation.
Attentifs aux besoins de notre temps et fidèles aux intuitions fondatrices, les
consacrés, j'en suis convaincu, permettent à des jeunes d'entendre l'appel du
Seigneur à le servir dans le don total
d'eux-mêmes.
L'offrande de vos vies a une mystérieuse fécondité, que ce soit au jour le
jour ou à l'heure de la Croix. Je pense au sacrifice de nombreux religieux au
nom de l'Évangile et par fidélité à l'Église, sur cette terre ou au loin.
J'évoque avec émotion ici les sept Frères trappistes de Notre-Dame de l'Atlas,
me rappelant que trois d'entre eux avaient été moines de Bellefontaine. Après
d'autres religieux et religieuses apostoliques, ils ont été jusqu'à la mort
des témoins purs et désintéressés de l'amour du Christ auprès de frères en
humanité qu'ils n'ont désiré que servir. Continuons de prier pour que leur
sacrifice devienne source de vie et pour que leur présence auprès du Seigneur
soutienne leurs frères et soeurs aujourd'hui.
Je voudrais conclure en vous redisant dans les termes de Grignion de Montfort
combien votre vie trouve tout son sens dans la personne du Christ : «Dieu ne
nous a point mis d'autre fondement de notre salut, de notre perfection et de
notre gloire, que Jésus Christ» (Vraie dévotion, n. 61). Priant avec lui,
invoquons le Seigneur avec la Sainte Vierge : «Vous êtes, Seigneur, toujours
avec Marie, et Marie est toujours avec vous» (ibid., n. 63). Et je voudrais
rappeler que nous sommes unis dans la prière avec les pèlerins de La Salette
qui fêtent en ce jour le cent cinquantième anniversaire de l'apparition de
Notre-Dame en ce lieu.
Que la tendresse maternelle de Notre-Dame vous guide chaque jour sur votre route
à la suite de Jésus pour «rendre tout honneur et gloire au Père, en l'unité
du Saint-Esprit ; vous rendre parfaits et être à votre prochain une bonne
odeur de vie éternelle» (cf. ibid., n. 61).
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