LE RAYONNEMENT DU COEUR
DE JÉSUS
Le siècle de Marguerite-Marie est celui de
l'éclatement de l'hérésie janséniste condamnée au siècle suivant par
la bulle "Unigenitus". On présente alors volontiers un Dieu terrible
et sévère en opposition au Dieu d'Amour et de Miséricorde. Le message
d'amour du Coeur de Jésus arrive donc à point nommé, il aura
d'ailleurs un autre apôtre, dans le même siècle, en Saint Jean-Eudes.
Lorsqu'elle entre chez les visitandines,
Marguerite-Marie est déjà marquée par le Seigneur. Toute jeune, elle a
fait voeu de chasteté, entre les deux élévations, lors d'une messe,
sans même connaître le sens des paroles qu'elle prononce alors : « O
mon Dieu, je vous consacre ma pureté et je vous fait voeu de
perpétuelle chasteté ». Marguerite-Marie a alors quatre ans. Plus
tard, après quatre années d'une longue maladie qui la cloue au lit,
elle obtient sa guérison en se consacrant à la Vierge Marie et lui
promet d'être un jour une de ses filles et alors qu'elle est sur le
point d'entrer chez les ursulines de Macon, une voix secrète lui dit :
« Je ne te veux point là, mais à Sainte-Marie... ». La
Visitation lui est alors clairement désignée et l'on ne peut que se
rappeler les paroles du fondateur de l'ordre, saint François de Sales
lorsqu'il écrit à sainte Jeanne de Chantal le 10 juin 1611 : « Vraiment
notre petite congrégation est un ouvrage du Coeur de Jésus et de
Marie. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son Sacré
Coeur. » et ces mots de Sainte Chantal : « Si les soeurs de la
Visitation sont bien humbles et fidèles à Dieu, elles auront le Coeur
de Jésus pour demeure et séjour en ce monde ».
Marguerite-Marie rentre donc chez les visitandines
de Paray-le-Monial, c'est là que le Seigneur lui fait savoir son désir
de faire connaître au plus grand nombre l'amour de son Coeur.
Jésus lui apparaît de nombreuses fois, alors qu'elle
était en prière devant le Saint-Sacrement. L'essentiel de son message
est regroupé dans trois de ces révélations.
La première a lieu le 27 décembre 1673 : « Une
fois, étant devant le Saint-Sacrement... me trouvant toute investie de
cette divine présence... je m'abandonnai à ce divin Esprit, livrant
mon coeur à la force de son amour... Il me fit reposer fort longtemps
sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son
amour, et les secrets inexplicables de son Sacré-Coeur... Il me dit :
"Mon divin Coeur est si passionné d'amour pour les hommes, et pour
toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les
flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton
moyen, et qu'il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux
trésors que je te découvre..." ».
La deuxième se situe probablement un des premiers
vendredis de l'année 1674 : « Et une fois, entre les autres que le
Saint-Sacrement était exposé, après m'être retirée toute au dedans de
moi-même... Jésus-Christ, mon doux maître, se présenta à moi, tout
éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils,
et de cette sacrée Humanité sortaient des flammes de toute part, mais
surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise; et
s'étant ouverte, me découvrit son tout aimant et tout aimable Coeur,
qui était la vive source de ces flammes. Ce fut alors qu'il me
découvrit les merveilles inexplicables de son pur amour, et jusqu'à
quel excès il l'avait porté d'aimer les hommes, dont il ne recevait
que des ingratitudes et méconnaissances... ».
Lors d'une apparition ultérieure dont la date est
imprécise mais que l'on peut placer dans le courant du mois de juin
1675, Jésus demande une fête spéciale de son Coeur. « Étant une
fois devant le Saint-Sacrement, un jour de son octave, je reçus de mon
Dieu des grâces excessives de son amour... Alors me découvrant son
divin Coeur : "Voilà ce Coeur qui a tant aimé les hommes, qu'il
n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consommer pour leur témoigner
son amour; ...je te demande que le premier vendredi d'après l'octave
du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon
Coeur, en communiant ce jour là, et en lui faisant réparation
d'honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu'il
a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels..." ».
Le contenu de cette apparition est une des
spécificités du message de Paray qui vise à faire rendre un hommage au
Coeur du Christ par l'Église entière. On ne trouve pas ici un culte
nouveau, mais l'universalisation de ce culte. Il faut noter également
le lien étroit établi par le Christ Lui-même entre son Coeur et
l'Eucharistie.
LA VOCATION PARTICULIÈRE
DE MARGUERITE-MARIE
A la lecture des dialogues d'amour entre le Christ
et Sa servante et des mortifications et pénitences que celle-ci
s'impose, on peut être surpris voire choqué ou effrayé. La raison
devient ici facilement un barrage à la compréhension de cet amour
surnaturel. Le style redondant de l'époque des écrits de la Sainte est
en lui-même un autre obstacle. Il faut également souligner qu'elle ne
s'est pas relue obéissant ainsi à ce qui lui a été demandé.
La jeunesse de la petite Marguerite-Marie est déjà
marquée par la maladie et la détresse morale. D'une santé fragile,
elle n'a que huit ans lorsque son père meurt puis perd une soeur. Sa
mère et ses frères comme elle-même sont victimes des persécutions
quotidiennes de tantes acariâtres avec lesquelles ils habitent. Après
une longue et douloureuse maladie, elle soigne sa mère à son tour
gravement malade, malgré la répulsion que certains soins occasionnent
à sa sensibilité exacerbée. Son entrée au couvent elle-même ne se fait
qu'après une séparation difficile de sa mère et un longue lutte avec
les siens. Toute sa vie religieuse sera imprégnée de souffrance et
d'humiliation, jusque dans la banalité de la vie quotidienne.
La souffrance que subit Marguerite-Marie est
toutefois contenue dans sa vocation propre d'accompagner le Christ
dans Sa Passion afin notamment d'aider au soulagement des âmes du
purgatoire et plus particulièrement les âmes consacrées. Le Seigneur,
en échange de ces souffrances la comble de grâces "inexplicables" nous
dit la sainte qui insiste sur le "feu" de l'amour qu'elle reçoit pour
en souligner l'intensité : « J'avoue que depuis ce temps, je
sentais un feu si ardent et si violent que j'aurais voulu le
communiquer à toutes les créatures, afin que mon Dieu fût aimé. »
Ainsi l'apparition de la Sainte Trinité : « ...Notre-Seigneur me
continuant toujours ses grâces, je reçus celle incomparable qu'il me
sembla,... que les trois Personnes de l'adorable Trinité se
présentèrent à moi, qui firent sentir de grandes consolations à mon
âme. Mais ne pouvant m'expliquer ce qui se passa alors, sinon qu'il me
sembla que le Père éternel, me présentant une forte grosse croix toute
hérissée d'épines, accompagnée de tous les autres instruments de la
Passion, il me dit : "Tiens, ma fille, je te fais le même
présent qu'à mon Fils bien-aimé. Et moi" me dit mon Seigneur
Jésus-Christ, "je t'y attacherai comme j'y ai été attaché, et
je t'y tiendrai compagnie." Et la troisième de ces adorables Personnes
me dit : "Que lui qui n'était qu'amour, m'y consommerait en me
purifiant." Mon âme demeura dans une paix et une joie
inconcevables, car l'impression qu'y firent ces divines Personnes ne
s'est jamais effacée. Ils me furent représentés sous la forme de trois
jeunes hommes vêtus de blanc, tout resplendissants de lumière, de même
âge, grandeur et beauté. »
Ou encore cette parole du Christ à propos du désir de l'Eucharistie
toujours présent chez Marguerite-Marie : "Ma fille, j'ai vu tes
gémissements, et les désirs de ton coeur me sont si agréables, que si
je n'avais pas institué mon divin sacrement d'amour, je l'instituerais
pour l'amour de toi, pour avoir le plaisir de loger en ton âme, et
prendre mon repos d'amour dans ton coeur."
C'est enfin l'aboutissement avec le mariage
spirituel du Christ et de la sainte, « suprême degré ici-bas de
l'union de Dieu et d'une âme ».
Il a lieu au cours de l'automne 1674, pendant la retraite annuelle de
la sainte : « Il épousa mon âme à l'excès de sa charité, mais d'une
manière et union inexplicables, changeant mon coeur en une flamme de
feu dévorant de son pur amour, afin qu'il consume tous les amours
terrestres qui s'en approcheraient; me faisant entendre que m'ayant
toute destinée à rendre un continuel hommage à son état d'hostie et de
victime au très Saint-Sacrement, je devais en ces mêmes qualités, lui
immoler continuellement mon être par amour d'adoration,
d'anéantissement et de conformité à la vie de mort qu'il a dans la
sainte Eucharistie ».
UNE AIDE POUR NOTRE
PRIÈRE PERSONNELLE
La première chose que l'on remarque, c'est la place
privilégiée dans la vie de soeur Marguerite-Marie de l'adoration du
Saint-Sacrement, les révélations les plus importantes ont d'ailleurs
lieu « une fois que le Saint-Sacrement était exposé... ».
On note également avec quelle assuidité Marguerite-Marie est fidèle à
l'Eucharistie : « Tu me recevras dans le Saint-Sacrement autant de
fois que l'obéissance [aux règles de la communauté] te le voudra
permettre », lui dit d'ailleurs le Seigneur qui lui demande
d'autre part la régularité dans la prière, notamment dans la pratique
de l'heure sainte.
Lorsque qu'elle est maîtresse des novices, les
billets qu'elle leur adresse indique que les conseils prodigués ont
été muris dans la prière, elle commence par exemple ainsi : « Après
m'être adressé au Sacré Coeur de notre Seigneur à l'oraison et à la
communion, je vous dirai simplement ma pensée »... ou encore : « Vous
offrant hier soir à notre Seigneur, cette pensée me tomba dans
l'esprit... »
APERÇU DE LA VIE DE
SAINTE MARGUERITE-MARIE
22 juillet 1647 |
Naissance de Marguerite-Marie Alacoque |
Vers 1651 |
Elle prononce le voeu de chasteté |
25 mai 1671 |
Première visite à la Visitation de Paray. Elle entend au
parloir cette parole intérieure : « C'est ici que je te veux ». |
20 juin 1671 |
Elle entre au monastère comme postulante. |
25 août 1671 |
Prise d'habit. |
27 décembre 1673 |
Première grande révélation du Sacré-Coeur. |
1674 |
Autre grande révélation. Notre Seigneur l'appelle la
« disciple bien-aimée de son Sacré-Coeur ». |
Février 1675 |
Arrivée à Paray du
Père Claude La Colombière. |
Juin 1675 |
Dernière révélation « Voilà ce Coeur qui a tant aimé les
hommes... » |
1er janvier 1685 |
Marguerite-Marie est nommée Maîtresse des Novices. |
17 octobre 1690 |
Mort de Sainte Marguerite-Marie. |
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