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Yvonne Aimee de Malestroit
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Voir aussi la communaute des
Augustines de Malestroit
" Je suis née le 16 juillet, le jour de la
belle fête de Notre-Dame du Mont-Carmel. Je fus bien accueillie par maman, très
mal par papa, qui me bouda 4 jours.
Il aurait voulu un garçon et j'étais la
deuxième fille (ma soeur Suzanne me précédait de 2 ans 1/2). Néanmoins, le
cinquième jour, papa m'embrassa et je devins son " cher petit garçon manqué ".
Je fus baptisée dès le 18, ondoyée plutôt,
car le baptême n'eut lieu que 2 mois après.Toute petite, j'aimais déjà beaucoup
la Sainte Vierge, et grand-maman m'a dit que souvent j'embrassais sa statue.
Je me souviens qu'un jour, j'avais cinq
ans, grand-mère me parlait de cette bonne Mère, elle me disait quel tendre amour
elle avait pour nous et combien elle était belle et pure.
Je devins alors toute triste à la pensée que
je pourrais perdre ma pureté et je la suppliai de me garder blanche comme un lys.
Je suis née avec une quantité de défauts,
mais je crois que, de tous, la colère était le dominant. Pour un rien, je
trépignais et me roulais par terre.
A 16 mois, je promettais de donner " bien du
fil à retordre ", comme disait mon parrain à ma chère maman.
Papa est mort, j'avais 3 ans 1/2, et de ces
premières années de mon enfance, je n'ai que de vagues souvenirs. Cependant, je
me souviens de la mort de papa et du dernier baiser qu'il me donna !
Ô mon petit Jésus, je me donne à toi
entièrement et pour toujours.
Je voudrai toujours ce que tu voudras.
Je ferai tout ce que tu me diras de faire.Je
ne vivrai que pour toi.
Je travaillerai en silence et, si Tu veux, je
souffrirai beaucoup en silence.je te supplie de me faire devenir sainte,une très
grande sainte, une martyre.
Fais-moi être fidèle toujours.Je veux sauver
beaucoup d'âmes et t'aimer plus que tout le monde,mais je veux aussi être toute
petite,afin de te donner plus de gloire.
Je veux te posséder, mon petit Jésus,et te
rayonner.Je veux n'être qu'à toi mais je veux surtout ta volonté.
Ta petite Yvonne
1er janvier 1911
VOCATION
Le 13 juillet 1914, Yvonne est partie en
Angleterre. Elle s'y épanouit humainement et spirituellement.
Elle veut entrer chez les Filles de Jésus de
Kermaria, où elle est pensionnaire : comme Thérèse de Lisieux, pour ses 15 ans
qu'elle atteindra le 16 juillet suivant.
Ma chère petite Maman,
Je viens de recevoir ta lettre qui m'a
fait bien plaisir, mais cependant, il y a quelque chose dedans qui m'a attristée,
c'est de voir que tu n'as pas bien compris ce que je disais dans ma dernière
lettre à propos d'aller le plus tôt possible à l'appel du Bon Dieu.
Tu me dis que je suis trop jeune.
Pas du tout, tu sais qu'il est permis
d'entrer postulante à 16 ans et par conséquent, juvéniste à quinze ans; si je
suis juvéniste à seize ans, je [ne] serai postulante qu'à dix-sept ans et je
veux l'être avant, et puis, penses-tu que cette idée m'est venue le jour même
que je te l'ai écrit.
Oh! non. Chère petite Maman, j'ai bien
attendu avant de te l'annoncer et voudrais-tu me faire attendre encore.
Cette idée n'est pas celle d'un jour ni d'une
semaine, ni d'un mois, ni de deux, ni de trois, mais cette grâce m'a été donnée
déjà depuis longtemps, je souffre de n'avoir que quatorze ans ; à mes quinze ans,
j'espère que tu ne t'opposeras pas à mon voile noir.
Que je serai peinée si dans la prochaine
lettre tu me disais la même chose….
….Je l'ai, la vocation ; je l'ai désirée
et elle est arrivée ; j'ai prié et tu as prié, maintenant je prie pour avoir le
voile noir à mes quinze ans.
Ne me fais pas la peine de me le refuser;
combien je serai triste. Tu ne t'opposes pas à un refus, oh! je le sais, je sais
ma maman trop bonne, mais maintenant, obtiens-moi ce plaisir.
C’est parce que je suis faible qu’Il m’a
choisie !
J'ai passé une période de grande
souffrance morale plus que physique...
Mais Jésus souffrait autant que moi de
l'immense détresse dans laquelle son Amour m'avait plongée.
Et il est revenu me parler, m'encourager, me
consoler...
Les nuages se sont dispersés et mon Bien-Aimé
m'a redonné sa lumière.
Que vous dirais-je de ces colloques intimes...
Tendre, d'une tendresse infinie, bon, miséricordieux à l'excès, mon Jésus ne me
parle que d'amour, d'abandon, de confiance.
Il me fait pénétrer quelques-uns de ses
secrets...
Il me montre qu'il m'immole tout entière
parce qu'il veut de moi le véritable holocauste... Il veut se glorifier en moi...
et veut que " Je transparaisse son Amour ".
C'est parce que je suis faible et nulle qu'il
m'a choisie, afin que sa miséricorde et sa toute-puissante bonté soit proclamée
bien haut. Qu'Il soit béni!
Remontons à sa petite enfance.....A cette
époque elle voyait des pauvres qui venaient sonner à la porte pour demander la
charité.On leur donnait du pain, une pièce ...elle même lorsqu’on sonnait à la
porte allait leur ouvrir pour leur donner ce bout de pain ou cette pièce de
monnaie mais toujours accompagnés d’une parole gentille...
Vers l’âge de 18 ans à la fin de ses études
secondaires Yvonne a commencé à visiter les pauvres de la banlieue parisienne :
Boulogne-Billancourt, la Courneuve, Bobigny ...quartiers considérés comme
dangereux où même la police n’osait guère s’aventurer !Une sœur de St Vincent de
Paul lui avait donné quelques adresses et elle même en avait trouvé d’autres....
C’était en 1920 ,une époque où il n’existait
aucune protection sociale, aucune retraite, aucune prestation. Tous les
malheureux qui vivaient dans cette banlieue parisienne dite " rouge ",vivaient
dans une misère noire...Seule la charité privée les secourait....Yvonne Aimée
passait ses journées dans ces quartiers ,soignant les malades, s’occupant des
vieillards, des mourants, des femmes en couches, organisant des obsèques
décentes pour les pauvres des bidonvilles...bref, elle y passait toutes ses
journées et y dépensait toutes ses ressources...Elle s’occupait de deux sortes
de pauvres.....les siens ou ceux qu’on lui indiquait et ceux que Jésus lui
désignait...Elle a pratiqué ainsi de 18 à 27 ans un apostolat impressionnant.
Ce qui était beau chez Yvonne, était
l’harmonie des gestes !Tout était harmonieux en elle.Les yeux gris bleu, elle
avait un regard très doux, lumineux et pénétrant.
Son regard donnait l’impression de vous
pénétrer jusqu’au fond du cœur...et parfois de lire dans l’avenir des événements
qui nous échappaient...
Elle répandait autour d’elle une atmosphère
qui n’était pas de ce monde ,et pourtant elle était incroyablement humaine. Il y
avait en elle un mélange de simplicité et de majesté et de douceur ....et c’est
bien là la marque de ceux qui ont l’expérience de Dieu .
Premier Appel : 21 ans
Le 5 juillet 1922, j'étais au lit depuis
10 minutes environ, quand j'entendis distinctement mon nom : " Yvonne "!
Je tournai la tête vers la cheminée, d'où la
voix semblait venir. Il n'y avait personne. Pensant que je m'étais trompée, je
me recouchai et essayai de dormir. Une seconde fois, j'entendis : " Yvonne "!
J'eus peur, très peur, et je mis la tête sous mes couvertures et je commençai à
réciter le " Notre Père ", tout haut.
Arrivée à ces paroles : " Pardonnez-nous nos
offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés ", la voix se
fit de nouveau entendre : " Yvonne "!Je me mis à genoux sur mon lit et du côté
de la cheminée je vis une lueur... rien de naturel ne la provoquait!
Puis une Croix se dessina pendant que la voix
d'une extrême douceur disait :
- Veux-tu La porter?
- Oh! oui Seigneur, répondis-je.
Je me sentis à ce moment même envahie d'un
bonheur immense. La voix reprit :
-Sois une âme abandonnée. Accepte les
épreuves que Je t'enverrai comme la plus grande grâce et la plus grande faveur
donnée aux âmes que j'aime. Accepte-les sans t'en plaindre, sans en examiner la
nature ou la durée, sans t'en prévaloir. Ne prête pas attention à ce qui te
mortifiera ou t'humiliera, Regarde-Moi, je t'aime. Cela ne suffit-il pas à ton
coeur?
- Oh si, Seigneur, répondis-je, je Vous aime.
Mais est-ce bien Vous qui daignez me parler, et Vous occuper de votre petite
créature ?
Dites, Seigneur Jésus, est-ce bien Vous ?Alors
je vis une main s'avancer près de la Croix, cueillir une fleur de lys et me la
donner.A ce moment, j'éprouvai un transport de joie et d'amour qui me fit
presque défaillir; mais cela me parut durer peu, seulement mon âme était remplie
de paix
Témoignage du père Labutte
Notre rencontre a eu lieu à la Brardière
en Janvier 1927.
Je ne connaissais rien d’ Yvonne Aimée.Je
savais seulement qu’une jeune fille extraordinaire priait pour ma vocation ,
sans savoir que c’était elle ! Quand je me suis trouvé en sa présence pour la
première fois j’ai eu l’intuition percutante que c’était une femme vraie jusqu’à
la racine de son être.
Et pendant les vingt cinq années d’amitié
profonde qui ont suivi, j’ai pu vérifié le bien fondé de cette intuition qui
m’avait traversé ce jour là.Au fil des années , notre amitié a revêtu différents
aspects :elle était pour moi une amie merveilleuse , comme une sœur aînée, une
seconde mère et sans jamais l’avoir cherché, un maître spirituel...
.Elle marchait d’un pas très rapide, léger
qui donnait parfois l’impression de ne pas toucher terre.Dans sa jeunesse elle
avait beaucoup aimé la danse , surtout les danses de groupe et jusqu’à la fin de
sa vie , elle conserva le sens du rythme . Il lui est arrivé même au couvent
d’esquisser quelques pas de danse...
Elle priait d’un façon assez sainte . Elle
vivait en constante union avec le Seigneur !
Sa prière s’exprimait tantôt par les mots ,
tantôt par le regard ,tantôt par le silence . On lui a demandé une fois ,
combien de temps elle pouvait rester sans penser au Seigneur : " Quelques
minutes ... " répondit-elle !
Au milieu de ses occupations accaparantes ,
elle trouvait le moyen de réciter un rosaire par jour .
Durant la messe , à l’élévation , elle fixait
le pain et le vin d’un regard brillant , lumineux qui donnait l’impression de
voir l’invisible !
J’ai toujours été impressionné quand je lui
donnais la Sainte Hostie par son regard d’ Amour et de Foi extraordinaire...
Comme les bonnes nuits étaient rares ,
elle les passait à prier ! Je lui ai demandé une fois comment elle priait la
nuit !
Elle me répondit que parfois , avec la
permission de Dieu , elle pouvait entendre les prières qui montaient de tous les
coins de la terre et elle s’y unissait
.Une autre fois elle me dit cette parole
mystérieuse : "... la nuit , il m’arrive de scruter les peuples ... "
Si ma mémoire est bonne , il me semble que
les premières visites du Seigneur ont eu lieu vers 21 ans ,dans une période de
sa vie ,qu’elle même plus tard appellera " son printemps mystique " !
témoignage du Père Labutte (suite)
C’est à Malestroit , jeune fille qu’elle vit
le Seigneur dans toute sa beauté .Et plus tard au cours de ce même séjour elle
eût plusieurs manifestations du Seigneur . Sur ma demande , elle me les avait
racontées . C’est ainsi qu’elle allait sur les bords du canal à Malestroit ,dans
un petit bois et que là sur un banc le Seigneur la rejoignait et l’instruisait !
D’autres fois , à l’entrée d’un chemin, au bords de l’Ouste , le Seigneur
l’attendait . Elle a beaucoup plus appris du Seigneur directement que par les
livres...
Souvent dans les comptes rendus donnés au
Père Crêté son directeur spirituel , on retrouvait ces expressions : " le
Seigneur m’a dit...le Seigneur m’a fait comprendre...... " Elle était vraiment
disciple du Seigneur !Il lui arrivait de se rendre à la Chapelle la nuit, et là
le Seigneur l’attendait pour une conversation nocturne.. J’essayais d’imaginer
ce qu’était la souffrance de ne plus le voir quand on l’avait vu...elle m’avait
dit ... " Parfois le plein midi de la terre me semble ténèbres ! "
Quand elle avait la visite du Seigneur il y
avait des signes avant coureurs : un encens mystèrieux qui emplissait la pièce
et qui parfois descendait en volutes du plafond accompagné d’un parfum que je
n’ai jamais senti ailleurs....un parfum qui n’était pas de la terre...Quand
Yvonne Aimée voyait ces spirales d’encens , elle exultait de joie car c’était le
signe que le Seigneur allait venir ! Elle a aimé le Seigneur d’une façon inouïe...je
crois pouvoir dire qu’elle ne lui a jamais rien refusé , et en contrepartie le
Seigneur Lui non plus ne lui refusait rien .
Elle a souvent vu aussi la Sainte Vierge .Du
fait qu’elle n’avait pas de messages à transmettre ,comme Bernadette par exemple,
elle n’en parlait pas et il serait difficile de tenir des statistiques. C’était
des apparitions privées , mais elle m’avait permis de l’interroger et si je ne
l’avais pas interrogé il y aurait eu beaucoup de choses que nous n’aurions
jamais sues.
La veille ou le jour du 15 Août la Vierge lui
apparaissait .
En Août 1947 , je me trouvais près d’elle.
Après avoir célébré la messe , nous avons pris le café et tout en la servant je
lui demandai si elle avait vu la Vierge . Elle sursauta et me répondit " Oui...oui....
".Je lui demandai comment cela s’était passé.... " Oh d’une manière très
simple. Je dormais, puis tout à coup ouvrant les yeux , j’ai vu une grande
lumière. Je me suis aussitôt levé et la Sainte Vierge m’apparut .Comme Je
m’agenouillais elle me dit de remonter dans mon lit, ce que j’ai fait et elle
s’assit sur le rebord de mon lit et nous avons parlé durant une heure environ .
Nous avons parlé de la France .Elle me dit qu’en France nous n’aimions pas assez
son Fils et c’est pour cela que les choses allait mal .Nous avons aussi parlé
des problèmes de l’Eglise.
La Sainte Vierge disait aussi que la
consécration à son Cœur Immaculé n’avait pas été suffisamment faite , à ce
moment là .Voilà un exemple d’apparition ; le compte rendu qu’elle m’en faisait
était très laconique Quand elle faisait des conférences sur la Sainte Vierge
elle donnait la doctrine traditionnelle.Elle ne faisait jamais état de la
moindre apparition.
Une autre fois la Vierge lui apparut , il me
semble que c’était en 1941 . Elle me disait: " ..je sentais la tiédeur de son
corps ,je pouvais toucher son vêtement, j’entendais sa respiration...je voyais
ses yeux.. A un moment Notre Dame a relevé son voile par dessus ma tête, à la
manière juive, et sous son voile elle m’a embrassée. On ne pourrait pas dire ce
qu’est la simplicité de la Sainte Vierge tellement c’est beau , simple et humain...En
1941 elle habitait cette pièce où nous sommes actuellement. Le matin elle
faisait son ménage puis venait aider à la cuisine. Elle préparait le dessert
puis partait prier dans le petit bois de la propriété . Un jour allant la
chercher j’entonnais le " Gloria in Excelcis Deo "....
J’aperçus Yvonne Aimée qui venait à ma
rencontre et dont le visage s’illumina de joie .En rentrant, je lui demandai ce
qui s’était passé et elle m’expliqua que lorsque j’avais entonné le Gloria ,elle
avait entendu son Ange qui disait " ....venez vite au petit bois , notre sœur
Yvonne Aimée est là " et le bois s’est empli d’Anges.Elle vivait en présence de
ses Anges . Deux Anges, un grand et un petit ,si je puis dire . Le grand
s’appelait " Lumen " et le petit " Laetare ".
Témoignagne du Père Labutte.....(suite)
Malheureusement elle voyait aussi le démon
. Elle l’a vu dans cette pièce où nous sommes actuellement. Un soir , en 1941 ,
nous sommes venus ma tante et moi pour la voir et nous l’avons trouvé dans
l’angle de cette pièce , poussant devant elle un guéridon pour se protéger d’un
adversaire qui pour nous était invisible . Elle avait un visage décomposé par la
peur alors que c’était une personne qui ordinairement n’avait pas peur . Même
les gens de la Gestapo qu’elle avait affronté n’avait pu l’effrayer . Là nous
avons vite compris qu’il s’agissait d’une agression satanique et nous avons en
avons eu la preuve . La pièce dans laquelle nous étions , généralement toujours
fraîche en Septembre s’est emplie d’une chaleur insoutenable , peut-être 80° ,et
ma tante et moi nous nous sommes mis à transpirer intensément...
Tout cela a duré environ un quart d’heure
et Yvonne-Aimée le visage marqué par la terreur se tenait toujours dans le coin
de la pièce . Puis peu à peu la température est redevenue normale....J’ai alors
demandé à Yvonne-Aimée, en sortant de la pièce ,à mi-voix , si c’était bien le
démon ; elle m’a répondu " ..oui c’était bien lui... " ! Puis elle a parlé
d’autre chose. Elle passait d’un monde à l’autre avec une facilité
extraordinaire .
Je parlais avec elle de théologiens qui
prétendaient que le démon n’avait pas d’existence personnelle et que ce n’est
que le symbole des forces du mal , forces obscures....Elle m’avait répondu : "
Si ces gens là , trouvaient un jour en allant se coucher , le démon au pied de
leur lit,peut-être y croiraient-ils ! "
Je l’ai vue à Malestroit déchiré par le démon.
J’étais avec elle , l’Evêque de Bayeux-Lisieux et une autre religieuse . Notre
conversation portait sur des choses tout à fait matérielles . Nous parlions de
l’envoi de colis aux parisiens affamés . Tout en prenant part à la conversation
je sentais qu’ Yvonne-Aimée était tendue , comme sur ses gardes . Tout à coup
elle a poussé un petit cri et ses bras sont tombés de chaque côté du fauteuil .
J’ai vu alors sur sa guimpe blanche se dessiner trois raies rouges de sang qui
se sont progressivement rejointes faisant une grosse tache .
Je me souviens que la religieuse qui était
là , son assistante ,a relevé le haut de cette guimpe et j’ai pu voir les chairs
déchirées comme par un croc de boucher qui les auraient labourées...il y avait
aussi les mêmes cicatrices , mais dans l’autre sens ! J’ai assisté aussi à des
exorcismes qui ont été faits pour elle par l’Evêque de Bayeux . L’Eglise ordonne
à Satan de lâcher cette personne....c’est effrayant comme liturgie .Elle avait
été attaquée par le démon . L’Evêque était présent ainsi que son assistante,
l’infirmière et moi-même ! De 21 heures à 1h du matin le combat a été terrible .
Les blessures faites traversaient les vêtements de part en part . Nous avons su
le lendemain qu’elle avait reçu plus de quatre vingt coups de griffes , profonds
jusqu’à l’os ! Tout cela formait , paraît-il , de gros bourrelets gros comme mon
petit doigt et que j’ai observé moi-même plus tard lors de son exhumation.
Le lendemain elle circulait dans son
monastère comme si de rien n’était .
Après la mort d’ Yvonne-Aimée j’ai eu
l’occasion pendant plusieurs années de rassembler sur elle,un certain nombre de
témoignages de tous ordres.
J’ai essayé de constituer un dossier
spirituel , un dossier graphologique ainsi qu’un dossier médical et
psychologique .
Toutes ces disciplines ne sont pas des
sciences exactes , mais leur convergence étaient impressionnantes.
On peut dire que le résultat final de cette
enquête pourrait être celui-ci :elle était émotive , hypersensible .
La moindre souffrance et la moindre joie
avaient un grand retentissement sur elle.
La conclusion est celle-ci : " ... aucune
névrose , aucune simulation même inconsciente , aucune hystérie , aucune pente
hallucinatoire , aucune divagation imaginaire ,aucune trace de morcellement .
La tendance contraire dominait :
discipline personnelle , solidité mentale , bel et constant équilibre nerveux ,
harmonie des facultés ,unité de la personnalité .
Tout cela ressort des différentes enquêtes
médico-psychologiques et graphologiques :
j’ai demandé à un professeur de Faculté , un
grammairien , d’étudier la syntaxe d’ Yvonne-Aimée .
Le Père Roland de la Faculté Catholique
d’Angers , m’a dit de sa syntaxe ,qu’on ne pouvait pas en déduire qu’elle était
une Sainte , mais que c’était une femme admirablement équilibrée .Mêmes
conclusions de Mme Monnot qui a étudié l’écriture d’ Yvonne-Aimée .
Cette personne nous avait été conseillée par
le Carmel de Lisieux car elle avait étudié tous les écrits de Ste
Thérèse.Yvonne-Aimée m’avait dit un jour : " ..tu sais , j ’étais la personne
la moins prédisposée à ces affaires là ! "
Elle n’étais pas du tout imaginative ,mais au
contraire concrète et pratique avant tout ! Voilà l’essentiel de sa vie
spirituelle.
Hosties profanées....(témoignage du
P.Labutte)
Parmi les choses les plus étonnantes de la
vie d ’Yvonne-Aimée il y avait les recherches d’Hosties profanées. Tout avait
commencé en 1923 approximativement . Elle était jeune fille et assistait à la
messe à Notre Dame des Victoires . Elle avait remarquée une personne qui ayant
communié avait repris l’hostie , l’avait mise dans son sac et était partie . La
jeune Yvonne-Aimée qui avait une foi immense en la présence réelle du Seigneur
dans l’Eucharistie fut bouleversée .Elle fit des recherches durant deux jours et
finalement retrouva et la personne et l’hostie que cette dernière avait emportée
. C’était le début de ses recherches d’hosties profanées soit à Paris soit en
Ile de France . Une fois elle est allée jusqu’à Cologne pour rechercher une
hostie profanée . Tantôt elle devinait la profanation des hosties , tantôt elle
était avertie surnaturellement .Plusieurs fois par an toute sa vie , mais
occasionnellement elle faisait ces recherches . Et l’histoire qui s’est passée à
la Brardière se situe dans ce contexte : C’était le 16 Septembre 1941 . Yvonne-Aimée
passait ici une quinzaine de jours .
Après le déjeuner nous sommes allés nous
promener vers le petit bois . Arrivés vers la cabane qui à l’occasion nous
servait d’ermitage ,nous avons pris des photos de la cabane et de nous mêmes
avec un Kodak à pied .Des photos inutiles mais nous étions en vacances....Nous
avons laissés l’appareil dans la cabane , puis nous sous sommes séparés . Elle
est restée là à prier dans l’ermitage et moi je me suis un peu éloigné mais pas
trop car j’avais toujours peur qu’il lui arrive quelque chose .
Et voici que vers 16 heures j’ai entendu
Yvonne-Aimée pousser des exclamations.....comme quelqu’un qui assistait à un
spectacle horrible et qui manifestait sa peine , son chagrin et son étonnement .
Je suis arrivé en courant....elle continuait de s’exclamer, néanmoins les
quelques paroles qu’elle laissa échapper me permirent de comprendre qu’elle
suivait de loin une scène de profanation d’hosties.
Deux hommes me dit-elle s’acharnaient sur une
petite hostie .Oh , disait-elle , ils la piétinent , ils la percent avec un
poinçon ...oh ! elle saigne !Je revois Yvonne-Aimée se redressant et disant à
son Ange " ..va me chercher cette hostie , mon amour la réclame ! "Aussitôt nous
avons vu elle et moi ,un grand trait de lumière qui passait au-dessus de nous
semblant porter quelque chose de blanc...ce rayon est venu se poser sur un sapin...nous
sommes accourus et avons trouvé, posée à la verticale sur une branche de ce
sapin , une petite hostie percé en son centre et qui saignait....
Elle ou moi , je ne m’en rappelle plus, avons
eu le réflexe d’aller chercher l’appareil photo dans la cabane . Yvonne-Aimée a
photographié cette hostie " debout " sur la branche de l’arbre, Après quoi j’ai
saisi cette hostie , ce n’est donc pas une hallucination , j’ai cueilli une
feuille d’arbre en guise de corporal et j’ai placé dessus l’hostie .Et comme le
montre la photo l’hostie se tient verticalement sur la feuille . Je l’ai
transporté dans l’ermitage aux pieds d’une statue de la Sainte Vierge . Il y
avait dans cet ermitage deux flambeaux et lorsque nous sommes entrés avec
l’hostie miraculeuse , ces deux flambeaux venaient d’être allumés ! par qui ?
Nous ne le saurons jamais !
C ‘est là que le Seigneur lui a parlé de
la valeur du silence , qu’il lui a redit de ne pas raisonner les choses
incompréhensibles et il a ajouté cette parole de toute beauté : " La nuit de
ton esprit sera le soleil de ton âme ". J’ai invité ma tante à nous rejoindre et
elle aussi a vu l’hostie qui saignait . Puis après un temps d’adoration est
repartie . Je suis resté quelques instants avec Yvonne-Aimée et je pense que
c’est à cet instant que sur la porte de la cabane une inscription s’est tracée
sous nos yeux , lettre après lettre : " le Ciel a visité la terre "....Le soir
à la nuit tombante , je suis retourné au petit bois pour voir l’hostie et
Yvonne-Aimée . Elle me demanda de ramener l’hostie à la maison .
Ce qui s’est passé , je ne l’oublierai
jamais : je portai l’hostie saignant toujours , sur la feuille d’arbre , Yvonne-Aimée
me suivait et tout le long du chemin nous chantions des hymnes au Saint
Sacrement . A un moment donné je me suis retourné vers elle et sans réfléchir je
lui ai donné l’hostie ( à cette époque là , donner à porter le Saint Sacrement à
un laïc ou une religieuse était interdit) ....En approchant de la maison, nous
fîmes silence pour ne pas attirer l’attention de ma tante Catherine qui devait
se trouver à la cuisine, et, une fois arrivés, nous déposâmes avec respect
l’hostie dans l’armoire de la chambre de Mère Yvonne-Aimée, au rez-de-chaussée,
près du salon, parmi le linge bien blanc.
Au souper qui suivit dans la grande salle,
il ne fut question de rien avec ma tante Catherine qui continuait d’ignorer
l’événement. En sortant de table, Mère Yvonne-Aimée se retira. Je vins pour
adorer chez elle l’hostie profanée. Mère Yvonne-Aimée était déjà couchée, elle
entrait dans une sorte d’agonie. À un moment donné, elle se pelotonna sur
elle-même, poussa un gémissement et me dit : " Va vite chercher ta tante, je
suis blessée au cœur ", puis elle retomba, étendue. Effrayé, j’allai chercher ma
tante Jeanne. Viens, dis-je, parce que... oh ! son cœur saigne et elle te
demande de venir mettre un linge.Ma tante accourut et posa directement sur le
cœur de Mère Yvonne-Aimée un morceau de vieille toile blanche qu’elle retira
quelques instants après et qu’elle me tendit : la plaie sanglante du cœur s’y
était imprimée. On y distinguait l’ouverture horizontale des chairs et l’auréole
du sang. Exactement la trace qu’aurait laissé un véritable fer de lance .
Ma tante Jeanne examina la plaie et posa
sur celle-ci un second linge qui s’imprima lui aussi. Nous voulûmes demeurer à
veiller et à prier au chevet de Mère Yvonne-Aimée, mais celle-ci murmura : " Ce
n’est pas la peine... Allez dormir.. Vous ne pouvez rien pour moi...je souffre
trop. Il faut que je souffre seule "...Elle était livrée à une intense
souffrance, elle s’enfonçait dans une solitude désolée. Et, peut-être même,
cessait-elle de nous voir et entendre. J’avais l’impression qu’elle se trouvait
isolée entre " ciel et terre ".
Le lendemain, au cours de la Communion de
la Messe, je donnai à Mère Yvonne-Aimée l’hostie transpercée et sanglante . Plus
tard, je compris le parallélisme des deux mystérieux faits de ce 16 septembre
1941 : une hostie avait été percée de façon sacrilège et elle avait saigné. Le
soir, le " cœur " de Mère Yvonne-Aimée avait été lui aussi transpercé et il
saignait. " Ce coup de lance, me suis-je dit n’était-il pas comme l’ouverture
d’une source de grâces pour la Brardière, pour l’Eglise ? " J’ai aperçu un jour
ses mains percées....on voyait à travers la paume . Si l’on prenait sa paume
entre pouce et index, les deux se rejoignaient...Du fait qu’elle se déplaçait
souvent je pense qu’elle a dû beaucoup souffrir de marcher avec ses stigmates
LE TEMPS DES EPREUVES
" Une épreuve " ? ou un ensemble "
d’épreuves " nouvelles qui s’étaleront dans les années à venir et dont
quelques-unes seulement seront connues ? Cette dernière hypothèse est la plus
plausible. Epreuves personnelles qui retentiront dans son âme, son esprit, son
cœur. Son corps qui affecteront son bonheur, sa santé, mais qui s’imbriqueront
aussi dans les événements de l’Eglise et du monde. Depuis des années déjà, ses
missions d’ordre temporel ou spirituel " au service du Roi Jésus " la mettaient,
comme ses visions, au courant de bien des secrets .
À certains jours, elle paraissait écrasée,
accablée sous un fardeau qui n’était pas seulement celui d’âmes à soutenir, d’un
monastère et d’un Ordre à diriger. Un jour, n’en pouvant plus, elle m’écrivit :
" Il me semble que je porte le monde ! "
Le 6 décembre suivant, en arrivant à
Solesmes pour une retraite, je trouvai à la porterie de l’abbaye, une lettre de
Mère Yvonne-Aimée ‘. En la lisant, je communiai à l’extrême douleur qu’elle me
confiait. Je me souviens que la comparaison d’un oiseau pris dans un cyclone me
vint à l’esprit. Je devinai que Mère Yvonne-Aimée, là-bas, à Malestroit, se
tordait littéralement de douleur et mendiait à ses amis un peu de réconfort.
L’annonce des épreuves avait provoqué en elle
des doutes et des ténèbres. Elle se demandait " si elle n’avait pas été trompée
", si elle " ne m’avait pas trompé ".
Je lui répondis sans hésiter qu’elle ne
m’avait jamais trompé, que je savais son absolue droiture, que je possédais des
preuves de l’authenticité de sa voie et au surplus que je pouvais reconnaître le
bon arbre à ses fruits de vie chrétienne.
Je terminais en lui affirmant :"Je crois en
vous, je suis sûr de vous."
Cependant, que Mère Yvonne-Aimée soit si
seule après avoir été si comblée par Dieu, était pour moi une véritable
surprise. Certes. Je l’avais vue souffrir la " Passion ". Mais aujourd’hui,
c’était d’un autre ordre.
Je constatai que, dans ces heures de
déréliction, le " merveilleux " de sa vie ne lui était d’aucun secours. Je la
voyais livrée à une solitude inexprimable, ne se souvenant plus des grâces
sensibles de jadis – je n’avais pas encore saisi que la pédagogie divine, dans
le but de détacher l’âme d’elle-même et de la livrer toujours plus à l’Esprit
Saint, est faite d’une alternance de consolations et de désolations – que les
chrétiens les plus favorisés de grâces sensibles exceptionnelles sont aussi ceux
qui doivent faire preuve de foi courageuse, héroïque, à certaines périodes , que
leur déréliction qui les associe très étroitement au mystère pascal, est en
proportion des consolations qu’ils reçoivent. Dans ces heures d’agonie, comment
ne rechercheraient-ils pas l’appui et la prière de leurs amis ?
Arrêtée par la Gestapo.......
7 février 1943. Avant-hier j’ai débarqué à
Paris pour travailler, avec M. le chanoine Boulard, aumônier national de la JAC,
à établir le projet d’un livre de savoir-vivre pour les militants et militantes
du mouvement. Titre choisi : " Politesse paysanne de France 1 ". Entre deux
séances, rue d’Assas, je me rends à l’Oasis Notre-Dame de Consolation.
En présence de Soeur Saint-Vincent
Ferrier, directrice du petit couvent, Mère Yvonne-Aimée me dit : "Je vais être
arrêtée prochainement par la Gestapo"
Mais pourquoi, répliquai-je, ne prenez-vous
pas immédiatement le large ? Il est encore temps !
Non, reprit-elle, j’ai ordre du Seigneur de
rester à Paris pour ses affaires à Lui... Ce matin, dit-elle encore, j’ai senti
que j’étais filée. Deux hommes me suivaient. J’ai ralenti. Ils ont ralenti. J’ai
regardé longuement une vitrine de magasin tout en les observant dans le reflet
de la glace, Ils ont fait de même. J’ai repris mon trajet. Ils ont suivi
derrière moi. Je n’ai plus d’illusions. Ne dites rien à maman, elle aurait trop
de chagrin. Quand je serai arrêtée, ne faites aucune démarche avant huit jours,
cela pourrait tout aggraver ...
Mère Yvonne-Aimée est angoissée comme je ne
l’ai jamais vue. Je sais son courage. Or, elle ne se retient pas de trembler.Je
dois rentrer dans l’Orne, à Flers. J’hésite. Je propose de rester à Paris, à
toutes fins utiles. Mère Yvonne-Aimée veut que je parte, puisque mon devoir
m’appelle, mais, au comble de la détresse, elle vient m’accompagner jusqu’à
l’entrée du métro Michel-Ange Molitor.
Au revoir, dit-elle.
16 février 1943. À Flers (Orne), je reçois
cette après-midi une dépêche de Soeur Saint-Vincent Ferrier ainsi libellée :"
Yves, en clinique avec tante Germaine depuis midi. "C’était la formule qui avait
été convenue pour m’annoncer éventuellement l’arrestation de Mère Yvonne-Aimée
par les Allemands.17 février 1943. Au reçu de la dépêche, je décidai, sous le
prétexte d’une affaire urgente, de me rendre à Paris par l’express du matin. Ma
vieille maman, qui vivait chez moi, et qui ne savait rien de l’arrestation de
Mère Yvonne-Aimée, voulut profiter de mon voyage pour m’accompagner, en me
demandant de lui faire traverser Paris et de la conduire chez une de ses nièces,
à Pantin, dans la banlieue est. Nous partîmes...
Vers 13 heures, arrivée à la gare de Paris-Montparnasse.
Nous descendons les escaliers du métro. Maman me précédait de quelques mètres.
Dans le couloir qui accède au quai, je me retournai brusquement sans savoir
pourquoi et je me trouvai face à Mère Yvonne-Aimée, en habits civils, manteau,
feutre grenat relevé sur le front, lunettes. Elle paraissait pressée et inquiète.
Vous ! m’exclamai-je, frappé de stupeur et cloué sur place. Marche ! marche ! me
répondit-elle à mi-voix.
Le flot des voyageurs, un instant
contrarié par mon arrêt, nous poussa sur le quai. Une rame de métro entrait en
gare. Elle stoppa. Maman qui n’avait pas vu ou pas reconnu Mère Yvonne-Aimée
prit place dans une des voitures de seconde classe. Yvonne-Aimée et moi, nous
entrâmes dans la même voiture mais, à l’autre extrémité, par la seconde porte.
C’était une heure de pointe. Les voyageurs assis ou debout étaient entassés.
Yvonne-Aimée se tenait debout à mes côtés. Je lui dis à voix basse mais d’un air
joyeux. Vous êtes libérée ? La conversation était difficile à soutenir car
j’étais en soutane et je sentais que la plupart des voyageurs nous contemplaient
en silence et s’étonnaient peut-être de me voir parler à une femme.
Non... je ne suis pas libérée... Je suis en
prison... je subis la torture debout devant un mur.. j’ai la tête dans une sorte
d’étau...
Elle avait murmuré dans un souffle ces
étranges paroles. Alors je compris dans un éclair qu’elle se trouvait en état de
bilocation, qu’elle était présente, en ce moment même, simultanément, dans la
prison et dans le métro. Vous êtes en deux endroits ? dis-je à voix basse. Pour
toute réponse, elle inclina la tête, puis leva lentement, silencieusement vers
moi qui étais d’une taille plus élevée, un visage de douleur. Ses yeux
m’apparurent agrandis et extatiques, les paupières ne battaient pas. Puis, elle
baissa la tête.
C’était bien elle. Je la voyais, je
l’entendais respirer et parler, je la touchais de mes mains. Je ne rêvais pas,
éveillé. Pendant ce temps, le métro roulait avec bruit. À la station
Denfert-Rochereau, il stoppa. Yvonne-Aimée, sans me demander où j’allais, sans
me dire un mot d’au revoir, sans me regarder, descendit, se détourna toutefois
sur le quai pour me jeter un regard de détresse et prit la file des voyageurs
mais devint soudain invisible, trois ou quatre mètres avant de pénétrer dans le
couloir de sortie. Pour ma part, resté debout dans la voiture, j’avais pu suivre
des yeux Yvonne-Aimée et constater nettement ce qui venait de se passer.
Les portières claquèrent. Le métro recommença
de rouler. Livré à mes pensées, je continuai le trajet qui me parut d’une
longueur désespérante. C’était la première fois que je me rendais à Pantin. Les
voyageurs devenant moins nombreux, je pus me rapprocher de maman qui était
toujours à l’autre extrémité de la voiture, mais je ne lui dis rien de la
rencontre avec Mère YvonneAimée, je ne me sentais pas le droit d’en parler. Nous
changeâmes de voiture à Porte d’Italie et nous prîmes ensuite la direction
Église de Pantin.
Au terminus, - Église de Pantin – maman
descendit du métro et prit l’escalier de sortie. Je suivais un peu en arrière.
Un instant au milieu de l’escalier, les portes à ressort que l’on doit pousser
et qui se referment toutes seules, nous séparèrent. Il y avait peu de voyageurs
à sortir. J’étais l’un des derniers, le dernier peut-être. Je monte quelques
marches de l’escalier de sortie. Brusquement, l’un des vantaux de la porte qui
se trouve à mi-chemin de cet escalier, est poussé par quelqu’un qui descend
précipitamment. C’est Mère Yvonne-Aimée, toujours en civil, et qui, l’air
effrayé, me lance à mi-voix ces quelques mots :
Prie ! Prie ! Si tu ne pries pas assez...
on m’embarquera ce soir pour l’Allemagne... Ne le dis à personne !Avant même que
je puisse répondre, elle était devenue, de nouveau, invisible.Je regardai, sur
le quai quasi désert, la rame qui était immobile et vide, dans l’attente d’un
prochain départ, ainsi que cela se produit après une arrivée dans la station
terminus. Comment Mère Yvonne-Aimée avait-elle su que j’allais à Église de
Pantin ? Comment m’y avait-elle précédé ? Je n’avais pas le loisir de réfléchir.
Je me hâtai de rejoindre maman qui n’avait rien vu et qui m’attendait à la
sortie. Malgré mes 38 ans d’âge, elle me gronda : Tu es toujours en retard tu me
laisses toute seule, etc.
Aucune allusion à Mère Yvonne-Aimée. Nous
sortîmes, maman et moi, et traversâmes la place voisine. À nouveau je gardai le
silence sur Mère Yvonne-Aimée. J’étais bouleversé, non pas tant de l’avoir revue
que de savoir que sa déportation en Allemagne dépendait de ma prière.
Je conduisis maman chez sa nièce, Mme Marcel
Havard. Rue de la Paix. Je dus y accepter une tasse de thé, mais prétextant de
nouveau une affaire urgente, je pris congé, ajoutant : Ne m’attendez pas ce
soir.Et je revins en toute hâte à Paris. Dans le métro qui me ramenait, je
retournais en tous sens les paroles de Mère Yvonne-Aimée : " Prie, prie, si tu
ne pries pas assez, on m’embarquera ce soir pour l’Allemagne ! " C’était net.
Alors, je descendis à la station Sèvres-Babylone et je me réfugiai dans la
chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac. Là, tout l’après-midi, je priai
de mon mieux : rosaire, bréviaire, litanies, chemin de croix...
Vers 19 h 30, ce même soir, je me rendis à
l’Oasis Notre-Dame de Consolation où Soeur Saint-Vincent Ferrier, tout en lamies,
m’y accueillit et me dit : Vous avez reçu ma dépêche ?
Oui !Où est-elle ce soir, notre Révérende
Mère Yvonne-Aimée ? Pour obéir, je me retins de raconter que je l’avais vue, au
début de l’après-midi dans le métro et qu’elle était menacée d’être déportée
cette nuit.Je dînai au parloir, la mort dans l’âme, tandis que Soeur
Saint-Vincent Ferrier, par crainte de la Gestapo, visitait la maison pour
s’assurer, me dit-elle, que les portes et les volets de fer étaient bien
fermés.En me levant de table, je demandai l’autorisation de monter au premier
étage, dans le bureau de Mère Yvonne-Aimée. Je dus traverser sa chambre contiguë
: le bureau était sans doute tel qu’hier matin à son départ, mais sur la table
s’accumulait déjà le courrier non décacheté.
Je fermai la porte, et navré, je me mis à
marcher de long en large devant la cheminée, tout en m’efforçant de réciter
encore un chapelet. Mes pensées vagabondaient. Je revivais les incidents du
début de l’après-midi, j’imaginais le départ en déportation, à cette heure-ci,
peut-être, dans la cour d’une prison, mais laquelle, Fresnes ? La Santé ? Le
Cherche-Midi ?..." Je vous salue, Marie. Pleine de grâce... Le Seigneur.." Je
m’interrompis brusquement, car dans le bureau même, je venais d’entendre un
bruit sourd, semblable à celui d’un cavalier botté sautant de cheval et
retombant à pieds joints. Me retournant à la seconde même, je me trouvai en
présence de Mère Yvonne-Aimée, debout, près de son bureau, dans l’angle opposé à
la porte du vestibule qui était fermée. Vous ! m’écriai-je.
Et je bondis et je la saisis par les deux
poignets. Elle portait les mêmes habits civils et les mêmes bottes de caoutchouc
que dans le métro, mais elle n’avait plus ni chapeau de feutre ni lunettes. Elle
était tête nue, les cheveux en désordre.
Laissez-moi ! Lâchez-moi ! disait-elle en
faisant des efforts saccadés et violents pour se dégager.Elle heurtait les
fauteuils, elle se débattait avec effroi, avec force. Elle ne me reconnaissait
pas. Elle me prenait, je le sus plus tard, pour le tortionnaire de la prison. Je
réussis progressivement à l’apaiser. Elle murmura – Où suis-je ?... où suis-je
donc ? Regardant à droite et à gauche, elle s’étonna – Mais... c’est mon bureau
!Enfin elle me reconnut et avec un sourire maternel – Mais... c’est... toi,
Paulo...
Il était environ 21 h 10. Mon Dieu, que se
passe-t-il donc ? À vrai dire, ce retour, portes closes, januis clausis ne
m’étonnait guère : dans cette journée du 17 février 1943, je n’étais plus à un
fait extraordinaire près.J’interrogeai Mère Yvonne-Aimée. Elle venait de
s’asseoir, épuisée, dans un fauteuil, près d’une fenêtre. Elle me répondit :
-Ah !... je sais maintenant... je comprends...
C’est mon bon Ange qui m’a délivrée et ramenée ici. 11 m’a saisie dans la cour
de la prison, juste au moment où l’on nous mettait en groupe pour partir en
Allemagne... Il a profité du brouhaha et du désordre qui se sont produits au
moment du rassemblement et aussi de l’obscurité, du black-out... Avez-vous tous
beaucoup souffert ? Oh... oui.
Je me demandais bien comment prévenir Soeur
Saint-Vincent Ferrier qui se disposait à passer la nuit en prière et qui devait
m’attendre au petit parloir du rez-de-chaussée. Elle était venue, en fait,
s’asseoir, chapelet en main, près de la porte d’entrée, tristement, sur la
première marche de l’escalier. Je descendis. À ma vue, elle se leva et se
lamenta de nouveau : -À cette heure-ci, notre Révérende Mère est peut-être
embarquée en déportation ! Non ! répondis-je sans hésiter. Elle va rester à
Paris.
Puis rapidement, j’ajoutai : - Elle va être
libérée... Elle n’est pas loin. Et brusquement : - Elle est de retour ici...
Venez vite dans son bureau Soeur Saint-Vincent Ferrier, suffoquée, monta
précipitamment l’escalier. Je la suivis. Mère Yvonne-Aimée était bien là, mais
si lasse et si angoissée, se demandant encore si elle était vraiment de retour à
l’Oasis...Sur sa demande, nous la laissâmes seule quelques instants. Nous
redescendîmes au rez-de-chaussée, puis nous remontames au premier... Mère
Yvonne-Aimée n’était plus dans son bureau.Nous la trouvâmes dans sa chambre
voisine, étendue toute habillée sur son lit, le visage extatique, plongée dans
un sommeil paisible, enveloppée d’un grand voile de tulle blanc, serré au front
par un étroit cercle d’or.Le lit, la chambre, la cheminée, les meubles étaient
jonchés ou parés de fleurs fraîches, où dominaient (en ce mois de février 1943,
dans Paris occupé par les Allemands) des arums, des tulipes et des lilas blancs.
Il aurait fallu deux jardiniers au moins pour apporter ces fleurs et un grand
artiste pour disposer, sur Yvonne-Aimée, les plis du voile qu’elle-même n’aurait
pu arranger.
Soeur Saint-Vincent Ferrier et moi, nous
demeurâmes, en silence, à son chevet...... Mère Yvonne-Aimée se réveilla,
s’étonna de voir tant de fleurs, se leva avec son long voile, fit un ou deux
bouquets avec les tulipes et les arums qui étaient sur son lit, mais, n’en
pouvant plus, s’interrompit. Soeur SaintVincent Ferrier resta pour panser les
blessures que portait Mère Yvonne-Aimée sous ses vêtements.Je me retirai. Après
un telle journée, J’aurais du être exalté, ou, tout au moins, empêché de trouver
le sommeil. Or, je m’endormis vite, paisible, comme un enfant.
Le lendemain de son retour Mère Yvonne-Aimée,
répondant à mes questions, m’a dit :
Je remplissais uniquement une mission d’ordre
spirituel. J’ai été prise, je le sais maintenant, pour une Anglaise, agent
secret des Alliés... que la Gestapo recherchait... Oui, erreur d’identité,
erreur de dénonciation, confusion. D’ailleurs, par prudence habituelle dans mes
propres missions, j’avais une carte d’identité qui n’était pas à mon nom..."
C’est bien dans un quartier nord de Paris que j’ai été arrêtée... Au sortir du
métro, je me suis sentie filée. Alors, me voyant perdue, j’ai pénétré sous le
porche d’un immeuble, j’ai griffonné quelques lignes de dernière heure au dos
d’un " pneu " que j’avais préparé d’avance, j’ai jeté ce pneu devant la loge des
concierges dans l’espoir qu’il soit ramassé et posté... Lorsque je suis
réapparue dans la rue, deux mains se sont abattues sur mes épaules et m’ont
poussée dans une obscure voiture cellulaire. Ce " panier à salade " a longtemps
roulé : j’en déduisais que l’on me conduisait à Fresnes. Non, c’était au Cherche-Midi."
La prison était bondée en raison de la fréquence des rafles. De la cellule que
j’occupais, j’entendais les gémissements et les cris de douleur de mes voisines...
Oui, ça a été dur.. Un bourreau (c’était un Français) ! m’a fouettée sur le dos
et les épaules. Au bout d’un moment, il s’est arrêté, surpris : " Tu es donc en
bois, me dit-il. Pour ne pas gueuler ?... J’ai dû subir aussi autre chose,
debout près d’un mur.. Ma tête et mon cou étant immobilisés, le corps seul
remuait, ondulait, les reins se cabraient atrocement...
" Oui... j’étais présente, en même temps,
à la prison où l’on me torturait et dans le métro où vous m’avez rencontrée, où
je vous ai parlé... "
Lors de son dernier séjour à la Brardière
en 1942, je vins la voir un après-midi .
Lorsque je suis entré dans sa chambre , son
cœur était lumineux . Je veux dire par là que je voyais non pas son cœur mais
une tache de feu mouvante sur son Cœur .
J’ai mis ma main sur cette lumière et j’ai
senti qu’elle était embrasée de l’Amour de Dieu tellement son cœur brûlait. On
chante dans le Veni Sancte : " Viens Esprit Saint,embrase d’amour le coeur de
tes fidèles."
Elle vivait cela...
Bayeux, le 7 août 1952
Ma Très Révérende Mère,
Mon âge et mes infirmités croissantes me
font envisager une mort assez prochaine. Avant de disparaître, j’ai pensé qu’il
était de mon devoir de vous laisser mon témoignage sur la Très Révérende Mère
Yvonne-Aimée de Jésus
Le Bon Dieu, en effet, a permis que je sois
en relations suivies et très étroites avec elle, depuis 1923 jusqu’à sa mort, en
1951. À titre de Supérieur ecclésiastique du Monastère de Malestroit, j’ai été,
pendant les trois années qui ont précédé son entrée en religion très au courant
des difficultés qui retardaient la réalisation de ses désirs et je me suis
efforcé de les aplanir. Puis, de mars 1927, date de son entrée au Couvent
jusqu’à septembre 193 1, date de sa profession perpétuelle, j’ai suivi, de très
près, les diverses phases de sa formation religieuse. Enfin, depuis septembre
1931 jusqu’au 3 février 1951, bien qu’éloigné du diocèse de Vannes, j’ai rempli,
vis-à-vis d’elle, et à sa demande, un rôle de conseiller et de confident qui m’a
fait connaître, dans le détail, les différents aspects de sa vie religieuse et
de ses activités.
Si je rappelle, ma Très Révérende Mère, cette
succession chronologique des faits, c’est pour montrer que mon témoignage est
basé sur une longue et fidèle intimité avec la Très Révérende Mère Yvonne-Aimée
de Jésus. Cette longue intimité me permet peut-être de formuler un témoignage
objectif et fondé en ce qui concerne ce que je ne crains pas d’appeler sa
sainteté.
Dieu, en effet, j’en ai la conviction, a
favorisé, d’une prédestination unique, Mère Yvonne-Aimée de Jésus, et dès sa
prime enfance (j’en ai recueilli les preuves sur ses lèvres mêmes), Il l’a
merveilleusement préservée du mal et favorisée de charismes extraordinaires. Ces
grâces et faveurs surnaturelles se sont amplifiées surtout depuis une
manifestation de l’élection divine, le 5 juillet 1922, qui marque une date
capitale dans le développement de sa vie mystique. Manifestations
extraordinaires de l’emprise divine sur Mère Yvonne-Aimée de Jésus, par
centaines (j’en ai été le témoin direct) : extases, parfums mystérieux,
bilocations, apports inexplicables de fleurs, d’anneaux et de colliers,
stigmates, connaissance intime des âmes, prophéties, etc. J’ai également, à
maintes reprises, été le témoin de sévices diaboliques, portés à un degré de
cruauté, que peut-être aucun saint n’a expérimenté dans l’histoire de l’Eglise.
Si impressionnantes et si nombreuses que
soient ces faveurs extraordinaires, je n’en ferais peut-être pas une preuve
décisive de sa sainteté, mais, en réponse à ces faveurs divines (et c’est là
l’essentiel de mon témoignage), je crois pouvoir attester que Mère Yvonne-Aimée
de Jésus, a apporté un ensemble incomparable de vertus : vertu d’humilité, vertu
de simplicité, vertu de droiture, vertu d’amabilité et d’exquises prévenances.
Par-dessus tout, une foi intrépide, une espérance qu’aucune épreuve, qu’aucune
déréliction (et Dieu sait quelles agonies elle a connues) n’ont ébranlée. Et
charité inouïe qui fréquemment s’est exprimée dans cette prière qui traduit le
fond de son âme : " Je voudrais, ô Jésus, vous aimer comme vous n’avez jamais
été aimé. " Charité qui se traduisait aussi, non seulement par une acceptation
des souffrances naturelles et extra-naturelles, mais par des souffrances
volontaires qu’elle s’imposait, dans son désir d’expier les fautes des pécheurs
et de sauver les âmes.
Ajouterai-je, comme confirmatur à ce
témoignage, concernant la sainteté personnelle de Mère Yvonne-Aimée de Jésus,
l’extraordinaire développement du Monastère de Malestroit depuis qu’il a pris
contact avec elle. En 1923, le Monastère comptait 41 religieuses, en 1951 il en
comptait 102.Parallèlement à cet accroissement numérique, chacun a pu constater
un progrès dans la vie religieuse des Moniales. Il n’est pas téméraire de penser
que ces progrès sont liés à l’influence surnaturelle de Mère Yvonne-Aimée de
Jésus.
Je ne puis, ma Très Révérende Mère, dans
ce témoignage sommaire, qu’effleurer les différents aspects de la vie de Mère
Yvonne-Aimée de Jésus, mais, en mon âme et conscience, J’ai voulu vous dire, à
toutes fins utiles, que l’ayant beaucoup connue, qu’ayant été étroitement mêlé
aux différentes péripéties de son existence, je la considère comme une sainte,
comme une très grande sainte.
Veuillez agréer, ma Très Révérende Mère,
l’assurance de mes sentiments respectueux et religieusement dévoués.
Mgr François Picaud
Evêque de Bayeux Lisieux
Yvonne-Aimée est immense...
De l'enfance aux derniers jours, sa vie
brève 49 ans témoigne d'une progression continue et d'une cohésion
absolue.Malgré une avalanche de charismes (le mot n'est pas trop fort), c'est,
au fond, une vie toute simple, voire imitable, ne serait-ce que par l'abandon
total à Dieu, l'habitude du travail bien fait, la pratique exquise de la charité
fraternelle, la joie de croire.
Son expérience chrétienne, qui s'insère dans
la Tradition mystique bimillénaire de l'Église, n'a été ni une évasion ni un
refuge, mais, dans la discrétion, le silence, la paix, l'oubli de soi, un
débordement de vie .
Grande malade, accablée d'épreuves, de
responsabilités et de travaux, loin de se replier sur sa souffrance, elle a
déployé une suractivité ordonnée : ce n'est pas le moindre paradoxe de " cette
existence inouïe " '. Plus encore qu'un paradoxe, c'était la croix qu'elle
portait, la part qu'elle prenait au mystère de la Passion du Christ et du Salut
du monde.
Son chef-d'oeuvre, c'est elle-même. En la
voyant vivre, il m'est arrivé, à part moi, de lui appliquer l'exclamation de
Shakespeare: " Quelle belle chose que l'humanité ! " - l'humanité " en la grâce
enfin restituée ".De sa simplicité d'enfant et de son envergure de chef, de tout
son être, rayonnait une lumière venant de l'amour extraordinaire, de l'amour fou
qu'elle manifestait à Dieu, à Jésus-Christ, aux pauvres, aux " âmes ", tant il
est vrai que celui qui aime " demeure dans la lumière".
" Tout droit au service du Roi Jésus " :
cette devise qu'elle s'était donnée dès le temps de sa jeunesse, concrétisait et
spécifiait son amour. On ne saura jamais tout ce qu'elle a fait pour " le
Seigneur Jésus ", pour l'Église, pour la France, pour d'autres nations, pour les
pauvres et surtout pour le " monde des âmes " dont elle avait une si
extraordinaire pénétration '.
Moderne de goûts, " marchant avec son temps
", fidèle à la tradition quand celle-ci était créatrice, heureuse et fière
d'être Française, enracinée profondément dans l'Église catholique et dans
l'Ordre de saint Augustin, disciple de Thérèse de Lisieux, elle avait aussi une
dimension " eschatologique " : elle vivait dans la plénitude de l'instant
présent des valeurs du monde à venir. Sa vie entièrement donnée, le sentiment
d'exil terrestre, la nostalgie et le désir du Ciel, le regard d'Amour qu'elle
posait sur tout être, la joie et la merveilleuse liberté des enfants de Dieu
qu'elle manifestait, et, à certaines heures, la clarté et l'agilité de son corps
étaient une anticipation du Royaume, " l' ailleurs venu à nous "....En
définitive, quelle a été sa mission ? son charisme d'ensemble ? sa place dans la
constellation des mystiques de ce siècle ?
Peut-être est-il prématuré d'apporter une
réponse. S'il faut risquer des " approximations ", je dirai : bien qu'elle soit
de plus en plus connue (alors qu'elle avait tout fait pour demeurer cachée aux
yeux du monde), son heure n'est pas encore pleinement venue ; je pense qu'elle
est en réserve pour les temps difficiles qui s'annoncent et qu'elle ne déploiera
toute sa stature et toute son action que dans l’Eglise du troisième millénaire.
Dans l'immédiat, face au matérialisme, au
silence sur Dieu, au drame de l'humanisme athée, elle est un grand témoin du
monde surnaturel et, en même temps, par sa féminité accomplie, un grand témoin
de l'Humanité.À divers indices, je crois qu'elle a pressenti qu'après sa mort,
la confiance de plusieurs milliers de chrétiens et de non-croyants commencera de
déferler sur elle. Ce témoignage qui s'achève a été écrit pour contribuer à
répondre à leur attente impatiente et confiante.
Cependant, j'appliquerai à Yvonne-Aimée,
toutes proportions gardées, cette parole d'expérience du grand critique Charles
Du Bos sur Notre-Dame:Il n'y aura jamais qu'un moyen de la connaître qui est de
s'adresser à elle... et sitôt que l'on s'adresse à elle... elle se dévoile en
répondant.
Père
Paul Labutte
Aujourd’hui la journée a été spécialement
pénible , non pas que j’ai souffert d’avantage, mais j’ai du faire tellement
d’efforts pour me tenir en équilibre.
Je sentais les âmes m’appeler.
Je me sentais embrasée d’amour pour les
sauver et en même temps si impuissante , si misérable pour réaliser quoique ce
soit .
Alors ma ressource a été encore une fois de
me jeter dans l’abandon et d’offrir minute par minute, mon cœur , mon âme, mon
corps , ma volonté....tout !
Et cela m’a donné ce soir une paix si douce ,
car je sentis vraiment que c’était l’abandon qui plaisait à Dieu .
Que c’était la plus belle offrande qu’une
petite créature pouvait faire à son créateur .
Ah ! que m’importe que ma vie soit tissée
d’incompréhensibles choses, elles sont toujours un enchaînement des desseins
d’Amour de Dieu sur moi .
Moins je comprends ,plus j’aime, moins je
raisonne, plus il m’aime . Ma voie est sûre , c’est la voie des anges qui jamais
ne font attendre Dieu , adorent et accomplissent avec amour, promptitude et joie
tous ses vouloirs .
Yvonne-Aimée de Jésus
Bibliographie
Voir aussi la Communaute des
Augustines de Malestroit
Yvonne-Aimée de Jésus , Ma Mère selon
l'Esprit ,de Paul Labutte - Editions De Guibert Paris-1977
Une amitié voulue par Dieu : Editions De
Guibert Paris-Dec 1999 de
Paul Labutte
Ouvrages du Père René Laurentin :
Un amour extraordinaire. Yvonne-Aimée de
Malestroit, O.E.I.L. (F-X. de Guibert), Paris 1985, 224 p.
Prédictions de Soeur Yvonne-Aimée de
Malestroit. Une vérification exceptionnelle dans l'histoire de ce charisme.
O.E.I.L. (E-X. de Guibert), Paris 11987, 152 p.
Ecrits spirituels d'Yvonne-Aimée de
Malestroit, O.E.I.L. (E-X. de Guibert), Paris 1987, 264 p.
Yvonne-Aimée de Malestroît : Priorité aux
pauvres en zone rouge et dans la Résistance, O.EIL. (F.-X. de Guibert), Paris
1987, 172 p.
Yvonne-Aimée de Malestroit: les stigmates
dans le sillage de François d'Assise *, O.E.I.L. (F.-X. de Guibert), Paris 1987,
174 p.
Yvonne-Aimée de Malestroit: Maître de vie
spirituelle, O.E.I.L. (E-X de Guibert), Paris 1990, 284 p.
Bilocations de Mère Yvonne-Aimée *,
O.E.I.L. (F.-X. de Guibert), Paris, 2' édition 1995, 164 p.
L'amour plus.fort que la souffrance *,
E-X. de Guibert, Paris 1992, 306 p. Biographie d'Yvonne-Aimée de Malestroît. 1.
La sainte enfance, F.-X. de Guibert, Paris
1996, 304 p.
Cassette vidéo: film de Laurent Desprez
coproduction FR3 Ouest/F.-X. de Guibert : " Les Noces du Ciel et de la Terre "
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