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Notre Dame de

Berico

 

 

Une femme de presque soixante-dix ans, Vincenza Pasini, qui montait tous les matins au monte Berico. Elle apportait à manger à son mari, maître Francesco di Giovanni da Montemezzo, qui était marangone, autrement dit menuisier, de son métier, mais qui cultivait là-haut un petit carré de vigne.

Les deux vieux époux étaient originaires de Sovizzo, un petit centre à quelques kilomètres de Vicence. Ils étaient venus vivre en ville depuis quelques années et habitaient à Borgo Berga, sur les pentes du monte Berico, face à l’église d’Ognissanti. Le Codice1430 rapporte que Vicenza menait vie simple et honnête, dans la dévotion au Seigneur et à sa Sainte Mère pour laquelle elle avait une dévotion particulière. Ses journées étaient rythmées par un grand nombre de prières et de bonnes œuvres, et sa présence à l’église et aux offices liturgiques et tout spécialement la charité qu’elle manifestait à l’égard de tous faisaient d’elle une chrétienne vraie et authentique.


Le 7 mars 1426, hora quasi tertia – à 9 heures du matin –, la femme gravit comme toujours la colline. Lorsqu’elle eut atteint le sommet, dit le manuscrit, elle vit devant elle une femme «in forma speciosissime regine perfulgide» qui avait l’apparence d’une magnifique reine vêtue d’habits plus resplendissants que le soleil et enveloppée de mille parfums. Devant tant de beauté, ses forces abandonnèrent la vieille femme qui tomba à terre, à plat ventre, mais la nourriture destinée à son mari resta en place dans son panier. Alors la très belle femme, la prenant par l’épaule droite, la releva et lui dit: «Je suis la Vierge Marie, la Mère du Christ mort en croix pour le salut des hommes. Je te prie d’aller dire en mon nom au peuple de Vicence de construire en ce lieu une église en mon honneur, s’il veut retrouver la santé, sans quoi la peste ne cessera pas».

Vincenza répondit alors en pleurant de joie, à genoux devant la Vierge: «Mais le peuple ne me croira pas. Et où trouver, ô Mère glorieuse, l’argent pour faire ces choses?». «Tu insisteras», répondit la Vierge, «pour que le peuple exécute ma volonté, sinon il ne sera jamais délivré de la peste et tant que les gens n’obéiront pas, ils verront mon fils irrité contre eux». Et elle poursuivit: «Pour preuve de ce que je dis, qu’ils creusent ici et de la roche vive et aride jaillira l’eau, et à peine la construction sera-t-elle commencée que l’argent ne manquera pas». Et tout en parlant elle marqua sur la terre, avec un rameau d’olivier en forme de croix le lieu et même la forme de l’église à construire.

Elle planta ensuite le rameau en terre, à l’endroit précis où se trouve aujourd’hui le maître-autel du sanctuaire. Mais elle n’avait pas fini. «Tous ceux qui visiteront cette église avec dévotion», ajouta-t-elle, «à l’occasion de mes fêtes et de lors du premier dimanche de chaque mois recevront en don l’abondance des grâces et de la miséricorde de Dieu ainsi que la bénédiction de ma main maternelle».


La joie indicible de cette rencontre avec la Vierge alternait dans le cœur de Vincenza Pasini avec la terreur que lui inspirait l’idée de devoir affronter sa ville. Descendue à Vicence, elle raconta tout à tous ceux qu’elle rencontrait, mais elle s’aperçut bien vite que personne ne la croyait. Il est aussi vrai qu’avec tous ces morts de la peste, les gens avaient autre chose en tête. Elle alla aussi chez l’évêque, Pietro Emiliani. Et ce fut pire que de sortir de nuit. Le haut prélat la laissa parler quelque temps puis il la congédia en hâte en lui disant qu’elle avait perdu la raison. Pendant ce temps la contagion faisait de plus en plus violemment rage. Et Vincenza reprit sa vie habituelle de travail, de prière et d’œuvres de charité. Et les jours de fête, elle gravissait le mont pour prier à l’endroit où elle avait rencontré la Vierge.
 


À gauche, la statue de la Vierge du sanctuaire de monte Berico. La tradition l’attribue à Nicolò da Venezia. Sculptée entre 1428 et 1430, elle est placée depuis les origines du sanctuaire sur le maître-autel. Elle a été couronnée le 25 août 1900 par le patriarche de Venise Giuseppe Sarto, futur pape saint Pie X. Après une série de tentatives de vol, une copie de la couronne originaire a été posée sur la tête de la Vierge; ci-dessus, le maître-autel et l’édicule qui abrite la statue de la Vierge
 

À gauche, la statue de la Vierge du sanctuaire de monte Berico. La tradition l’attribue à Nicolò da Venezia. Sculptée entre 1428 et 1430, elle est placée depuis les origines du sanctuaire sur le maître-autel. Elle a été couronnée le 25 août 1900 par le patriarche de Venise Giuseppe Sarto, futur pape saint Pie X. Après une série de tentatives de vol, une copie de la couronne originaire a été posée sur la tête de la Vierge; ci-dessus, le maître-autel et l’édicule qui abrite la statue de la Vierge

Le document qui rassemble tous les actes de l’enquête raconte encore que deux années plus tard, la Vierge apparut une nouvelle fois à Vincenza Parisi, très exactement le 1er août 1428. Prenant pitié de la ville qui était à la dernière extrémité, La Vierge répéta ce qu’elle avait dit: elle fit la même requête et la même promesse à la vieille femme. Vicenza descendit en ville et cria à tous, gens du commun et autorités de la ville, la volonté de la Mère céleste. Et cette fois, on la crut. La nouvelle que la Vierge était apparue une seconde fois sur le mont s’était répandue dans la ville en un éclair et beaucoup de gens sortirent alors de l’enceinte de Vicence pour monter sur la colline. Les personnalités de la ville, le Conseil des Cent et le Conseil des Cinq cents, réunis dans la grande salle de la Raison, décidèrent de construire en un temps très bref, l’église sur le mont Berico. Le manuscrit dit encore: «Une fois la décision prise, les gens confiant en Dieu dans le quel ils mettaient tout leur espoir et dans la recommandation de la Vierge glorieuse, la construction de l’église fut commencée le 25 août de l’année 1428». Vingt-quatre jours seulement après la seconde apparition.
La Vierge avait parlé à Vincenza d’une source d’eau qui jaillirait de la roche vive sur le lieu où l’on consstruirait le sanctuaire. Et c’est ce qui se produisit. Au cours des travaux de creusement et de déblaiement, «jaillit en guise de source une quantité d’eau merveilleuse et incroyable… au point de déborder en ce lieu comme un fleuve abondant qui descendait à grand bruit le long du mont», dit encore notre manuscrit. Et, conformément à la seconde promesse de la Vierge, l’argent afflua en quantité. Dans les Archives d’État de Vicence a été retrouvée et publiée par le père Giocondo Maria Todescato une série de testaments portant la date et le nom de tous les testateurs, qui montrent combien les Vicentins se montrèrent généreux pour la construction du sanctuaire.