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Jean de la Croix La purification de la mémoire
Ref Abbé Laurentin, Pontmain, histoire authentique, un signe dans le ciel, p 112 ligne 10, 5 Sept 2020 18H22 POUR comprendre en quoi consiste ce dépouillement, il faut lire les Livres II et III de la Montée du Carmel. Notre but est l’union à Dieu, cependant, notre nature est bornée, il faut donc nous arracher à notre nature, mourir à nous-même pour vivre unie à Dieu. Telle est la folie, la démesure des saints. Nous avons trois facultés : l’intelligence, la mémoire et la volonté dont l’exercice est déficient ; pour les rendre proportionnées au but recherché, il faut leur faire adopter un exercice surnaturel, celui des vertus théologales de Foi, d’Espérance et de Charité. Le livre II de la Montée du Carmel décrit les purifications de l’entendement. Le livre III décrit celles de la mémoire (chapitre 1 à 14) et de la volonté (15 à la fin). Considérée en synopse, chacune de ces facultés peut s’exercer selon une activité bonne, mauvaise, moitié-moitié, etc. Suivons le plan de saint Jean de la Croix : -I- Purification de l’intelligenceQu’est-ce-que la Foi ? Les connaissances que nous avons sont naturelles ou surnaturelles selon qu’elles nous font connaître des objets, des vérités, des êtres par raisonnement ou par révélation. Cependant, du moment que ces objets se présentent à l’intelligence, par exemple un ange, ce sont des idées humaines. Et ainsi, toutes les idées que nous formons, même venant de Dieu, sont disproportionnées par rapport à leur objet divin. La Foi, elle, n’est pas la connaissance directe d’un objet. Elle nous vient de l’ouïe et nous enseigne par l’Église des vérités certaines quoique obscures pour nous. À nous d’y adhérer sans les « comprendre », c’est-à-dire sans les réduire à nos capacités si limitées par rapport à l’infini de Dieu. Je dis « Credo » et mon intelligence accepte cette donnée en toute inévidence et sans la comprendre. C’est un bond à l’obscur de mon intelligence. Cette intelligence dépouillée de toute connaissance peut adhérer à un objet obscur qu’elle tient cependant pour certain, elle épouse le mystère ( II 1,2,3,7,8 ). La Foi c’est comme les épousailles de l’esprit humain et de l’Esprit divin, car l’esprit humain use de toutes les vérités que possède l’Esprit divin comme siennes. Lui voit, moi, je crois. Le lien de ces épousailles est l’enseignement formulé par la Sainte Église. Nous disons ce que Dieu dit éternellement, Lui dans la lumière, nous dans la nuit, et non plus nos idées, nos manières de voir les choses... « Le jour, c’est Dieu Lui-même dans la bienheureuse Patrie où Il est comme un jour pour les anges et les saints qui, à leur tour, deviennent jour dans le reflet de la divine lumière... La nuit, c’est la Foi en l’Église militante où il fait encore nuit. Elle communique la science à l’Église et par suite à chaque âme qui est nuit elle aussi puisqu’elle ne jouit pas de la vision béatifique de l’éternelle Sagesse et qu’en présence de la Foi, elle est privée de sa lumière naturelle. » (Montée II,2 ) Dans la suite des chapitres, notre saint va se manifester impitoyable pour réduire toutes les connaissances qui nous viennent d’ailleurs que de la Foi qui seule est notre guide. Les connaissances sensibles, naturelles et surnaturelles (visions, auditions, odeurs, paroles, goût) sont à fuir comme dangereuses et d’origine incertaine, car cela « ne saurait donner à l’entendement le moyen immédiat d’aller à Dieu, mais ce peut être l’occasion de tomber dans l’erreur et l’illusion » ( II, 7 ). Et si quelques unes de ces communications sensibles viennent de Dieu, « on ne leur fait pas injure en ne les voulant pas et en les repoussant, et on ne manque pas pour cela de recevoir l’effet et le fruit que Dieu se proposait de produire dans l’âme par leur moyen. » ( II, 10 ) Les perceptions intérieures de l’imagination, naturelles ou surnaturelles, la méditation à l’aide de représentations formées par nos sens (quand nous nous représentons Jésus souffrant, attaché à une colonne, sur la Croix, etc.) sont nécessaires aux commençants pour enflammer leur amour et donner à l’âme un aliment par le moyen des sens. Mais ce ne doit être qu’un passage. « Dieu veut appeler ces âmes à des biens plus élevés qui sont intérieurs et invisibles... » ( II, 11 ) Quant aux visions imaginaires qui nous viennent du Ciel, par ces images, Dieu peut révéler à l’âme beaucoup de choses. Mais le démon peut aussi tromper l’âme par des représentations bonnes en apparence. L’entendement doit donc « veiller à ce que les visions bonnes qui viennent de Dieu ne soient pas pour lui un obstacle à l’union de l’âme avec la Divine Sagesse, comme aussi à ce que les mauvaises ne le jettent pas dans l’illusion » ( II, 14 ). Il est meilleur de les fuir, de ne pas en parler à ses directeurs et de n’y plus penser, car « La Foi seule est notre guide ». Mais alors, pourquoi Dieu nous les donne-t-il ? Parce que c’est une étape ; Dieu prend l’âme telle qu’elle est, Il lui donne ces connaissances pour l’en détacher peu à peu, la perfectionner selon sa nature, mais toujours pour la mener à des connaissances plus hautes et plus pures. Les chapitres 17 à 21 montrent ensuite par des exemples de la Sainte Écriture, que des révélations et des visions vraies venant de Dieu peuvent néanmoins jeter dans l’illusion. En effet, nous pouvons nous fier à notre propre sens dans l’interprétation d’une parole ou d’un rêve, et nous tromper alors que dans ces révélations, le principal pour Dieu est de nous en « communiquer le fruit spirituel ». D’autre part ces paroles ou promesses entendues peuvent être liées à des causes humaines, elles peuvent être conditionnelles ou comminatoires. « Il n’est pas possible non plus de comprendre les vérités cachées dans la parole de Dieu, ni les sens multiples qu’elle peut avoir, car chaque révélation est comprise au temps fixé par celui qui l’a faite ; elle sera comprise de celui à qui Il voudra en donner l’intelligence, et alors on en verra la convenance, car Dieu ne fait rien sans motif et en dehors de la Vérité. » (Montée II, 18) Ce qui ne trompe pas, c’est la Foi et, depuis Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu n’aime pas qu’on L’interroge directement. Il n’est pas besoin d’autres inspirations : « Dès lors qu’Il nous a donné son Fils qui est sa Parole, Il n’a pas d’autre parole à nous donner. » La Foi n’est pas une illumination directe de notre âme par Dieu, contrairement au protestantisme qui prétend traiter seul à seul avec Dieu. C’est de fixer les yeux sur le Christ, sa doctrine, par l’Église et par ses ministres. Il faut nous en remettre à cette parole humaine plutôt qu’à une parole divine que l’on croit recevoir de Dieu, mais qui peut venir du démon ou être mal comprise. « Ainsi donc nous devons nous guider en tout d’après la doctrine du Christ, Notre-Seigneur, fait Homme pour nous, de son Église, de ses ministres qui nous parlent d’une manière humaine et visible... » ( Montée II, 20 ). Il ne faut donc jamais être dans l’assurance tant qu’on n’a pas soumis son âme à son directeur spirituel. « Dieu en effet aime tant à voir l’homme gouverné et dirigé par un autre homme semblable à lui, et selon la raison naturelle, qu’Il veut absolument que ce qu’Il nous communique surnaturellement, nous ne le donnions à comprendre, ou nous n’y donnions entière créance, ou n’ait de force et de sécurité en nous, qu’après avoir passé par ce canal humain de la bouche de l’homme. » ( Montée II, 20 ). Or quelques chapitres plus haut, saint Jean de la Croix parle du « tort que peuvent faire aux âmes certains directeurs spirituels, lorsqu’ils font trop de cas de ces visions ou révélations, se livrant à une foule d’entretiens sur ce sujet avec leur dirigés. », dont découlent quantité d’imperfections, car le démon profite de ces dispositions. Mais qu’en est-il des connaissances spirituelles ? Plus nous avançons dans la perfection, plus nous avons de chance que ce soit Dieu Lui-même qui commence à se révéler à l’âme. N’oublions pas en effet que nous sommes faits pour la vision, l’embrassement divin, que la Foi elle-même prépare la vision. Et si Dieu le veut, on aura beau écarter toutes ces manifestations, c’est à la lumière, la vision que nous devons aboutir, c’est-à-dire au Ciel. Mais dès ici-bas, les âmes saintes peuvent y être introduites. L’âme est faite pour la vision et il y a des connaissances spirituelles qu’il faut recevoir et que le démon aura de plus en plus de mal à simuler. Dans un premier temps, ne les recherchons pas, désirons revenir à la Foi. Dieu sera content de nous voir résister à sa suavité, même si cela vient de Lui. Il existe quatre sortes de connaissances spirituelles dont il faudra tirer un enseignement général afin de ne pas nous y perdre:
La ligne maîtresse de cet enseignement est que nous allons vers Dieu par des connaissances de plus en plus claires, soit dans la méditation, soit par révélation et donc, le progrès normal de l’âme est de s’acheminer vers la Vision. Cependant, tant que l’âme traverse ces étapes lointaines et intermédiaires, elle est en danger de s’égarer. C’est pourquoi, à côté de cette découverte de Dieu les yeux ouverts, il y a une marche vers Dieu les yeux fermés, qui est la Foi comme connaissance obscure à laquelle il est bon de revenir, surtout quand les connaissances « claires » s’éloignent de la Foi, rassasient la curiosité, font perdre l’humilité. Mais si ces connaissances ne sont que la répétition du Credo ou du catéchisme, alors l’âme est en sécurité. Ainsi, il n’y a pas de loi plus sûre que celle-ci pour reconnaître la vérité des révélations : il faut qu’elles ne disent rien d’autre que la Foi. -II-
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