[Accueil] [Remonter]
| |
INTRODUCTION AU CHAPITRE VIlI
LA BIENHEUREUSE MARIE MÈRE DE DIEU DANS LE MYSTÈRE DU CHRIST
ET DE LÉGLISE
En décidant d'intégrer au schéma de l'Eglise ce qui concernait la Sainte Vierge, le
Concile s'interdisait, c'est sûr, de donner à la doctrine mariale des développements
que beaucoup pouvaient souhaiter et vers lesquels acheminaient les recherches
théologiques et les aspirations pieuses de ce dernier siècle.
Il y gagnait par ailleurs de marquer fortement et indiscutablement la présence de la
Vierge, mère du Seigneur, au coeur même du Mystère de l'Eglise, et de faire de ce
chapitre comme le couronnement non seulement de l'effort théologique à propos de
l'Eglise, mais de l'effort même de tout le Concile dont on a dit plus haut le sens.
Une première partie évoque, avec un parti pris de rigueur et de clarté, le rôle
confié par Dieu à la Sainte Vierge dans l'économie du salut. Délibérément cet
exposé sobre se tient au plus près de la sainte Ecriture, et tout en affirmant ce que la
foi de l'Eglise a dégagé touchant soit la pureté immaculée de Marie en sa conception
soit son Assomption corporelle, reste attentif à éviter tout ce qui semblerait déborder
les absolues certitudes.
Le rôle de Marie dans le Mystère du Christ se prolonge et s'affirme par rapport à notre
salut dans l'Eglise. Là encore le parti pris de rigueur est sensible. Le texte vise à
des affirmations absolument incontestables, en mettant à la disposition des fidèles une
doctrine positive et très belle sur le rôle de la Sainte Vierge dans notre vie, il
marque un souci extrême de sauvegarder en tout l'absolue gratuité du don divin, et la
transcendante originalité de la médiation du Verbe Incarné.
Ce souci est-il excessif ? Les Pères n'en ont pas jugé ainsi, puisqu'ils ont voté ce
texte. Mais ce n'est un mystère pour personne que plusieurs ont redouté jusqu'au bout
que le terme, cependant usuel, de médiatrice , introduit dans un texte conciliaire,
ne donnât encore, et malgré toutes les précautions, prise à des abus; tandis que
d'autres eussent souhaité des affirmations moins mesurées et prudentes, consacrant une
vérité théologique déjà acquise et surtout une piété exigeante.
De toute façon un amour fidèle et profond pour la Sainte Vierge trouvera dans ces pages
une source très pure et certainement inépuisable. Peut-être aura-t-on à se féliciter
d'avoir gardé cette forme si rigoureuse, pour disposer, en matière de culte marial, d'un
fondement irrécusable. C'est de ce culte que le chapitre s'occupe vers la fin, pour
inviter à le développer avec une ferveur aussi éloignée des étroitesses craintives
que des développements indus.
La Mère de Jésus est au ciel «l'image et le commencement de l'Eglise en sa consommation
glorieuse»; elle est « pour le peuple de Dieu en marche le signe assuré de salut et de
consolation». Il faut la prier avec ceux de nos Frères séparés qui la prient et qui
l'aiment, pour que tous les peuples, un jour, ne fassent plus qu'un seul Peuple de Dieu «
à la gloire de la Très Sainte et indivise Trinité ». Ainsi s'achève le chapitre
consacré à la Sainte Vierge, et, du même coup, le schéma de Ecclesia.
On sait que le pape lui a donné sur le moment même un épilogue, en relevant et
consacrant un titre que le texte avait hésité à donner formellement à la Sainte
Vierge, estimant qu'il pouvait prêter à quelque équivoque. Il faut citer ce passage du
discours du Souverain Pontife, recommandant à l'Eglise comme telle, de donner à la
Sainte Vierge ce titre de Mère : « Marie, Mère de l'Eglise.»
« Avec la promulgation - aujourd'hui - de la Constitution qui a, comme sommet et
couronnement, tout un chapitre dédié à la Vierge, nous pouvons à juste titre affirmer
que la présente session se conclut par un hymne incomparable de louange en l'honneur de
Marie.»
« C'est en effet, la première fois, et le dire Nous remplit d'une profonde émotion,
qu'un Concile oecuménique présente une synthèse si vaste de la doctrine catholique sur
la place que Marie très sainte occupe dans le mystère du Christ et de l'Eglise. »
« ... De très nombreux Pères ont fait leur (notre propre voeu) en demandant instamment
que soit explicitement déclarée, pendant ce Concile, la fonction maternelle que la
bienheureuse Vierge Marie exerce envers le peuple
chrétien. Dans ce but, Nous avons cru opportun de consacrer, dans cette séance publique,
un titre en l'honneur de la Vierge, suggéré de divers côtés dans le monde catholique
et qui Nous est particulièrement cher, parce qu'il synthétise admirablement la place
privilégiée reconnue par ce Concile à la Vierge dans la sainte Eglise.»
« C'est donc à la gloire de la bienheureuse Vierge et à notre réconfort que Nous
proclamons Marie très sainte, Mère de l'Eglise, c'est-à-dire de tout le peuple de Dieu,
aussi bien des fidèles que des pasteurs, qui l'appellent Mère très aimante, et Nous
voulons que, dorénavant, avec un tel titre très doux la Vierge soit encore plus honorée
et invoquée par tout le peuple chrétien... »
«... Ce titre en vérité appartient à l'authentique substance de la dévotion à Marie,
trouvant sa justification dans la dignité ellemême de la Mère du Verbe Incarné. »
« Comme en tait la maternité divine est le fondement de la relation spéciale avec le
Christ et de sa présence dans l'économie du salut opéré par le Christ Jésus, cette
maternité constitue le fondement principal des rapports entre Marie et FEglise, car elle
est Mère de Celui qui, depuis le premier instant de l'Incarnation dans son sein virginal,
s'est uni comme chef son Corps mystique, qui est l'Eglise. Marie, donc, en tant que Mère
du Christ, est Mère aussi de tous les pasteurs et fidèles, c'est-à-dire de l'Eglise. »
«... Nous souhaitons donc que la promulgation de la Constitution sur l'Eglise, renforcée
par la proclamation de Marie, Mère de l'Église, cest à dire de tous, fidèles et
pasteurs, fasse que le peuple chrétien s'adresse à la Sainte Vierge avec plus de
confiance et de ferveur et lui rende le culte et l'honneur qui lui reviennent. »
« ... De même que Nous sommes entré dans l'aura du Concile, après l'invitation de Jean
XXIII, le 11 octobre 1962, « avec Marie, Mère de Jésus », de même, à la fin de la
troisième session, nous sortons de cette même basilique au nom très saint et très doux
de Marie, Mère de l'Église. »
Chapitre VIII
LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MÈRE DE DIEU DANS LE MYSTERE DU CHRIST
ET DE
LÉGLISE
I. Introduction
(La Sainte Vierge dans le mystère du
Christ.)
52 Ayant résolu, dans sa très grande bonté et sagesse, d'opérer la rédemption du
monde, Dieu «quand vint la plénitude du temps, envoya son Fils né d'une femme... pour
faire de nous des fils adoptifs » (Gal. 4, 4-5). C'est ainsi que son Fils « à cause de
nous les hommes et pour notre salut, descendit du ciel et prit chair de la Vierge
Marie par l'action du Saint-Esprit (1) ». Ce divin mystère de salut se révèle pour
nous et se continue dans l'Eglise, que le Seigneur a établie comme son Corps et dans
laquelle les croyants, attachés au Christ chef et unis dans une même communion avec tous
ses saints, se doivent de vénérer « en tout premier lieu la mémoire de la glorieuse
Marie toujours vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ (2) ».
(La Sainte Vierge et l'Eglise.)
53 La Vierge Marie en effet, qui, lors de l'Annonciation faite par l'ange, reçut le Verbe
de Dieu à la fois dans son coeur et dans son corps, et présenta au monde la Vie, est
reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur. Rachetée de
façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien
étroit et indissoluble, elle reçoit cette immense charge et dignité d'être la Mère du
Fils de Dieu, et, par conséquent, la fille de prédilection du Père et le sanctuaire du
Saint-Esprit, don exceptionnel de grâce qui la met bien loin au-dessus de toutes les
créatures dans le ciel et sur la terre.
Mais elle se trouve aussi, comme descendante d'Adam, réunie à l'ensemble de l'humanité
qui a besoin de salut : bien mieux, elle est vraiment « Mère des membres du Christ...
ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l'Eglise des fidèles qui sont les
membres de ce Chef (3) ». C'est pourquoi encore elle est saluée comme un membre
suréminent et absolument unique de l'Eglise, modèle et exemplaire admirables pour
celle-ci dans la foi et dans la charité, objet de la part de l'Eglise catholique,
instruite par l'Esprit-Saint, d'un sentiment filial de piété, comme il convient pour une
mère très aimante.
(Intention du Concile.)
54 Aussi, présentant la doctrine de l'Eglise en laquelle le divin Rédempteur opère
notre salut, le saint Concile se propose de mettre avec soin en lumière, d'une part le
rôle de la bienheureuse Vierge dans le mystère du Verbe incarné et du Corps mystique,
et d'autre part les devoirs des hommes rachetés envers la Mère de Dieu, Mère du Christ
et Mère des hommes, des croyants en premier lieu; le Concile toutefois n'a pas
l'intention de faire au sujet de Marie un exposé doctrinal complet, ni de trancher les
questions que le travail des théologiens n'a pu encore amener
à une lumière totale. Par conséquent, demeurent légitimes les opinions qui sont
librement proposées dans les écoles catholiques au sujet de celle qui occupe dans la
Sainte Eglise la place la plus élevée au-dessous du Christ, et nous est toute proche
(4).
II Rôle de la bienheureuse Vierge dans l'économie du
salut.
(La Mère du Messie dans l'Ancien Testament.)
55 Les Saintes Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament et la Tradition vénérable
mettent dans une lumière de plus en plus grande le rôle de la Mère du Sauveur dans
l'économie du salut et le proposent pour ainsi dire à notre contemplation. Les livres de
l'Ancien Testament décrivent l'histoire du salut et la lente préparation de la venue du
Christ au monde. Ces documents primitifs, tels qu'ils sont lus dans l'Eglise et compris à
la lumière de la Révélation postérieure et complète, font apparaître progressivement
dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur. Dans cette
clarté, celle-ci se trouve prophétiquement esquissée dans la promesse d'une victoire
sur le serpent faite à nos premiers parents après la chute (cf. Gen. 3, 15).
De même, c'est elle, la Vierge, qui concevra et enfantera un fils auquel sera donné le
nom d'Emmanuel (cf. Is. 7, 14; cf. Michée 5, 2-3; Matth. 1, 22-23). Elle occupe la
première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent
le salut de lui avec confiance. Enfin, avec elle, la fille de Sion par excellence, après
la longue attente de la promesse, s'accomplissent les temps et s'instaure l'économie
nouvelle, lorsque le Fils de Dieu prit par elle la nature humaine pour libérer l'homme du
péché par les mystères de sa chair.
(Marie à l'Annonciation.)
56 Mais il plut au Père des miséricordes que l'Incarnation fût précédée par une
acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant
contribué à l'oeuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie. Ce qui est
vrai à un titre exceptionnel de la Mère de Jésus qui donna au monde la Vie destinée à
tout renouveler, et fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d'une si grande tâche. Rien
d'étonnant par conséquent, à ce que l'usage se soit établi chez les saints Pères,
d'appeler la Mère de Dieu la Toute Sainte, indemne de toute
tache de péché, ayant été pétrie par l'Esprit-Saint et formée comme une nouvelle
créature (5).
Enrichie dès le premier instant de sa conception d'une sainteté éclatante absolument
unique, la Vierge de Nazareth est saluée par l'ange de l'Annonciation, qui parle au nom
de Dieu, comme « pleine de grâce » (cf. Luc 1, 28). Au
messager céleste elle fait elle-même cette réponse : « Voici la servante du Seigneur,
qu'il en soit de moi selon sa parole » (Luc 1, 38). Ainsi Marie, fille d'Adam, donnant à
la parole de Dieu son consentement, devint Mère de
Jésus et, épousant à plein coeur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté
divine de salut, se livra elle-même intégralement,comme la servante du Seigneur à la
personne et à l'oeuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la
grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la rédemption.
C'est donc à juste titre que les saints Pères considèrent Marie comme apportant au
salut des hommes non pas simplement la coopération d'un instrument passif aux mains de
Dieu, mais la liberté de sa foi et de son obéissance.
En effet, comme dit saint Irénée, « par son obéissance elle est devenue, pour
elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut » (6). Aussi, avec lui, bon
nombre d'anciens Pères disent volontiers dans leurs prédications :
« Le noeud dû à la désobéissance d'Eve, s'est dénoué par l'obéissance de Marie; ce
que Eve la vierge avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l'a dénoué par sa
foi » (7); comparant Marie avec Eve, ils appellent Marie « la Mère des vivants» (8) et
déclarent souvent : «par Eve la mort, par Marie la vie» (9).
(La Sainte Vierge et l'enfance de Jésus.)
57 Cette union de la Mère avec son Fils dans l'oeuvre du salut, est manifeste dès
l'heure de la conception virginale du Christ, jusqu'à sa mort; et d'abord quand Marie
partant en hâte pour visiter Elisabeth, est saluée par celle-ci du
nom de bienheureuse pour avoir cru au salut promis, tandis que le Précurseur
tressaillait, au sein de sa mère (cf. Luc 1, 41-45); lors de la Nativité ensuite, quand
la Mère de Dieu présenta dans la joie aux pasteurs et aux mages
son Fils premier-né, dont la naissance était non la perte mais la consécration de son
intégrité virginale (10).
Puis lorsque, dans le Temple, après avoir fait l'offrande des pauvres, elle présenta son
Fils au Seigneur, elle entendit Siméon prophétiser en même temps que le Fils serait un
signe de contradiction, et que l'âme de la Mère serait transpercée d'un glaive: ainsi
se révéleraient les pensées intimes d'un grand nombre (cf. Luc 2, 34-35). Ayant perdu
L'Enfant Jésus et l'ayant cherché avec angoisse, ses parents le trouvèrent au Temple
occupé aux affaires de son Père, et la parole du Fils ne fut pas comprise par eux. Sa
mère cependant gardait tout cela dans son coeur et le méditait (cf. Luc 2, 41-51).
(La Sainte Vierge et le ministère public de Jésus.)
58 Pendant la vie publique de Jésus, sa mère apparaît expressément, et dès le début,
quand aux noces de Cana en Galilée, touchée de pitié, elle obtint par son intercession
que Jésus le Messie inaugurât ses miracles (cf. Jean 2, 1-11). Au cours de la
prédication de Jésus, elle accueillit les paroles par lesquelles le Fils, mettant le
Royaume au-delà des considérations et des liens de la chair et du sang, proclamait
bienheureux ceux qui écoutent et observent la parole de Dieu (cf. Marc 3, 35 par. et Luc
11, 27-28), comme elle le faisait fidèlement elle-même (cf.
Luc 2, 19 et 51). Ainsi la bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi,
gardant fidèlement l'union avec son Fils jusqu'à la croix où, non sans un dessein
divin, elle était debout (cf. Jean 19, 25), souffrant cruellement avec son Fils unique,
associée d'un coeur maternel à son sacrifice, donnant à l'immolation de la victime,
née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ
Jésus mourant sur la croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots «Femme,
voici ton fils » (cf. Jean 19, 26-27) (11).
(La Sainte Vierge après l'Ascension.)
59 Mais Dieu ayant voulu que le mystère du salut des hommes ne se manifestât ouvertement
qu'à l'heure où il répandrait l'Esprit promis par le Christ, on voit les apôtres,
avant le jour de Pentecôte, «persévérant d'un même coeur dans la prière avec
quelques femmes dont Marie, Mère de Jésus, et avec ses frères » (Actes 1, 14); et l'on
voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l'Esprit qui, à l'Annonciation,
l'avait déjà elle-même prise sous son ombre. Enfin la Vierge immaculée, préservée
par Dieu de toute atteinte de la faute originelle (12), ayant
accompli le cours de sa vie terrestre fut élevée corps et âme à la gloire du ciel
(13), et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l'univers, pour être ainsi plus
entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Apoc.
19, 16), victorieux du péché et de la mort (14).
III. La bienheureuse Vierge et l'Église
(Marie, servante du Seigneur.)
60 Unique est notre Médiateur selon les paroles de lapôtre « Car, il n'y a qu'un
Dieu, il n'y a aussi qu'un Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme
lui-même, qui s'est donné en rançon pour tous » (1 Tim. 2, 5-6).
Mais le rôle maternel de Marie à l'égard des hommes n'offusque et ne diminue en rien
cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu.
Car toute influence salutaire de la part de la bienheureuse Vierge sur les hommes a sa
source dans une disposition purement gratuite de Dieu : elle ne naît pas d'une
nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ; elle
s'appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d'où elle tire toute sa vertu;
l'union immédiate des croyants avec le Christ ne s'en trouve en aucune manière
empêchée, mais au contraire aidée.
61 La bienheureuse Vierge, prédestinée de toute éternité, à l'intérieur du dessein
d'incarnation du Verbe, pour être la Mère de Dieu, fut sur la terre, en vertu d'une
disposition de la Providence divine, l'aimable Mère du divin Rédempteur, généreusement
associée à son oeuvre à un titre absolument unique, humble servante du Seigneur. En
concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant dans le
Temple à son Père, en souffrant avec son Fils qui mourait sur la croix, elle apporta à
l'oeuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi,
son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle.
C'est pourquoi elle a été pour nous, dans l'ordre de la grâce, notre Mère.
62 A partir du consentement quelle apporta par sa foi au jour de l'Annonciation et qu'elle
maintint dans sa fermeté sous la croix, cette maternité de Marie dans l'économie de la
grâce se continue sans interruption jusqu'à la consommation définitive de tous les
élus. En effet, après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s'interrompt
pas : par son intercession répétée elle continue à nous obtenir les dons qui assurent
notre salut éternel
(15).
Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas
achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu'à ce qu'ils
parviennent à la patrie bienheureuse. Cest pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée
dans l'Eglise sous les titres divers comme avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice
(16), tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition
n'en résulte quant à la dignité et à l'efficacité de l'unique Médiateur, le Christ
(17).
Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe
incarné et rédempteur. Mais tout comme le sacerdoce du Christ est participé sous des
formes diverses, tant par les ministres que par le peuple fidèle, et tout comme l'unique
bonté de Dieu se répand réellement sous des formes diverses dans les créatures, ainsi
l'unique médiation du Rédempteur n'exclut pas, mais suscite au contraire une
coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l'unique source. Ce
rôle subordonné de Marie, l'Eglise le professe sans hésitation; elle ne cesse d'en
faire l'expérience; elle le recommande au coeur des fidèles pour que cet appui et ce
secours maternels les aident à s'attacher plus intimement au Médiateur et Sauveur.
(Marie, modèle de l'Église.)
63 La bienheureuse Vierge, de par le don et la charge de sa maternité qui l'unissent à
son fils, le Rédempteur, et de par les grâces et les fonctions singulières qui sont
siennes, se trouve également en intime union avec l'Eglise : de l'Eglise, selon
l'enseignement de saint Ambroise, la Mère de Dieu est le modèle dans l'ordre de la foi,
de la charité et de la parfaite union au Christ (18).
En effet, dans le mystère de l'Eglise, qui reçoit elle aussi à juste titre le nom de
Mère et de Vierge, la bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un
titre éminent et singulier, le modèle de la vierge et de la mère
(19) : par sa foi et son obéissance, elle a engendré sur la terre le Fils du Père, sans
perdre sa virginité, enveloppée par l'Esprit-Saint, comme une nouvelle Eve qui donne,
non à l'antique serpent, mais au messager de Dieu, une foi que nul doute n'altère. Elle
engendra son Fils, dont Dieu a fait le premier-né parmi beaucoup de frères (Rom. 8, 29),
c'est-àdire parmi les croyants, à la naissance et à l'éducation desquels elle apporte
la coopération de son amour maternel.
64 Mais en contemplant la sainteté mystérieuse de la Vierge et en imitant sa charité,
en accomplissant fidèlement la volonté du Père, l'Eglise devient à son tour une Mère
grâce au Verbe de Dieu qu'elle reçoit dans la foi : par la prédication en effet, et par
le baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du
Saint-Esprit et nés de Dieu. Elle aussi est vierge, ayant donné à son Epoux sa foi,
quelle garde intègre et pure; imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve par la
vertu du Saint-Esprit, dans leur pureté virginale : une foi
intègre, une ferme espérance, une charité sincère (20).
(Les vertus de Marie, modèle pour l'Eglise.)
65 Cependant si l'Eglise, en la personne de la bienheureuse Vierge, atteint déjà à la
perfection sans tache ni ride (cf. Ephés. 5, 27), les fidèles du Christ, eux, sont
encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché :
c'est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie, exemplaire de vertu qui rayonne sur
toute la communauté des élus. En se recueillant avec piété dans la pensée de Marie,
queue contemple dans la lumière du Verbe fait homme, l'Eglise pénètre avec respect plus
avant dans le mystère suprême de l'Incarnation et devient sans
cesse plus conforme à son Epoux. Intùnement présente en effet à l'histoire du salut,
Marie rassemble et reflète en elle-même d'une certaine façon les requêtes
suprêmes de la foi et elle renvoie les fidèles à son Fils et à son sacrifice, ainsi
qu'à l'amour du Père, lorsqu'elle est l'objet de la prédication et de la vénération.
L'Eglise, à son tour, poursuivant la gloire du Christ, se fait de plus en plus semblable
à son grand modèle en progressant continuellement dans la foi, l'espérance et la
charité, en recherchant et accomplissant en tout la divine
volonté. C'est pourquoi, dans l'exercice de son apostolat, l'Eglise regarde à juste
titre vers celle qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge
précisément, afin de naître et de grandir aussi par l'Eglise dans le coeur des
fidèles. La Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être
animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de lEglise, travaillent
à la régénération des hommes.
IV. Le culte de la bienheureuse Vierge dans l'Église
(Nature et fondement du culte de la Sainte Vierge.)
66 Marie a été élevée par la grâce de Dieu, au-dessous de son Fils, au-dessus de tous
les anges et de tous les hommes comme la Mère très sainte de Dieu, présente aux
mystères du Christ; aussi est-elle légitimement honorée par l'Eglise d'un culte
spécial. Et de fait, depuis les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge est
honorée sous le titre de Mère de Dieu; et les fidèles se réfugient sous sa protection,
l'implorant dans tous leurs dangers et leurs besoins (21). Surtout depuis le Concile
d'Ephèse, le culte du peuple de Dieu envers Marie a connu un merveilleux accroissement,
sous les formes de la vénération et de l'amour, de l'invocation et de I'imitation,
réalisant les paroles prophétiques: « Toutes les générations m'appelleront
bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses» (Luc 1, 48).
Ce culte tel qu'il a toujours existé dans l'Eglise, présente un caractère absolument
unique; il n'en est pas moins essentiellement différent du culte d'adoration qui est
rendu au Verbe incarné ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint; il est éminemment apte à
le servir : maintenues en effet dans les Iimites d'une saine doctrine orthodoxe, les
formes diverses de piété envers la Sainte Vierge, que l'Eglise approuve, en respectant
les conditions de temps et de lieu, le tempérament et le génie des peuples fidèles,
font que, à travers l'honneur rendu à sa Mère, le Fils pour qui tout
existe (cf. Col. 1, 15-16) et en qui il a plu au Père éternel de faire habiter toute la
plénitude (Col. 1, 19), peut être comme il le doit connu, aimé, glorifié et obéi dans
ses commandements.
(L'esprit de la prédication et du culte de la Sainte Vierge.)
67 Cette doctrine catholique, le saint Concile l'enseigne formellement. Il engage en même
temps les fils de l'Église à apporter un concours généreux au culte, surtout
liturgique, envers la bienheureuse Vierge, à faire grand cas des pratiques et exercices
de piété envers elle, que le magistère a recommandées au cours des siècles; il
recommande de conserver religieusement toutes les règles portées dans le passé au sujet
du culte des images du Christ, de la bienheureuse Vierge et des saints (22). Il exhorte
vivement les théologiens et ceux qui portent la parole de Dieu, à s'abstenir avec le
plus grand soin, quand la dignité unique de la Mère de Dieu est en cause, à la fois de
tout excès contraire à la vérité et non moins d'une étroitesse injustifiée (23).
L'application à la Sainte Ecriture, aux écrits des Pères et des docteurs, l'étude des
liturgies sous la conduite du magistère doivent leur faire mettre dans une juste lumière
le rôle et les privilèges de la bienheureuse Vierge, lesquels sont toujours orientés
vers le Christ, source de la vérité totale, de la sainteté et de la piété. Qu'ils se
gardent avec le plus grand soin de toute parole ou de tout geste susceptibles d'induire en
erreur, soit nos frères séparés, soit toute autre personne, sur la véritable doctrine
de l'Eglise. Que les fidèles se souviennent qu'une véritable dévotion ne consiste
nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, pas plus que dans
une vaine crédulité; la vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous conduit à
reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aùner cette
Mère d'un amour filial, et à poursuivre I'ùnitation de ses vertus.
V. Marie, signe d'espérance assurée et de consolation pour
le peuple de Dieu en pèlerinage sur la terre.
68 Cependant, tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la
Mère de Jésus représente et inaugure l'Eglise en son achèvement dans le siècle futur,
de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2 Pierre 3, 10)
elle brille déjà comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le peuple
de Dieu en pèlerinage.
69 Le saint Concile trouve une grande joie et consolation au fait que, parmi nos frères
séparés, il n'en manque pas qui rendent à la Mère du Seigneur et Sauveur l'honneur qui
lui est dû, chez les Orientaux en particulier, lesquels vont, d'un élan fervent et d'une
âme toute dévouée, vers la Mère de Dieu toujours Vierge pour lui rendre leur culte
(24).
|