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Abbé Auguste Saudreau, o.p.

Recueil d'Apparitions de Jésus

aux Saints et aux Mystiques

livre édité en 1882 sous le titre :

Les Divines Paroles ou ce que le Seigneur a dit à ses disciples dans le cours des siècles

chrétiens

Présentation du Révérend Père Auguste Saudreau Dominicain

Quelles sont ces « Divines Paroles » ? Ce ne sont pas, il est vrai, les paroles inspirées par

Dieu à ses écrivains sacrés ou prononcées par Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont l'ensemble

forme les livres saints de l'ancien et du Nouveau Testament.

Ce sont des paroles adressées à des âmes saintes par le Seigneur, le Dieu vérité et amour.

Tantôt elles se faisaient entendre dans l'air comme une voix venant du Ciel ; tantôt elles

paraissaient sortir de la bouche du Crucifix ; tantôt elles étaient prononcées dans le mystérieux

silence de ces âmes pendant leurs sublimes extases ; tantôt Notre-Seigneur les leur adressait

de ses lèvres dans ses divines apparitions.

Nous affirmons que toutes ces paroles ont été empruntées à des vies de saints et de

saintes publiées par leurs pieux et savants auteurs, avec l'approbation de l'autorité

eccélsiastique.

Nous les avons classées sous différents titres, pour qu'elles offrent des enseignements

divins sur presque toutes les matières qui sont l'objet de la doctrine chrétienne :

Sur Dieu et ses principaux attributs ;

Sur Notre-Seigneur Jésus-Christ ;

Jésus consolateur ;

Jésus victime ;

Sur toutes les vertus théologales et morales ;

Sur la Foi et l'humilité ;

Sur l'Espérance et la confiance ;

Sur la mortification, la patience et l'amour de la Croix ;

Sur la Charité envers Dieu et envers le prochain ;

Sur le zèle ;

Sur la vie religieuse et ses trois voeux ;

Sur la perfection ;

Sur l'union à Dieu ;

Sur le parfait abandon ;

Sur les fins dernières ;

Sur la prière et le saint office ;

Sur le Sacrements et sur les dévotions.

Nous avions recueilli ces Divines Paroles dans le but de rendre nos oraisons et nos

prédictions moins infructueuses. L'expérience et les conseils de Religieux éclairés nous

donnant l'espoir que ces paroles pourraient faire du bien, nous les publions en les dédiant

spécialement aux âmes sacerdotales, religieuses, pieuses, à toutes celles qui aspirent à une

union plus intime avec Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit à sainte Gertrude : « Si tu veux avoir des reliques qui

attirent avec efficacité mon coeur vers celui qui les possède, lis le texte de ma passion,

considère avec soin les paroles que j'ai prononcées avec le plus d'affection, écris-les et

conserve-les comme des reliques. »

Âmes pieuses, voici le livre qui renferme les paroles que Notre-Seigneur a adressées à ses

intimes. Acceptez-les, nous vous l'offrons comme un reliquaire sacré qui inclinera le coeur de

Jésus vers votre coeur et vous inspirera de lui adresser souvent et toujours avec efficacité cette

prière : « coeur de mon Dieu, soyez le Dieu de mon coeur. »

Nous vous l'offrons dans la pensée qu'après les Saintes Écritures, c'est celui qui peut-être

vous fera mieux connaître et plus aimer le Seigneur votre Dieu. Chaque jour, prenez et lisez

quelques pages de ce livre en disant à votre âme : « Mon âme, écoute le Seigneur et nourris-toi

de sa Parole. »

Nous protestons que nous nous soumettons pleinement aux prescriptions du décret de

Notre Très Saint-Père le Pape Urbain VIII, décret expédié à la Sacrée Congrégation de

l'Inquisition universelle de l'Église romaine, le 13 mars 1625, et confirmé le 5 juillet 1634. Nous

protestons encore de notre parfaite soumission au jugement de la sainte Église romaine.

Offrande à Dieu du livre des Divines Paroles

Seigneur, voici le Livre de vos Divines Paroles, je vous l'offre prosterné à vos pieds ; puisse

votre infinie bonté l'accepter et le bénir, en disant de lui ce que vous avez dit du livre de sainte

Mechtilde : « Tout ce qui est écrit dans ce livre a coulé de mon coeur divin et y reviendra ; tous

ceux qui me cherchent avec un coeur fidèle y trouveront une cause de joie ; ceux qui m'aiment

s'embraseront davantage en mon amour et ceux qui sont dans l'affliction y trouveront la

consolation. »

Je vous l'offre, ce livre, vous suppliant humblement de faire pour lui ce que vous avez fait

pour le livre de sainte Gertrude quand vous avez dit : « Je presse ce livre contre ma poitrine,

pour en pénétrer toutes les lettres de la douceur de ma divinité, ainsi qu'un doux hydromel

pénètre une bouchée de pain frais de pure fleur de froment, afin que celui qui, pour ma gloire,

lira ce livre avec une humble dévotion en perçoive un fruit de salut éternel. Je sanctifie en ce

moment, par ma céleste bénédiction, tout ce qui est écrit dans ce livre pour le salut de ceux qui

voudront y lire avec une humble dévotion. Je pénètrerai de la douceur de mon amour divin et je

féconderai toutes les paroles de ce livre qui m'est offert en ce moment. Quiconque venant à

moi avec un coeur humilié, voudra y lire pour l'amour de mon amour, je le prendrai en mon sein

et lui montrerai, comme de mon doigt, les endroits qui lui seront utiles. Et de plus, je

m'approcherai alors si près de lui que, de même qu'une personne qui a la bouche pleine

d'arôme exhale une douce haleine, sensible à ceux qui l'approchent, je lui ferai sentir alors,

avec efficacité, le souffle de ma divinité pour le salut de son âme. »

Je vous l'offre, ce livre, en conjurant votre bonne Providence de le répandre partout où il

pourra faire du bien ! Je vous l'offre et je vous supplie, ô mon Dieu, de le couvrir de votre

bénédiction, afin que ces Divines Paroles produisent dans l'âme de ceux qui les liront ces

mêmes fruits de grâces et de vertus qu'elles ont produits dans l'âme des saints qui les ont

reçues de vos lèvres divines.

Sainte-Baume (Var), 22 juillet 1883, fête de sainte Madeleine.

NIHIL OBSTAT

D.DURESNE, CENSOR

IMPRIMATUR

Andegavi, die 25 Julii 1936.

Josephus, Episcopus Andegavensis.

Protestation

Humblement soumis aux décrets su Daint-Siège Apostolique, nous protestons qu'à tous les

faits rapportés dans cet ouvrage, ainsi qu'aux épithètes de Bienheureux ou de Saint, s'il nous

arrive de les attribuer à des serviteurs de Dieu non canonisés, nous n'entendons reconnaître

qu'une autorité purement humaine ; nous protestons en outre que tout cet ouvrage, nous le

soumettons sans restriction aucune, et dans les sentiments de la plus respectueuse et filiale

obéissance au jugement de la Sainte Église

PREFACE D'AUGUSTE SAUDREAU

L'ouvrage que nous donnons de nouveau au public fut composé en 1882 par notre oncle

vénéré, le Révérend Père Saudreau, dominicain, alors gardien de la Sainte-Baume1. Quand les

éditions faites de son vivant furent épuisées, nous crûmes faire oeuvre utile en préparant une

quatrième édition.

Mais des retouches s'imposaient. Dans les premières éditions, toutes les citations étaient

sans références ; l'auteur ne visant que l'édification, n'indiquait jamais ses sources. Nous avons

pu, à force de recherches, faire connaître les livres et les chapitres de ces livres où étaient

rapportées les paroles révélées; fort peu nous ont échappé. Il nous a paru bon d'augmenter ce

recueil. Beaucoup de très belles paroles pouvaient y être ajoutées ; nous n'avons pas voulu en

priver le lecteur. Cet appoint est considérable ; il forme plus de la moitié du présent ouvrage.

Des chapitres nouveaux ont été insérés, composés en très grande partie de nouvelles citations.

Certaines transpositions semblaient nécessaires, transpositions de paroles qui étaient mieux à

leur place en d'autres chapitres, transpositions de quelques chapitres qui nous ont paru

justifiées. Ainsi les trois vertus théologales, qui étaient séparées, ont été rapprochées ; l'ordre

adopté nous a paru plus logique. Les textes ont été revus ; de presque tous les textes non

français nous avons pu trouver l'original, et quand nous l'avons cru meilleur, nous avons corrigé

la traduction. La plupart des titres ont été modifiés ; nous nous sommes appliqué à bien mettre

en lumière dans le titre la pensée principale qu'exprimaient les Divines Paroles, la vérité

pratique qu'elles voulaient nous communiquer.

C'est donc toute une refonte que nous avons faite, et nous l'avons faite sans scrupule,

convaincu que si le vénéré auteur avait été vivant, il eût accepté de grand coeur ces

modifications, ou plutôt qu'il eût lui-même amendé et perfectionné son oeuvre

Dans cette cinquième édition (1936) ont été ajoutées un bon nombre de Divines Paroles fort

instructives et très touchantes.

Quelle autorité faut-il attribuer aux paroles révélées que nous présentons au lecteur ? Les

théologiens nous enseignent que, alors même qu'elles sont rapportées par les saints, on ne

peut garantir avec pleine certitude la provenance divine des révélations privées ; les plus saints

eux-mêmes ont pu parfois se tromper en croyant que c'était Dieu qui leur parlait2.

Plusieurs de ces révélations ont, il est vrai, été recommandées par l'Église, mais quand

l'Église approuve ou même recommande des révélations privées, elle se borne à déclarer qu'on

peut les croire pieusement, qu'elles ne renferment rien de contraire à son enseignement,

qu'elles sont édifiantes et salutaires.

Nous déclarons donc que nous n'affirmons pas d'une manière certaine l'origine divine des

paroles citées dans cet ouvrage. Les probabilités pour toutes ne sont pas égales ; pour les bien

peser il faudrait considérer, entre autres choses, si elles sont rapportées par le personnage

même qui les a entendues ou par d'autres témoins, si la personne qui les a entendues les a

rapportées ou écrites aussitôt après, ou après un long intervalle. Sainte Thérèse, à la fin du livre

de sa vie (ch.39), fait la déclaration suivantes : « Beaucoup de choses que j'écris ici ne sont pas

de ma tête, elles m'ont été dites par mon Maître céleste. Quand je dis expressément : j'ai

entendu ceci, ou le Seigneur m'a dit, je me ferais grand scrupule d'ajouter ou de retrancher une

seule syllabe ; quand je ne me rappelle pas tour ponctuellement, et qu'il peut y avoir du mien

dans ce que je dis, je parle comme de moi-même. » Mais tous les privilégiés du Seigneur ne

prennent pas les mêmes précautions, et plusieurs ont pu traduire avec une exactitude moindre

les pensées qui leur étaient communiquées.

1Le R.P. Sautereau naquit à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine et Loire) le 24 octobre 1821. En 1851, après plusieurs années

de ministère à Angers, il entra chez les Dominicains. Jusqu'à sa mort, il fut un prédicateur infatigable. En 1861, il succéda

au P. Lacordaire, comme provincial de France. Il a laissé la réputation d'un religieux de très sainte vie et d'un zèle

admirable. IL mourut le 12 février 1898

2Nous n'insistons pas sur ces principes, les ayant exposés plus longuement dans un autre ouvrage : L'État mystique et les

Faits extraordinaires de la vie spirituelle.

La grande règle qui doit nous conduire, quand on nous rapporte des révélations privées et

quand le témoin est vraiment digne de foi, est celle que donne saint Paul : « Ne méprisez pas

les prophéties, mais éprouvez tout et retenez ce qui est bon. » (1 Thess.,5,20.) Éprouver les

paroles révélées, c'est surtout les rapprocher des enseignements de la foi ; garder ce qui est

bon, c'est retenir ce qu'elles présentent de certain et d'édifiant.

Remarquons que les saints, indépendamment des paroles qu'ils entendent ou croient

entendre, reçoivent certainement de Dieu, par le moyen des dons du Saint-Esprit, de grandes

et précises lumières ; quand ils parlent, quand ils exposent leurs pensées, les lumières dont ils

sont comblés par le Seigneur donnent beaucoup d'autorité à leurs paroles ; ils sont encore le

plus souvent l'écho du Saint-Esprit, même s'ils ne rapportent pas des paroles sorties de la

bouche de Dieu ; et s'ils se trompent en croyant inspirées les pensées qui viennent d'eux,

encore est-il que ces pensées sont le fruit de leurs réflexions et des illuminations de la grâce.

Supposez même qu'aucune des paroles qui sont ici présentées au lecteur ne fût de Dieu, il

est certain que cet ouvrage serait encore très édifiant, très instructif et rempli d'une doctrine très

conforme à la doctrine révélée. Notre-Seigneur y apparaît vraiment tel qu'il se montre dans

l'Évangile, plein d'amour, de bonté, de miséricorde et de sainteté.

Que le lecteur nous permette de lui faire une recommandation : qu'il ne cherche pas en

lisant ce livre à satisfaire sa curiosité et à dévorer avidement un grand nombre de pages ; il

serait déçu et il n'en retirerait guère de profit. La plupart des paroles ici rapportées ont plus de

profondeur que d'éclat ; elles gagnent à être lues posément, à être savourées, à être relues

encore.

Certaines personnes qui ne peuvent s'astreindre à une marche trop méthodique à l'oraison,

et qui pour ce motif ne goûtent guère la plupart des livres de méditation, ont pourtant besoin de

quelque bon livre pour se mettre dans de pieuses pensées au début de ce saint exercice ; la

lecture d'une ou de plusieurs des paroles de cet ouvrage pourrait beaucoup les aider.

Certes, nous n'avons pas donné ici tous les enseignements que les saints ont attribués au

Seigneur. Ainsi dans le beau livre des dialogues de saint Catherine de Sienne, nous n'avons

pris que des extraits; D'autres pourront faire des recueils plus complets. Tel qu'il est, celui Que

nous présentons au lecteur pourra faire du bien : c'est notre seule ambition et c'est notre doux

espoir.

CHAPITRE I : Encouragements divins à lire, à méditer et à faire

connaître aux autres les paroles révélées

1. Le Seigneur ordonne d’écrire ses paroles

Sainte Thérèse3 entendit un jour le Seigneur lui dire : « Tu sais que je te parle quelquefois.

Ne manque pas d’écrire mes paroles, car si elles ne te sont pas utiles à toi-même, elles

pourront l’être à d’autres » (Relation, 52.) Et une autre fois : « Ne manque pas d’écrire les avis

que je te donne, afin de ne pas les oublier. Puisque tu aimes à avoir par écrit ceux qui te

viennent des hommes, comment regardes-tu comme une perte de temps d’écrire ceux que tu

reçois de moi ? Un temps viendra où les uns et les autres te seront nécessaires. » (Relation,

64).

Le confident et le confesseur d’Angèle de Foligno4 ayant transcrit les paroles du Seigneur

que lui avait rapportées la bienheureuse, celle-ci craignit qu’il ne se fût glissé dans ces pages

quelque erreur. Le Seigneur dit à Angèle : « tout ce qui est écrit ici est véridique, il n'y a rien de

mensonger. » Et une autre fois : « Tout ce qui a été écrit l'a été selon ma volonté et vient de moi

… Je le scellerai. » (Traductions Doncoeur, pp.81 et 181, et Ferré, pp 85, 249)

Il lui fut encore dit : « Fais écrire, à la suite des paroles que vous dites ceci : qu'on rende

grâces à Dieu de tout ce que vous écrivez. » (Doncoeur, p.84; Ferré, p.89)

Même recommandation faite par le Seigneur à sainte Brigitte5 : « Moi, Dieu, j'ai plusieurs

enfants qui sont retenus dans les pièges du démon. Mon amour leur envoie les paroles de ma

bouche par une femme. Entendez donc, vous, ô Frère Pierre6, écrivez en langue latine ce

qu'elle vous dira de ma part en langue vulgaire, et je vous donnerai pour chaque lettre, non de

l'or et de l'argent, mais un trésor qui ne vieillira jamais. » (Révél. Extrav., ch. 48)

Sainte Gertrude7 répugnait à donner par écrit ses révélations, elle s'excusait en se disant

qu'elle avait assez fait de vive voix pour l'utilité du prochain, mais le Seigneur lui opposa cette

parole qu'elle avait entendu lire la nuit même aux Matines : « Si le Seigneur n'eût voulu faire

connaître sa doctrine qu'à ceux qui étaient présents, il n'y aurait eu que des paroles et rien

d'écrit. Mais aujourd'hui ses paroles sont aussi écrites pour le salut d'un plus grand nombre. »

Et il ajouté : « Je veux avoir dans tes écrits un témoignage irrécusable de ma divine tendresse,

pour ces derniers temps où je me dispose à faire du bien à un grand nombre; » (Liv. 2, ch.10)

Pendant que j'écrivais aujourd'hui dans ma cellule, raconte sainte sainte Véronique Juliani8,

j’entendis une voix intérieure qui me dit : " Je suis avec toi, que veux-tu de plus ? " Cette voix

me paraissait être celle du Seigneur. Elle me causait tant de contentement que j’étais comme

3Sainte Thérèse naquit en 1515 et mourut en 1582. Les citations sont faites d’après la traduction du P. Bouif, ou d’après

la traduction des Carmélites, Paris, Beauchesne, ou sur l’original : Obras de Santa Teresa de Jesu, par D.Vicente de la

Fuente, 1881.

4Sainte Angèle de Foligno mourut en 1309. Le livre des visions et instructions de la bienheureuse Angèle de Foligno a été

écrit par son confesseur, le Père Arnaud. (Traduction par le p. Doncoeur. Par M.J. Ferré, par Hello.)

5Sainte Brigitte, morte en 1373, princesse suédoise, fonda, d'après les ordres reçus de Dieu, l'ordre du Saint-Sauveur,

qui rendit d'éminents services à la religion jusqu'à ce qu'il fût détruit par les protestants. Les révélations de sainte

Brigitte ont été recommandées par le concile oecuménique de Constance et par les papes Boniface IX (bulle de

canonisation), Urbain VI et Martin V. Nous les citons d'après la traduction de Jacques Ferraige, rééditée en 1859.

6Le P.Pierre était un moine bénédiction, sous-prieur de son couvent.

7Sainte Gertrude (1256-1302) vécut au monastère d'Helfta, en Saxe. Nous la citons d'après l'édition latine, Paris, Oudin,

1875, et d'après la traduction faite par les Bénédictines de Solesmes, Paris, Oudin, 1878.

8Sainte Véronique Juliani, née en 1660, mourut en 1727. Elle avait souvent assuré que les instruments de la Passion

étaient imprimés dans son coeur. On voulut, après sa mort, vérifier ses déclarations ; tout se trouva conforme à ce qu’elle

avait décrit. Nous citons toujours son journal, récemment publié et édité par le P. Pizzicaria, S. J. , Couvent des

Capucines, Citta di Castello, Italie.

hors de moi ; cependant je continuais d’écrire. A la fin ne le pouvant plus, je voulus me mettre à

faire oraison. Mais de nouveau j’entendis la voix qui me dit : " Écris ; la fatigue que tu éprouves

m’est agréable autant que l’oraison, parce que ces choses (que tu écris) seront de grand profit

aux âmes. Donc écris tout. Ce sont mes oeuvres, n’en doute pas. " (Diario, 13 settembre 1697.)

« Tes écrits iront dans le monde entier, pour ma gloire et le bien des âmes. " (23 maggio

1697.)

« Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron9, je veux vous découvrir les grâces que

vous avez reçues de moi, votre Epoux, et que vous les écriviez avec les manquements que

vous y avez apportés…à la vérité vous y souffrirez beaucoup, le démon vous tourmentera de

toutes manières, mais, ma fille, ayez bon courage, je vous assisterai ; les tourments passeront,

et si vous persévérez, il sera enfin confondu et votre Jésus règnera tout pur dans votre coeur. "

(Ire part., ch. Ier.)

Le Sauveur fit le même commandement à la bienheureuse Varani d’écrire les révélations

qu’il lui avait faites sur ses souffrances intérieures. (Opere spirituali, p. 53.)

Les directeurs de sainte Marguerite-Marie10 lui avaient ordonné d’écrire les grâces

merveilleuses qu’elle recevait, mais elle éprouvait une vive répugnance à le faire ; son divin

Maître l’en reprit : Pourquoi refuses-tu d’obéir à ma voix qui te demande de mettre par écrit ce

qui vient de Moi et non de toi, car tu n’y as pour ta part qu’une simple adhérence ; considère ce

que tu es et ce que tu mérites, et tu pourras connaître d’où vient le bien que tu possèdes.

Pourquoi crains-tu puisque je t’ai donné pour asile le lieu où tout est rendu facile. " (Éditions

Gauthey, I, p. 109.)

Comme Marguerite en accomplissant cette obéissance ressentait toujours la même peine et

s’en plaignait à Notre-Seigneur : " Poursuis ma fille, poursuis, il n’en sera ni plus ni moins pour

toutes tes répugnances ; il faut que ma volonté s’accomplisse ", lui dit Jésus. (II, p. 39.)

Notre Seigneur dit à Marie-Céleste11 : " Bien aimée de mon coeur, écris de moi. Ce que je

t’ai communiqué dans le secret, dis-le publiquement. Car ma volonté est que tu manifestes les

vérités que tu as reçues de ma sagesse sur mon Incarnation et la magnificence des oeuvres

que j’ai accomplies en prenant la nature humaine. Oh ! que de secrets sur ma vie et ma mort

sont cachées aux hommes ! Je te commande donc d’écrire de moi afin que mon nom soit

glorifié sur la terre. " (Vie, p. 362.)

Jésus déclara plusieurs fois à Soeur Benigna Consolata12 la mission qu'Il voulait lui confier,

et lui fit comprendre qu’elle devait être son instrument. Ayant dit quelque chose à Jésus du désir

que j’avais de faire connaître ses miséricordes, Il me dit : " Mais oui, tu le peux; tes écrits sont

destinés à les faire connaître. Toute parole que tu écris chante ma miséricorde. Ecris le plus

que tu le peux. Je veux avoir besoin de toi, pauvre petit rien, pour faire parvenir aux âmes mes

miséricordes. " (Pp. 103, 104.)

9Madeleine Vigneron (1628-1667) vécut à Senlis, puis à Paris d’une vie très édifiante, qu’elle termina après sept années

de maladies et de souffrances héroïquement endurées. Son directeur, le P. Mathieu Bourdin, minime, a publié ses

mémoires, qui contiennent des choses remarquables. (Paris, 1689.).

10Sainte Marguerite-Marie (1647-1690). Nous citons d'après l'édition de ses oeuvres par Mgr Gauthey.

11La vénérable Marie-Céleste Costarosa (1696-1795) fut cette sainte religieuse que Notre-Seigneur chargea de faire

savoir à saint Alphonse de Liguori qu’Il l’avait choisi pour fonder un Ordre nouveau, qui fut l’Ordre du Très saint

Rédempteur. (Vie, par le R. P. Favre, Paris, librairie Saint-Paul, 1931.)

12Soeur Benigna-Consolata Ferrero, née à Turin (1885), entrée au couvent de la Visitation à Côme, le 30 décembre 1907, y

mourut en odeur de sainteté le 1er septembre 1916. Elle reçut dès sa jeunesse les missions de Jésus. Le Sauveur

l'appelait d'abord de son nom de baptême, Maria. A sa prise d'habit, elle reçut le nom de Benigna-Consolata et Jésus

l'appela dès lors Benigna. Les citations sont extraites, soit de la notice en italien, faite par le couvent de Côme, soit de la

Vie, traduite en français, imprimerie Roudil, 3 quai Saint-Clair à Lyon.

2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit les paroles divines

Paroles du Seigneur à sainte Gertrude : " Celui qui transcrira ce livre13 recevra à chaque

trait qui s'y trouve les flèches de l’amour que je lui lancerai de mon divin Coeur et qui exciteront

dans son âme les sentiments les plus délicieux d’une divine suavité. " (Prologue.) " Le travail de

la personne qui a écrit ce livre m’est aussi agréable que si elle avait suspendu en mon honneur

autant de cassolettes qu’elle y formé de lettres. " (Liv. V, ch. III.) " Dis au frère qui écrit quand tu

parles, dit le Seigneur à sainte Angèle de Foligno, de travailler à se faire petit. Il est aimé du

Dieu tout-puissant. Dis-lui d’aimer le Dieu tout-puissant. " (Ch. L.)

3. Le Seigneur a aidé ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles

Sainte Mechtilde14 sachant que deux de ses Soeurs -dont l’une n’était autre que, semble-t-il,

que sainte Gertrude- écrivaient un livre de toutes les révélations qui lui avaient été faites, disait

au Seigneur : D’où puis-je savoir que tout ce qui est écrit est vrai, puisque je ne l’ai ni lu ni

approuvé ? Et encore le lirais-je que je ne m’en rapporterais pas parfaitement à moi-même. Le

Seigneur lui répondit : " Je suis dans les coeurs de celles qui désirent t’entendre, en excitant

chez elles ce désir. Je suis leur intelligence lorsqu’elles t’entendent, qui leur fait comprendre ce

que tu leur rapportes. Je suis aussi dans leur bouche lorsqu’elles en parlent : je suis dans leur

main lorsqu’elles l’écrivent, en tout je suis leur aide et leur coopérateur ; et de la sorte tout ce

qu’elles dictent et écrivent en moi et par moi qui suis la vérité, est vrai… Ce qu’elles écrivent,

bien que manquant de l’élégance avec laquelle je te l’ai communiqué, toutefois avec l’aide et la

coopération de ma grâce, recevra le cachet et la confirmation de ma vérité. Tu m’as d’ailleurs si

souvent prié de ne pas te laisser séduire par l’esprit d’erreur, que tu as toute raison de croire

que ma bonté t’a exaucée en ce point. " (Ve part., ch. XXII.)

Plus tard, quand le livre fut achevé, le Seigneur lui dit : ne crains rien, c’est moi qui ai tout

fait ; tout est donc mon ouvrage. Le don que tu as eu vient de moi, et aussi véritablement que tu

l’as reçu de mon Esprit, de même c’est mon esprit qui a poussé vraiment celles-ci à écrire et à

poursuivre ce travail. Elles ont en vérité écrit d’après mon Esprit tous les mots de ce livre, qui

éternellement brilleront dans leurs couronnes devant mes yeux. " (Vie part. , ch. 31.)

Sainte Gertrude, dont une autre Soeur écrivait également les révélations, reçut du Seigneur

la même assurance : " Puisque tu sais que ma volonté est que ce livre soit écrit, pourquoi te

troubler ? C’est moi en effet qui pousse celle qui l’écrit, et je l’aiderai fidèlement. " (Prologue.)

4. Pourquoi Dieu choisit les simples pour être ses interprètes

On avait dit à la Soeur Mechtilde15 que le livre contenant ses révélations seraient brûlé.

Hélas Seigneur, dit-elle, m’avez-vous donc fait illusion en m’ordonnant d’écrire ce livre ? Dieu

apparut aussitôt à son âme affligée, et tenant ce livre dans sa main droite, Il dit : " Ma bien

aimée, ne soit pas troublée à ce point ; on ne peut brûler la vérité. Celui qui me le prendra des

mains devra être plus fort que moi… Considère avec attention mes paroles et vois avec quel

amour elles manifestent mes secrets et ne doute plus de toi-même. " Et comme l’humble Soeur

objectait son ignorance et sa misère : " Ma fille, reprit le Seigneur, beaucoup de gens perdent

leur or précieux par leur négligence, ils ne suivent pas la voie qui les auraient conduits à une

école supérieure… J’ai toujours cherché pour accorder mes dons spirituels les plus humbles,

les plus petits. Les hautes montagnes ne peuvent recevoir la révélation de mes grâces, car mon

13On sait que le livre de sainte Gertrude n’est guère autre chose que l’ensemble des instructions qu’elle reçut du

Seigneur.

14Sainte Mechtilde (1241-1298) vécut dans le monastère d’Helfta en Saxe. (Révélations, texte latin édité par les Pères

Bénédictins, Paris, Oudin, 1877 ; traduction française par les mêmes, Oudin, 1978.)

15Mechtilde de Magdebourg, morte vers 1293, après avoir pendant de longues années vécu saintement, isolée au milieu du

monde, entra dans le monastère d’Helfta où vivait alors sainte Gertrude et sainte Mechtilde. Ces deux grandes servantes

de Dieu ont rendu témoignage à sa sainteté et à la vérité de ses révélations. (Révélations de la Soeur Mechtilde,

traduction française, Oudin, Paris, 1878 ; édition latine, Oudin, 1877.)

Esprit-Saint les fait couler dans les humbles vallées. Beaucoup qui passent pour savants dans

les Écritures ne sont à mes yeux que des insensés. C’est pour moi une grande gloire et c’est

pour la sainte chrétienté (l'Église), une force puissante de voir une bouche ignorante donner

des leçons, d’après mon Esprit-Saint, aux langues érudites. " (Introduction, V.)

Le frère Henri16 ayant manifesté son étonnement des révélations faites à Soeur Mechtilde, le

Seigneur dit à celle-ci : " Demande-lui comment il se fit que les apôtres après avoir montré une

si grande timidité, parurent si hardis quand ils eurent reçu le Saint-Esprit… demande-lui

comment Daniel prit la parole, quand il n’était qu’un enfant, qu’il convainquit de mensonge les

vieillards iniques et qu’il délivra Suzanne. " (Liv.II, ch. XXII.)

5. Fruits que doivent produire les paroles divines

Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : " Les paroles que vous entendez dans vos révélations

raniment comme une bonne boisson ceux qui désirent la charité, elles échauffent les froids,

elles apaisent les troublés, elles affermissent les faibles d’esprit. " (Liv.V, n° 11.)

A la Soeur Mechtilde furent dites ces paroles : " J’envoie ce livre à tous les gens d’église,

bons ou mauvais, parce que si les colonnes se renversent, l’édifice ne peut plus se soutenir…

C’est moi qui l’ait fait, ne pouvant plus me retenir de répandre au dehors mes faveurs…Dans ce

livre toutes les âmes désolées, troublées trouveront leur consolation, mais ceux qui chercheront

ailleurs leur consolation recevront de ces paroles un trouble plus grand encore. " (Introduction,

VI.) " Ce livre est écrit avec le sang de mon coeur. " (Liv. II, ch. XII.)

Sainte Gertrude entendit le Seigneur lui dire : " Si quelqu’un veut lire en ce livre pour son

progrès spirituel, je l’attirerai près de moi de telle sorte qu’il semblera que je tiens le livre dans

mes mains et que je m’associe à sa lecture… J’aspirerai le souffle de ses désirs qui viendront

émouvoir mes entrailles en sa faveur ; je lui inspirerai le souffle de ma divinité, et mon esprit

renouvellera son intérieur. " (Prologue.) " Je retrouve partout dans le livre l’inexplicable douceur

de l’amour divin, qui l’a fait écrire ; j’y respire la suave odeur de la bonne volonté de la personne

qui l’écrit, enfin je suis agréablement flatté d’y contempler l’image de ma gratuite bonté, qui se

manifeste à chaque page. " (Liv. V, ch. XXXIII.) " Je pénétrerai de la douceur de mon amour

divin et je féconderai toutes les paroles de ce livre… qui a été vraiment écrit sous l’impulsion de

mon esprit. Quiconque venant à moi avec un coeur humilié voudra y lire pour l’amour de mon

amour, je le prendrai en mon sein, et lui montrerai, comme de mon doigt, les endroits qui lui

seront utiles… et je lui ferai sentir le souffle de ma divinité pour le salut de son âme. " (Ibid., ch.

XXXIV.)

Semblables promesses furent faites à sainte Mechtilde : " Tout ce qui est écrit dans ce livre

a coulé de mon Coeur divin et y reviendra… Tous ceux qui me recherchent avec un coeur fidèle,

trouveront dans ce livre une cause de joie, ceux qui m’aiment s’embraseront davantage de mon

amour et ceux qui sont dans l’affliction y trouveront la consolation. " (Liv. II, ch. XLIII.)

6. Les paroles divines ont aussi pour but de guérir les hommes de leurs péchés

Sainte Brigitte fut chargée de transmettre à son archevêque les paroles suivantes : " Vous

admirez pourquoi je parle. Mais " élevez vos yeux, voyez et écoutez. Demandez comment je

suis méprisé de tous, rejeté de tous ; personne ne veut m’avoir en son amour. Le coeur de

l’homme est dévoré par une cupidité insatiable du levant jusqu’au couchant, cruel même

jusqu’à verser le sang de son prochain. Tout le monde s’habille avec orgueil. Les hommes se

livrent à la volupté comme des animaux. Quels sont les défenseurs de la foi; en trouve-t-on qui

combattent les ennemis de Dieu, où sont ceux qui donnent leur vie pour le Seigneur ? Vous

trouverez bien peu d’hommes qui soient mes amis. Pensez à ces choses et vous verrez que je

ne parle pas sans sujet… Prenez donc mes paroles et voyez si elles sont, non pas pourries,

mais pures et entières, si elles témoignent une foi saine et droite ; voyez si elles sont dignes de

mon or, si elles conduisent de l’honneur du monde à l’honneur de Dieu, de la voie de l’enfer à la

16C’était un dominicain savant et vertueux..

sublimité du ciel. " (Révél extrav., 51.)

7. Les péchés des hommes peuvent empêcher le fruit des paroles divines

Toutes les oeuvres de Dieu peuvent être combattues par les créatures. Ainsi il peut se

trouver des obstacles qui empêchent, au moins momentanément la parole divine de porter son

fruit ; le Seigneur l’a déclaré en ces termes à sainte Brigitte : Ce royaume (de Suède) est souillé

par un grand péché qui depuis longtemps reste impuni ; c’est pourquoi mes paroles n’y peuvent

fructifier, comme je l’expliquerai par une comparaison. Si l’on plantait en terre un noyau sur

lequel on mettait un fardeau pesant, la tige ne pourrait monter. Le noyau étant bon, ne pouvant

pousser en haut, pousserait en bas et étendrait très profondément ses racines ; et après, non

seulement il portera de bons fruits, mais encore il anéantira tout ce qui s’oppose à sa

croissance, et il s’étendra par-dessus l’obstacle. Ce noyau signifie ma parole, qui ne peut

fructifier en ce royaume, à raison du péché ; elle profitera plus ailleurs jusqu’à ce que, ma

miséricorde grandissant, l’endurcissement de cette terre et de ce royaume soit ôté. " (Liv. V, ch.

XII.) Ainsi beaucoup d’oeuvres divines combattues persévèrent dans la prière et le sacrifice,

elles n’en produisent que de plus grands fruits.

8. Il ne faut pas mépriser les révélations divines

Sainte Gertrude se demandait pourquoi le Seigneur la pressait de manifester ce qui est écrit

dans son livre, car elle n’ignorait pas que certains petits esprits feraient peu de cas de ses dons

et s’en serviraient comme d’un texte à calomnies. Le Seigneur lui dit : " Pour ceux qui

voudraient calomnier ces dons, que le péché leur en retombe sur leur tête. (Liv. Ier, ch. XV.)

Je ne souffre pas ceux qui pervertissent le sens de ces révélations et qui parlent contre ces

écrits ; au reste je triompherai d’eux comme des autres. " (Liv. V. ch. VII.)

Celui qui, poussé d’une veine et orgueilleuse curiosité, faussera le sens de ce livre, je ne le

supporterai pas et je n’hésiterai pas à le renverser par ma vertu divine et à le couvrir de

confusion. " (Liv. V. ch. XXXIV.)

" Moins il y a du vôtre dans ces écrits, plus ils sont de moi, dit le Seigneur, dit le Seigneur à

Madeleine Vigneron, sachez que mon dessein n’est autre que d’avancer votre perfection et non

point de la retarder. Les démons qui ont fait passer la conduite de ma vie pour criminelle, bien

qu’elle fut l’innocence même voudraient encore faire passer pour telle la conduite que je tiens

sur votre âme, quoi qu’elle fut remplie de mes plus grandes miséricordes… Quand ces écrits

viendraient à être méprisés comme un récit qui passe par la croyance, cela ne doit point vous

décourager, puisque les hommes ont condamné ce qu’ils m’ont vu faire d’extraordinaire ;

quoique je l’ai autorisé par des raisons divines et que ce fût pour leur salut, ils n’ont pas laissé

de me persécuter jusqu’à me procurer la mort. Ainsi ces écrits pourront bien être condamnés de

plusieurs esprits sur cette raison que l’on n’a point accoutumé d’entendre des choses

semblables ; mais ils doivent savoir que cette condamnation fondée sur cette seule raison est

très injuste et très injurieuse à ma miséricorde, que j’étends extraordinairement sur qui il me

plaît. " (Ire part., ch. XI.)

9. Il faut lire peu à la fois, puis méditer et relire souvent les divines paroles

Le Seigneur dit à Mechtilde : " Quand une colombe vient à un tas de blé elle ne l’emporte

pas tout entier, mais elle y choisit ce qui lui plaît davantage ; fais de même lorsque tu entends

ou que tu lis la parole de Dieu, et que tu ne peux tout retenir dans ton esprit, recueilles-en pour

toi quelques traits, sur lesquels tu exerceras ta mémoire, pensant ainsi : Voyons, qu’est ce que

ton Bien-Aimé t’annonce dans cette lecture. " (IIIe partie., ch. XLI.)

Et à Soeur Mechtilde de Magdebourg : " Ce livre n’annonce au monde que moi seul, et il

révèle dignement mes secrets. Quiconque voudra bien comprendre ce livre, devra le lire neuf

fois. " (Introduction, VI.)

CHAPITRE II : Dieu Amour

I. Les qualités de l'amour divin

1. Amour de Dieu le Père pour son Fils et du Fils de Dieu pour son Père

Le Père éternel parla ainsi par la bouche de sainte Madeleine de Pazzi17 : « l’âme de mon

Verbe, se tenant dans mon sein, me regarde et je la regarde moi-même avec un regard de

contemplation, d’admiration, d’amour, d’anéantissement, de pureté, de paix, de conseil, de

piété, de libéralité, de miséricorde, de justice, de bonté, de sagesse, de puissance, de

communication, de vérité, d’union, d’éternité, de clarté, de transformation et de glorification… O

ma fille, épouse de mon fils unique, écoutez attentivement, si vous voulez comprendre ce que

je vais vous dire : au moment où l’âme du Verbe entra dans mon sein (au jour de l’Ascension)

elle me regarda, mais d’un regard ineffable et incompréhensible pour vous, et ce regard fut pour

elle la source d’une joie immense.

Sans doute elle jouissait déjà de la gloire auparavant, puisqu’elle ne cessa de m’être unie

depuis son Incarnation, mais elle en reçut alors une auréole plus éclatante que je lui donnais en

récompense de la victoire qu’elle venait de remporter sur la mort et le péché ; comme aussi de

l’obéissance et de l’amour avec lequel elle avait accompli l’oeuvre de votre Rédemption, que je

lui avais imposée, amour si ardent et si immense que nulle créature ne peut s’en faire une idée,

bien loin de le comprendre. La beauté de cette âme, rehaussée par la splendeur de cette gloire

nouvelle et par cet amour immense, que je voyais dans mon Verbe pour la créature, me plut

tellement, qu’au moment ou elle entra dans mon sein et fixa ses regards sur moi, je fixais aussi

les miens sur elle, et ce regard réciproque, qui rendit plus ardent ce foyer d’amour et plus

éclatante cette gloire de la divinité, fit jaillir sur la terre une abondante et ineffable rosée de

grâces…

Demande de l’âme : Dites-moi, je vous prie, ô mon Père, ce que le Verbe regardait dans

votre sein.

Réponse du Père : « Il regardait la divinité et l’égalité qu’il tient de moi, qui suis, en qualité

de Père le principe et la source vitale de la Très Sainte Trinité, à laquelle son âme était unie en

moi. Il regardait avec une complaisance infinie cette Essence divine qu'Il avait reçue de moi, et

son âme se contemplant en moi comme dans un miroir voyait les grâces immenses, les trésors

infinis qui Lui avaient été communiqués par cette union et qu’elle recevait à un titre nouveau en

vertu de ce regard. » (Ire part., ch. XXIV.)

2. Dieu nous a aimés avant de nous créer et cet amour est tout gratuit

Notre-Seigneur dit à sainte Catherine de Gênes18 : « Si tu savais combien j’aime les âmes

tu ne pourrais plus jamais savoir autre chose en cette vie ; car cette connaissance te ferait

mourir ; et si tu vivais, ce serais par l’effet d’un miracle… Mon amour est infini et je ne puis

qu’aimer ce que j’ai créé. La cause de mon amour n’est autre que lui-même, et comme tu n’es

pas capable de l’entendre, demeure en paix et n’entreprends pas de chercher ce que tu ne

saurais trouver. (Dialogue, IIe part., ch. V, p. 347.).

Seigneur, disait la même sainte, qu’est ce donc que l’homme dont vous avez tant de soin !

Je ne sais si vous êtes son Seigneur ou son serviteur ; il semble que l’amour vous ait aveuglé à

tel point que vous ne connaissiez plus nos misères. Le Seigneur lui répondit : Tu demandes une

17Sainte Madeleine de Pazzi (1566-1607) fut carmélite, à Florence. Elle avait de fréquentes extases, pendant lesquelles

elle faisait connaître ce que Dieu lui révélait. Parlant tantôt en son nom, tantôt au nom du Père, ou du Verbe ou du Saint-

Esprit. Six secrétaires écrivaient alors ce qui sortait de ses lèvres, puis quand elle était revenue de son extase, sur

l’ordre de la Mère Prieure, elle révisait ce qui avait été écrit. (OEuvres, recueillies par le P. Brancaccio, traduites par Don

Anselme Bruviaux, Paris, Palmé, 1873)

18Sainte Catherine de Gênes (1447-1510) a écrit un traité du Purgatoire et les Dialogues. (Vie et OEuvres, par le vicomte

de Bussières, 2e édition, revue par le P. Millet, Paris, Allard, édition Italienne, Gênes, 1847.)

chose si grande que tu ne saurais la comprendre ; mais pour contenter ton intelligence faible et

pauvre, je t’en montrerai quelque chose ; si je t’en donnais une plus claire vue, tu ne pourrais

vivre, à moins que la grâce ne te soutînt…

« Sache d’abord que je suis Dieu immuable et que j’aimais l’homme avant de le créer. Je

l’aimais d’un amour infini, pur, simple, sans cause aucune ; je ne puis pas ne pas aimer ce que

j’ai créé et destiné selon son degré à contribuer à ma gloire. De plus j’ai amplement pourvu

l’homme de tous les moyens convenables pour parvenir à sa fin. Je lui ai accordé des dons

naturels et des grâces surnaturelles, qui, de ma part, ne lui manquent jamais. De plus mon

amour infini l’entoure par divers moyens et voies afin de le soumettre à ma providence, et je ne

trouve rien qui me soit contraire que le libre arbitre dont je l’ai doué. Je combats toujours ce

libre arbitre par l’amour jusqu’à ce que l’homme me le donne et m’en fasse un présent ; puis,

après l’avoir accepté, je le réforme peu à peu par une opération secrète et avec un soin

amoureux et jamais je ne l’abandonne que je ne l’ai mené à la fin à laquelle il est destiné. » (IIIe

part., ch. 1er, p. 372.)

3. Dieu nous aime malgré nos défauts qu’Il combat sans cesse

« Quant à ton autre question : pourquoi j’aime cet homme qui m’est si contraire et qui est

plein de misères, dont l’infection monte de la terre au ciel, je te réponds : à cause de mon infinie

bonté et du pur amour dont j’aime l’homme, je ne puis m’arrêter à ses défauts, ni cesser de

faire mon oeuvre, laquelle consiste à le combler toujours de bien. Je lui montre ses faiblesses à

ma lumière et les lui fais connaître ; lorsqu’il les connaît, il les pleure, et lorsqu’il les pleure, il

s’en purifie. Mais je suis offensé par l’homme lorsqu’il met obstacle à l’opération que j’ai

ordonnée pour le mener à sa fin, en d’autres termes lorsque mon amour ne peut agir selon les

besoins de la créature ; cet obstacle c’est le péché. Quant à cet amour que tu demandes à

connaître, tu ne saurais le comprendre, car il n’a ni forme ni mesure ; tu ne peux le connaître

par la voie de l’entendement, parce qu’il n’est pas intelligible ; il se connaît quelquefois par ses

effets. Quiconque qui n’aurait pas perdu la foi et verrait les effets que je produis dans les

hommes par ces rayons d’amour que je répands secrètement dans leurs coeurs, en serait

certainement enflammé à tel point qu’il ne pourrait vivre, car la véhémence de cet amour le

réduirait à néant. Quoique la créature soit presque toujours dans l’ignorance à cet égard, tu vois

cependant que poussés par cet amour inconnu, des hommes abandonnent volontairement le

monde, les biens, les amis, les parents ; les autres amours et les plaisirs leur deviennent alors

odieux. Cet amour porte l’homme à se vendre pour être esclave, à devenir sujet des autres

jusqu'à la mort ; il augmente tellement qu’il ferait endurer mille martyres, comme l’expérience le

fait voir continuellement. » (Dialogue, IIIe part., ch. Ier.) .

4. L’amour de Dieu pour nous est toujours en éveil

L'Éternel dans son Ineffable clémence jeta sur Catherine (de Sienne)19 un regard plein de

tendresse et voulut lui expliquer comment la divine providence ne manque jamais à personne. Il

s’exprime ainsi : « O ma fille bien aimée, combien de fois te l’ai-je répété, oui je veux faire

miséricorde au monde et assister chacun selon ses besoins ; mais l’homme ignorant trouve la

mort où j’ai placé la vie et il se rend ainsi cruel à lui-même. Moi je veille toujours et je veux que

tu saches que ce que je donne à chacun est réglé par mon infinie providence. Avec ma

providence j’ai créé l’homme et quand je l’ai regardé en moi-même, je me suis passionné pour

la beauté de ma créature, car il m’avait plu de la créer à mon image et à ma ressemblance. »

(Dialogue, ch. CXXXV, n°1 et 2.)

Sainte Brigitte vit un jour, assis entre les saints sur un siège majestueux, Jésus-Christ, qui

19Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) fut, pendant sa courte vie, l’une des saintes les plus favorisées de

communications célestes. Les unes nous furent transmises par le bienheureux Raymond de Capoue, son confesseur à qui la

sainte les fit connaître ; les autres furent recueillies par ses secrétaires pendant ses extases, et formèrent le Livre de

la divine doctrine ou le Dialogue. Alors, en effet, Dieu le Père parlait en elle et elle répondait. (Dialogo della divina

Providenza, nuova edizio secondo un inedito codice,Bari, 1912, et traduction Cartier, Paris, Lethielleux, 19°3 ; Vie, par la

Comtesse de Flavigny, Paris, Santon, 1880.)

lui dit ces paroles : « Je suis la vraie charité ; tout ce que j’ai fait de toute éternité je l’ai fait par

amour ; de même tout ce que j’ai fait et ferai procèdera de mon amour. Mon amour est aussi

grand et aussi incompréhensible maintenant qu’il l’était le jour de ma passion, quand par ma

mort, dans un excès d’amour je délivrai des limbes tous mes élus. S’il était possible que je

mourusse tout autant de fois qu’il y d’âmes en enfer, je souffrirais pour chacune d’elle comme je

souffris alors pour toutes ; mon corps serait encore tout disposé à endurer tous ces tourments.

» (Liv.VII, ch. XIX.)

5. L’amour de Dieu pour nous est fort, éternel, plein d’ardeur

O Seigneur, disait Mechtilde de Magdebourg, aimez-moi beaucoup, aimez moi souvent,

aimez-moi longtemps… Elle entendit cette réponse : Que je t’aime souvent, cela est dans ma

nature, car je suis moi-même l’amour. Que je t’aime fortement, c’est selon mon désir, car je

veux être fortement aimé. Enfin que je t’aime longtemps, cela est du ressort de mon éternité,

car je suis sans fin. » (Liv. IV, ch. V.)

Sainte Mechtilde vit le Seigneur ouvrir la plaie de son très doux Coeur, et il lui dit : «

Regarde toute l’étendue de mon amour pour le bien connaître ; tu ne pourras le trouver nulle

part plus clairement que dans les paroles de l'Évangile car on n’en jamais entendu qui

exprimassent un amour plus fort ou plus tendre que celles-ci : Comme mon Père m’a aimé,

ainsi je vous ai aimé (Jean XV, 9), ainsi que d’autres semblables que j’ai adressées tant à mes

disciples qu’à mon Père en comblant ceux-là de mes bienfaits. (Ière part., ch. XXI.).

Un jour Notre Seigneur dit à sainte Angèle de Foligno : »Ma fille, ce n’est pas pour rire que

je t’ai aimée. » Cette parole, écrit la chère sainte, me porta dans l’âme un coup mortel, car mes

yeux s’ouvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette parole était vraie. Je voyais les

actes, les effets réels de cet amour et jusqu’où, en vérité, il avait conduit le fils de Dieu. Je vis

ce qu’il supporta dans sa vie et dans sa mort pour l’amour de moi par la vertu réelle de cet

amour indicible qui lui brûlait les entrailles. Non, non, il ne m’avait pas aimée par moquerie,

mais d’un amour épouvantablement sérieux, vrai, profond, parfait, et qui était dans ses

entrailles. Et alors, mon amour à moi, mon amour pour lui m’apparut comme une mauvaise

plaisanterie, comme un mensonge abominable. Ici, ma douleur devint intolérable, et je

m’attendais à mourir sur place. Et d’autres paroles vinrent qui augmentèrent mes souffrances :

« Ce n’est pas par grimaces que je me suis fait ton serviteur, ce n’est pas de loin que je t’aie

touchée. » Eh bien ! moi, m’écriai-je, c’est tout le contraire. Mon amour n’a été que plaisanterie,

mensonge et affectation. Je n’ai jamais voulu approcher de vous en vérité, pour partager les

travaux que vous avez endurés pour moi, et que vous avez voulu endurer ; je ne vous ai jamais

servi dans la vérité et dans la perfection, mais dans la négligence et dans la duplicité. » (Hello,

ch. XXXIII ; Doncoeur, p.240 ; Ferré, p. 341.)

Une nuit que sainte Mechtilde se trouvant éveillée saluait le Seigneur du plus profond de

son coeur, elle Le vit venir à elle du palais du ciel et lui dire en plaçant son Coeur divin sur son

propre coeur : « Une abeille ne se précipite jamais dans les prés verdoyants pour y butiner

parmi les fleurs avec plus d’avidité que je suis prêt à venir dans ton âme quand elle m’appelle. »

(IIe part., ch. III.)

Un jour, la même sainte s’inclinant sur le sein de son Bien-aimé entendit à l’intérieur du

Coeur divin résonner comme trois battements : « Ces trois battements, lui dit le Seigneur

marquent trois paroles que j’adresse à l’âme aimante. La première est : viens, c'est-à-dire

sépare-toi de toutes les créatures ; la seconde est : entre, avec la confiance d’une épouse ; la

troisième : dans le lit nuptial qui est le Coeur divin. » (Ire part., ch. XX.)

6. L’amour de Dieu pour nous est d’une profondeur infinie.

Il m’arriva, raconte Marcelline Pauper20, qu’étant au lit une voix forte m’éveilla, me disant : «

Lisez. » Je vis une grande lumière et une main qui me présenta ce mot écrit en lettres d’or :

« amour ». Je considérai fort attentivement l’ O qui se trouve au milieu de ce mot, dont la figure

était très parfaite. La voix me dit : « Considère » et je vis dans cette main écrit de même en

caractères d’or : Croix, l’O également au milieu d’une beauté infinie et il me fut dit : « L’un

s’éprouve par l’autre. » (Vie, ch. VI.)

7. Le coeur de l’homme fait les délices de Jésus

Le Coeur de Jésus se révélait à sainte Mechtilde : « Rien ne me donne autant de délices

que le coeur de l’homme, dont je dois toutefois souvent me passer. J’ai tous les biens en

abondance, le coeur de l’homme seul m’échappe souvent. » ( IVe part., ch. XXXIV.)

8. Les maux comme les biens viennent de l’amour

Notre-Seigneur, dit Soeur-Marie-aimée de Jésus21, me montra qu’il m’avait créée pour lui en

me plaçant dans le choeur de ses vierges ; que de même que dans la cire une partie est

recueillie pour brûler devant son tabernacle, et l’autre pour des usages vulgaires, de même il

m’avait attirée dans le cloître afin que son amour me consumât en sa sainte présence. Puis Il lui

découvrait de combien de maux elle eût été affligée en cette vie, si elle avait eu le malheur

d’être assez ingrate pour Lui préférer une créature ; et elle comprit que la vengeance de ce

céleste Epoux eût été une vengeance d’amour dans le seul but de la ramener à Lui. Et Notre-

Seigneur lui dit : « Si l’épouse infidèle eût été si ardemment aimée, combien penses-tu que doit

l’être l’épouse fidèle ? »

9. L’amour souffre de ne pouvoir donner

Étant à l'Église devant le Saint Sacrement, raconte Madeleine Vigneron, Notre-Seigneur me

fit connaître que le refus des grâces Lui est insupportable, car Il n’est dans le Saint Sacrement

que pour les communiquer. Ne trouvant personne sur qui décharger son amour, cet amour est

comme un feu renfermé qui Le consumerait entièrement s’il en était capable et qui Lui causerait

beaucoup plus de souffrances que son Père ne Lui en avait envoyé sur la croix. (Vie, IIe part.,

ch XV)

10. Jésus est heureux d’avoir souffert pour nous

La vigile de sainte Claire, Marguerite de Cortone22 après avoir reçu dévotement le corps du

Fils de Dieu, l’entendit lui dire : « Fille bénie, pour l’amour de qui j’ai pris un corps dans le sein

de la bienheureuse Vierge Marie, qu’elles soient bénies, ces peines auxquelles je me suis

soumis pour toi ! Qu’elle soit bénie aussi mon Incarnation. Bénis soient également les travaux

que j’ai endurés ! Béni soit enfin l’amour qui m’a uni aux hommes ! Je compte peu de justes en

ce moment parmi mes enfants par rapport au nombre des méchants. N’en eussé-je qu’un seul

dans le monde, je bénirais à cause de lui toutes les souffrances que j’ai endurées. » (Sa vie,

par son confesseur, traduction Brivain, ch. V, § 44.).

20Marcelline Pauper (1663-1708) entra dans l’institut des Soeurs de la Charité de Nevers, cinq ans après sa fondation ;

elle y vécut très saintement et fut très favorisée du Seigneur. Sa vie, écrite par elle-même, fut publiée par le P. Bouix,

S.J., Nevers, 1871

21Soeur Marie-Aimée de Jésus, carmélite de Paris, vécut de 1839 à 1874. Sa vie a été publiée par les Carmélites exilées à

Natoye, province de Namur, Belgique.

22Sainte Marguerite de Cortone (1247-1297), après avoir vécu neuf ans dans le désordre, se convertit (1273) et répara

les fautes de sa jeunesse par une pénitence héroïque. Après sa mort, de nombreux et éclatants miracles furent opéré par

son intercession. Son confesseur, le P. Giunta Bevegnati, a écrit sa vie intime (Traduction par l’abbé Brivain, Lyon,

Nouvellet, 1900.)

Notre bon Sauveur me dit, raconte Julienne de Norwich23 : » Vois combien je t’ai aimée. »

Ce qui était me dire : ma bien-aimée vois donc, moi qui suis ton Seigneur et ton Dieu, ton

créateur et ton bonheur sans fin, quelle satisfaction et quelle joie je trouve dans ton salut, et par

amour pour moi, réjouis-toi avec moi. Je t’ai aimée à ce point qu’avant de mourir pour toi, je le

désirais ardemment. Et maintenant que je l’ai fait, après avoir souffert volontiers tout ce que j’ai

pu souffrir, mes souffrances les plus affreuses sont changées en une joie, en un bonheur

éternel pour toi comme pour moi. Comment pourrait-il se faire que si tu me demandes n’importe

quoi de ce qu’il te plaît, je n’éprouve pas un grand plaisir à te l’accorder. » (Xeme Révélation,

trad. Meunier, p.96.)

« Es-tu contente de ce que j’ai souffert pour toi ? » dit à Julienne de Norwich le bon

Sauveur. « Oui mon bon Maître, soyez-en béni. » « Eh bien si tu en es satisfaite, je le suis

encore davantage ; c'est pour moi une joie, un bonheur, une satisfaction sans fin d'avoir enduré

ma passion pour toi, et si je pouvais souffrir encore plus, je le ferais. (Ch. 22.)

Il est heureux parce que ses souffrances sont la cause de notre bonheur : « Tant que j’ai

été sur la terre, a-t-il dit à Marguerite de Cortone, mon corps n’a pas eu un seul jour de bonheur

complet, et pourtant j’enivre ici-bas mes amis des joies célestes en leur donnant le repos et la

paix. « (Vie intime, IX, 38.)

11. L’amour de Dieu est gratuit

La Mère Françoise de la Mère de Dieu24 étant un jour dans un profond sentiment de sa

bassesse et de son indignité, disait à Notre Seigneur : Vous savez ce que je suis ; que ne

faites-vous vos miséricordes à des âmes qui vous soient fidèles, pourquoi vous arrêter à un si

chétif rien ? Il lui dit : « Je sais bien que vous n’êtes rien, et ce n’est pas à cause de ce que

vous êtes, mais parce que vous avez dérobé mon coeur. Oui, par ma seule bonté, je me suis

laissé dérober mon coeur, et parce que par ma miséricorde, je me suis établi en vous, je ne puis

rien vous refuser. » (Vie. Ch. XIII, P 186.)

Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Celles auxquelles je veux me donner ne doivent pas

penser qu’elles sont mieux disposées que les autres, mais je veux me donner à elles pour les

exciter à m’aimer et me servir plus fidèlement. Quand je suis venu sur la terre, je n’y ai trouvé

que pécheur et péchés, et je n’ai pas laissé de venir pour les attirer à moi. Ainsi, quoiqu’il y ait

de l’imperfection dans une âme, je ne laisse pas de me donner à elle pour l’attirer par ma bonté.

« (Vie, ch. XXVIII, p .384.)

12. Dieu aime certaines âmes d’un amour de préférence

Dieu dit un jour à sainte Véronique Juliani : « Je t’ai choisie pour ma plus grande gloire. Ce

qui te manque, je le suppléerai par ton amour. Je veux te faire tant et de si grandes grâces, que

tu deviennes un incendie d’amour : tu seras embrasée et tu communiqueras tes ardeurs au

prochain comme je le voudrai ; et j’opérerai tout par ton intermédiaire. Mais je te fais savoir que

désormais je ne veux plus d’ingratitude, mais fidélité et pur amour. » (Diario, 10 giugno 1699.)

Combien d’âmes aimées d’un amour de prédilection, prévenues de grâces de choix, ne

répondent pas aux desseins de Dieu !

13. La fidélité rend l’âme plus chère à Dieu

A une personne, très vraisemblablement sainte Gertrude qui nous a transmis ce fait, qui

priait pour sainte Metchilde le Seigneur dit : Ma bien-aimée pour qui tu m’as si souvent rendu

des actions de grâce, entre les vertus insignes qu’elle possédait, m’a plu surtout pour les

suivantes : pour son parfait renoncement à elle-même, pour l’union parfaite de sa volonté et de

23Julienne de Norwich fut une sainte recluse, dont la vie qui dura un siècles s’écoula dans la ville de ce nom, en

Angleterre (1342-1442). (Révélations, London, 1902; traduction de P. Meunier, O. S. B.,Paris, Oudin, 1910.)

24La mère Françoise de la Mère de Dieu (1615-1671), religieuse d’une sainteté éminente, fut supérieure des Carmels de

Dieppe et de Pont-Audemer. Vie, Paris Lecoffre, 1906.)

la mienne, car elle n’a jamais voulu que l’accomplissement de ma volonté et toutes mes oeuvres

et mes jugements avaient toujours son assentiment. Ensuite elle était très compatissante,

portant secours et consolation avec une admirable affection à tous les affligés. Quatrièmement

elle aimait absolument le prochain comme elle-même et de toute sa vie elle n’a fait aucun mal

au prochain. Cinquièmement elle eut un coeur tranquille et pacifique et jamais elle ne permit

qu’il y séjournât rien qui pût troubler mon repos en elle… rendez-moi grâces pour tout le bien

que j’ai opéré et opère encore en elle et que j’opérerai dans toute l’éternité, spécialement pour

ces délices et ce doux repos que j’ai goûtés en elle, pour ce courant de félicité que j’ai versé en

elle, pour la sainte opération de mon Esprit en elle, et pour la parfaite jouissance qui me

permettait de goûter en elle mes délices les plus chères25. » (Ve part., ch.XXVI.)

14. Jésus intercède près de son Père pour l’âme imparfaite et indifférente

Dans sa jeunesse la vénérable Élisabeth Canori26 bien que remplissant fidèlement ses

devoirs de religion n’était pas pieuse. Plus tard, comme elle demandait à Jésus : Mon bien-aimé

Jésus, que pensiez-vous quand j’étais si éloignée de vous ? Peut-être pensiez-vous à

m’écraser des foudres de votre justice. Et Jésus, dit-elle, lui répondit : « Non, ma chère fille ; je

plaidais ta cause auprès de mon Père avec autant d’instances que si ma félicité eût dépendu de

la possession de ton amour. » ( Ch. III..)

Une autrefois Il lui déclara que ses ingratitudes n’avaient ni diminué, ni altéré l’amour qu’Il

avait toujours eu pour son âme et ne l’avait pas empêché de Lui accorder toutes les grâces qu'Il

lui aurait accordées si elle eût correspondu fidèlement. (Ch. XXXV.) Il lui avait donc été donné

de regagner par sa générosité les pertes qu’elle avait faites.

II. Tendresses de Jésus

15. Le Seigneur se plaît à nous redire son amour

Toutes les fois que la vénérable Esprite de Jésus27, du Tiers-Ordre de Saint-Dominique,

prononçait le très saint Nom de Jésus, elle croyait entendre ce doux Sauveur lui répondre dans

le fond de son coeur : « Je te regarde toujours ! « et lorsqu’elle disait : « Où êtes-vous, mon

Dieu ? « elle croyait entendre la même voix lui dire : « Je suis dans ton coeur, mon amour ! »

Quand elle élevait les yeux vers le ciel, Dieu la remplissait d’une pensée très vive de l’amour

qu’il avait pour elle ; elle croyait alors intérieurement ces paroles du prophète : « Je t’ai aimé de

toute éternité ! »

Lorsqu’elle se sentait triste à la vue de ses misères, elle croyait que Jésus lui disait : « Je

t’aime de tout mon coeur. » Un jour après la sainte communion, son âme étant pénétrée de la

pensée de l’amour qu’avait pour elle son Sauveur, Il lui dit : « Mon épouse, ma fille, mon coeur

est à toi, mon coeur t’aime, tous les anges te regardent, et ils sont ravis de voir l’amour que j’ai

pour toi ! » Ch. X.)

Comme sainte Gertrude s’étonnait que Jésus la comblât de ses faveurs et de ses largesses

divines, elle si peu digne, le Seigneur lui dit : « L’amour m’a forcé. » (Liv. III, ch. XVI)

25Sainte Gertrude qui a rédigé le livre des Révélations de sainte Mechtilde, nous y rapporte que le jour où mourut sa

sainte amie, pas une seule âme chrétienne dans le monde entier ne descendit en enfer. Les méchants, ou bien s’ils

décédèrent en ce jour, obtinrent la contrition par les mérites de cette âme si heureuse et si chérie de Dieu, ou bien, s’ils

étaient si pervers et si endurcis qu’ils résistèrent à toute grâce, le Seigneur ne permit point qu’en ce jour leurs âmes

sortissent de leur corps pour ne pas laisser un si terrible jugement s’exercer dans un jour de si grande solennité et d’une

si grande joie pour son coeur. (Sainte Mechtilde, VIIe part., ch. XV.)

26La vénérable Elisabeth Canori vécut à Rome (1774-1825) et se sanctifia dans l’état du mariage. (Biografia da Antonio

Pagani, Roma, 1911.)

27Esprite de Jésus vécut à Carpentras (1628-1658). (Vie, par Jean Dupont, publiée par le P. Potton, Paris, Poussielgue,

1862.)

16. Comment Jésus prend ses complaisances dans l’âme fidèle

Elles sont touchantes les louanges adressées par Jésus à Soeur Mechtilde : « Tu es une

lumière devant mes yeux, tu es une lyre à mes oreilles, tu es la voix de mes paroles, tu es

l’honneur de ma sagesse, tu es une vie dans moi vivant, tu es une louange dans mon

existence. » Liv. IV, ch. IX.) Et une autre fois : Tu es mon désir, tu es le sentiment de mon

amour, tu es un doux rafraichissement pour mon sein, tu es un baiser puissant de ma bouche,

tu es la joie délicieuse de mes merveilles. Je suis en toi et tu es en moi ; nous ne pouvons être

plus rapprochés, car nous sommes tout deux fondus et passés en une seule forme et nous

resterons ainsi éternellement sans nous lasser jamais. » (Liv. IV, ch. X.).

« Je t’ai désirée avant le commencement du monde ; je te désire et tu me désires. Quand

deux désirs ardents se rencontrent, c’est l’amour parfait. » (Liv. VII, ch. XVI.).

17. Jésus prend ses délices dans tout ce que ses bien-aimés font pour Lui

Sainte Gertrude disait au Seigneur : « Je ne puis rien trouver sur la terre en quoi je puisse

me plaire, sinon vous seul, mon Seigneur si doux. » « Et moi, répondit le Seigneur, je ne trouve

au ciel et sur la terre aucunes délices sans toi, parce que je t’associe par l’amour à toutes mes

joies en sorte que je ne jouis d’aucune douceur que je n’en jouisse avec toi ; car plus il y a pour

moi de douceur, plus il y a pour toi de fruit. » (Liv. Ier, ch.XI.)

« Mon amour s’est tellement enlacé en toi que je ne puis vivre heureux sans toi…Celui qui a

toujours été privé d’un membre, n’en éprouve pas de douleur, comme celui à qui on le coupe

lorsqu’il a grandi ; aussi depuis que j’ai placé mon amour sur toi, je ne pourrais souffrir que nous

fussions séparés. » (Liv. III, ch. V.) « L’oeil de ma divinité se plaît d’une manière ineffable à

s’arrêter sur toi, que j’aie crée si belle et si agréable en tout par tant de grâces et de faveurs

dont je t’ai enrichie. Mon oreille reçoit comme les sons de la plus douce harmonie, toutes les

paroles d’amour que tu m’adresses quand tu me pries pour les pécheurs ou pour les âmes du

purgatoire, ou que tu reprends, ou que tu instruis, ou que tu profères de quelque manière que

ce soit une parole pour ma gloire. Quand même il n’y aurait aucune utilité pour personne ou

aucun résultat, toutefois à raison de ta bonne volonté et de l’intention pure qui n’a que moi pour

objet, cela résonne avec suavité dans mes oreilles et vient m’émouvoir jusqu’au fond de mon

divin Coeur. L’espérance aussi qui te fait sans cesse soupirer après moi exhale pour moi une

odeur délicieuse. Tes gémissements et tes désirs sont à mon goût plus agréables que les mets

les plus exquis. Enfin je trouve dans ton amour les charmes des embrassements les plus doux.

» (Liv.III, ch. I.) Une nuit que Gertrude, forcée par la maladie, n’avait pu rester que fort peu de

temps à Matines : Que peut-il vous revenir de gloire, mon Seigneur dit –elle, des courts instants

qu’une indigne comme moi a pu consacrer aux divins offices ? Quel avantage, lui fut-il répondu,

un époux peut-il retirer des tendresses que son épouse pendant l’espace d’une seule nuit lui

prodigue pour contenter son propre coeur ? Or aucun époux n’a jamais pu trouver autant de

charme aux caresses de son épouse que je n’en goûte même dans le court instant où mes élus

me donnent leur coeur pour que je me délecte avec eux. » (Liv. IV, ch. XXXVIII.)

18. Aime-moi, puisque je t’aime

Marguerite de Cortone, toute confuse des paroles de tendresse que Jésus lui adressait,

s’en regardait comme très indigne et disait : « Si ces paroles flatteuses que je viens d’entendre

sont celles de l’ennemi qui se transforme en ange de lumière, je t’ordonne de cesser de parler

et de t’éloigner. » « Celui qui te parle, répondit Jésus, est Celui que tu as crucifié, Celui qui t’a

ressuscitée de la mort du péché, Celui qui t’appelle aux amertumes de la pénitence, par

lesquelles l’âme se purifie de toute souillure. Moi, ton Rédempteur, que tu aimes et que tu

recherches en tout, je te dis que tu es ma fille bien-aimée , que je veux t’enrichir des dons les

plus précieux de ma grâce à ce point que nulle femme de ton temps n’en a encore reçu de si

grands…Aime-moi donc, puisque je t’aime. Publie mes louanges et je te louerai et te ferai louer

dans le monde entier…Toutes les grâces que tu as reçues jusqu’à ce jour ne sont rien en

comparaison de celles que je te réserve, car l’oeil ne saurait voir, le coeur n’oserait penser ni

croire aux grâces sublimes que je me dispose à t’accorder… Ma fille, mon Père t’aime, ma

Mère et tous les saints aussi…Tu es ma fille, parce que tu m’obéis. Tu es mon épouse, parce

que je suis ton seul amour; tu es ma Mère parce que tu accomplis dans la mesure de tes forces

les volontés de mon Père et j’ajoute que sur la terre il n’y en a pas que j’aime plus que toi.

Cependant que ces paroles ne te remplissent pas de présomption, car ces consolations tu ne

les a pas encore achetées ; un temps viendra ou tes souffrances t’apprendront le prix que m’a

coûté ton salut. » « Seigneur Jésus, pourrai-je supporter ces peines ? » « J’en ai souffert de

plus grandes pour toi, ma fille », répondit Jésus. (Vie intime, ch. IV, § 3, 7, 8.)

19. Les invitations affectueuses de l’Epoux divin.

Jésus dit à sainte Véronique Juliani : « Je suis ton Epoux. Quand donc te décideras-tu à

m’aimer véritablement ? Je suis tout à toi ; je viens à toi pour t’attirer en moi ; je viens à toi pour

faire une seule chose avec moi ; je viens à toi pour te transformer toute en moi. » (Diario, 18

giugno 1697.)

Le Seigneur, dit la bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo28, dans son infinie bonté

m’adressait intérieurement des paroles d’une céleste douceur. Si, transpercée de douleur pour

mes péchés, je Lui demandais pardon, Il me répondait dans le sanctuaire intime de mon coeur :

« Ma fille, tu as été déjà purifiée dans mon sang. » Si je Lui demandais sa sainte dilection, je

voyais s’ouvrir son divin Coeur. Il plaçait dans cette fournaise d’amour mon coeur qui restait

enflammé de saintes ardeurs. Si je lui disais : Mon Dieu, je suis toute à vous, Il me répondait : «

Et moi, ma fille, je suis tout à toi. » A chaque parole que je lui adressais, j’entendais en retour

des paroles de vie éternelle qui me liquéfiaient de douceur. Elle n’était encore que

pensionnaire. (Vie, ch. II.)

Le vénérable Bernard-François de Hoyos29 ayant passé par des épreuves intimes très

pénibles, reçut, le 15 août 1730, la faveur du mariage spirituel : « Désormais, lui dit le Seigneur,

tu es à moi et je suis à toi ; tu peux te dire et signer Bernard de Jésus ; tu es Bernard de Jésus

et je suis Jésus de Bernard ; mon honneur est le tien, et ton honneur est le mien. » (Vida, ch.

XII.)

« Ma fille disait le Seigneur à la bonne Armelle30, tu est la fille de l’amour. »

Jésus dit à Soeur Saint-Martinien31 , le 17 octobre 1861, après la sainte communion : « tu es

mon épouse, tu es ma fille, tu es chère, oui, bien chère à mon Coeur ; ma Mère et mes saints

t’aiment ; mon Père et l’Esprit-Saint te voient ; ils contemplent avec plaisir le triomphe de ma

grâce en toi. Je t’aime, mais aime moi bien, toi aussi. Ne crains pas, je serai toujours avec toi ;

mais sois-moi bien fidèle. Fais connaître tout à ton père spirituel et obéis en tout et partout.

Demande-moi ce que tu voudras, car je suis ton Epoux, mais aussi ton Créateur, ton Dieu, ton

Père ; demande, ne crains pas. »

Une autre fois, le 1er novembre 1861, Jésus lui dit encore : « Aime-moi et je t’aimerai ; si

mon Coeur a besoin d’être aimé, le tien en a aussi besoin. Prends part à mes peines et je

prendrai part aux tiennes. »

28La bienheureuse Marie-Madeleine Martinengo (1687-1737) fut une clarisse capucine du monastère de Brescia ; elle a

été béatifiée par Léon XIII, le 3 juin 1900. (Vie par le R.P Ladislas, de Vannes, Paris, Poussielgue, 1901)

29Le vénérable de Hoyos (1711-1735), de la Compagnie de Jésus, fut un grand apôtre de la dévotion au Sacré-Coeur, qu’il

contribua à répandre dans l’Espagne. (Vida, por el Padre Vicente Agusti, Barcelona, 1896.)

30Armelle Nicolas (1606-1671) était une humble servante qui passa la plus grande partie de sa vie à Vannes où elle mourut

en grande réputation de sainteté.

31La Soeur Saint-Martinien (1831-1862), religieuse de la Congrégation de Saint Charles d’Angers, passa sa vie dans le soin

des malades. Elle pratiqua d’héroïques vertus. On a publié deux petits volumes de ses lettres à son directeur. (En vente à

la Communauté de Saint Charles, Angers.)

20. Ma bien-aimée est à moi et je suis à elle

Jésus adressait parfois à Soeur Marie-Josèphe Kumi32 des paroles d’une ineffable tendresse

: « J’ai une épouse qui demeure cachée en mon Coeur et qui est au gré de mon Coeur ; elle a

ma forme ; elle est vêtue de la couleur de mon vêtement, elle tient les clefs à la main, et en

véritable épouse, elle règne sur les inépuisables trésors de ma charité. Les flèches de son

amour blessent mon Coeur. Le sien est toujours ouvert pour que je puisse y venir à volonté et

me soulager par sa tendresse des injures que je reçois des hommes. La bonne volonté de son

coeur m’a tellement charmé que je l’ai faite maîtresse de mes trésors ; elle est enrichie de l’or

de mon pur amour ; plongée dans la mer insondable de la paix, et pourtant elle ne s'y abreuve

pas (c'est-à-dire elle ne recherche pas sa satisfaction) ; elle se trouve sur la terre et ne la

touche pas, parce qu’elle n’y est attachée à rien. Elle ne voit pas le ciel, parce qu’elle agit moins

pour lui que par amour. Elle s’élève chaque jour plus haut dans la perfection de l’amour parce

qu’elle s’abaisse dans son néant. Elle est imprimée dans mon Coeur et moi dans le sien. » (Vie,

ch. IX.)

21. Le duel d’amour

Dans une lettre à sainte Jeanne de Chantal, le P. Galice, barnabite, raconte un combat

mystérieux qui s’était engagé entre le divin Maître et sa fidèle servante Anne-Marguerite

Clément33 dont il était le directeur : Notre-Seigneur vint assaillir son coeur de la plus vive

blessure d’amour qu’elle eut encore éprouvé et il lui dit : « Je veux t’enrôler dans ma milice, je

veux te couvrir de mes armes… Je veux t’apprendre à devenir habile au combat, non pas

contre le monde et le diable ; ce sera contre moi-même que tu te serviras de mes propres

armes ; il faut que nous entrions dans la lice pour combattre à nous deux. » Il lui montra ensuite

une armure complète et se servit des armes dont parle saint Paul pour lui en donner

l’explication. « L’amour doit commencer cette guerre, continua le divin Maître, le même amour

la poursuivre et ton pauvre coeur l’achever. Je ne veux point d’autre but à mes coups que ton

coeur même. Je prétends le faire mourir d’amour. » Puis comme un habile archer Il lança trois

flèches brûlantes du feu de son amour dans le coeur de sa servante, qui crut qu’elle en perdrait

la vie…Mais le combat n’était pas achevé ; elle devait combattre à son tour. Jésus donc lui

ordonna de se remettre sur pied et de porter des coups à son Coeur divin. « Voici ton blanc, dit-

Il en lui montrant ce Coeur ? et le but de tes flèches. » Cette jeune guerrière, se sentant peu

habile, faisait résistance : Quoi Seigneur, blesserai-je votre divin Coeur. Avec quelles armes

puis-je le faire ? « Tes flèches, repartit Jésus, ne sont autres que les mouvements de ton amour

envers moi ; aime-moi donc et tu blesseras mon Coeur. » Elle le perça en effet par la force de

l’amour que l’amour même alluma en elle et fit une ouverture suffisante pour se cacher dans ce

Coeur adorable, où Jésus l’unit à Lui. (Vie, de 1915, p. 279.)

Une autre fois, c’était la veille de la fête de la conversion de saint Paul, son divin Epoux lui

dit : « Tu me persécutes plus violemment que Saul, mais bien différemment, car tu me

persécute par la violence de l’amour ; tu ne me donnes point de repos… Tu as blessé mon

Coeur par la pointe de tes désirs et par les flèches de tes amours ; tu as été si impitoyable que

tu m’as blessé de toutes parts. » Elle vit le Coeur divin tout couvert de plaies, dont une était

assez grande pour lui donner entrée. Elle y fut tirée par cet Amant victorieux…Le lendemain

Jésus revenant à elle, lui dit : « Je veux à mon tour entrer dans ton coeur et y amener toute la

Trinité. » Et le Père y prit place, ainsi que le fils et le Saint Esprit. (Ibid., p. 438.). Jésus lui dit

encore : « Je suis un aigle royal qui ne se nourrit que de coeurs. » (p. 413.)

32Marie-Josèphe Kumi (1763-1817), religieuse dominicaine du couvent de Wesen, au diocèse de Saint-Gall, en Suisse, y

mena une vie admirable d’humilité, de pénitence et d’amour. Sa vie a été publiée en 1906, par Masson, Lyon, Vitte.

33La mère Anne-Marguerite Clément (1593-1661) fut reçue en 1617 dans l’ordre de la Visitation, à Annecy, 1 par saint

François de Sales et sainte Jeanne de Chantal. Formée par ces deux grands serviteurs de Dieu, elle mena une vie très

sainte et fut l’une des plus remarquables religieuses de l’ordre naissant. Elle fonda les monastères de Montargis et de

Melun. (Vie, par les Visitandines, Paris, 1686 ; nous avons donné une nouvelle Vie en 1915, Paris, Téqui.)

22. Jésus à ses intimes agonisants

Peu de temps avant de mourir, Angèle de Foligno dit à ceux qui l’entouraient : Jésus Christ,

Fils de Dieu, m’a présentée au Père. (Ferré, p. 515 ; Doncoeur, p. 349.) Et plus tard elle entendit

ces paroles : « O mon épouse, ô toute belle, ô toi que j’ai aimée en vérité, je ne veux pas que tu

viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie inénarrable. Il convient au roi de

revêtir celle qu’il aima depuis longtemps d’un manteau royal. » Et on me montra un manteau de

lumière, capable de vêtir une âme… Et le Verbe me dit : « Viens, ma bien aimée, que j’ai aimée

d’un grand amour ; viens, car tous les saints t’attendent en grande joie. Je ne te confierai ni aux

anges ni aux saints ; je viendrai en personne et je t’enlèverai moi-même. Tu es telle qu’il faut

pour me convenir ; tu es très haute devant ma Majesté. » (Hello, ch.LXX ; Doncoeur, p. 352 ;

Ferré, p. 519.)

III. Jésus veut être aimé

23. Le ciel doit être désiré par amour

« On demande, dit le Seigneur à Brigitte, pourquoi les peines de l’enfer ne sont point vues.

Si les peines de l’enfer étaient vues comme elles sont, l’homme sécherait de crainte et

chercherait le ciel non par esprit d’amour, mais par crainte. Or c’est parce que personne ne doit

désirer le ciel par crainte de la peine, mais par la charité, que je cache la peine des damnés. »

(Liv. V, ch. II.)

24. Donne-moi ton coeur

Souvent la divine Sagesse se montrait à Henri Suzo34 sous une forme d’une exquise beauté

et avec un sourire plein de grâce et de majesté ; elle lui disait : « Mon fils, donne-moi ton coeur.

Ne crains rien, je serai avec toi. Je te secourrai dans toutes les peines, parce que je t’aime

d’une manière toute spéciale. Pour preuve de ma tendresse, je veux changer ton nom. Tu ne

sera plus Frère Henri, tu seras Frère Amant ; si le monde l’ignore, les anges du ciel le sauront,

et les hommes mêmes l’apprendront un jour, afin qu’ils voient combien mes serviteurs me sont

chers. » (OEuvres, trad. Cartier, § 41, d’après Surius.)

25. Je t’aime beaucoup plus que tu ne m’aimes !

Le Seigneur me provoquait à l’amour, rapporte sainte Angèle Foligno, et Il disait : « Ô ma

fille chérie, ô ma fille et mon temple ! ô ma fille et ma joie ! Aime moi, car je t’aime beaucoup

plus que tu ne m’aimes. » Parmi ces paroles, en voici qui revenaient souvent : « Ô ma fille, ma

fille et mon épouse, que tu m’es douce ! » Puis Il ajoutait : « Oh ! je t’aime beaucoup. Ô ma fille

et mon épouse ! je me suis posé et reposé en toi ; maintenant pose-toi et repose-toi en moi. Tu

as prié mon serviteur François. François m’a beaucoup aimé, j’ai beaucoup fait en lui, mais si

quelque autre personne m’aimait plus que François, je ferais plus en elle. » (Hello, ch. XX ;

Doncoeur, p. 60 ; Ferré p. 49.)

Et Il se plaignait de la rareté des fidèles et de la rareté de la foi et Il gémissait et Il disait : «

J’aime d’un amour immense l’âme qui m’aime sans malice (sans doute : sans mêler à l’amour

qu’elle a pour moi quelque autre affection déréglée). A une telle âme je ferais de plus grandes

grâces qu’aux saints des siècles passés, par qui Dieu fit les prodiges qu’on raconte aujourd’hui.

Or, personne n’a d’excuses, car tout le monde peut aimer ; Dieu ne demande à l’âme que

l’amour car il aime, lui, Il est l’amour de l’âme. » Et qu'elles sont profondes ces dernières

paroles, ajoutait Angèle, Dieu ne demande à l’âme que de l’aimer !

Il m’expliquait sa passion et tout ce qu’Il a fait pour nous et Il ajoutait : « Regarde bien ;

trouves-tu en moi quelque chose qui ne soit pas amour ? » Il se plaignait de trouver en ce

34Le bienheureux Henri Suzo (1295-13 66), né à Uberlingen, près du lac de Constance, fut dominicain ; il a laissé des

écrits justement célèbres. Nous empruntons d’ordinaire la traduction de P. Thiriot, Paris, Lecoffre, 1899.. Édition

allemande, Munich, 1876).

temps peu de personnes en qui il puisse déposer sa grâce… (Ch. XX, Bolland., n° 50, 51 ;

Ferré, p.83 ; Doncoeur, p.79.)

« Tu ne peux jamais répandre sur moi de parfums si doux, dit le Sauveur à Sainte

Mechtilde, que de me faire reposer sans interruption dans ton âme. » (Liv. IV, 9.)

Jésus parlait de même à Sainte Brigitte : « O toi ma fille, que j’ai choisie pour moi, aime-moi

de tout ton coeur, non pas comme un fils ou une fille, ou comme les parents aiment leurs

enfants, mais plus que tout ce qui est au monde ; car moi qui t’ai créée, je n’ai épargné aucun

de mes membres pour l’amour de toi, et j’aime tellement ton âme, que j’aimerais mieux être

crucifié une autre fois, si c’était possible, que de m’en priver. » (Liv, Ier, ch. Ier.)

26. Jésus, pour être plus aimé, communique quelque chose de son amour

La Mère Anne-Marguerite Clément voyait souvent Notre Seigneur qui se réjouissait de la

conquête de son coeur, comme ferait un victorieux qui s’est assujetti un royaume. Une fois ce

bon Sauveur lui fit connaître la joie qu’Il avait eue de s’incarner pour elle. Elle voulut Lui donner

son coeur en retour, mais elle se souvint qu’elle l’avait mis dans le Coeur de Dieu et qu’elle

n’avait plus rien à offrir. Jésus lui dit « Donne-moi celui que je te donne ; désormais tu auras les

oeuvres de ce coeur nouveau ; pour cela met ta main dans le mien pour y puiser tout ce que tu

voudras. » Et que peut-on puiser dans ce coeur divin, si ce n’est l’amour ? (Vie, 1915, p. 437.)

27. Jésus cache son amour pour aviver nos désirs

Le divin Sauveur me dit, raconte sainte Angèle de Foligno : « Je t’aime d’un amour

immense, mais je ne te le montre pas, je te le cache… Mes yeux voient tes défauts, mais c'est

comme si je ne m’en souvenais plus. J’ai déposé, j’ai caché en toi mon trésor. » Comme Il me

cachait, me disait-Il, son amour à cause de mon impuissance à le porter : si vous êtes, lui dis-je,

le Dieu tout-puissant, vous pouvez me donner la force de porter votre amour. Il répondit : « Tu

aurais alors ce que tu désires et ta faim diminuerait ; je veux au contraire que tu me désires,

que tu aies faim de moi, que tu languisses d’amour. » (Hello, ch. XXI ; Ferré, p. 79 ; Doncoeur,

p.78.)

28. Les préférés de Jésus. Ils doivent tout faire par amour

Jésus dit à Gertrude-Marie35, pendant sa retraite de 1902 : « J’ai des préférences pour toi ;

tu dois en avoir pour moi. La preuve de mes préférences, ce sont mes grâces de choix ; la

preuve des tiennes, ce sera ta générosité. Tu prépares ton année, tu cherches les moyens de

me faire plaisir, et moi, ton Dieu, je te prépare mes faveurs. Plus tu sens le besoin de me

donner, plus mon coeur sent le besoin de te combler de faveurs. Change tout en or de l’amour ;

transforme chacun de tes actes en une pièce d’or pour payer la dette des ingrats. A mesure que

tes répugnances augmenteront, que la vertu te deviendra plus pénible, donne d’avantage et

plus joyeusement » (Ch. VI.)

Jésus m’a dit : « Je t’enrichis pour que tu enrichisses les autres. » (Ch. CXCIV.)

29. Adorable jalousie de Jésus

Sainte Rose de Lima36 vit la Vierge du Rosaire abaisser ses regards, avec un visage joyeux,

sur l’enfant-Jésus qu’elle tenait dans ses bras, puis la regarder elle-même. Le divin Enfant en fit

autant et dit : « Rose de mon coeur, soyez pour toujours mon épouse fidèle. » ( Vie, ch. XVI.)

35Gertrude-Marie (1870-1909), religieuse de Saint-Charles d’Angers, simple et modeste, vécut d’une vie irréprochable ;

elle fut très favorisée du Seigneur. Des âmes peu prudentes s’étant crues, après la lecture du livre qui raconte sa vie,

favorisées de grâces extraordinaires, le Saint-Office a voulu empêcher ces abus ; mais la sentence qu’il a portée pour

arrêter la diffusion de cet ouvrage n’était pas une condamnation proprement dite, et le livre n’a jamais été mis à l’Index.

Les passages que nous citons sont tous conformes à la saine doctrine.

36Sainte Rose naquit et mourut à Lima (1586-1617). (Vie, par Masson, Lyon, Vitte, 1896.)

Il est dit dans l’écriture que Dieu est jaloux ; en effet, toute rivalité lui déplaît, n’existât-elle

que dans une fleur. Rose de Lima cultivait des fleurs pour les autels, ses soins surtout se

portaient sur un basilic qui, à cause de son parfum, lui semblait plus digne d’être offert au Roi

des cieux. Un matin, elle trouva sa plante chérie déracinée. Sensible à cette perte, elle se

retirait en gémissant, lorsque Jésus vint à sa rencontre, et lui dit: « pourquoi vous affligez-vous?

Moi, qui suis la fleur des champs, je vous reste. N’êtes-vous pas plus heureuse de me posséder

que votre basilic et toutes vos plantes parfumées, qui ne durent qu’un instant ? Je veux être

votre basilic, et c’est pour cela que j’ai détruit l’autre. Reversez donc sur moi l’amour que vous

lui portiez. » Dès lors, toutes les fleurs devinrent indifférentes à Rose, et Notre Seigneur l’aima

plus tendrement que jamais, comme il le fit connaître à une pieuse femme de Lima : « Je porte

ma Rose, lui dit il, dans l’endroit le plus intime de mon Coeur, parce que le sien est tout à moi, et

que j’en ai seul la possession tranquille. » (Ch. XX.)

« Aime-moi de tout ton coeur, de toutes tes forces et de toutes tes puissances, disait Jésus à

Anne-Marguerite Clément, car je ne veux pas que tu aimes autre chose que moi. Je veux être

l’unique roi de ton coeur. Si tu m’aimes, je te pardonnerai tous tes péchés ; l’amour est la

pénitence que je te demande. Aime-moi donc, ma fille, car je suis ton Dieu et ton salut. » (Vie,

1915, p. 461.)

IV. Délicatesse de Jésus

30. Combien Jésus est sensible à ce que l’on fait pour Lui et contre Lui

Pendant que Françoise de la Mère de Dieu vaquait avec activité à ses fonctions de

maîtresse des novices, Notre Seigneur la tenait toujours bien près de Lui, soit pour l’aider dans

sa charge, soit pour procurer sa sanctification personnelle. Si quelques-unes de celles dont

Notre-Seigneur lui donnait le soin se laissaient aller en quelque dissipation ou infidélité, Il s’en

plaignait à elle, lui disant : « Une telle m’a fait telle et telle chose. » Si d’autres fois ces âmes

embrassaient quelques pratiques de vertu avec fidélité, Il s’en réjouissait avec elle, lui disant : «

Telle soeur que vous aimez a fait telle chose pour moi. » Comme fois elle admirait cette bonté et

cette familiarité de Notre-Seigneur, et en était toute confuse, Il lui dit : « Qu’est-ce qu’un père ne

fait point pour son enfant? Pourquoi vous étonnez-vous ; ne suis-je point votre père ? « (Vie, ch.

XIII.)

31. Bénédictions accordées à ceux qui font du bien aux amis de Jésus

Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, si je considérais les oeuvres des

habitants de Cortone, ils mériteraient d’être châtiés de différentes manières, mais eu égard à

leur respect et à leur dévouement pour toi, je leur ferai grâce et ils n’auront rien à souffrir du

péril qui les menace. J’accorderai la même faveur à tous ceux qui par amour pour moi

t’aimeront et te protègeront. Au contraire, j’affligerai ceux qui te molesteront soit par leurs

paroles, soit par leurs actions, soit même dans le coeur. » Aussitôt la sainte intercéda pour

ceux-ci, à l’exemple de Moïse priant pour sa soeur et pour ceux qui l’outrageaient. (Vie intime,

ch. VI, § 11.)

Une autre fois le Seigneur lui dit : Dis à tel Frère Mineur (le P. Giunta) de te visiter et de te

consoler par amour pour moi. Je l’en récompenserai par de grandes grâces sur la terre et par

une gloire plus grande dans le ciel…Tous ceux pour lesquels tu me prieras en ressentiront de

suite l’heureux effet. Je vais plus loin en t’assurant que j’aime ceux qui t’aiment ; et ceux qui ne

t’aiment pas ne sentiront point la saveur de ma grâce. » (Ibid., ch. IX, § 26.)

« Sache, dit un jour le Seigneur à la vénérable Marie-Céleste, que je donne des grâces et

des bienfaits à tous ceux qui t’aiment ou qui te font quelque bien, et je recevrai comme fait à

moi-même ce qu’on te fera à toi, car je me réjouis de voir aimé ce que j’aime. Vois donc

jusqu’où va mon amour pour toi. » (Vie, p. 154.)

Combien le Seigneur est un ami fidèle et délicat ! N’a-t-il pas dit à son peuple : « Si tu

écoutes ma voix et si tu fais tout ce que je te dis, je serai l’ennemi de tes ennemis et j’affligerai

ceux qui t’affligent. » (Exode, XXIII, 22). Auparavant il avait dit à Abraham : « Je bénirai ceux qui

te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront. » (Genèse, XII, 3.) S’il a dit : « Toutes les fois

que vous aurez fait – de pareilles oeuvres de charité – au moindre de mes frères, c’est à moi

que vous l’aurez fait » (Matth., XXV, 40 ), combien est-il plus sensible encore à tout ce que l’on

fait pour ou contre ses vrais amis !

32. Bontés de Dieu pour les amis de ses amis

Parlant de Sainte Mechtilde à une autre religieuse, qui semble bien avoir été sainte

Gertrude, le Seigneur dit : « Tous ceux qui l’aimeront à cause de moi, je les attirerai à moi avec

plus de douceur et d’intime suavité ; à ceux qui me loueront ou me rendront pour elle des

actions de grâces et me féliciteront d’avoir élu et perfectionné une telle âme, je donnerai ce qui

leur aura plu davantage en elle, et j’ajouterai même ce qui m’y aura plu davantage à moi-même.

Quand elle sera à ses derniers moments et que je viendrai pour la prendre avec moi, à vous qui

alors avec désir et dévotion préparerez vos coeurs pour ma grâce, me remerciant pour les

bienfaits que je lui ai départis, je vous donnerai selon vos désirs les grâces suivantes : à

certains je verserai les consolations spirituelles ; à d’autres j’accorderai, soit l’illumination de

l’âme, soit la ferveur de l’amour ; à d’autres une sagesse intelligente ou une utile doctrine

qu’elles enseigneront au prochain, à d’autres l’avancement dans la religion afin qu’elles servent

d’exemple à autrui. » (Ve part., ch. XXVI.)

« A tous ceux qui ont confiance en toi, dit Jésus à sainte Lutgarde37, et qui seront aimés de

toi, je ferai du bien à cause de toi. » (Ch. VIII.) Et un jour qu'elle priait pour un pécheur, le

Seigneur lui répondit : « Voici que je lui pardonne parce qu’il s’est confié en toi ; je ferai la

même miséricorde à ceux que tu aimes et qui mettent en toi leur espérance. » (Ch. IX)

Comment se fait-il, pensait une fois la Mère Françoise de la Mère de Dieu, que ce sont

toujours les mêmes pour lesquelles Notre-Seigneur m’accorde toujours ses grâces particulières

? Et elle Le priait de se donner à toutes. Jésus-Christ lui demanda ; « N’aimez-vous pas celles

qui m’aiment ? » Elle répondit : oui, mon Seigneur, et je voudrais leur faire quelque bien, parce

qu’elles vous aiment. Il lui dit : « et moi aussi, j’aime qui vous aime et comme vous n’avez rien à

leur donner, je veux y suppléer et me donner moi-même aux personnes qui vous aiment. » (Vie,

ch. XXVIII, p. 384.)

« Je prendrai soin de récompenser ou de venger tout ce qui te sera fait, a dit Jésus à Sainte

Marguerite-Marie. » (Ed. Gauthey, II, p. 192.)

Et à Sainte Angèle de Foligno : « demande-moi une grâce pour toi, pour tes compagnons,

pour tout ceux que tu veux, et prépare-toi à recevoir, car je suis beaucoup plus prêt à donner

que toi à recevoir. » ( Hello, ch. XX ; Doncoeur, p.61 ; Ferré, p. 51.)

33. Jésus aime nos amis plus que nous ne les aimons

Françoise de la Mère de Dieu suppliait instamment Notre Seigneur de délivrer une âme du

purgatoire. Jésus lui dit avec un grand témoignage d’amour : Je suis saint et ma sainteté ne

peut souffrir aucune impureté. J’ai plus de désir de la délivrer qu’elle et vous n’en avez ; mais il

faut que mon ordonnance soit accomplie ; j’excite à prier pour elle38. » (Vie, ch. X, p. 130)

V. Les plaintes de l'amour

34. Le Coeur de Jésus est bien mal payé de ses bienfaits

Un jour, le Saint Sacrement étant exposé, Marguerite-Marie vit son bon Maître tout éclatant

de gloire, avec ses cinq plaies, brillantes comme autant de soleils. De sa sacrée humanité

sortait des flammes, surtout de sa divine poitrine. L’ayant ouverte, Il lui découvrit son divin

37Sainte Lutgarde vécut de 1182 à 1246 ; on l’a appelée la Marguerite-Marie belge. (Vie, par le P. Jonquet, oblat de

Marie, Bruxelles à la Basilique nationale, 1907.)

Coeur, les merveilles de son amour et jusqu’à quel excès il l’avait porté à aimer les hommes

dont Il ne recevait que de l’ingratitude : Ce qui m’est plus sensible, lui dit il, que tout ce que j’ai

souffert en ma passion. S’ils rendaient quelque retour à mon amour, j’estimerais peu ce que j’ai

fait pour eux, et voudrais, s’il se pouvait, en souffrir davantage ; mais ils n’ont que des froideurs

et rebuts pour tous mes empressements à leur faire du bien. Mais, du moins, donne-moi ce

plaisir à suppléer à leur ingratitude, autant que tu pourras en être capable. » (Ed. Gauthey, II, p.

71.).

Une autre fois l’aimable Coeur de Notre-Seigneur se présenta à Marguerite-Marie, en lui

disant ces paroles : « J’ai une soif ardente d’être honoré des hommes dans le Saint Sacrement,

et je ne trouve presque personne qui s’efforce, selon mon désir, de me désaltérer, usant envers

moi de quelque retour. » (II, p.876.)

Il disait encore : « Si tu savais combien je suis altéré de me faire aimer des hommes, tu

n'épargnerais rien pour cela … J'ai soif, je brûle du désir d'être aimé (II, p. 600)

35. L’Amour n’est pas aimé

Marie-Dominique Moes39 était encore une enfant quand elle entendit ces plaintes du

Sauveur : « Ah ! ma chère enfant, combien je suis content de trouver de la compassion chez

toi ! Comme je trouve peu d’âmes qui m’aiment ! Au lieu d’amour je ne trouve que haine et

mépris. Si seulement ces âmes connaissaient l’amour immense que je leur porte, il ne serait

pas possible qu’elles me méconnussent à un tel point. Combien je voudrais toutes les cacher

dans mon coeur ; mais non, elles ne le veulent pas. Elles passent à côté de moi, comme si je

n’avais rien fait pour elles. Ma chère enfant, je veux établir ma demeure dans ton petit coeur

enfantin. Je m’y cacherai lorsque mes enfants ingrats m’y persécuteront. Ton coeur doit partager

mes souffrances Et parce que tu désires tant souffrir davantage encore avec moi, j’arrangerai

les choses de manière à te faire trouver de plus grandes douleurs dans tes maux d’yeux, ainsi

que de la négligence et des privations au lieu de pitié. Par ces souffrances et plusieurs autres tu

seras préparée à l’oeuvre que je veux accomplir par toi malgré toutes les contradictions et

persécutions. » (I Teil, Kap. II, n. 5, seite 41.)

Le jour de la fête du Sacré-Coeur, en 1859, Jésus dit à Marie-Dominique : « Ô hommes

aveuglés, qu’êtes-vous devenus ? N’ai-je pas répandu tout mon sang pour vous et ne me suisje

pas donné moi-même à vous en nourriture ? Et tout cela ne suffit pas pour faire naître en

vous un amour réciproque ? Ah ! quelle douleur pour mon Coeur aimant ! (1 Teil, Kap. XIV, seite

224.).

Notre Seigneur, dit encore la même servante de Dieu, s’est plainte à moi de l’ingratitude des

hommes envers son Coeur si affectueux; Il s’est plaint surtout des âmes qui Lui ont promis une

inviolable fidélité et qui malgré cela continuent de méconnaître son amour. Puis il me parla de

ces âmes ferventes qui procurent à son Coeur une grande joie et qui lui servent comme de

refuge quand Il est repoussé par tant d’ingrats. Heureuses les âmes, dit Il, dans lesquelles je

fais mon entrée ; elles seront rendues participantes de tout le torrent de mes grâces. » (III Teil,

38Sainte Mechtilde après sa mort apparut à sainte Gertrude,qui lui demanda d’intercéder pour ceux qu’elle avait aimés

sur la terre d’un amour spécial et de demander qu’ils soient délivrés de leurs défauts. Elle répondit à sa sainte amie : «Je

reconnais clairement dans la lumière de vérité que toute l’affection que j’ai pu avoir pour quelqu’un sur la terre est à peine

comme une goutte d’eau au regard de l’océan, comparée à cette affection si tendre dont est animé le Coeur divin envers

ceux que j’aimais. J’y reconnais également la disposition, avantageuse à un point incompréhensible, par laquelle Dieu laisse

à l’homme certains défauts, qui lui donnent lieu de s’humilier et de s’exercer, et ainsi de faire chaque jour des progrès

vers le salut, tellement que je ne puis avoir même la moindre pensée de vouloir autre chose que ce que la sagesse toute

puissante et la bienveillance très sage de mon très doux et très sage Seigneur a ordonné de chacun selon son bon plaisir.

Aussi pour une disposition si bien ordonnée de la divine Bonté, je ne puis que me répandre en louanges et en actions de

grâces. » (Sainte Mechtilde, VIIe part., ch. XII.)

39La Mère Marie-Dominique-Claire Moes (1832-1895), femme d’une héroïque vertu , très favorisée du ciel, fut la

fondatrice du couvent des Dominicaines, à Luxembourg. (Vie, par l’Abbé Barthel, recteur dudit couvent. Les citations

seront toujours faites d’après l’édition allemande, dont l’édition française n’est qu’un abrégé.)

Kap. Vin, n. 3, seite 623, 624.)

36. Jésus a sans cesse sous les yeux le spectacle des péchés de tout l’univers

Sainte Catherine de Sienne pleurait en pensant aux maux de l'Église « Ma bien douce fille,

lui dit le Seigneur tes larmes sont toutes puissantes, parce que elles sont répandues par amour

pour moi. Je ne puis résister à tes désirs. Mais regarde les souillures qui déshonorent le visage

de mon épouse. Elle porte comme une lèpre affreuse l’impureté ; l’amour propre, l’orgueil et

l’avarice de ceux qui vivent dans son sein. (Dialogue, ch. XIV) Rappelles toi qu’avant la peste,

je t’ai montré combien j’avais en horreur le vice impur et combien le monde en était infecté… Je

te fis voir alors l’univers tout entier. Tu vis ce malheureux péché dans presque toutes les

conditions, et les démons qui s’enfuyaient pour ne pas le voir, et l’infection qu'il causait ; la

peine que tu en ressentais dans ton âme était si grande que tu te croyais sur le point de mourir.

Et tu n’apercevais pas pour toi et pour mes autres serviteurs un endroit où vous puissiez vous

réfugier, car cette lèpre était répandue partout ; tu ne trouvais aucun asile parmi les petits et les

grands, parmi les vieux et parmi les jeunes… la plupart avaient l’âme et le corps souillés de ce

vice maudit. Je t’ai montré cependant, au milieu de tous ces coupables, un certain nombre de

préservés ; car, parmi les méchants j’ai toujours des élus dont la vertu et les bonnes oeuvres

retiennent ma justice et m’empêchent de commander aux rochers d’écraser les coupables, à la

terre de les engloutir, aux animaux de les dévorer et aux démons d’emporter leur âme et leur

corps. Je cherche même des moyens pour pouvoir leur faire miséricorde en les faisant changer

de vie ; j’y emploie mes serviteurs qui sont purs de cette lèpre et je les fais prier pour eux. »

(Dialogue, ch. CXXIV.)

Une nuit, raconte la Soeur Mechtilde, je vis Notre-Seigneur sous la forme d’un pèlerin qui

semblait voyager par toute la chrétienté. Je tombais à ses pieds et lui dis : « Cher pèlerin, d’où

venez-vous ? » Il répondit : « Je viens de Jérusalem (il voulait dire l'Église), et j’ai été chassé

de chez moi. Les païens ne me connaissent pas, les Juifs ne veulent pas de moi et les

chrétiens m’attaquent. » Je priais alors pour l'Église. Notre Seigneur se plaignit des affronts

qu’il avait essuyés de la part des chrétiens, rappelant tout le bien qu’Il leur avait fait dès le

commencement, combien Il avait travaillé pour eux et ajoutant qu’il cherchait encore tous les

jours une place où il pût répandre ses grâces. « Avec leur libre arbitre, dit Il, ils me chassent du

logis de leur coeur ; quand ils mourront, tels je les trouverai, tels je les jugerai. » (Liv.VIII, ch.

XIII.)

37. Jésus voit renouveler sa douloureuse passion

Non moins touchantes sont les plaintes adressées par le Sauveur à Sainte Brigitte : « J’ai

voulu que mon corps pur de tout péché fût déchiré pour les péchés de tous, depuis la plante

des pieds jusqu’au sommet de la tête et qu’il fut cloué à la croix. Il est maintenant immolé tous

les jours sur l’autel, afin que l’homme m’aime davantage et se ressouvienne plus souvent des

bienfaits dont je l’ai comblé. Mais maintenant je suis oublié de tous, négligé, méprisé et chassé

de mon propre royaume comme un roi à la place duquel le larron infernal est élevé et honoré.

C’est dans le coeur de l’homme que je devais régner, et j’avais bien le droit d’être son roi et

seigneur puisque je l’avais créé et racheté. Or il a enfreint la foi qu’il m’avait promise au

baptême, il a violé et méprisé les lois que Je lui avais données, il aime sa propre volonté et

dédaigne de m’écouter. En outre il exalte le démon, ce pernicieux larron, et il lui a donné sa

foi…il est donc juste et raisonnable qu’il expérimente sa tyrannie…Mais bien que je sois si

méprisé, je suis si miséricordieux que quiconque me demandera pardon et s’humiliera, je lui

pardonnerai toutes ses fautes, mais celui qui persistera à me mépriser, je le visiterai en ma

justice, en sorte qu’il tremblera de peur à ma voix. » (Liv. Ier, ch. Ier.)

« Combien il y a maintenant dans le monde de gens de la même trempe que ceux qui me

crucifièrent. Ils m’attachent au bois par la volonté qu’ils ont de pécher ; Ils me flagellent par leur

impatience, car ils ne veulent pas supporter une parole pour l’amour de moi ; ils me couronnent

des épines de leur orgueil ; ils percent mes mains et mes pieds par le fer de leur

endurcissement … Je suis assez puissant pour les écraser et tout le monde avec eux ; mais si

je les écrasais, ceux qui resteraient me serviraient par crainte, tandis que c’est par amour qu’ils

doivent me servir… Je mourrais certes de grand coeur, poussé par l’incomparable amour que

j’ai pour l’homme, si cela était possible. » (Liv. Ier, ch. xxx.)

38. Il y a dans le monde un terrible abus des grâces

Les pécheurs, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, sont plongés dans un

gouffre si profond qu’il ne faut pas moins que toute ma puissance et ma bonté pour les en

retirer. Aussi mes élus sont maintenant plus persécutés que jamais. Le temps est venu où les

hommes pêchent plus par malice que par fragilité ; plus ma bonté leur prodigue de grâces et de

bienfaits, plus on voit augmenter leur perversité. Si quelque chose pouvait exciter l’étonnement

des esprits bienheureux, ce serait sans aucun doute, cette malice extrême des créatures, qui

est d’ailleurs si faiblement combattue par ceux qui la connaissent…Ne voyez vous pas que le

jardin de mon Église est tout environné de ronces et d’épines et que les fleurs des bons désirs

en sont tellement étouffées qu’ils ne peuvent qu’à grand peine produire leurs fruits ? La bonté

que je communique à mes créatures trouve tant d’opposition dans la sagesse humaine qu’elle

demeure presque partout stérile. La vie des hommes n’est plus qu’un vain étalage de

cérémonies trompeuses, et quand on s’approche du saint tribunal, institué par mon Verbe pour

rendre aux pécheurs la grâce qu’ils ont perdue, il semble qu’on y va plutôt pour s’excuser que

pour s’accuser ; ce qui fait qu’on augmente ses péchés plutôt que d’en obtenir le pardon. Les

chrétiens, mes enfants, ne s’inquiètent plus de leurs obligations, ils n’ouvrent plus les yeux pour

voir ce qu’ils doivent corriger… D’où vient ce lamentable relâchement ? Du maudit respect

humain, de l’amour propre et de l’orgueil qui jette un voile sur leurs yeux… Ma fille bien-aimée,

j’ai fait de toutes les créatures comme autant de canaux magnifiques que j’ai rempli d’une onde

pure et limpide, mais elles la convertissent en une fange impure. »(IVe part. , ch. XXI.)

Il y a quelques jours, raconte Gemma Galgani40, à peine eus-je reçu Jésus dans la

communion qu’il m’adressa cette parole : « Dis-moi, ma fille, m’aimes tu ? Si tu m’aimes tu feras

tout ce que je veux de toi. » Puis il continua en soupirant : Quelle ingratitude et quelle malice il y

a dans le monde ! Les pécheurs s’obstinent à vivre dans le péché ; les âmes viles et lâches ne

se font aucune violence pour dompter la chair ; les âmes affligées tombent dans l’abattement et

le désespoir ; chaque jour en tous l’indifférence va en s’aggravant et personne ne se réveille.

Pour moi du haut du ciel je ne cesse de dispenser grâces et faveurs à toutes mes créatures,

lumière et vie à l'Église, vertu et force à ceux qui la dirigent, sagesse à ceux qui doivent éclairer

les âmes vivant dans les ténèbres, constance et force à ceux qui sont appelés à me suivre,

grâces de toutes sortes à tous les justes et même aux pécheurs qui restent dans leurs antres

ténébreux; je leur fais parvenir jusque-là ma lumière, jusque-là je cherche par tous les moyens

à les attendrir, à les convertir. Et à tout cela qu’est-ce que je gagne? Quelle correspondance

est-ce que je trouve dans mes créatures que j’ai tant aimées? Personne ne se soucie plus de

mon Coeur ni de mon amour. Je suis oublié comme si je ne les eusses jamais aimés, comme si

je n’eusse jamais souffert pour eux, comme si je fusse pour tous un inconnu ! Mon coeur est

constamment dans la peine ; presque toujours je reste seul dans les églises, et lorsque l’on s’y

réunit en grand nombre on a de tout autres motifs, et je dois souffrir de voir mon église, ma

maison changée en un théâtre et lieu de divertissement. Beaucoup sous des dehors hypocrites

me trahissent par des communions sacrilèges. » Jésus aurait continué, mais je fus contrainte

de Lui dire : O Jésus, Jésus je n’en puis plus. (Ch. XXX.).

« Il est besoin, lui dit une autre fois Jésus, d’une grande expiation particulièrement pour les

péchés et les sacrilèges des ministres du sanctuaire. Si ce n’était des anges qui assistent à

mon autel, combien de ceux-là je foudroierais sur le coup. » (Ch. XXXII.)

40Gemma Galgani (1878-1903) passa la plus grande partie de sa vie à Lucques, en Toscane. Sa vie, écrite par son

confesseur, est trop répandue pour qu’il soit besoin d’en dire davantage. (Biografia rial P. Germano di S. Stanislas, VIe

edizione, Roma, 1910.)

39. Jésus compte sur la terre bien peu de vrais amis

Notre Seigneur dit à sainte Thérèse : « Ah ! Ma fille qu’il y en a peu qui m’aiment

véritablement ! S'ils m’aimaient, je ne leur cacherais pas mes secrets. Sais-tu ce que c’est que

m’aimer véritablement ? C’est de bien comprendre que tout ce qui ne m’est pas agréable n’est

que mensonge. Cette réalité que tu ne comprends pas maintenant tu l’entendras clairement un

jour par le profit qu’en retirera ton âme. » (Vie, ch. XL.)

Françoise de la Mère de Dieu entendit de la bouche du Sauveur des plaintes semblables :

« Oh! combien j’ai peu de vrais amis, en comparaison du grand nombre de ceux qui

m’offensent, je veux que vous suppléiez. » Et Il lui montra que ce qu’il demandait de ses vrais

amis est une adhérence, une adoration et un amour perpétuel envers Lui. (Ch. XIV.)

« Je cherche partout des âmes pour me donner et communiquer à elles, et j’en trouve si

peu dans lesquelles je puisse faire pleinement ce que je veux, » (Ch. XV.)

Une autre fois Il lui fit comprendre l’excès de ses bontés et la valeur des dons qu’Il veut faire

aux âmes, et Il se plaignit à elle de ce qu’il trouve si peu de coeurs disposés à le recevoir, de ce

que les uns lui ferment la porte par le péché et l’ingratitude ; de ce que d’autres ont des coeurs

petits qui ne se soucient point de recevoir ses grâces, pourvu qu’ils se sauvent, sans vouloir

prendre part aux intérêts de sa gloire. Il lui dit : « Ne soyez pas ainsi, je veux que vous ayez un

grand coeur, un coeur étendu par la charité sur toute la terre, pour prendre mes intérêts et pour

réparer, par amour et zèle de mon honneur ce que tant d’âmes manquent de me rendre. Je

vous ai choisie pour mon lieu de refuge, et pour vous donner les grâces que les autres refusent.

» (Ch. XXVIII.)

Elle le vit un jour tout couvert de petites croix. Il lui dit : « Ce sont les péchés et les

imperfections de toutes les âmes qui m’ont été autant de croix. Oh ! Qu’il y en a peu, ma fille,

qui pensent à mes souffrances comme je le désire ; pensez-y pour tout ceux qui ne le font point.

Il y a en cela un grand gain, car je vous donnerai tout ce que je leur donnerais s’ils y pensaient.

» (Ch. XXXIII)

Une autre fois après la sainte communion, le divin Sauveur lui dit : « Je veux vous donner

vie, mais auparavant il faut que je détruise votre vie propre. Quand je veux être vie à une âme

et être sa seule vie, je suis premièrement en elle, non seulement comme un serviteur, mais

comme un valet ; car bien souvent un serviteur ne fait que suivre son maître, tandis que le valet

nettoie la maison. Ainsi je suis en cette âme, la nettoyant, la purifiant et ôtant toutes les ordures,

pour la rendre une demeure qui me soit agréable ; car je ne peux prendre de plaisir en elle

qu’elle ne soit toute purifiée. Mais quand je l’ai rendue nette, alors je n’y suis plus comme

serviteur, mais comme maître absolu. Je me repose en elle, j’y établis ma demeure et je me

rends seul vivant en cette âme. Je suis l’unique principe de ses actions, de ses mouvements,

de ses respirations, de ses paroles, et de ses pensées. Elle ne peut plus agir ni se mouvoir que

par moi. Comme je suis sa vie, je donne une vertu, une valeur, une efficacité à tout ce qui

procède d’elle, selon le bon plaisir de ma volonté, afin qu’en aucune chose, elle ne s’en puisse

détourner en un seul point ! Oh ! qu’il y en a peu en qui je trouve lieu de donner cette vie ! Qu’il

y en a peu qui veuillent souffrir ce qu’il faut porter pour la recevoir ! Je l’offre à beaucoup mais

peu la reçoivent. » Mais mon Seigneur, dit Françoise, dans le monde entier n’y en a-t-il pas des

milliers qui vous donnent lieu ? Il lui répondit en soupirant et en poussant une douloureuse

exclamation : « Oh ma fille, je ne veux point vous le dire, je vous affligerais trop. » (Ch. XXIX.)

Notre-Seigneur dit à Marie-Aimée que bien petit était le nombre des âmes qui ne se

recherchaient point en Le servant et qui pouvaient dire à son exemple : Pour moi, je ne

recherche point ma gloire. (Ch. XVII.)

40. Jésus persécuté par ceux qu’Il a le plus aimé

Un jour à son réveil, la bienheureuse Marguerite-Marie entendit une voix qui lui disait : le

Seigneur se lasse d’attendre ; Il veut entrer dans son grenier pour cribler son froment et séparer

le bon grain d’avec le chétif. Mon peuple choisi me persécute secrètement ; il a irrité ma

justice ! Mais je manifesterai ses péchés secrets par des châtiments visibles. Je criblerai les

coupables, dans le crible de ma sainteté de justice, pour les séparer d’avec mes bien-aimés, les

ayant séparés, je les environnerai de cette même sainteté qui se met entre le pécheur et ma

miséricorde, et quand elle a un fois environné le pécheur, il est impossible qu’il se reconnaisse,

sa conscience demeure sans remords, son entendement sans lumière, son coeur sans

contrition ; il meurt enfin, dans son aveuglement. » Lui découvrant ensuite son Coeur tout

déchiré et transpercé de coups : « Voilà, lui dit-il les blessures que je reçois de mon peuple

choisi. Les autres se contentent de frapper sur mon corps ; les religieux attaquent mon Coeur

qui n’a jamais cessé de les aimer. Mais mon amour cédera enfin à ma juste colère, pour châtier

ces orgueilleux attachés à la terre, qui me méprisent et n’affectionnent que ce qui m’est

contraire, me quittant pour les créatures, fuyant l’humilité pour ne chercher que l’estime d’euxmêmes.

Et leurs coeurs étant vides de charité il ne leur reste plus que le nom de religieux. »

(Ed. Gauthey, II, p. 173.)

41. Quelles sont les causes des tristesses de Jésus

Sainte Véronique Juliani écrivait à son confesseur la lettre suivante que nous abrégeons :

Votre Révérence m’ayant commandé de demander à Dieu la raison pour laquelle le crucifix est

devenu si triste, je l’ai demandé pendant cinq nuits.

La première nuit, il me dit que l’une des raisons est le peu de cas que l’on fait de sa sainte

Passion ; on la médite, il est vrai, mais en courant, et personne n’imprime profondément dans

son esprit les peines et les douleurs qu’Il a endurées pour notre amour.

La seconde nuit, se montrant plus que la première fois défiguré et le visage baigné de

larmes : « Vois, dit-ll, comment je suis traité et à quoi je suis réduit. Tout ceci provient des

horribles blasphèmes que vomissent sans cesse contre moi mes créatures. »

La troisième nuit, Il se montra tout meurtri et défiguré : « Je me fais voir ainsi à toi, dit et à

beaucoup d’autres, afin de les porter à aimer d’un amour véritable les souffrances et les croix.

Mais je vois tout le contraire car peu nombreuses sont celles qui aiment la croix en union avec

ma volonté. »

La quatrième nuit, Dieu me montra un lieu obscur tout plein d’instruments de douleurs. Au

milieu il y avait une croix toute resplendissante dont les rayons illuminaient tout le reste et

faisaient voir distinctement tous ces instruments de mort. Le Seigneur m’inspira que tous ces

instruments ainsi éclairés par la croix signifiaient que nos souffrances doivent être unies aux

mérites de la très sainte croix et à toutes les douleurs qu’Il endura dans sa Passion. Le lieu

obscur où étaient déposés ces instruments signifiait que celui qui n’unit pas ses souffrances à

celles de Jésus, demeure enseveli dans les ténèbres et n’a aucun mérite devant Dieu. Il me

parut que le Seigneur me dit en même temps que l’on manquait beaucoup en cela dans notre

monastère, que les souffrances de quelques-unes étaient comme cachées dans les ténèbres,

parce qu’elles étaient endurées par force et que la perte d’un si précieux trésor était une des

raisons du changement remarqué dans son image.

La cinquième nuit Notre Seigneur me découvrit trois points particuliers qui Lui déplaisaient

souverainement : 1° Le peu de respect que l’on a pour les supérieures ; 2° Les aigreurs et

rancunes dont l’ennemi tire tant d’avantages et qui nuisent grandement aux âmes ; 3° La

manière de vivre trop commodément et non selon la sainte pauvreté. (Diaro, vol.II, p. 713.)

Cette nuit, rapporte ailleurs la même sainte, le Seigneur m’a fait connaître que maintenant

dans le monde entier, il n’y a que péchés. « Tous me fuient et feignent de ne pas entendre mes

appels et mes inspirations. » Alors il m'a fait voir une multitude d’âmes entraînées par le

démon ; et Il m’a fait comprendre que c’était des âmes de religieux. « Je te les fais voir, dit-Il,

afin que tu aies à coeur de prier pour eux. Il y en a que tu reconnaîtrais, mais je ne veux pas te

les manifester.. » (Diario, 14 giugno 1797.)

Gertrude-Marie reçut elle aussi, plus d’une fois les plaintes du doux Sauveur : Depuis

vendredi 26 avril, une tristesse profonde pèse sur mon âme, une tristesse que Notre-Seigneur

me fait partager. Je Lui en ai demandé la cause : « C’est que, m’a répondu Jésus, en ce

moment il y a des âmes qui m'abandonnent, des âmes que j’aime d’un amour spécial, des

âmes que j’ai comblées ! des âmes sur lesquelles j’avais droit de compter pour me consoler,

pour me dédommager de l’oubli, de l’ingratitude des autre hommes ! Et ces enfants privilégiés,

ces âmes choisies m’abandonnent ! » (30 avril 1907.)

Ce matin Jésus s’est présenté à moi sous la figure d’un voyageur et Il m’a dit : « Viens avec

moi ; je parcours le monde entier, je frappe à la porte de tous les coeurs, la plupart m’en

refusent l’entrée. Viens, accompagne-moi partout ; quand je frapperai, tu prieras ; quand je

serai rebuté, tu me consoleras. » (22août 1907.)

Aujourd’hui, après la communion, j’ai vu dans le Coeur de Jésus des milliers et des milliers

d’épines. Les unes ne laissaient apercevoir qu’une toute petite tête ; d’autres plus ressorties

laissant paraître une large tête. En me faisant remarquer les premières, Notre-Seigneur m’a dit :

« Ces épines enfoncées si avant dans mon Coeur représentent les péchés souvent renouvelés.

A chaque péché l’épine s’enfonce davantage. » (17 janvier 1907.)

« Mon Coeur déborde déborde de toutes parts. Il ne peut plus contenir toutes les grâces que

les âmes refoulent sans cesse. Prends, ma fille, prends. » (26 décembre 1906.)

42. Les déceptions de Jésus

Au mois de mai 1910 une religieuse visitandine de Paris étant à l’article de la mort eut une

visite de Jésus qui la guérit miraculeusement et qui lui dit : « … Et surtout aime-moi. J’ai tant

besoin d’amour et j’en trouve si peu, même auprès des coeurs qui me sont consacrés. Je suis

l’Epoux fidèle ; en moi il n’y a pas de déception ; mais qu’elles sont rares mes épouses auprès

desquelles je ne rencontre pas bien des déceptions. »

Les religieuses ne sont pas toujours assez religieuses, dit aussi le Sauveur à Gertrude-

Marie, elles ne sont pas assez mortifiées ; elles ne savent pas assez s’oublier ; même les

meilleures ne sont pas tout ce qu’elles devraient être. » (27 novembre 1906.)

43. Beaucoup d’âmes religieuses aiment peu parce qu’elles ne désirent pas

assez l’amour

Adressant une exhortation à ses religieuses le 13 octobre 1553, sainte Catherine de Ricci41

entra en extase et leur rapporta alors des paroles que Jésus l’avait chargée de leur dire : «

Lève-toi, prends avec moi ta croix ; anime-toi à instruire tes Soeurs par mes exemples, et dis

leur que, par amour pour elles, je me suis passionné pour la croix, voulant agir et faire, avant

d’enseigner. Va donc avec ardeur et dis à mes filles qu’il ne doit pas leur paraître pénible de

porter leur croix par amour pour moi, puisque moi, l’auteur de l’amour, j’en ai porté une si

pesante par amour pour elles. »

« Leurs croix à elles, c’est l’observance des trois voeux, des règles et des constitutions,

observance dont bien peu se préoccupent, et, s’il y en a encore quelques-unes qui y pensent,

elle n’est que le dernier de leur souci, tandis qu’elle devrait être leur affaire la plus importante.

Elles m’ont toutes oublié, elles ont toutes négligé mon amour, moi qui les ai tant aimées et qui

ai tant souffert pour elles ! Oh ! qu’ai-je dû faire pour toi et pour elles, que je n’aie point fait ?

Les grâces qui leur ont manqué, ce sont elles-mêmes qui s’en sont privé volontairement par

leurs mauvaises dispositions, ou en ne les demandant pas, ou en ne les cherchant pas, ou en

ne les désirant pas. Moi, je n’attendais, pour les leur donner que de les voir désirer ardemment

et demander avec ferveur. On ne donne pas des joyaux et des perles à ceux qui n’en

connaissent pas le prix. Ni moi non plus, je ne livre pas mes dons et mes faveurs à ceux qui ne

savent pas les apprécier. Je ne les donne qu’aux âmes qui les recherchent jusqu’à se rendre

importunes en les demandant, nuit et jour, à force de soupirs et de larmes. »

41Sainte Catherine de Ricci (1522-1590) du Tiers ordre régulier de saint Dominique, naquit à Florence, et vécut dans un

couvent de Prato, en Toscane. (Vie, par le P. Hyacinte Bayonne, O. P. Paris, Poussielgue, 1873.)

« Elles ne se souviennent plus de moi, elles ont presque entièrement oublié de m’aimer. Et

pourtant qui aime ne désire et ne mérite rien tant que d’être aimé. Oh ! Dis-moi, est ce qu’elles

ne sont pas mes délices? Est-ce qu’elles ne sont pas consacrées à mon service et au zèle de

ma gloire ? Eh ! Ne voient-elles donc pas où en est le monde et combien peu s’y souviennent

de moi ? C’est que la voie de la perdition est large et suivie par le grand nombre, tandis que

celle de la perfection est étroite et difficile au commencement ; mais à quiconque y entre pour

mon amour, je sais la rendre bientôt douce et facile. Non, ce n’est pas moi qui néglige quelque

chose pour leur venir en aide ; ce sont elles qui négligent d’invoquer mon secours et de penser

à moi, moi qui ai tant d’amour pour elles, moi dont elles font les délices et qui me sens si

heureux de me trouver au milieu d’elles. »

« Mais je ne veux plus qu’elles persévèrent dans cette voie : Je veux qu’elles secouent le

sommeil de leur négligence, quelles sortent de leur ornière et qu’elles se gardent de tout

murmure, dans la mesure de leurs forces. Loin de moi de vouloir qu’elles s’attristent outre

mesure de mes reproches et qu’elles en demeurent abattues et découragées. Non, je ne désire

que de les voir revenir à moi avec confiance, moi qui peux et veux les changer en ferventes

religieuses. Je sais bien qu’elles ne peuvent rien sans ma grâce ; mais qu’elles mettent

courageusement la main à l’oeuvre, pleines de confiance en mon secours, et je les délivrerai de

toute peine et de toute angoisse. Quelles viennent à moi, qui les attends les bras ouverts sur la

croix. Quelles prennent de grand coeur, sur leurs épaules, leur croix des trois voeux, des règles

et des constitutions, et que rien ne soit plus capable de la leur faire abandonner. Qu’elles

l’étreignent vigoureusement avec les mains des bonnes oeuvres à l’exemple de tant de vierges

saintes qui ont renoncé a toutes les choses du monde et à elles-mêmes pour mon amour et qui

ont sacrifié leur propre vie dans un saint et généreux martyre. Aussi quand leur Epoux est venu

au-devant d’elles, voyant la lampe de leur coeur allumée et toute pleine de l’huile de la charité et

des bonnes oeuvres, il les a introduites avec allégresse dans le lieu de leurs noces éternelles. »

(Vie, ch. XX.)

CHAPITRE III : Dieu Bonté

1. Heureux qui s’applique à connaître la bonté de Dieu

Parole du Seigneur à Soeur Mechtilde : « Celui qui méditera combien je suis bon s’attachera

à moi pour jamais. » (Liv. V, ch. XX.)

Ô mon unique bien-aimé, disait sainte Mechtilde au Seigneur, qu’aimez-vous mieux que les

hommes connaissent de vous ? Le Seigneur répondit : « Ma bonté et ma justice : ma bonté qui

me fait attendre miséricordieusement l’homme jusqu’à ce qu’il se convertisse, à quoi je l’attire

continuellement par ma grâce ; mais quand il ne veut absolument pas se convertir, ma justice

réclame sa damnation. » L’âme : « Et que dites vous de votre charité ? » Le Seigneur : « Un

fidèle ami fait part de tous ses biens à son ami et lui révèle ses secrets ; ainsi je fais moi aussi.

» (Ire part., ch. XIII.)

2. Bonté du Père éternel

Un soir, raconte sainte Thérèse, comme j’étais à Matines, Notre Seigneur se plaça entre

mes bras, comme les peintres Le représentent mort entre les bras de la Sainte Vierge. Ce fut

par une vision intellectuelle, mais si vive, qu’elle ressemblait à une vision imaginative. Notre

Seigneur me dit : « Ne t’étonne pas de ceci. Mon Père est avec ton âme dans une union bien

plus grande, sans comparaison. » (Relation, 44.)

Et une autre fois la même sainte rapporte ceci : le Père éternel m’approchait de Lui et

m’adressait des paroles pleines de douceur. Il me dit entre chose en me témoignant beaucoup

d’amour : « Je t’ai donné mon Fils, l’Esprit-Saint et la Vierge. Et toi, que pourras-tu me donner ?

» (Relation, 22.)

Il m’est impossible, dit Marie Brotel42, d’exprimer l'immense bonté de Dieu le Père. Il me

regardait d’un regard paternel qui m’anéantissait d’amour. Je croyais que dans Dieu le Père il y

avait surtout la grandeur et la puissance ; mais non, c’est surtout et au dessus de tout l’amour

que j’y ai vu. Il m’a dit : « Ma fille, les hommes ne me connaissent pas et c’est pour cela qu’ils

me servent avec une crainte servile et comme étant bien sévère ; mais tu vois mon amour pour

mes créatures et mon désir de les voir heureuses » (Vie, appendice, I, n° 16.)

3. Bonté de Dieu qui se donne Lui-même et au premier appel

Au moment de l’élévation de l’hostie, le Seigneur dit à sainte Mechtilde : « Voici que je me

livre tout entier avec tout le bien qui est en moi, en la puissance de ton âme, afin qu’il soit

absolument en ta puissance de faire de moi tout ce qu’il te plaira. » (IIe part., ch.II.) Et une autre

fois : « Voici que je me remets en ta puissance pour être ton captif et pour que tu commandes

de moi tout ce que tu voudras, et moi, tel qu’un captif qui ne peut que ce que son maître lui

ordonne, je serai à tes ordres. » (Ch. XXXI) « Toutes les fois que tu gémis tu m’attires en toi, je

me suis rendu plus facile à obtenir que toute autre chose ; il n’est objet si vil et si insignifiant, un

brin de fil ou une paille qu’on puisse acquérir par un simple acte de volonté ; mais moi, un seul

vouloir, un seul soupir suffit pour me mettre en la possession de l’homme. » (IIIe part., ch.

XXXV.)

4. Dieu se donne autant qu’on veut le recevoir

Sainte Gertrude vit le Seigneur qui, répandant de toutes parts les flots de son amour divin,

se donnait à toute la communauté avec ces paroles : « Je suis tout à vous ; que chacun de

vous jouisse de moi selon son désir. » (Liv. III., ch. XVII.) Mais ce désir, d’après lequel le

Seigneur mesure le don qu’il fait de Lui-même, est le fruit d’une volonté sincère et efficace et

non le produit d’une simple velléité.

Jésus dit à Bénigna : « On a une idée trop petite de la bonté de Dieu, de sa miséricorde, de

son amour envers les créatures; on mesure Dieu par les créatures, mais Dieu n’est pas limité,

aussi sa bonté est sans limite ! Oh ! Pouvoir se servir, profiter de Dieu et ne pas le faire ! Et

pourquoi ne le fait-on pas ? parce que, dans le monde on ne Le connaît pas. Je suis un trésor

infini, mis par mon Père éternel à la disposition de tous ; mes créatures me refusent, et combien

c’est à leur détriment, elles le comprendront seulement dans l’éternité. » (Notice, pp. 88, 89.)

5. Dieu par bonté s’est rabaissé et mis à notre portée dans l’Incarnation

Le Seigneur a expliqué à sainte Brigitte pourquoi sa divinité ne s’était pas manifestée d’une

manière éclatante : « l’infirmité corporelle n’aurait pu la supporter ; si les yeux corporels

voyaient la divinité, ils se fondraient comme la cire devant le feu ; et même si l’âme avait cette

faveur de voir la divinité, le corps se fondrait et deviendrait comme de la cendre. Ma divine

bonté ne l’a pas voulu, car si je montrais ma divinité, qui est incomparablement plus brillante

que le feu et que le soleil, j’irais contre moi-même, qui ai dit : Nul homme ne me verra sans

mourir. (Exode, XXXIII, 20.) Les prophètes eux-mêmes ne m’ont pas vu comme je suis en la

divinité. Aussi moi qui suis le Dieu de miséricorde, afin que l’homme m’entendît mieux, je me

suis montré à lui sous une forme qui pouvait être vue et ressentie, c'est-à-dire dans mon

humanité. » (Liv. v, ch. v.)

6. Bonté toute gratuite. Âmes choisies

Le Seigneur dit à Mechtilde : « Moi qui suis le Créateur de l’univers, je n’ai besoin d’aucune

récompense, mais tu es toi-même ma récompense, car mon Père céleste t’a donnée à moi pour

être mon épouse et ma fille. » La sainte s’écria : « Pourquoi, Seigneur très aimant, agissez-

42Marie Brotel (1819-1888) fut une humble domestique qui passa presque toute sa vie à Grenoble. Ses pénitences étaient

héroïques ; ses prières pour l'Église, pour les pécheurs, étaient continuelles. Sa vie a été publiée par les Pères du Sacré-

Coeur, exilés à Brugelette, Belgique, 1909

vous ainsi avec moi? » « Uniquement par un effet de ma bonté, parce que j’ai placé en toi les

délices de mon Coeur. » (IIe part., ch. VIII.)

Le Seigneur dit à Gertrude : « Ma fille, je ne suis resté que depuis la sixième heure jusqu’à

celle des vêpres, attaché à la croix, et cependant je l’ai bien élevée en honneur. Vois par là de

quels bienfaits je me propose de récompenser les coeurs où j’ai reposé des années entières. »

A ces paroles la sainte dit : Hélas ! je vous ai donné bien peu de contentement en mon coeur ! –

« Et quel contentement ai-je eu sur ce bois ! répondit le Seigneur. Mais ma gratuite bonté qui l’a

choisi de préférence à d’autres, m’a induit à l’honorer. De même je récompenserai ceux que

j’aurai choisi par un effet gratuit de ma bonté. » (Liv. IV, ch.LII.)

7. Dieu est maître de ses dons

Le confesseur de Françoise de Bona43 la reprenant sévèrement lui dit qu’il était à craindre

que toutes ses visions et ses révélations ne fussent des tromperies du démon : « Dis de ma

part à ton confesseur, dit le Seigneur à l’humble religieuse : N’est-il pas en mon pouvoir de faire

de mes servantes ce qu’il me plaît ? « (Liv. II, ch. xv II.)

8. Bonté qui n’oublie personne sur cette terre

« Il n’y a personne au monde, dit le Seigneur à sainte Brigitte, quelque enraciné qu’il soit

avec le diable que le bon Esprit ne visite quelquefois et ne lui excite et émeuve le coeur. Il n'y a

personne aussi, quelque bon qu’il soit, que le diable ne tourmente par quelque tentation. » (liv.

Ier, ch. LIV.)

9. Bonté qui accroît ses dons selon les efforts de l’âme

« Ceux qui commencent à porter mon joug et qui font des efforts, à ceux là je donnerai ma

grâce. Ceux qui supportent mon fardeau, c'est-à-dire qui s’efforcent d’un jour à l’autre, pour

l’amour de moi, d’avancer dans le chemin de la perfection, je travaillerai avec eux, je serai leur

force et les enflammerai d’amour, afin qu’ils me désirent davantage. Ceux qui sont nuit et jour

dans les peines, qui souffrent avec patience et ne s’abattent pas, mais brûlent et s’enflamment

de plus en plus, au point que tout ce qu’ils font leur semble peu de choses, ceux-là sont mes

amis très chers, mais ils sont en petit nombre. » (Ibid., liv. Ier, ch. xv)

10. Bonté qui se révèle ou qui se cache selon le besoin des âmes

Sainte Gertrude, considérant la clarté du soleil, se dit un jour : Si le Seigneur qui a créé ce

soleil et qui est Lui-même un feu consumant, était aussi véritablement en moi, qu’il se montre

fréquemment devant moi, comment serait-il possible que mon coeur demeurât si froid, et que

j’eusse une conduite si peu raisonnable et si peu vertueuse ? Le Seigneur lui répondit : « En

quoi exalterait-on ma toute-puissance si, par-dessus tout, je ne pouvais en quelque lieu que je

me trouve, me contenir en moi-même, ou révéler ma présence quand cela me convient le

mieux, selon les circonstances de lieu, de temps et de personne ? » (Liv. II, ch. XVII.)

11. Bonté qui met son plaisir à nous faire du bien

Le Père céleste dit à Bénigne Gojoz44 : « Ma fille, lorsque vous serez parfaitement

convaincue de votre néant et de votre misère, vous apprendrez à exalter mon nom et à vous

réjouir dans le Seigneur, en reconnaissant que tout bien vient de moi, le Tout-Puissant, qui

élève la poussière jusqu’à moi et fait le tout du rien ; vous saurez que ma miséricorde est infinie

43Françoise de Bona (1589-1669) fut religieuse au Carmel d’Avignon ; elle y mourut en odeur de sainteté ; après sa mort,

on obtint par son intercession de nombreux miracles (Vie, par l’abbé Séaume, Aubanel, Avignon, 1892)

44La soeur Jeanne-Bénigne Gojoz (1615-1692) fut reçue dans l’Ordre de la Visitation par sainte Jeanne de Chantal et

choisie par elle pour être l’une des premières religieuses du monastère de Turin, où elle vécut dans une éminente sainteté.

Sa vie, écrite par la Mère Gertrude-Elisabeth de Provane, fut publié seulement en 1846, puis en 1901 par les soins du

monastère de la Visitation de Turin. (En vente à ce monastère)

et que je me plais à la faire éclater puissamment en la sanctification des âmes, mes choisies,

qui ne me résistent point, mais qui s’abandonnent avec une humble confiance à ma

Providence. Retenez ces leçons, Bénigne, et vous saurez que je suis Celui qui remplit et qui

rassasie l’âme qui a faim de moi ; que si je parle, j’exécute ; que si vous vous quittez vousmême,

vous me posséderez ; que si vous vous séparez du coeur des créatures, vous aurez ma

jouissance éternelle et la familiarité des anges ici bas ; que si vous quittez vos propres

prévoyances, ma Providence prendra tout soin de vous, parce que j’aime surtout l’abandon et la

dépendance des coeurs qui sont à moi ; je me plais à faire des miracles pour eux et en leur

faveur ; je les pourvois de tout, comme une ville qui est mon séjour. La fille qui quittera le mieux

sa terre et sa parenté (psaume XLIV) sera aussi celle qui entrera le mieux dans l’intérieur de

Jésus-Christ, vraie terre promise. Les lumières qui viennent immédiatement de moi qui suis

nommé le Père des lumières, sont les moins sensibles et les plus dégagés de forme, parce

qu’elles partent de la vérité. L’âme la plus anéantie est la plus absorbée en moi. Le meilleur

moyen de se tenir à moi est de connaître mon immense bonté, de savoir que tout votre bien

vient de moi, et qu’ainsi vous ne vous devez rien attribuer. Le Tout donne et le rien reçoit. »

(Vie, IIIe part., ch. III.)

« Un époux, dit Jésus à Bénigna, saisit toutes les occasions d’offrir des dons à son épouse,

et il jouit plus à les lui faire qu’elle à les recevoir. » (Vie, p. 37.)

Nous sommes loin de connaître tous les bienfaits que nous recevons de Dieu, combien de

grâces nous sont faites que nous ne connaîtrons qu’au ciel ! Notre Seigneur me dit, raconte

Jeanne-Bénigne Gojoz : « Ma fille, remercie-moi d’une grâce que je t’ai faite et qui t’es

inconnue. C’est qu’à pareil jour, je t’ai préservée de tomber dans un grand risque de m’offenser

chez ton père, dans ta plus tendre jeunesse, quelqu’un des domestiques ayant été séduit et

payé pour te mettre dans le péril. (Vie, IIIe part., ch. XIII.)

12. Bonté qui ne suspend ses bienfaits que pour les multiplier ensuite

Notre Seigneur confirma les faveurs accordées à Gertrude, en condescendant d’une façon

admirable aux plaintes de sa servante, qui l’accusait de n’avoir pas scellé ses promesses en la

frappant la main dans la main, ainsi que font ceux qui prennent quelque engagement. « Pour

couper court à tes plaintes, approche et reçois la confirmation de mon engagement. » Le

Seigneur ouvrit alors de ses deux mains son Coeur déifié, cette arche de la divine fidélité et de

l’infaillible vérité, et ordonna à Gertrude d’y porter sa main droite. Fermant alors cette ouverture,

où sa main resta retenue, le Sauveur lui dit : «Voilà que je te promets de conserver dans leur

intégrité les dons que je t’ai confié ; si cependant quelquefois, par une économie de ma

Providence, j’en suspens pour un temps les effets, je m’engage à t’en dédommager ensuite au

triple. » (Liv. II, ch. xx.)

13. Bonté qui attend le moment le plus opportun

Pour communiquer ses grâces « Ma fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, j’ai vu

autrefois mon Père porté à faire sur toi de grandes décharges de ses grâces pour le grand

amour qu’Il te portait ; mais comme j’ai vu que tu n’étais pas bien disposée à les recevoir et

qu’elles eussent été répandues inutilement et sans profit pour toi, je les ai mises en réserve

pour te les donner en temps et lieu. » Et Notre-Seigneur faisait connaître qu’Il en usait ainsi

envers tous les fidèles. (IIe part, ch. XIX.) Souvent nos prières ne sont pas exaucées aussi vite

que nous le désirons ; l’effet en est suspendu, Dieu s’en souviendra à son heure.

14. Bonté qui voudrait donner davantage

J’ai entendu, raconte sainte Véronique Juliani, que le Seigneur me disait : « Je suis tout à

toi, et tu es toute à moi. » Et alors Il m’a communiqué un peu de son amour infini. Cet amour

me faisait comprendre que je ne devais chercher qu’humilité, charité et obéissance ; j’entendis

que le Seigneur me dit : « Voilà ce que je veux de toi ; et sans toi, je ne puis mener à bonne fin

tout ce que j’ai dessein de faire à ton âme. » Et je l’entendis me dire encore et me répéter : «

Sans toi, je ne puis pas. » (Diario, 19 gennaio 1697.) Trop souvent, en effet, le Seigneur brûle

de nous accorder ses dons, et nous l’en empêchons. Nous ne sommes pas capables, dit

ailleurs la même sainte, de posséder le pur amour, si Dieu dans son infinie bonté , ne le met en

nous ; mais cette grâce , Il l’accorde quand Il trouve un coeur disposé à la recevoir, et si grande

est sa libéralité qu’il voudrait que tous nous fussions embrasés de son amour : « Je te fais ces

grâces, me disait-Il, pour montrer que je fais du bien même aux ingrats, et pour encourager

toutes les âmes à m’aimer. Tout ce que je t’accorde, je l’accorderais à toutes les créatures, si

elles voulaient me servir. » (Diario, 19 décembre 1715.)

Dieu me fit connaître, dit Marcelline Pauper, que si les âmes étaient fidèles, Il remplirait

leurs capacités de ses grâces et les enrichirait des dons du Saint-Esprit. Il me dit : « Je ne

cherche qu’à me répandre, mais je demande des âmes pures. » (Vie, ch. XVIII.)

Gertrude-Marie a écrit : « Nul ne sait, m’a dit Jésus, jusqu’où irait ma familiarité avec une

âme qui se livrerait totalement à moi. Quand une âme prononce avec beaucoup d’amour ces

mots : Notre Père, qui êtes aux cieux, elle va droit à mon Coeur, c’est une flèche qui la

transperce, c’est une flèche qui le transperce. » (10 mai 1907.) « Ah ! vous ne connaissez pas

le Coeur de Dieu, m’a dit Notre-Seigneur, vous ne savez pas vous approcher de Lui ; vous ne

savez pas crier : Père. Peu d’âmes sur la terre pratiquent à l’égard de Dieu cette familiarité que

cependant Il attend de ses enfants. » (30 juin 1907.) Je me suis rappelé cette parole divine que

j’ai entendue au mois de décembre : « On me chasse de partout, je me rapproche. On ne veut

pas que je sois connu ; je me découvrirai aux âmes, je me communiquerai à elles. » (27 février

1907.)

15. Quand Dieu demande, c’est pour donner

Sainte Gertrude, voyant le Seigneur dans sa gloire, les mains pleines de présents mais ne

pouvant distinguer à quoi il paraissait si fort occupé, l’interrogea, et Il répondit : « Je distribue

des dons. Veux-tu m’offrir aussi ce que tu as gagné de mérites, pour accroître cette libéralité

que je te fais ? » La sainte aussitôt offrit au Seigneur, non seulement ses biens, mais ceux de

toute la communauté, et le Sauveur lui dit avec bonté : « Attache-toi à moi seul, et jouis de toute

la douceur de ma grâce. » (Liv. 3, ch.9)

16. Bonté qui se sert des âmes saintes pour répandre ses grâces sur les

autres

Le Seigneur a maintes fois déclaré à sainte Gertrude qu'elle serait le canal de ses grâces :

« Ma bonté naturelle me fait toujours pencher vers ceux qui sont les meilleurs, et en les

embrassant de toute ma divinité, je cache les moins parfaits sous ceux qui le sont davantage. »

(Liv.3, ch. 16)

« Quiconque sous le poids de la peine et de la tristesse s'en viendra en toute vérité et

simplicité chercher la consolation dans tes paroles, ne sera jamais frustré dans son attente ;

parce que je veux, moi, Dieu, résidant en toi, suivant l'irrésistible impulsion de ma tendresse et

de mon amour, je veux par toi répandre mes bienfaits sur un grand nombre ; et la joie que ton

coeur en ressent, est vraiment puisée dans la source surabondante du divin coeur. » (Liv Ier, Ch.

14)

« Je prendrai plaisir à me servir toujours de ton coeur comme d'un canal, par où je verserai,

de la source jaillissante de mon très doux coeur, des torrents de divine consolation sur tous

ceux qui se disposeront à recevoir ces effusions, c'est-à -dire qui auront recours à toi avec

confiance et humilité. » (Liv.3, ch. 57)

« Voilà que je mets à ta disposition toute la douceur de mon coeur divin, afin que tu puisses

en faire part à tous, autant que tu le voudras. » (Liv. 4, ch.58)

Il fut dit à la bienheureuse Angèle que le Dieu tout-puissant ayant béni les aumônes qui lui

étaient faites, tous ceux auxquels elle les distribuerait en tireraient profit et que ce profit serait

proportionné aux dispositions de leur âme. (Doncoeur, p.85 ; Ferré, p. 91)

Une autre fois, elle entendit ces Divines Paroles : « Moi qui te parle, je suis la puissance

divine qui t'apporte une grâce : je veux qutu sois utile à tous ceux qui te verront et non

seulement à eux, mais encore que tu sois en aide à ceux qui penseront à toi ou qui t'entendront

nommer ; plus quelqu'un me possédera, plus tu lui sera utile. » (Doncoeur, p103 ; Ferré, p 120).

17. Bonté qui a su tirer le bien du mal. O felix culpa !

Si Adam n'eût pas péché, dit le Père éternel à sainte Madeleine de Pazzi, et que le Verbe

ne fût pas mort pour vous, nous n'en auriez pas moins joui de la gloire éternelle, mais dans une

mesure plus restreinte … Vous eussiez mérité en partie la récompense que je vous aurais

accordée, mais vos mérites eussent été beaucoup moindres, et les saints n'auraient pas eu les

couronnes qui brillent maintenant sur leurs fronts. Ils n'auraient pu acquérir la couronne du

martyre, faute de persécuteurs, ni celle de la virginité, faute de concupiscence. L'Église n'aurait

point eu ses docteurs pour enseigner la vérité et combattre l'erreur, puisque l'ignorance et la

mauvaise foi eussent été inconnues parmi les hommes. Enfin votre gloire eût été beaucoup

moindre, parce que vous n'eussiez pas eu à combattre contre vous-mêmes et contre le monde ;

il vous eût été fort facile d'observer mes commandements, parce qu'il n'y aurait eu en vous

aucun penchant mauvais. En un mot il y aurait eu entre la gloire que je vous aurais donnée et

celle que je vous donne maintenant la même différence qu'il y a entre une créature ornée du

sang de mon Fils et une autre qui ne l'est pas. Oh! Qu'elle est grande, ma fille, la gloire que je

vous donne maintenant! Oh! Combien le sang de mon Verbe a grossi le torrent de volupté du

Paradis. » (4è part., ch. 12)

18. Bonté qui nous prépare d'ineffables récompenses

Gertrude baisant les plaies du Seigneur Lui disait : »Je vous salue, Jésus, époux plein de

grâce et de fraîcheur, je vous embrasse dans la joie de votre divinité avec tout l'amour du

monde entier, et je vous baise ainsi en votre plaie d'amour. »

« Toutes les fois, lui dit le Seigneur, que tu te retournes vers moi dans une semblable

disposition, je te recevrai comme un ami reçoit son ami qui lui demande l’hospitalité d’un jour ; il

lui témoigne par ses actes et ses paroles toutes sortes d’amitiés, avec une bienveillance et une

attention remplie de joie et de délicatesse. En recevant ces marques de tendresse, cet ami

songerait plus d’une fois comment il pourrait rendre la pareille à son ami, lorsque celui-ci

viendrait aussi à le visiter : ainsi moi-même je pense sans cesse en mon Coeur et je règle avec

soin comment pour toutes les amitiés que tu m’as faites sur la terre, je te récompenserai en la

vie éternelle, selon la royale libéralité de ma toute puissance par des prévenances et des

amitiés multipliées au centuple. » (Liv. III, ch. XLVII, p. 216.)

19. Bonté qui accorde la grâce d’une bonne mort

Le Seigneur dit à Gertrude : « Quand je vois à l’agonie ceux qui, parfois, ont eu quelque

douce pensée ou mémoire de moi, ou qui ont accompli quelque oeuvre méritoire, je me montre

à eux, au dernier moment, si bon, si tendre et si aimable, qu’ils se repentent du plus profond de

leur coeur de m’avoir offensé et ce repentir fait qu’ils sont sauvés. Aussi, je voudrais, pour cet

excès de bonté, être glorifié par mes élus, et, parmi les actions de grâces qu’ils m’adressent

pour mes bienfaits, en recevoir pour celui-ci de particulières. » (Ed. lat., p. 187, liv.III, ch. XXX,

n° 20.)

Une fois que Marie-Aimée de Jésus priait pour la multitude des infidèles et qu’elle

représentait combien le salut était difficile pour ces pauvres âmes qui ne Le connaissaient pas

et n’avaient ni ses enseignements, ni ses exemples, ni ses sacrements pour résister aux

penchants de la nature déchue, Notre-Seigneur la consola en lui disant qu’aucune âme ne sera

damnée sans l’avoir voulu absolument. (Vie, ch. XVII.)

Un jour, que la pensée du mystère de la prédestination causait à sainte Rose de Lima le

plus grand effroi, Jésus lui dit : « Ma fille, je ne condamne que ceux qui veulent être

condamnés. Bannissez donc de votre esprit, à partir d’aujourd’hui, toute inquiétude sur cet

article. »

La Soeur Mechtilde rapporte cette parole du Seigneur: « Je te dis en vérité, qu’il y en à un

plus grand nombre dans la sainte Église qui vont après leur mort au ciel qu’il n’y en a qui

descendent en enfer éternel. La justice néanmoins retient toujours ses droits ; je n’enlève

jamais de ses mains les fautes commises en sa présence, mais je veux, avant tout, venir

comme un père à l’âme accablée sous son fardeau, si je découvre en elle quelque bien et pas

de désespoir ; j’y suis comme forcé par les sentiments paternels que je ressens pour les fils que

j’ai engendrés. » (Ed. franç., liv. VI ch. XI ; éd. lat., liv. VI, ch. XV.)

Jésus dit à Marie de Jésus Crucifié45 : “Ce n’est pas moi qui choisis l’enfer pour vous ; vous

faites ce choix vous-même. Pas une âme ne se perd sans que je lui aie parlé mille fois au coeur.

» (Vie, p. 55.)

Il dit de même à Bénigna-Consolata : « Celui-là seul se perd qui le veut et qui le veut

obstinément, en dépit des efforts répétés, des efforts amoureux de ma grâce pour le conduire

au bien. » (Notice, p.22.)

20. Dieu ne laisse pas facilement se perdre les âmes qui Lui ont coûté si cher

Mechtilde priait pour une personne et disait : Mon Seigneur, je vous demande d’en agir

miséricordieusement avec elle à ses derniers moments en lui donnant l’assurance de rester

avec vous.- « Quel est l’homme sage qui jetterait et détruirait un trésor aimé, acquis à force de

travail ? répondit le Seigneur. » (IVe part., ch. XXVIII.)

La même sainte demandant pour une de ses soeurs en religion qu’elle eût à ses derniers

moments un avant goût de la vie éternelle, savoir, l’assurance de n’être jamais séparée de son

Dieu, reçut une réponse aussi consolante : « Quel est le marin qui, après avoir heureusement

amené ses biens au port, les jetterait alors volontairement à la mer ? » (Ibid., ch. XXXV, p.26.)

21. Bonté qui tient compte des bonnes intentions

Une dame avait consacré à Dieu son enfant, même avant sa naissance, et voulut que, si

c’était une fille, elle fut fiancée à Dieu ; mais l’enfant mourut dans la deuxième année de son

âge. Son âme apparut à Mechtilde comme une vierge très belle et lui dit : Tous les dons que je

devais recevoir du Seigneur, si réellement j’avais pris l’habit religieux, Il me les accorde

maintenant par un effet de sa grande libéralité ; et j‘ai en plus une récompense particulière pour

avoir été consacrée à Dieu dès le sein de ma mère. » Comme cela étonnait beaucoup

Mechtilde, le Seigneur lui dit : Pourquoi t’étonner ? Est-ce que les enfants baptisés ne sont pas

sauvés par la foi d’autrui ? J’ai accepté la volonté bien déclarée de la mère pour le fait, et je

récompense , dans son enfant, tous les biens qu’elle lui avait désirés46.

– Mais pourquoi , mon bien-aimé, avez-vous si tôt enlevé cet enfant ?

– Elle était si aimable, répondit le Seigneur, qu’il n’était pas expédient pour elle de rester sur la

terre ; ensuite son père, après la mort de son aînée, aurait annulé le voeu de sa mère, et l’aurait

gardée pour le siècle. » (Ve part., ch. XII.)

45Soeur Marie de Jésus-Crucifié (1846-1878) fut une religieuse carmélite, syrienne d’origine, qui mourut en odeur de

sainteté à Bethléem.. (Vie, par le P. Estrade, qui fut son directeur, Paris, Gabalda, 1913.)

46Les faveurs ainsi accordées ne font pas partie du bonheur essentiel qui est mérité de condigno et qui est proportionné

au degré de charité auquel les fidèles se sont élevés sur la terre. Outre ce bonheur essentiel, les élus jouissent encore

de privilèges, de dons accidentels très précieux. Saint Augustin pense que Dieu tient compte des souffrances endurées

inconsciemment par les enfants baptisés et les en dédommage au Paradis. Il écrivait en effet à saint Jérôme : Quis novit

quid parvulis de quorum cruciatibus duritia majorum contunditur, aut exercitur fides aut misericordia probatur, quis

inquam, novit, quid ipsis parvulis in secreto judiciorum suorum bon oe compentionis reservet Deus ?

22. Bonté qui récompense le dévouement de ceux qui se dépensent pour les

amis de Dieu

L’intendant des religieuses d’Helfta se donnait beaucoup de peines et de fatigues pour bien

gérer les affaires du monastère. Sainte Gertrude priant le Seigneur de l’en récompenser reçut

cette réponse : « Son corps qui s’épuise si souvent de fatigue pour moi en de tels travaux est

pour moi comme un trésor dans lequel je mets en dépôt autant de pièces d’argent qu’il fait de

mouvements pour satisfaire à la charge qu’il a reçue, et son coeur est un coffre-fort dans lequel

je me plais à déposer une nouvelle pièce d’or, chaque fois qu’il recherche comment pourvoir

pour ma gloire aux besoins de ceux dont il est chargé. »

Sainte Gertrude fit remarquer que cet homme n’était cependant pas poussé par des motifs

tout désintéressés, et qu’au désir de faire son devoir se mêlait aussi celui d’obtenir pour luimême

quelque gain. « Sa volonté, reprit le Seigneur, est tellement soumise à ma volonté divine

que je suis toujours la cause principale de ses actions ; c’est pourquoi dans toutes ses

pensées, ses paroles et ses actions, il gagne un fruit inestimable. Néanmoins s’il procédait dans

chaque affaire avec une intention plus pure, ses oeuvres deviendraient d’un plus grand prix,

autant que l’or l’emporte sur l’argent. Enfin, si avec une intention plus pure encore il dirigeait

vers moi ses pensées et ses sollicitudes, elles en deviendraient d’autant plus belles et plus

nobles qu’un or pur et raffiné vaut mieux qu’un or vieilli et obscurci. ». (Liv. III, ch. LXIX.)

23. Bonté qui récompense les moindres actes d’amour

Ayant lancé vers le Seigneur des paroles de tendresse, l’humble Gertrude se demandait si

son indignité ne rendait pas insipide au Bien-Aimé ses protestation d’amour. Le Seigneur la

rassura en ces termes : « Qu’importe la nature du vase où l’on agite les parfums, pourvu qu’il

exhalent toujours la même odeur ? De même lorsqu’on m’appelle : Ô très doux, ô très aimé,

tout en se regardant comme une vile créature, la douceur qui m’est naturelle ne laisse pas d’en

être émue jusqu’en ses profondeurs, et me fait exhaler à moi-même un arôme d’une

merveilleuse suavité, qui répand sur celui qui a provoqué ma douceur par ces paroles de

tendresse, une odeur de salut pour l’éternité. » (Liv. 4, ch. Ier.)

Comme ses Soeurs s’inclinaient profondément en récitant à l’office ces mots : « Verbum

caro factum est », elle entendit que le Seigneur lui disait: « Chaque fois qu'une personne

s'incline à ce mot avec une pieuse reconnaissance, me remerciant de ce que, par amour pour

elle, j'ai daigné me faire homme, autant de fois, pressé par ma propre bonté, je m'incline à mon

tour vers elle, et du plus profond de mon coeur j'offre en double à dieu les fruits de ma

bienheureuse humanité pour ajouter à sa béatitude éternelle. » (Liv. 4, ch. 3)

Un jour qu'à l'Office de la nuit, bien qu'elle l'eût récité avec une dévotion sincère, elle n'avait

pas reçu les lumières très élevées qui d'ordinaire lui étaient communiquées, elle pensa qu'elle

s'était attiré cette privation par quelque négligence. Elle reçut alors cette divine leçon :

« Certainement, dans la balance de la justice tu as mérité d'être privée des douceurs

intérieures, des illuminations spirituelles, pour avoir cédé à ta volonté propre et pris un plaisir

tout humain à chanter, néanmoins, sache que tu as gagné un accroissement dans la

récompense future, parce que, en t'acquittant de ce devoir, tu as préféré le travail à ta

commodité. » (Liv. 4, ch. 41)

24. Bonté qui récompense même le bien fait par des créatures coupables

Dieu le Père donna à sainte Catherine de Sienne cette instruction : « L'âme qui est en

péché mortel ne peut faire aucune chose méritoire pour la vie éternelle, puisqu'elle n'est pas en

état de grâce. Elle ne doit pas cependant abandonner les bonnes oeuvres, parce que tout bien

est récompensé et toute faute punie. Le bien fait en dehors de la grâce ne sert pas à la vie

éternelle, comme je viens de le dire ; mais ma divine bonté et ma justice donnent une

récompense imparfaite comme est imparfaite l'oeuvre que l'âme me présente. Quelquefois je la

récompense par des biens temporels, quelquefois je lui accorde la vie de la grâce par le moyen

de mes serviteurs que j'aime et que j'écoute. Ainsi l'ai-je fait pour mon glorieux apôtre saint Paul

qui, par la prière de saint Étienne, cessa d'être infidèle et de persécuter les chrétiens. En

quelque état que l'homme se trouve, il ne doit jamais cesser de bien faire. » (Dialogue, ch. 93)

25. Bonté qui récompense les vertus en en faisant pratiquer de plus grandes

Mechtilde demandait au Seigneur pourquoi le comte B… avait été choisi pour fondateur de

sa communauté. Le Seigneur répondit : " C’était un homme d’un coeur doux et bienveillant ; tout

ce qu’il a pu commettre de péchés, il l’a fait sans malice ; c’est pourquoi ma sagesse a trouvé

pour lui cette voie de salut ; car j’aime beaucoup un coeur bienveillant, tandis qu’un péché

commis par malice devient un lourd fardeau pour l’âme ; et comme celui-ci a fondé ce

monastère, non pour la faveur des hommes, mais pour ma gloire et le salut de son âme, et qu’il

a fortement aimé la congrégation, par un droit spécial il s’est acquis les mérites de chaque

personne, et jouit des biens de tous comme des siens propres. " (Ve part., ch. X.)

26. Bonté qui accepte la bonne volonté pour le fait

Le Seigneur dit à Gertrude : « J’ai accepté ta bonne volonté pour le fait ; car ma bonté,

toujours désintéressée, exige que, lorsqu’une personne s’est proposée sincèrement quelque

bonne oeuvre ou quelque dévote pratique, quoique, par fragilité humaine ou par autre motif, elle

n’en fasse rien, je ne laisse pas d’avoir égard à sa bonne volonté, de l’accepter pour le fait et de

l’en récompenser largement. » (Liv. IV, ch. XXV)

Mechtilde entendant lire dans l'Évangile ces paroles : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus

que ceux-ci ? » (Jean, XXI, 15) fut ravie en esprit et se trouva en présence du Seigneur, qui lui

dit : Je vais aussi t’interroger, et tu me répondras dans toute la sincérité de ta conscience. Est-il

au monde quelque chose qui te soit si cher que tu ne voudrais pas, si cela était en ton pouvoir,

l’abandonner pour mon amour ? " La sainte répondit : Vous savez, Seigneur, que si tout le

monde était à moi, avec tout ce qu’il renferme, je l’abandonnerais en entier pour votre amour. »

Le Seigneur accepta cette réponse de Mechtilde, comme si, en effet, elle eût été la maîtresse

de l’univers, et l’eût abandonné pour Lui.

L’interrogeant une seconde fois : « est-il quelque travail ou quelque joug d’obéissance que

tu ne voudrais pas subir pour mon amour ? » - Seigneur, je suis prête à tout souffrir pour votre

nom. « Est-il quelque souffrance si grave, que tu refuserais de l’endurer pour mon amour ? " »

Mon Seigneur, avec vous et avec votre aide, je suis prête à endurer toutes les souffrances. Le

Seigneur accepta toutes ces réponses comme si elles eussent été suivies de l’effet. (IVe part.,

ch.LX.)

Gertrude demanda au Seigneur de lui enseigner par quelle vertu elle pourrait lui plaire

davantage. Le Seigneur lui répondit : " Puisque l’Esprit-Saint est la bonne volonté, applique-toi

donc à avoir cette bonne volonté et ainsi tu pourra posséder ce que chaque vertu a de beauté

et de perfection spéciale, car par la bonne volonté on gagne plus qu’on ne pourrait jamais le

faire par des oeuvres. Celui qui a la bonne volonté de me louer, de m’aimer par-dessus toute

créature, de me rendre grâce, de compatir à mes douleurs et de pratiquer toutes les vertus de

la manière la plus parfaite, s’il le pouvait, celui-là sera infailliblement récompensé par ma divine

libéralité, et même plus largement que celui qui accomplirait l’oeuvre de fait, sans avoir la même

bonne volonté. " (Liv. IV, ch. XVII.)

27. Bonté qui aime mieux regarder la sainteté future que les défauts présents

Le Seigneur dit à Mechtilde qui priait pour une personne plongée dans la tristesse : «S’il lui

vient à l’esprit qu’elle n’est pas du nombre des élus, qu’elle fasse comme un homme qui serait

dans une vallée obscure ; si cet homme était désireux de voir le soleil, il monterait de la vallée

sur la colline, et sortirait ainsi des ténèbres. Elle, de même, lorsqu’elle est plongée dans les

ténèbres de la tristesse, qu’elle gravisse la montagne de l’espérance, et qu’elle me regarde des

yeux de la foi, Moi, le céleste firmament dans lequel sont fixées comme des étoiles les âmes de

tous les élus. Quoique ces étoiles soient obscurcies par les nuages du péché et les brouillards

de l’ignorance, elles ne peuvent toutefois s’obscurcir dans leur firmament, c'est-à-dire dans ma

divine clarté, parce que les élus bien que parfois enveloppés de péchés énormes, sont toujours

regardés par moi, dans ma charité en laquelle je les ai élus, et dans cette clarté où ils doivent

parvenir. C’est pourquoi il est bon qu’on se rappelle souvent avec quelle bonté gratuite on a été

élu par moi, par quels secrets et merveilleux jugements je regarde comme un juste celui qui est

en plein péché, avec quel amour j’ai changé en bien tout ce qui était mal en lui, et qu’on me

bénisse, moi, l’éternel firmament des élus47 « (IVe part. ;ch. XXIV.)

28. Le chef-d'oeuvre de la bonté divine est de conduire l’âme à la perfection

« Dans toute l’oeuvre de la Rédemption, dit le Seigneur à Gertrude, je me suis plus servi de

la sagesse et de la bonté que de la puissance et de la majesté. Et cette sagesse, unie à la

bonté, brille surtout en ce que je souffre les imparfaits, jusqu’à ce que je les conduise par le

libre choix de leur volonté à la voie de la perfection. » ( Liv. IV, ch. LXVIII.)

29. Bonté qui nous fait d’autant plus de bien qu’on nous fait plus de mal

Le Seigneur dit à Gertrude : « On te fait quelquefois de la peine en parlant mal de toi ? Eh

bien ! Des paroles de tes détracteurs fais-toi autant de vertus ; et lorsque tu en seras ornée, tu

pourras venir à moi, et, ma compassion aidant, je te recevrai avec bonté. Plus on blâmera sans

raison ta conduite, plus mon Coeur te donnera de témoignages d’amour, parce que cela te

rendra toute semblable à moi, dont on s’est plu à mal interpréter toutes les actions. » (Liv IV, ch.

LXVIII.)

30. Bonté qui nous apprend à nous servir de l’amour infini

Mechtilde priait pour une personne qui s’était plainte à elle de la peine qu’elle ressentait de

ne pas assez aimer son Dieu et de ne pas Le servir avec assez de dévotion ; la sainte en

conçut elle-même une grande tristesse, se croyant de tout point inutile, puisque Dieu, qui lui

avait conféré de si grands bienfaits, n’était pas aimé comme Il devait l’être. Le Seigneur lui dit :

« Allons, ma bien-aimée, ne t’afflige pas : tout ce qui est à moi est à toi. » La sainte reprit : Si

vraiment tout ce qui est à Vous est à moi, votre amour est donc mon amour, et l’amour c’est

vous, ainsi que le dit saint Jean : Dieu est amour. (Jean, IV, 16.) Je vous offre donc cet amour,

afin que, par lui, soit suppléé tout ce qui me manque. Le Seigneur accepta cette offrande et lui

dit : « Tu feras très bien de la sorte, et, lorsque tu voudras me louer ou m’aimer et que tu ne

pourras accomplir ton désir, tu diras : Bon Jésus, je vous aime; et pour tout ce qui manque à

mon amour, je vous prie d’offrir pour moi à votre Père l’amour de votre Coeur. Tu diras à la

personne pour laquelle tu pries de faire de même, et si elle y revient mille fois par jour, autant

de fois j’offrirai pour elle mon amour au Père sans lassitude ni ennui. » (IVe part., ch. XXIII.)

31. Bonté qui répare nos négligences et supplée à notre impuissance

Sainte Gertrude ne pouvant mettre dans la récitation de l’office divin toute l’attention et toute

la ferveur qu’elle désirait, en était tout affligée. Le Seigneur, ne pouvant souffrir qu’elle fût triste,

lui présenta son Coeur divin, sous la forme d’une lampe ardente, lui disant : « Voilà que je

présente aux yeux de ton âme mon très doux Coeur, l’organe de l’adorable Trinité. Tu lui

remettras avec confiance, pour qu’il y supplée, tout ce que tu ne peux accomplir parfaitement

toi-même, et de la sorte, mes yeux ne verront rien en toi qui ne soit de la dernière perfection.

47Dieu, dit Julienne de Norwich, me montra qu’au ciel le péché ne sera pas un sujet de honte, mais de louange pour celui

qui l’aura commis (à cause de son repentir), il y aura des joies spéciales proportionnées à la douleur que lui auront causée

ses fautes. (Trad. Meunier p. 141.) C’est, dit-elle encore, de la part de notre Sauveur une souveraine marque d’amitié de

veiller sur nous aussi tendrement, lorsque nous sommes en état de péché. Il ne s’en tient pas là. Il va jusqu’à nous toucher

en nous montrant nos fautes à la lumière de la grâce. Puis quand l’âme s’est repentie, Il lui dit : " Ma bien-aimée, combien

je suis heureux que tu sois revenue à moi ! Durant ton malheur, j’ai toujours été près de toi, tu vois maintenant quel est

mon amour et combien nous sommes unis dans le bonheur. "

Car de même qu’un fidèle serviteur est toujours à la volonté de son maître, ainsi mon Coeur

sera désormais toujours à ta disposition, pour réparer à toute heure tes négligences. »

Cette bonté du Seigneur remplit la sainte d’admiration et d’épouvante. Mais Lui,

l’encourageant par cette comparaison, lui dit : « Si, ayant une voix sonore et flexible, et de plus

aimant beaucoup à chanter, tu étais avec quelqu’un dont la voix serait désagréable et qui ne

saurait pas chanter, tu serais indignée s’il ne voulait pas te laisser exécuter ce que tu peux

rendre si facilement, et que lui ne peut, qu’à grande peine, faire entendre. Eh bien ! mon Coeur

divin, qui connaît la faiblesse et l’inconstance de l’homme, désire d’une ardeur incroyable que tu

l’invites, sinon de paroles, au moins de quelque signe, à te remplacer et à exécuter pour toi ce

que de toi-même tu es complètement incapable de faire. Car, pour pouvoir et savoir l’accomplir,

il a une vertu toute puissante et une sagesse inscrutable ; et la douceur et la bonté qui lui sont

naturelles font qu’il n’a qu’un désir qui est de s’en acquitter avec joie et bienveillance. » (Liv. II,

ch. XXV.)

L’aimable Sauveur rassura de la même manière sainte Lutgarde : « Âme troublée, ne te

bouleverse plus l’esprit en récitant tes Heures : tes prières ont été exaucées et sont montées

jusqu’à Dieu comme un agréable encens… Ne crains rien, moi même je suppléerai à ce qui te

manque. » (Vie, par le P. Jonquet, ch. v.)

32. Bonté qui fait ce que nous aurions dû faire

Un vendredi soir, Gertrude regardant le crucifix fut saisie de douleur d’avoir passé ce jour

sans se rappeler, à chaque heure, ce que le Sauveur avait souffert pour son amour et elle Lui

en exprima son profond regret. Jésus lui répondit de la croix : « Ce que tu as négligé, je l’ai fait

pour toi ; à chaque heure j’ai recueilli en mon Coeur ce que tu aurais dû recueillir dans le tien ;

j’attendais, avec une grande impatience, l’heure où tu devais me dire ton regret. Appuyé sur ce

sentiment que tu m’exprimes, je veux offrir à Dieu mon Père tout ce que j’ai suppléé pour toi en

ce jour, parce que, sans ton intention, tout ce que j’ai fait ne pourrait te profiter. » (Liv. III, ch.

XLI.)

33. Bonté qui efface les taches des âmes

Sainte Gertrude dit au Seigneur : Où sont donc les taches produites par l’impatience que

j’avais en mon coeur, et que j’avais tant soit peu manifestée dans mes paroles ? – « Le feu de

ma divinité les a totalement consumées, dit le Seigneur, comme c’est ma coutume de consumer

toutes les taches, et de corriger toutes les difficultés dans une âme vers laquelle je m’incline

gratuitement poussé uniquement par ma bonté. » (Liv. III, ch. XVI.)

34. Bonté qui nous ramène à la présence de Dieu

Le Seigneur dit à Gertrude : « Lorsque tu veux saisir quelque objet, tu étends la main, et

lorsque tu as pris ce que tu voulais, tu la retires à toi ; ainsi moi-même, tout languissant d’amour

pour toi, quand tu te dissipes aux choses extérieures, pour te reprendre, je te présente mon

Coeur ; puis lorsque, m’obéissant, tu rentres en toi-même pour t’occuper de moi, je retire à moi

mon Coeur avec toi, et je t’offre en lui la douceur de toutes les vertus. » (Liv. III, ch.. XXVI )

35. Bonté qui réconforte

Le 22 août 1815 Élisabetta Canori pleurait ses infidélités, et si vive fut sa douleur que son

coeur fut sur le point d’éclater, il lui sembla que ce fut un miracle qu’elle n’en mourût pas.

Soudain elle entendit la voix très suave du Seigneur qui lui dit : « Ne t’étonne pas de ta misère ;

tourne tes yeux et regarde. » Je regardai, écrit la servante de Dieu et je vis présentes devant

moi et comme alignées en bon ordre toutes les bonnes oeuvres que, avec la grâce de Dieu, j’ai

accomplies depuis le premier usage de ma raison jusqu’aujourd’hui. » Ecris, continua mon doux

Seigneur, écrit les bons effets qu’a produit en moi ta grâce, » A ces mots je me mis à pleurer

abondamment et je Le suppliai de ne pas exiger de moi pareille obéissance. Ma résistance ne

Lui déplut pas, mais Il continua : « Ma fille bien-aimée, pourquoi veux-tu cacher les fruits de

mes fatigues et de mes sueurs ? Manifeste plutôt mes éternelles miséricordes. » (Vita, ch.

XXX.).

36. Bonté incomprise

Une Soeur du Carmel de Dieppe, dont la mort très prompte surprit et affligea la

communauté, apparut, une heure après son décès, à la Mère Françoise de la Mère de Dieu.

Comme Françoise s’étonnait qu’elle venait si tôt à elle, Notre-Seigneur lui dit : « C’est quelle

m’a été bien fidèle durant sa vie, et j’ai eu soin d’elle à la mort. » Mais Françoise ne pouvait

s’empêcher de faire cette plainte : Mon Seigneur, vous avez laissé mourir notre chère Soeur

sans sacrements ; j’espérais de votre bonté qu’elle aurait la grâce de vous recevoir. Il lui

répondit ; ce n’a pas été le manque de bonté, mais un surcroît de miséricorde, car je

connaissais bien qu’elle n’avait pas besoin d’autre chose et je l’ai permis ainsi pour donner

exemple aux autres. On a trop de crainte de faire recevoir si tôt les sacrements et de faire

entrer pour cela les prêtres. Il vaut mieux le faire trois fois que d’en manquer une dans une

chose si importante. On a tant de soin qu’il ne manque rien au corps, il faut avoir encore bien

plus de soin pour les âmes. » Puis comme Françoise Le priait pour la défunte, Il lui dit : « Je la

récompenserai bien des vertus qu’elle a pratiquées, qui n’ont point paru aux créatures, mais

bien devant moi à qui rien n’est caché. » (Vie, ch. XI.)

37. Bonté divinement affectueuse

Comme Mechtilde venait de saluer du fond de son coeur son Bien-Aimé, Il lui répondit : «

Quand tu me salues, je te salue à mon tour ; quand tu me loues je me loue moi aussi en toi ; et

quand tu rends grâces, moi aussi en toi et par toi je rends grâces à Dieu le Père. » La sainte

dit : « Mon Bien-Aimé, quelle est cette salutation que vous adressez à mon âme, et que je ne

sens pas ? » – « Ma salutation n’est pas autre chose que ma tendre affection pour l’âme. Ainsi

qu’une mère caresse son enfant sur ses genoux, lui apprend les paroles qu’il doit lui adresser à

elle-même, reçoit avec un coeur de mère ce qu’il lui dit et quelquefois l’en récompense par un

baiser, ainsi j’instruis l’âme, par une inspiration divine et un mouvement d’amour à me saluer,

et, quand elle s’en acquitte dans sa petite mesure, j’accepte ses efforts dans la mesure de la

grande affection d’un père et de là, je rends à l’âme son salut par une effusion de grâces quelle

peut bien ne pas toujours ressentir. » (IIIe part., ch. IX.)

38. Bonté qui nous bénit et qui nous garde

Le Seigneur s’adressant à une personne pour laquelle Mechtilde priait, lui dit : « Personne

ne m’enlèvera jamais ton âme. » Puis, la bénissant, il fit sur elle le signe de la croix en disant : «

Que ma divinité te bénisse, que mon humanité te fortifie, que ma tendresse te réchauffe et que

mon amour te conserve ! » (4e part., ch. XXVI.)

39. Bonté qui varie ses dons par sagesse

Sainte Gertrude ayant demandé à Notre-Seigneur pourquoi les révélations dont Il la

favorisait différaient de celles de ses compagnes, Notre-Seigneur répondit : « Si un maître était

interrogé par plusieurs personnes d’un langage différent et qu’il répondit à toutes dans une

seule langue, cela ne serait compris par personne ; mais, s’il parlait à chacun dans sa propre

langue, en latin à celui qui serait latin, en grec à celui qui serait grec, on admirerait d’autant plus

sa science et sa sagesse. Semblablement, plus je mets de diversité dans les dons que je

communique, plus est évidente la profondeur insondable de ma sagesse, qui me fait répondre à

chacun selon la portée de son intelligence, et lui révéler, ce que je veux révéler, selon la

capacité et le sens que je lui ai moi-même accordés ; parlant aux plus simples par des images

et des comparaisons plus sensibles, et au plus éclairés d’une manière moins imagée et plus

cachée, mais plus élevée et plus spirituelle. » (Liv. III, ch. XLVIII.)

40. Bonté de Dieu et sa patience à l’égard des pécheurs obstinés

Le Seigneur fit souvent savoir à sainte Brigitte combien il était bon et patient envers les

pécheurs ; voici quelques-unes des paroles qu’il lui dit sur ce sujet :

« Tu admires, ô mon épouse, pourquoi je souffre les méchants avec tant de patience, c’est

parce que je suis miséricordieux. D’abord ma justice les supporte afin que leur temps soit

entièrement accompli…Puis parce qu’ils ont fait quelque bien dont ils doivent être

récompensés, afin qu’il n’y ait pas un bien, quelque petit qu’il soit, fait pour l’amour de moi, qui

n’ait pas sa récompense. Enfin, je les souffre pour faire voir à tous les yeux combien est grande

la patience divine ; c’est pour cela que j’ai supporté Pilate, Hérode et Judas. » (Liv. Ier, ch. XXV.)

41. Ce que Dieu est pour l’âme

Le Seigneur découvrit à la Mère Anne-Marie Clément les offices différents qu’Il remplissait à

son égard ; 1° De Pasteur, qui la gouvernait ; 2° De Roi, qui voulait avoir un parfait empire sur

elle ; 3° D’Epoux, très cher, mais jaloux, qui la conduisait dans ses celliers pour l’enivrer d’un

vin délicieux ; 4° De Médecin, qui guérissait ses blessures par les remèdes de ses sacrements ;

5° De Maître et de Docteur qui lui enseignait ses vérités ; 6° De législateur, qui imprimait de son

doigt son nom et ses lois dans son coeur ; 7° De Conseil et de Guide, la faisant marcher dans

les sentiers de la justice et de l’équité ; 8° De Pilote, pour la faire arriver heureusement au port ;

9° Enfin de nourriture et de pain de vie, qui devait la fortifier. (Vie, 1915, p. 189.)

CHAPITRE IV : Dieu Justice

1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu

Sainte Thérèse récitant à l’office ces paroles du psalmiste : Vous êtes juste, Seigneur, et

vos jugements sont équitables (ps. CXVIII, v. 137), se demandait comment un Dieu si juste lui

accordait à elle, si indigne, tant de faveurs et de consolations, qu’Il refusait à des âmes qui lui

paraissaient bien plus fidèles et plus dignes qu’elle. Soudain elle entendit cette parole qui fut la

première de toutes celles que le Seigneur lui adressa dans toute sa vie : « Sers-moi et ne

t’occupe pas d’autre chose. » (Vie, ch. XIX.)

2. Dieu respecte la liberté de ses créatures

Françoise de la Mère de Dieu écrivait, le 18 octobre 1642, au P. Gibieuf, qui fut, après le

cardinal de la Bérulle, supérieur des Carmels de France : Je suis dans un grand désir que tout

le monde se rende à Dieu et je lui dis quelquefois ; Vous savez, ô mon Dieu, que si je pouvais

attirer à Vous toutes les âmes, je le ferais. Mais d’où vient que vous, qui pouvez toutes choses,

vous permettez qu’il y en ait tant qui se perdent ? Il me dit une fois : « C’est que j’ai donné la

liberté à l’homme et je lui en laisse la disposition, à moins que, volontairement, il ne me redonne

cette liberté ; et alors je la prends et la fait se rendre à ce que je veux. » Et Il me fit entendre

quel grand bien c’est pour une âme de n’avoir plus de liberté et d’être captive de Lui. Il me fit

connaître qu’Il prenait une nouvelle puissance sur moi pour que je sois de plus en plus captive

et dépendante de Lui et de cette captivité me donnerait plus de liberté, m’affranchissant de tout

ce qui pourrait m’empêcher de l’aimer. (Vie, ch. VIII.) Les passions seules asservissent, parce

qu’elles font faire à l’homme ce qu’il voudrait ne pas faire ; au contraire, là où est l’Esprit Saint,

là est la liberté : ubi Spiritus, ibi libertas. En effet, ceux qui renoncent à leur liberté pour se

laisser conduire en tout par le Saint-Esprit, ne font, sous sa divine influence, que ce qu’ils se

réjouissent de faire.

3. Réversibilité des grâces. Le compte qu’il faut en rendre

Je sentis, dit Françoise de la Mère de Dieu, la divine Majesté qui me paraissait n’être pas

contente de la lâcheté et négligence de quelques âmes, qui ne cherchaient qu’à se satisfaire

elles-mêmes et ne travaillaient point à Lui plaire et il me dit : « Oh ! Combien perdent ces âmes

par leur faute », me faisait comprendre que la grâce qu’Il leur voulait donner, Il la donne aux

âmes fidèles (Vie, ch. XVI.) C’est la sentence de l'Évangile : ôtez-lui la mine et donnez-la à celui

qui en a dix… On donnera à celui qui à déjà et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a

pas, on ôtera même ce qu’il a. » (Luc, 19, 25, 26.) Dieu me fit entendre, dit encore Françoise,

que venant juger l’âme, Il lui demande compte particulièrement de l’usage qu’elle a fait de sa

vocation, de toutes ses actions, pensées, paroles et intentions, du temps qu’elle à passé sans

l’employer à sa perfection. (Ibid.) Mais à ceux qui sont fidèles, il est accordé grâces sur grâces.

« Ne vous étonnez pas, dit un jour la Sainte Vierge à Françoise, de ce que mon fils fait en vous,

car lorsqu'Il a choisi une âme pour se communiquer à elle et qu’elle Lui est adhérente (unie de

coeur et de volonté), on ne peut comprendre ce qu’Il opère, la favorisant à la place de tout ceux

qui ne Lui donnent point lieu de régner en eux. » (Vie, ch. XI.)

Notre-Seigneur, dit Madeleine Vigneron, m’a fait connaître que son occupation dans

l’Eucharistie était de présenter des grâces à toutes les personnes qui se trouvaient là présentes

devant Lui et que, si quelques-unes les refusaient, Il les reprenait et en faisait largesse aux

autres qui étaient fidèles à les recevoir. De sorte que si, dans cette assemblée, il n’y a qu’une

âme fidèle à les bien recevoir, elle s’en retourne remplie de toutes les grâces des autres. (2e

part., ch. XV.)

4. Les bontés de Dieu rendent plus rigoureux les droits de sa justice

Le Père éternel donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi les instructions suivantes : « Mon

Verbe ayant pris sur Lui l’expiation des péchés du monde, il semble au premier coup d’oeil que

la justice n’ait plus rien à faire, là où s’est déployée une si grande miséricorde…Elle ne laisse

pas cependant d’exister toujours et même elle doit s’exercer dans l’avenir avec plus de rigueur

et de sévérité. Car le verbe, ayant anéanti sur la croix tous les péchés des hommes, ne peut

plus, pour ainsi dire, supporter la vue du moindre défaut dans la créature… Le sang et la mort

de mon Verbe ayant comblé la créature de biens infinis, elle se trouve beaucoup plus

étroitement obligée qu’auparavant à nous servir et à nous aimer, pour reconnaître l’amour avec

laquelle nous l’avons créée et rachetée, d’où il suit que les fautes qu’elle commet dans son

ingratitude sont plus grandes et exigent une plus grande punition. Il est vrai cependant, ma fille,

que le sang et les mérites du Verbe, lorsqu’on les applique aux âmes souffrantes par le sacrifice

de l’autel, diminuent beaucoup la rigueur de leurs peines, car la vue de ce sang m’est tellement

chère qu’elle apaise facilement mon courroux. » (Ire part., ch. XXIII.)

5. La miséricorde méprisée est vengée par la justice

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne : « Tu le vois, ma fille bien-aimée, les hommes ont été

régénérés dans le sang de mon Fils et rétablis dans la grâce : mais ils la méconnaissent et

s’enfoncent de plus dans le mal ; ils me poursuivent de leurs outrages et méprisent mes

bienfaits. Non seulement ils repoussent ma grâce, mais ils me la reprochent, comme si j’avais

d’autres buts que leur sanctification. Plus ils s’endurciront et plus ils seront punis ; leur

châtiment sera plus terrible qu’il ne l’aurait été avant la rédemption. N’est-il pas juste que celui

qui a beaucoup reçu soit tenu de donner davantage à son bienfaiteur ?

« Les hommes me sont bien redevables, eux qui ont reçu le trésor de ce sang précieux qui

les a rachetés, et la dette est plus grande après la rédemption qu’avant. Ils me doivent l’amour

envers le prochain ; ils me doivent des vertus sincères et véritables et s’ils ne s’acquittent pas,

plus ils me doivent, plus ils m’offensent. Ma justice alors demande que je proportionne la peine

à l’offense et que je rende plus terrible pour eux la peine de l’éternelle damnation. Aussi le

mauvais chrétien est-il beaucoup plus puni que le païen. Le feu terrible de ma vengeance, qui

brûle sans consumer, le torture davantage, et le ver rongeur de la conscience le dévore plus

profondément. Quels que soient leurs tourments, les damnés ne peuvent perdre l’être ; ils

demandent la mort sans pouvoir l’obtenir, le péché ne leur ôte que la vie de la grâce. »

(Dialogue, ch..XV.)

6. Les promesses de la miséricorde et les menaces de la justice

Le Seigneur se plaignit souvent à sainte Brigitte des désordres des pécheurs et lui fit

connaître combien il est terrible pour eux de tomber entre les mains de sa justice : « Je veux

entrer dans leurs coeurs ; mais ils disent : nous aimons mieux mourir que de quitter nos

volontés. Vois, ô mon épouse, de quelle trempe ils sont : je les ai faits, et d’une seule parole je

pourrais les détruire ; cependant vois comme ils s’enorgueillissent contre moi. Maintenant, à

cause des prières de ma Mère et de tous les saints, je suis encore si miséricordieux et si patient

que je veux leur envoyer des paroles sorties de ma bouche et leur offrir ma miséricorde. S’ils

veulent la recevoir, je serai apaisé et je les aimerai ; sinon, je leur ferai ressentir ma justice et ils

seront confondus publiquement devant les anges et les hommes, et ils seront jugés comme des

larrons. Comme des larrons pendus au gibet sont dévorés par des corbeaux, de même ceux-ci

seront dévorés par des démons sans jamais se consumer ; comme ceux qui sont punis par le

cep de bois ne trouvent aucun repos, de même ceux-ci seront en tout et partout environnés de

douleur et d’amertume. Un fleuve de feu coulera en leur bouche ; de jour en jour ils seront en

proie à de nouveaux supplices. » (Liv. Ier, ch V.)

O mon Seigneur, dit Brigitte, donnez-leur la force d’éviter le péché et la grâce de vous

aimer. Notre-Seigneur lui répondit : « Ils sont accoutumés aux souillures et ne peuvent être

enseignés que par les verges. Et plût à Dieu qu’ils se connussent et se repentissent de leurs

fautes quand ils seront châtiés. » (Liv. IV, ch. CXXXI.)

O Seigneur, dit encore Brigitte, ne vous indignez-pas si je parle. Envoyez quelqu'un de vos

amis qui les avertissent des périls prochains et terribles qui pendent sur leur tête. « Il est écrit,

dit Notre-Seigneur, que le mauvais riche du fond de l’enfer demanda qu’on envoyât quelqu’un

pour avertir ses frères, afin qu’ils ne se perdissent pas comme lui, et il lui fut répondu : non, car

ils ont Moïse et les prophètes pour les enseigner. Je dis maintenant de même : ils ont

maintenant les évangiles, les prophéties, les exemples et les paroles des docteurs ; ils ont la

raison et l’intelligence ; qu’ils en usent et ils seront sauvés ; car si je t’envoie, tu ne pourras pas

crier si haut que tu sois entendue. Si j’y envoie mes amis, ils sont en si petit nombre qu’à peine

les entendront-ils. Néanmoins j’enverrai mes amis à ceux qu’il me plaira, et ils prépareront la

voie à Dieu. » (Liv. IV, ch. XXXVII.)

7. Dieu retient sa justice et épanche sa miséricorde

Le Fils de Dieu montra à la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement48 deux fleuves qui

sortaient de son côté ouvert l’un se répandait continuellement sur toute la terre et l’autre, qui de

sa nature ne demandait qu’à prendre son cours, était arrêté par la main du Sauveur : « Ce

fleuve qui se répand, dit-Il, c’est ma miséricorde, qui est ouverte aux pécheurs ; l’autre que je

retiens de ma main, c’est ma justice, dont j’empêche les effets durant cette vie afin de donner

lieu à la pénitence. C’est toutefois en telle sorte que ceux qui méprisent ma grâce tombent

secrètement dans ma justice, qui, moins elle châtie par des peines manifestes, plus elle punit

par des aveuglements secrets. (Liv. V, ch. V.)

8. Les âmes fidèles doivent s'efforcer de faire contrepoids aux iniquités des

pécheurs

« Ma fille, dit le Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi, la malice des créatures est

si grande que si ma colère n’était apaisée par mes élus et les épouses de mon Verbe, j’en

tirerais une vengeance dont vous ne pourriez même pas supporter la vue. Ne vous laissez donc

pas endormir par une lâche indifférence, mais appliquez-vous, conjointement avec mes élus, à

expier tant d’outrages qui sont faits à moi et à ma vérité. Sachez que ceux qui ne font rien

contre le péché s’en rendent en quelque sorte complice et que les iniquités des hommes crient

48La vénérable Marguerite du Saint-Sacrement (1619 – 1648) vécut au Carmel de Beaune et mourut dans une grande

réputation de sainteté, qui s’accrut encore après sa mort par les miracles dus à son intercession. Nous citons la Vie

composée par le P. Amelote, oratorien, et publiée à Paris en 1654.

vengeance avec plus de force que le sang d’Abel…

Savez-vous à quoi ressemble la malice des créatures ? A un mur infranchissable qui s’élève

entre elles et qui empêche mes grâces d’arriver jusqu’à leur coeur. O ma fille, ne cessez pas

d’offrir à moi et à ma vérité le sang de mon Verbe Lui-même pour apaiser ma colère…

Voyez comme tous les hommes sont entre les griffes du démon ! Voyez comme sa gueule

est ouverte pour les dévorer ! Bien loin de l’éviter ils vont s’y jeter d’eux-mêmes et il n’en est

aucun qui lui échapperait, si mes élus ne les sauvaient par leur prière. Pour moi, j’écris dans un

livre qui vous est inconnu, toutes les iniquités des méchants, et je mets en regard tous les

secours qui leur ont été donnés par mes élus.

Au jour du jugement, j’ouvrirai ce livre devant mon Verbe, a qui j’ai donné le pouvoir de les

juger, afin qu’ils voient la justice de leur condamnation aux peines éternelles. Je fais aussi

enregistrer dans le plus grand détail toutes les bonnes actions de mes élus, pour en donner

connaissance à toutes les créatures en ce grand jour, et leur faire voir que c’est à juste titre que

je leur donne la gloire éternelle. » (IVe part., ch. XXI.)

9. Les bons eux-mêmes portent la peine de leurs négligences et de leurs

défauts

Un certain homme, très remarquable par sa science et fort habile en droit civil, quitta son

pays et vint demander à Marguerite de Cortone de prier pour qu’il obtînt d’être consolé dans

ses peines. Marguerite ayant prié obtint de Dieu cette réponse : « Dis à cet homme qu’il s’est

attiré la peine dont il souffre, non pour avoir eu l’intention de commettre le péché, mais pour sa

négligence à l’éviter. Car au moment où il se sentit porté au péché, il a résisté à la tentation,

mais il n’en a pas fui pleinement les occasions, et pour cela les imaginations mauvaises sont

entrées dans son âme, qui l’ont empêché de recevoir mes grâces avec autant d’abondance que

s’il eût été plus vigilant. Quant à cet abattement d’esprit dans lequel il se trouve, dis-lui d’en

attribuer la cause à ce que, tout en désirant me servir, il conserve dans son coeur un attrait trop

sensible aux hommes du siècle, et il a une grande présomption de ses qualités intellectuelles. »

(Vie, ch. IX, § 17.)

10. La justice divine trouve encore à punir, même chez les âmes vertueuses qui

ont fait une très précieuse mort

Au monastère d’Helfta mourut, pendant que vivait sainte Gertrude, une jeune religieuse qui

avait eu une grande dévotion à Marie: munie de tous les sacrements, elle était à l’agonie

lorsque de ses mains déjà mourantes elle prit le crucifix et salua les saintes plaies avec des

expressions si tendres, et les couvrit de baisers si ardents que les assistants en éprouvèrent

une merveilleuse componction. Elle fit ainsi diverses prières avec une admirable piété et s’étant

un peu reposée, elle mourut à ce moment. Gertrude ayant appris qu’elle avait dû être purifiée

avant de sortir de son corps, demanda au Seigneur quelle souillure elle avait pu contracter par

fragilité humaine. Le Seigneur lui répondit : « Elle se complaisait quelque peu dans son propre

sens et je l’en ai purifiée en permettant qu’elle trépassât avant que le couvent n’ait achevé la

prière commune qui se disait pour elle ; ce qui lui causa une très vive anxiété, car elle craignit

de perdre beaucoup de n’avoir pas eu les suffrages du couvent. Ainsi a-t-elle été purifiée de

cette tache. » Mais Seigneur, reprit Gertrude, ne pouvait-elle être purifiée de cette tache par la

contrition du coeur lorsqu’elle demandait, au moment de sa mort, la rémission de tout ses

péchés ? Le Seigneur répondit : « Une contrition générale de la sorte n’a pu la purifier, parce

qu’elle est restée quelque peu à son sens propre, en ne se rendant pas pleinement à ce qu’on

lui enseignait. Il fallait donc qu’elle souffrit quelque chose pour être purifiée. » (Liv. V, ch. III.)

Sainte Gertrude demandait au Seigneur pourquoi la vierge E…, dont Il lui avait révélé la

gloire avait éprouvé, en son agonie, une grande frayeur, reçut cette réponse : « C’est mon

excessive fidélité qui en a été cause. Quelques jours auparavant comme elle m’avait, dans sa

maladie, prié par ton intermédiaire, de la recevoir après sa mort sans délai et que sur ta

promesse, elle y comptait pleinement, j’ai voulu récompenser la confiance qu’elle montrait. Mais

elle était d’un âge où l’on est rarement quitte de quelques négligences légères, comme de se

plaire en des choses qui ne sont pas grandement nécessaires. Elle a dû se purifier de ses

taches dans la maladie, et lorsque je l’appelai à la gloire, je n’ai pas souffert que ces douleurs,

supportées avec tant de patience, ne lui donnassent pas aussitôt une gloire éternelle. C’est

pourquoi j’ai permis qu’elle fût effrayée de l’aspect du démon, ce qui lui a tenu lieu de purgatoire

tandis que ses autres souffrances restaient en elle comme un titre de sa gloire éternelle. » - Et

pendant ce temps où étiez-vous, ressource des désespérés? Dit Gertrude.- « Je m’étais caché

à sa gauche ; mais aussitôt qu’elle fut purifiée, je me suis présenté à elle, et l’ai prise avec moi

pour le repos et la gloire éternelle. » (Liv. V, ch. II.)

11. Dieu, même en punissant le péché, tient compte des vertus du coupable

« Il arrive, dit le Seigneur à sainte Brigitte, que les justes pour leur plus grand mérite font

une mort très pénible, afin que ceux qui ont aimé la vertu s’envolent au ciel délivrés de leurs

péchés. Ainsi est-il écrit que le lion tua le prophète désobéissant et ne mangea point son corps,

mais le garda. (III Rois, 24.) S’il le tua ce fut par ma mission, afin que le prophète fût puni, mais

ne mangea point son corps pour manifester les bonnes oeuvres de l’apôtre et afin que celui-ci

étant purifié en cette vie, fut trouvé juste dans l’autre49. » (Liv. V, ch. IX)

12. Dieu corrige sévèrement les âmes fidèles mais Il corrige en Père

Jeanne-Bénigne Gozoz s’étant trop arrêtée à réfléchir sur son peu de mérites et sur ses

infidélités, Notre Seigneur lui fit connaître que ce retour sur elle-même, qui dénotait sans doute

trop peu de confiance en Dieu, ne Lui agréait pas : « Tu veux toujours te plaindre et parce que

je te gratifie avec des distinctions si merveilleuses, tu voudrais te voir sans défaut. Eh bien, je

vais te punir rigoureusement ; choisis donc une de ces trois punitions : la première de ne

trouver plus de satisfaction en rien que tu fasses et qui te soit offert ; la deuxième que tu sois

attaquée de grands maux corporels ; la troisième que le prochain ne trouve plus en toi la

douceur qu’il a trouvée jusqu'ici ici .» Contre son ordinaire de laisser à Dieu le choix de tout ce

qui la concernait, elle choisit soudain la première et la dernière, sentant une grande opposition

et aversion à la deuxième ; A ce coup son Epoux se plaignit fortement : « Eh quoi, dit-Il, ne

pourrai-je donc point encore disposer de cette ingrate à mon élection et à ma volonté ! » Alors,

raconte-t-elle dans mes mémoires, Il me dit en termes exprès que je ne serais jamais sans

souffrance corporelle. Je m’y soumis, Lui demandant un humble pardon et Lui promettant une

soumission aveugle. Au même instant ce Dieu « qui blesse et qui guérit, qui tue et vivifie »

(Deuter., XXXII, 39) vint fondre sur moi par un torrent de grâces en me disant : « Eh bien tu

souffriras les trois châtiments. » Mais je n'eus pas lieu de me plaindre de cet arrêt, me trouvant

d’autre part comblée de biens. (Vie. Ch. V.).

13. Les péchés des hommes attirent les châtiments divins

Le jour de la fête de la purification de Marie, Notre Seigneur dit à Marguerite de Cortone : «

Sache que le monde sera affligé de différentes tribulations pour les péchés dont il se rend

coupable. La multitude des iniquités des hommes s’est tellement accrue en ce siècle que je

puis te dire que c’est à peine si j’ose prier mon Père pour eux, et ma Mère elle même, l’avocate

des pécheurs, redoute de le faire près de moi, son Fils, à cause de tant d’iniquités. » Après

cette révélation divine, les Sarrasins remportèrent la victoire, et des maux incalculables

fondirent sur Rome, la Toscane, la Sicile, l’Angleterre, la France et sur beaucoup d’autres

provinces. (Vie, ch. IX, § 32.)

Le second dimanche de l’Avent, Notre-Seigneur dit à Marguerite: « Je te dis que mon

peuple ne me reconnait plus, qu’il m’oublie et n’a cure de moi. Cependant ces mépris et ces

offenses dont je souffre, je ne m’en plains pas auprès de mon Père, comme je le fais avec toi,

afin de ne pas attirer sur lui les châtiments qu’il mérite, mais j’intercède afin de lui éviter une

49Ainsi dit Serenus dans Cassien, (Col., VII, 25.)

sentence de condamnation. Je t’avertis que les pécheurs auront à souffrir d’amères tribulations,

car avant la fin de ce siècle, ils auront à essuyer les fléaux de la peste, de la famine et de la

guerre. La puanteur de leurs vices, tant du corps que de l’esprit, est montée jusqu’à moi et je ne

puis plus la supporter. Aujourd’hui la malice des chrétiens pour inventer de nouveaux crimes

surpasse celles des Juifs au temps de ma passion. » (Ibid., ch. XI, § 9.)

14. Jugement d’un mauvais riche

Un homme noble, qui se souciait peu de Dieu, étant à table et blasphémant les saints,

mourut subitement. Sainte Brigitte vit son âme comparaître au jugement et le Souverain Juge

lui dit : « Bien que je sache toute chose, réponds-moi, et que Brigitte entende ta réponse : N’astu

pas entendu ce que j’ai dit : je ne veux point la mort du pécheur, mais sa conversion ?

Pourquoi donc, le pouvant, n’est-tu pas revenu à moi? » Il répondit : « Certes je l’ai entendu,

mais je ne m’en suis pas soucié ». Le Juge dit derechef : « N’as-tu pas entendu : allez, maudits,

au feu éternel et venez mes élus ? »- « Je l’ai entendu, mais je n’en croyais rien ». Le Juge dit

encore : « N’as-tu pas entendu dire que j’étais juste Juge et éternellement redoutable ?

Pourquoi donc ne m’as-tu pas craint ? » -Je l’ai entendu, mais je m’aimais trop et j’ai fermé

mes oreilles, j’ai endurci mon coeur afin de ne pas y penser. – Le Juge dit : « Il est donc juste

que la tribulation et l’angoisse ouvrent ton esprit, puisque tu n’as pas voulu entendre quand tu le

pouvais ». Alors l’âme fut rejetée et une voix fut entendue qui disait : « Comme le premier

principe de toute chose n’aura point de fin, de même ton malheur n’en aura point. » (Liv. VI, ch.

XXVIII.)

15. Jugement d’un religieux infidèle

Parlant d’un moine dissolu le Seigneur dit à sainte Brigitte : « Le coeur de cet homme crie à

moi comme par trois voix. La première dit : Je veux faire mes volontés ; je dormirai et je me

lèverai quand il me plaira, je parlerai selon mon bon plaisir. Ce qui est de mon goût entrera

dans ma bouche. Je ne me soucie point de la sobriété, mais je cherche l’assouvissement de la

nature; je lui donnerai tout ce qu’elle désire ; je désire avoir de l’argent en ma bourse, des

vêtements moelleux. Quand j’aurai toutes ces choses, je serai content ; c’est en cela que je fais

consister le bonheur. La deuxième voix dit : la mort n’est pas si dure qu’on le dit ; le jugement

n’est pas si sévère qu’il est écrit. Les prédicateurs nous menacent de choses terribles pour

nous faire prendre garde à bien vivre, mais elles seront plus douces à raison de la Miséricorde

divine. Pourvu que je puisse accomplir ici mes volontés, faire ce qui me plaît et jouir de ce qu’il

y a de meilleur, que l’âme aille ou elle pourra. La troisième voix criait : Dieu ne m’aurait point

créé s’il n’eût voulu me donner le ciel ; Il n’aurait pas souffert, s’il n’avait pas voulu m’introduire

dans la patrie des vivants. Je ne connais que par ouï-dire le royaume céleste, je ne sais si je

dois croire ou non. Pour moi, le royaume céleste est ce que je tiens. Voilà ce qu’étaient ses

pensées et ses volontés.

« Je vais répondre à la première voix : mon ami ta voix ne tend point au ciel ; tu ne te plais

pas à considérer ma passion ; c’est pourquoi l’enfer t’est ouvert, car tu désires et tu aime les

choses viles et basses. Je réponds à la seconde voix : mon fils, la mort te sera très dure, le

jugement te sera intolérable ; il est impossible que tu l’évites ; tu auras une peine très amère, si

tu ne te corriges. Je réponds à la troisième voix : mon frère, tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par

amour pour toi, afin que tu me fusses semblable, et que, si tu t’es retiré de moi, tu puisses

revenir à moi. Or maintenant ma charité a été éteinte en toi ; mes oeuvres te sont à charge et à

dégoût, mes paroles te semblent des fadaises, mes voies te paraissent difficiles ; c’est pourquoi

il te reste un supplice amer et la compagnie des diables, si tu me tournes le dos à moi, qui suis

ton très débonnaire Créateur et Seigneur. »

Or ce moine infidèle fut tué par ses ennemis et sainte Brigitte entendit le Seigneur lui dire : «

Va, maudit, aux incirconcis que tu as suivis, puisque tu n’as pas voulu entendre la voix de ton

Père.» (Liv, ch. XIX.)

16. Jugement d’un damné et d’un élu

Sainte Brigitte voyait au jugement divin deux démons d’un aspect très hideux. L’un dit au

Juge : « Donnez-moi pour épouse cette âme qui m’est semblable. » Le Juge lui dit : « Quel droit

y as-tu ? » Le démon répondit : … « De quelle espèce est cette âme, à qui est-elle semblable,

aux anges ou aux démons ? » ...Le Juge reprit : « Bien que je sache toutes choses, cependant

pour l’amour de mon épouse ici présente, dis comment cette âme est semblable à toi. » Le

démon dit : « Je ne veux rien voir qui vous appartienne ; elle aussi n’a pas voulu voir, quand elle

le pouvait, ce qui concernait le salut de son âme, mais elle s’amusait aux choses temporelles.

Comme moi elle n’a rien voulu entendre qui fût à votre honneur… Tout ce qu’elle a pu prendre,

elle l’a retenu et l’eût gardé plus longtemps, si vous eussiez permis qu’elle vécut davantage...

ses désirs insatiables étaient sans bornes, sa cupidité était telle que toute la terre ne pouvait

l’assouvir ; telle est ma cupidité, car si je pouvais perdre toutes les âmes du ciel, de la terre et

du purgatoire, je le ferais. Sa poitrine est aussi froide que la mienne, car elle ne vous aima

jamais, ni ne prit goût à vos avertissements…Dès le commencement de ma création, ma

volonté s’est tournée contre Vous, de même la volonté de cette âme fut toujours contraire à vos

commandements... Donc puisque nous sommes semblables en tout, jugez-nous et unisseznous.

»

Alors un ange pris la parole : « Seigneur, depuis que cette âme fut unie à un corps je la

suivis toujours. Maintenant je la laisse comme un sac vide de toutes sortes de biens. Elle

réputait vos paroles à mensonge ; elle croyait que votre jugement était faux, elle réputa votre

miséricorde pour néant. Il est vrai, elle fut fidèle dans le mariage, mais par affection à celle à qui

elle était unie ; elle allait à la messe, mais pour ne pas être rejetée par les chrétiens, et aussi

pour obtenir la santé et pour conserver les richesses et les honneurs du monde. Or, Seigneur,

vous lui avez donné plus que ne méritaient ses services ; vous lui avez donné des enfants, la

santé, la richesse, et vous lui avez épargné les infortunes quelle redoutait... Vous lui avez

donné cent pour un ; tout ce qu’elle a fait a été récompensé. Je la quitte maintenant, vide de

toutes sortes de biens. »

Le démon parla à son tour : « Ô Juge, puisqu’elle a suivi mes volontés, jugez qu’elle me soit

unie… » Le Juge dit : « Que l’âme dise ce qu’il lui semble de votre mariage avec elle.» Elle dit

au Juge : « J’aime mieux être dans les peines de l’enfer que de venir dans les joies du ciel, afin

que Vous, ô Dieu, vous n’ayez en moi aucune consolation. Vous m’êtes tant à haine que je ne

me soucie point de mes peines, pourvu que vous n’ayez aucune joie de moi. » Et le démon

reprit : « J’ai les mêmes sentiments ; j’aime mieux être éternellement tourmenté que de jouir de

votre gloire, si vous devez avoir de là quelque contentement. »

Alors le Juge s’étant tourné vers moi, Brigitte, qui voyait tout ceci, me dit : « Malheur à cette

âme ! Elle est pire que le larron ; elle a eu son âme vénale ; elle a été insatiable des

immondices de la chair ; elle a trompé son prochain ; c’est pourquoi tous crient vengeance

contre elle ; les anges détournent leur face, les saints fuient sa compagnie.» Puis s’adressant

au démon, le Juge lui dit : « Si vous vous humiliiez, je vous donnerais la gloire ; si cette âme eût

demandé pardon avec résolution de s’amender au dernier moment de sa vie, jamais elle ne fût

tombée entre tes mains ; mais parce qu’elle a persévéré jusqu’à la fin en ton obéissance, la

justice veut qu’elle soit éternellement avec toi. Néanmoins les biens qu’elle a faits en sa vie, s’il

y en a quelqu’un, restreindront ta malice et t’empêcheront de la tourmenter autant que tu

veux. » » Comme le diable semblait se réjouir grandement, le Juge lui dit : « Pourquoi te

réjouis-tu tant de la perte d’une âme ? Dis-le, de sorte que mon épouse, ici présente, l’entende.

» Le démon dit : « quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; plus je la tourmente, plus

je suis tourmenté. Mais parce que Vous l’avez rachetée de votre sang, que vous l’avez

tellement aimée que vous vous êtes donné à elle, lorsque par mes suggestions je puis vous

l’arracher, je me réjouis. »

Le Juge lui dit : « ta malice est grande. Mais regarde, je le permets. » Et voici qu’une étoile

montait au plus haut des cieux, et le démon la voyant devint muet. C’était l’âme du Frère

Algotte, prieur et docteur en théologie, qui ayant été trois ans aveugle et tourmenté de la pierre,

finit ses jours heureusement. Notre-Seigneur dit au démon : « A qui est-elle semblable? » Le

démon répondit : « elle est plus brillante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée ;

elle est toute pleine de douceurs et jouit de l’amour divin et moi je suis plein de malice et

d’amertume. »

Notre-Seigneur lui dit : « Quelles pensées en as-tu dans ton coeur et qu’est-ce que tu

voudrais donner pour qu’elle fût en ta puissance ? » Le démon répondit : « Je donnerais toutes

les âmes qui sont descendues en enfer depuis Adam jusqu’à maintenant pour avoir celle-là50 et

je voudrais endurer les peines les plus dures, comme si on me donnait tant de coups de

poignards qu’il ne restât pas sur moi l’espace de la pointe d’une aiguille. »

Notre-Seigneur reprit : « Ta fureur est grande contre moi et contre mes élus, et moi je suis si

charitable que, s’il en était besoin, je mourrais encore, et j’endurerais pour chaque âme et pour

chacun des esprits immondes le même supplice que j’ai enduré une fois sur la croix pour toutes

les âmes. » Puis Il dit à cette âme qu’on voyait comme une étoile : « Viens, ma bien aimée, jouir

des contentements indicibles que tu as tant désirés ; viens à la douceur qui ne finira jamais ;

viens à ton Dieu et Seigneur que tu as tant de fois appelé de tes désirs. Je me donnerai à toi

moi-même, moi en qui sont tous les biens et toutes les douceurs. »

Alors Notre-Seigneur se tournant vers moi, Brigitte, qui voyais tout cela en esprit, me dit :

«Ma fille, tout ceci a été fait en un instant, mais parce que tu ne peux entendre les choses

spirituelles que par des similitudes, j’ai voulu te les montrer ainsi, afin que l’homme comprenne

combien je suis rigoureux aux méchants et combien débonnaire aux bons. » (Liv. VI, ch. XXXI.)

17. Jugement, purification et délivrance de l’âme d’un soldat

On lit dans les révélations de sainte Brigitte : Un démon apparut au jugement divin, qui

tenait l’âme d’un défunt toute tremblante. Voici de la proie, dit-il au Juge, votre ange et moi

avons suivi cette âme depuis sa naissance jusqu’à la fin de ses jours, lui pour la sauver, moi

pour la perdre. Elle est à la fin tombée dans mes mains, mais votre justice ne s’est pas

prononcée ; c’est pourquoi je ne la possède pas avec assurance. Je la désire avec autant

d’ardeur qu’un animal affamé et si tourmenté par la faim qu’il mange ses membres. Pourquoi

est-elle tombée en mes mains plutôt qu’en celles de son ange ? » – Le juge répondit : « Parce

que ses péchés sont en plus grand nombre que ses bonnes oeuvres. » Le démon dit : « j’ai un

livre tout plein de ses péchés. Le nom de ce livre est Désobéissance. En ce livre sont sept

livres et chacun a trois colonnes, et chaque colonne n’a pas moins de mille paroles et souvent

plus. » Puis sur l’ordre du Juge, le démon énuméra en détail les péchés d’orgueil, de cupidité,

d’envie, d’avarice, de paresse, de colère et de volupté commis par le défunt. Quand il eût fini

son accusation, la Mère de Miséricorde s’approcha, et invitée par son divin Fils à parler, elle dit

au démon : « Sais-tu toutes les pensées des hommes ? » - Non, répondit le diable, je ne

connais que celles qui se manifestent par les oeuvres extérieures et ce que je puis en

conjecturer.- La Sainte Vierge reprit : « Qu’est ce qui peut effacer les écrits de ton livre ? »

« Une seule chose, qui est la charité ; quiconque l’obtient, soudain l’écriture de mon livre est

effacée. » – « Dis-moi, poursuivit Marie, quelqu’un peut-il être si méchant et si corrompu qu’il ne

puisse venir à résipiscence pendant qu’il vit ? » - Il n’y à personne, répondit le démon, qui, s’il le

veut, ne le puisse avec la grâce ; quand un pécheur, quel qu’il soit, change sa mauvaise volonté

en une bonne, tous les démons ne sauraient le retenir.

Alors la Mère de Miséricorde dit à ceux qui étaient autour d’elle : « Cette âme à la fin de sa

vie s’est tournée vers moi et m’a dit : Vous êtes Mère de Miséricorde. Je suis indigne de prier

votre Fils, parce que mes péchés sont trop grands et trop nombreux. Je vous supplie donc

d’avoir pitié de moi, car vous ne refusez jamais votre Miséricorde à qui vous la demande. Je me

tourne donc vers vous et je vous promets, si je vis, de me corriger, de tourner ma volonté vers

votre Fils et de n’aimer que Lui… » Le diable reprit : « Je n’ai rien su d’une telle volonté. » Se

50Ces paroles ne veulent pas dire que cette âme eût plus de valeur à ses yeux que toutes les autres ; mais elles

manifestent la rage inexprimable du démon ; et telle est toujours sa fureur quand une âme est sauvée, surtout quand

c’est une âme généreuse et sainte, pour qui sa haine est beaucoup plus grande.

tournant vers le Juge, la Sainte Vierge lui dit : Ô mon Fils, que le démon ouvre maintenant son

livre et qu’il voie s’il y a quelque chose d’effacé. » Et le démon dut reconnaître que tous les

péchés de cette âme étaient effacés.

Le Juge dit alors au bon ange qui était là présent : « Où sont donc les bonnes oeuvres de

cette âme. » Et le bon ange les énuméra. Et le diable cria, s’adressant à Marie : « Malheur,

malheur, vous m’avez déçu. J’ai perdu, je suis vaincu. » Le Juge dit au démon : « Je te permets

maintenant de voir la vérité et la justice ; dis, que ceux qui sont ici l’entendent, quelle est ma

volonté et quel doit être le jugement de cette âme. » Le démon répondit : « qu’elle soit purifiée

de telle sorte qu’il n’y reste aucune tache ; car elle ne peut arriver à Vous avant qu’elle soit

purifiée. Combien de temps sera-t-elle en mes mains ? » Le Juge répondit : « Je veux que tu

n’entres point en elle, mais tu dois la purifier jusqu’à ce qu’elle ait enduré la peine selon la

grandeur de sa faute. Elle doit voir ses péchés et ses abominations ; elle doit te voir en ta

méchanceté ; elle doit voir les peines terribles des autres âmes. Elle doit entendre les malheurs

horribles, parce qu’elle a voulu entendre les cris épouvantables et les moqueries des démons.

Elle sera brûlée d’un feu très ardent, tant au-dedans qu’au dehors, de sorte qu’il n’y aura pas la

moindre tache qui ne soit effacée par ce feu ; elle souffrira une grande rigueur de froid, parce

qu’elle brûlait de l’ardeur de ses passions et elle était glacée dans ma charité ; elle sera aux

mains du démon, afin qu’il n’y ait pas la moindre pensée qui ne soit purifiée. Et comme elle

aurait voulu vivre en son corps jusqu’à la fin du monde, elle devra être dans la souffrance

jusqu’à la fin du monde. Celui qui me désire ardemment et aspire à quitter le monde pour être

avec moi mérite d’avoir le ciel sans peine, les épreuves de la vie présente lui servant de

purification ; celui qui craint la mort et pour la mort elle-même et pour les peines qui la suivent,

celui-là mériterait une peine plus légère ; mais celui qui désire vivre jusqu’au jour du jugement

par amour pour cette vie, mérite d’être retenu dans le purgatoire jusqu’au jour du jugement. »

Alors la Vierge Marie, pleine de miséricorde, dit : « Béni soyez-vous, mon Fils, pour votre

justice qui est unie à la miséricorde. Bien que nous voyions et sachions toutes choses en vous,

néanmoins pour l’instruction des autres, dites-nous quel remède on peut appliquer pour

diminuer un si long temps, et quel remède pour éteindre un feu si ardent, et délivrer cette âme

des mains du démon.- Il y a trois choses, répondit le Fils, qui abrégeront la peine, éteindront le

feu et l’arracheront aux mauvais esprits ; la première, si par quelque peine on expie ses

injustices ; la deuxième par de très grandes aumônes car, par l’aumône, les flammes sont

éteintes comme le feu par l’eau ; la troisième par les messes et sacrifices et par les prières de

ses amis. » La Mère de Miséricorde reprit alors : En quoi lui profitent maintenant les bonnes

oeuvres qu’il a faites pour vous ? » - Le fils répondit : « Il n’y aura pas la moindre parole dite

pour mon honneur, pas la moindre bonne pensée qui n’aie sa récompense. Tout ce qu’il a fait

pour l’amour de moi est maintenant devant lui et lui sert de soulagement dans ses peines; et

moindres sont les rigueurs du feu. »

La Mère de Dieu intercéda encore, alléguant que cette âme avait certaines pratiques en son

honneur, comme de jeûner la veille de ses fêtes, de réciter son office, de chanter ses louanges,

et elle obtint que cette âme ne vît point les démons dans toute leur horreur, qu’elle n’entendît

point les paroles qui l’eussent couverte de confusion, qu’elle ne ressentît point le froid glacial

qu’elle avait mérité par sa froideur pour Dieu.

Puis les saints intercédèrent à leur tour et obtinrent que les démons n’aient pas le pouvoir

de l’aveugler et de l’empêcher de se consoler par la pensée que ses maux prendraient fin et

que la gloire lui serait donnée.

Cette âme était celle d’un soldat, doux et ami des pauvres. Sa femme fit pour lui de grandes

aumônes. Quatre après cette vision, sainte Brigitte la vit derechef comme un jeune enfant très

beau et à demi vêtu. La sainte intercéda pour elle et le Juge lui dit : « des larmes de charité

m’ont été présentées pour elle. Qu’on la porte au séjour du repos que l’oeil n’a point vu , que

l’oreille ne peut entendre, qu’elle-même, si elle était en la chair, ne pourrait comprendre ; là ou il

n’y a point de ciel au dessus ni de terre au dessous; là ou la hauteur est incompréhensible, la

longueur indicible, la largeur admirable et la profondeur inexprimable ; là où Dieu est sur toute

chose, autour et au-dedans de toutes choses, où il régit et contient toutes choses sans être

contenu par aucune. »

Alors sainte Brigitte vit que cette âme montait au ciel, aussi brillant qu’une étoile. (Liv. V, ch.

XL.)

18. Dieu, quand il punit ses intimes, les punit en père

Jésus dit à sainte Marguerite-Marie : « Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par les

souffrances, si tu ne le fais pas par la pénitence, et je ne te priverai de ma présence pour cela,

mais je te la rendrai si douloureuse qu’elle tiendra lieu de tout autre supplice. » (Ed. Gauthey,

11, p. 564.)

CHAPITRE V - Dieu Miséricorde

1. L’Océan de la Miséricorde

« Je suis, a dit le Seigneur à la Mère Anne-Marguerite Clément, la grande mer et le vaste

océan de miséricorde, sans fond ni rive. Je veux que tu t’abandonnes à moi sans réserve. »

(Vie, 1915, p. 284.)

« Ma miséricorde fait avec ma charité comme le fond de mon être », a-t-Il dit à sainte Marie-

Madeleine de Pazzi. (IVe part., ch. X.)

« Ma miséricorde, dit le Père éternel à sainte Catherine de Sienne, est, sans aucune

comparaison, beaucoup plus grande envers vous que tu ne peux le voir, car ta vue est

imparfaite et finie, tandis que ma miséricorde est infinie et parfaite. Il y a donc entre ton

appréciation et la réalité toute la distance du fini à l’infini. » (Dialogue, ch. XXXI.)

2. Le monde perdu. Le monde racheté

Enseignement de Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Je vous ai donné le Verbe, mon Fils

unique, parce que le genre humain tout entier était corrompu par le péché du premier homme,

et que, sorti de la chair viciée d’Adam, vous ne pouviez plus acquérir la vie éternelle. J’ai voulu

unir ma grandeur infinie à la bassesse de votre humanité, afin de vous rendre la grâce qu’avait

détruite le péché. Je ne pouvais souffrir comme Dieu la peine que ma justice réclamait pour le

péché, et l’homme était incapable d’y satisfaire, puisque l’offense était commise contre moi, qui

suis la bonté infinie. C’est pour cela que j’ai envoyé le Verbe, mon Fils, revêtu de votre nature

déchue, afin qu’il souffrît dans la chair même qui m’avait offensé, et qu’il endurât la douleur

jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. Il satisfit ainsi à ma justice, et ma miséricorde put

pardonner à l’homme et lui rendre encore accessible la félicité suprême pour laquelle il avait été

créé. La nature humaine unie à la nature divine racheta le genre humain, non seulement par la

peine qu’elle supporta dans la chair d’Adam, mais par la vertu de la divinité, dont la puissance

est infinie. Il ne resta plus de la tache originelle après le baptême qu’un penchant au mal, une

faiblesse des sens, qui est dans l’homme comme la cicatrice d’une plaie. » (Dialogue, ch. XIV.)

3. La miséricorde combat le désespoir, la présomption et l’endurcissement

« C’est ma miséricorde qui fait espérer l’homme en ma miséricorde pendant sa vie. Je ne lui

accorde pas cette grâce pour qu’il m’offense, mais pour qu’il se livre à ma charité et à la

considération de ma bonté. Il fait le contraire, quand il m’offense, parce qu’il compte sur ma

miséricorde. Cependant je le conserve dans l’espérance de ma miséricorde, afin qu’au moment

de sa mort il puisse s’y attacher, et qu’il ne périsse pas en tombant dans le désespoir, car ce qui

est le plus odieux pour moi et le plus malheureux pour lui, c’est le désespoir.

Ce dernier péché est plus grand que tous ceux qu’il a commis. Ce qui fait que ce péché

m’irrite et lui nuit plus que les autres, c’est qu’il y a dans les autres péchés un certain plaisir, un

entraînement des sens, et qu’on peut en avoir un regret qui attire la miséricorde ; mais dans le

péché de désespoir, comment prétexter la faiblesse, puisqu’on n’y trouve aucune jouissance,

mais au contraire, une peine insupportable? Le désespoir est le mépris de ma miséricorde ; il

fait croire la faute plus grande que ma miséricorde et ma bonté. Celui qui tombe dans ce péché

ne se repent pas et ne pleure pas véritablement de m’avoir outragé, il pleure son malheur et

non mon offense ; et c’est pourquoi il tombe dans l’enfer, ou il sera tourmenté pour ce péché et

pour tous ceux qu’il a commis. S’il se fût repenti de l’offense qu’il m’avait faite, s’il avait espéré

dans ma miséricorde, il eût trouvé le pardon, car ma miséricorde est infiniment plus grande que

tous les péchés que peuvent commettre les créatures. Aussi ceux qui la jugent inférieure à leurs

péchés, me déplaisent plus que tous les autres. C’est là le péché qui n’est pardonné ni en cette

vie ni en l’autre. Quand vient l’heure de la mort pour celui qui a vécu dans le désordre et le

crime, le désespoir me déplaît tant que je voudrais le faire espérer dans ma miséricorde c’est

pour cela que pendant sa vie je me suis servi d’un doux stratagème en le laissant trop compter

sur ma miséricorde ; l’habitude de l’espérance l’expose moins à la perdre au moment de la

mort, quand se font entendre les terribles reproches de la conscience.

«Cette grâce vient du foyer de mon ineffable charité, mais, parce que l’homme la reçoit avec

les ténèbres de l’amour-propre, d’où procède toute faute, il la méconnait, et la douceur de ma

miséricorde n’est, pour son coeur, qu’un motif de présomption ; c’est ce que sa conscience lui

reproche en présence des démons ; elle lui rappelle la patience et la grandeur de ma

miséricorde sur laquelle il comptait. Il devait se livrer à la charité et à l’amour des vertus, en

employant saintement le temps qui lui était donné, et il s’est servi du temps et de l’espérance de

ma miséricorde pour m’offenser. » (Sainte Catherine de Sienne, Dialogue, ch. CXXXII, n° 5, 6,7,

8.)

« Celui qui m’offense en s’appuyant sur ma miséricorde ne peut pas dire qu’il espère en ma

miséricorde, il est plutôt coupable de présomption, cependant il a la foi en ma miséricorde. Si,

quand vient l’heure de la mort, il reconnaît ses fautes et décharge sa conscience par une sainte

confession, la présomption cesse, et il ne m’offense plus. La miséricorde lui reste, et, avec cette

miséricorde, il peut, s’il le veut, se rattacher à l’espérance. Sans cela il ne pourrait éviter le

désespoir, qui l’entraînerait avec les démons dans l’éternelle damnation. » (Ibid., n° 4.)

« Personne ne sera rejeté s’il espère dans le sang de mon Fils et dans ma miséricorde ;

mais personne aussi ne doit être assez aveugle et assez insensé pour attendre à ce dernier

moment. » (Ibid., ch. CXXIX.)

4. Providence miséricordieuse de Dieu envers les pécheurs

Voici une instruction donnée par Dieu à sainte Catherine de Sienne : « Pour ceux qui sont

dans la mort du péché, je réveille leur conscience par la douleur de l’aiguillon qu’ils ressentent

au fond de leur coeur, par les peines qu’ils éprouvent dans leur coeur et par des moyens si

variés que la parole humaine ne saurait les dire ; les remords et les peines qu’ils éprouvent les

éloignent bien souvent du mal. Quelquefois aussi, lorsque je vois l’homme qui penche vers le

péché mortel et vers l’amour désordonné de la créature, je lui ôte l’occasion et le temps de

céder à sa volonté mauvaise; et alors la tristesse qu’il en éprouve le fait rentrer en lui-même,

réveille le cri de sa conscience et le guérit de la folie où il était tombé. Qui me fait agir de la

sorte? Ce n’est pas le pécheur qui ne me cherche pas et qui ne demande le secours de ma

providence que pour pécher, ou pour jouir des richesses, des plaisirs et des honneurs du

monde, c’est mon amour qui me pousse, car je vous ai aimés avant votre naissance.

« Je suis aussi forcé d’agir ainsi par les prières des serviteurs fidèles, qui, par la grâce du

Saint-Esprit, pour ma gloire et pour l’amour du prochain, demandent avec une ardente charité

leur conversion, s’efforçant d’apaiser ma colère et de lier les mains de ma justice, sous les

coups de laquelle le pécheur devrait tomber. Leurs larmes et leurs supplications me retiennent

et me font violence. Mais qui les pousse à crier ainsi vers moi ? C’est ma Providence qui veille

aux besoins de ceux que tue le péché ; car il est écrit : je ne veux pas la mort du pécheur, mais

qu’il se convertisse et qu’il vive. » (Dialogue, ch. CXV.)

5. Dieu presse ses amis de prier pour les pécheurs

Notre-Seigneur se présentant à Marguerite-Marie, un jour qu’elle était devant le Saint

Sacrement, lui dit « Ma fille, veux-tu bien me sacrifier les larmes que tu as versées pour laver

les pieds de ma bien-aimée, qui s’est rendue coupable en suivant un étranger. »

Mon Seigneur, lui répondit-elle, je vous ai tout sacrifié, ne m’étant réservé ni intérêts, ni

prétentions en ce que je ferai, que ceux du bon plaisir de votre Coeur Sacré. Deux fois Notre-

Seigneur lui fit la même demande, lui disant que l’âme de sa bien-aimée, tombée dans le

péché, désirait en sortir ; quelle était entrée dans un purgatoire pour se purifier et qu’il lui fallait

ce secours. Quelques temps après, Il lui dit que sa bien-aimée c’était la Visitation, qui ne devait

avoir qu’un coeur et qu’une âme ; que ce purgatoire était la solitude, (la retraite annuelle),

ajoutant : « Ma fille, donne-leur ce dernier avertissement de ma part : Que chacune rentre en

soi-même pour faire profiter la grâce que je lui présente par le moyen de ma sainte Mère, car

celles qui n’en profiteront pas demeureront comme des arbres secs qui ne rapportent plus de

fruits. Elles pourront encore recevoir quelques lumières de ma sainteté de justice qui, en

éclairant le pécheur, l’endurcit, lui fait voir le mauvais état où il est, sans lui donner aucune

grâce victorieuse pour l’en retirer, ce qui le jette dans le désespoir ou le rend insensible à son

propre malheur. Voilà l’un des plus rigoureux châtiments de ma sainteté de justice, dont elle

punit le pécheur impénitent. » (Ed. Gauthey, II, p.172.)

6. Personne n’échappe à la main de Dieu

Apprends, ma fille, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne, que personne ne peut

échapper à mes mains, parce que je suis celui qui suis. Vous n’avez pas l’être par vous-même,

mais vous êtes faits par moi, qui suis le Créateur de toutes les choses qui participent à l’être,

excepté le péché qui n’est pas (car il n’a pas été fait par moi), et comme il n’est pas en moi, il

n’est pas digne d’être aimé. La créature se rend coupable parce qu’elle aime le péché qu’elle

ne devrait pas aimer et parce qu’elle me hait, moi, qu’elle devrait tant aimer puisque je suis le

Souverain Bien, et que je lui ai donné l’être avec tant d’amour. Mais elle ne peut m’échapper,

car ou elle est punie par ma justice pour ses fautes, ou elle est sauvée par ma miséricorde.

Ouvre donc l’oeil de ton intelligence et regarde ma main et tu verras la vérité de ce que je te dis

»

Catherine, pour obéir à l’ordre du Père suprême, regarda et vit dans sa main l’univers entier.

– « Ma fille, vois et comprends que personne ne peut m’échapper, tous sont le sujet de ma

justice ou de ma miséricorde, car tous ont été créés par moi et je les aime d’un amour ineffable,

et malgré leurs iniquités je leur ferai miséricorde par le moyen de mes serviteurs et je

t’accorderai ce que tu m’as demandé avec tant d’amour et tant de douleur. » (Dialogue, ch.

XVIII)

7. La miséricorde s’étend aux païens comme aux chrétiens

Le Seigneur donna à sainte Brigitte cette consolante instruction : « Je fais miséricorde aussi

bien aux païens qu’aux Juifs et il n’y a aucune créature en dehors de ma miséricorde, car

quiconque pense que ce qu’il croit est la vérité, parce qu’il ne lui a jamais été prêché rien de

meilleur, et fait de toutes ses forces ce qu’il peut, sera jugé avec miséricorde. Si rien n’a

empêché les infidèles de rechercher le vrai Dieu, ni la difficulté, ni la crainte de perdre l’honneur

et les biens, mais seulement un empêchement humain, moi qui ait vu Corneille et le Centurion

qui n’étaient pas baptisés être grandement récompensés, je sais qu’ils seront rémunérés

comme leur foi l’exige. » (Liv. III, ch. XXVI.)

8. Combien Dieu a hâte de pardonner

« Il n’y a si grand pécheur auquel je ne remette aussitôt, s’il se repent sincèrement, tous ses

péchés, et sur qui je n’incline mon Coeur avec autant de clémence et de douceur que s’il n’eût

jamais péché. » - S’il en est ainsi, demanda sainte Mechtilde, comment se fait-il que l’homme

misérable n’en ressente rien ? – Le Seigneur répondit: « Cela vient de ce qu’il n’a pas encore

perdu tout le goût du péché. Si, après sa conversion, l’homme résistait avec force aux vices, de

manière à extirper tout le goût et la délectation du péché, sans aucun doute il ressentirait la

douceur de l’Esprit divin. » (IVè part., ch. LVIII.)

9. La miséricorde, fruit de l’amour, est plus grande que nos infidélités

« Sais-tu bien, ma très chère fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, que tu appartiens à

ce grand Dieu éternel et tout puissant et qu’Il t’aime plus que tu ne Lui es infidèle. » (IVe part.,

liv. LXII, avril 1667.)

Le Père éternel dit à Soeur Mechtilde : « Mon Coeur ne peut persister à repousser de moi le

pécheur ; c’est pourquoi je le poursuis si longtemps jusqu’à ce que je le saisisse. »Et l’âme de

Jésus dit à son tour : « Dans la Sainte Trinité, sans interruption, j’offre à tous moments tous les

pécheurs de la terre, afin que Dieu ne les laisse pas tomber dans l’éternel abîme. » (Liv. Ier, ch.

XIV.)

Sainte Catherine de Gênes vit un jour un rayon d’amour sortir de la source divine et se

diriger vers l’homme pour le faite mourir à lui-même, et il lui fut montré que lorsque ce rayon

rencontre des obstacles, il en résulterait une des plus grandes peines que Dieu pût avoir, s’il

était possible que Dieu eût de la peine. Ce rayon entoure l’âme de toutes parts pour entrer en

elle ; mais l’âme lorsqu’elle est aveuglée par l’amour propre, ne l’aperçoit pas. Et elle comprit

que lorsque Dieu voit une âme se damner sans pouvoir la pénétrer à cause de son obstination,

Il semble dire : « L’amour que je lui porte est si grand que jamais je ne voudrais l’abandonner. »

Quant à l’âme privée de l’amour divin, elle devient quasi aussi méchante que cet amour luimême

est suave et bon. Je dis quasi parce Dieu fait encore quelque miséricorde. Il lui parut que

le Seigneur disait encore : « Par ma volonté je ne voudrais jamais que tu puisses te damner ;

l’amour que je ressens pour toi est tel que, s’il m’était possible de souffrir à ta place, je le ferais

avec joie, mais si tu pèches, l’amour ne pouvant demeurer avec le péché, je suis forcé de

t’abandonner. Unie à moi, tu serais capable de toute béatitude, mais séparée de moi, tu deviens

capable de toute espèce de mal. » (Dialogue, Ire part., ch. VIII.)

10. Jésus et les pécheurs

Le Seigneur apparaissant à Mechtilde avec un vêtement ensanglanté, lui dit : « De même

que mon humanité s’est présentée, avec un amour ineffable à Dieu le Père, toute couverte de

sang, en victime, sur l’autel de la croix, ainsi, dans le même sentiment d’amour je m’offre au

Père céleste pour les pécheurs, en Lui représentant tous les divers tourments de la passion ; et

ce que je désire le plus est que le pécheur se convertisse et qu’il vive. » (IVe part., ch. LI.)

Autre parole du Seigneur à la même sainte : « Tant qu’un pécheur reste dans le péché, il me

retient comme enchaîné, étendu sur la croix ; mais aussitôt qu’il se convertit, il me délie

incontinent, et moi, comme si vraiment je venais d’être détaché de la croix, je tombe sur lui

comme autrefois sur Joseph (d’Arimathie), avec ma grâce et ma miséricorde, et me livre en son

pouvoir, en sorte qu’il peut faire de moi tout ce qu’il veut. Mais s’il persévère dans le péché

jusqu'à la mort, ma justice aura pouvoir sur lui, et alors elle le jugera selon son mérite. » (IVe

part., ch. LVI.)

La prière de Marguerite de Cortone consistait surtout à considérer sa vileté, et elle se

demandait comment elle osait communier, s’en trouvant indigne. Mais Notre-Seigneur la

consola en lui disant : « Si j’ai revêtu ton âme de la splendeur de mes grâces, ce n’est pas

seulement pour ton profit personnel, mais je veux que l’exemple d’une vocation si gratuite de

ma part donne confiance aux pécheurs qui voudront revenir sincèrement à moi, afin qu’ils

sachent que le sein de ma miséricorde est toujours ouvert. » (Vie intime, ch..VIII, § 3.)

Une autre fois, le Seigneur lui dit : « Ce qui m’attire à toi, c’est que je te destine à être une

lumière pour le monde, afin qu’il soit sauvé en imitant ta pénitence. » (Ibid.,ch. V, § 45.)

Un jour, dit Soeur Marie-Aimée, que je m’étonnai des tendresses de mon Dieu, alors que je

Lui avouais mes fautes, Il me dit : « Comment veux-tu que j’agisse différemment à ton égard. Si

le plus grand pécheur du monde se retournait vers moi après ses crimes, comme tu me reviens

après tes négligences, je le recevrais incontinent dans les bras de ma miséricorde. » (Vie, ch.

XII.)

Marie-Catherine Putigny51 eut un jour la vision des deux disciples cheminant sur la route

d’Emmaus. Quand toute la scène, telle que la dépeint l'Évangile, eut passé sous ses yeux, le

Sauveur lui dit : « C'est ainsi que j’agis à l’égard du pécheur : mes premières avances sont plus

sensibles pour l’aider à sortir de la mauvaise voie, mais loin de l’abandonner ensuite à luimême,

je marche à côté de lui dans la vie ; ma parole s’insinue doucement en son âme, elle y

produit la connaissance et l’amour de la vérité. C’est à l’amener à ce but que ma grâce tend

incessamment malgré d’apparentes lenteurs. » (Vie, ch. XXIII.)

11. Miséricorde disposée à accorder plus qu’on oserait demander

Le Seigneur dit à Gertrude dans une communion : « Afin que tu saches que mes

miséricordes sont au-dessus de tous mes ouvrages, et que rien ne saurait épuiser l’abîme de

ma bonté, je suis tout disposé à t’accorder, pour le prix de ce sacrement de vie, beaucoup plus

que tu n’oserais jamais me demander. » (Liv. III, ch. XVIII ; éd. lat., p.161.)

12. La miséricorde mérite d’être d’autant plus exaltée qu’elle fait du bien à de

plus indignes

Gertrude rendant grâces au Seigneur pour les bienfaits dont Il la comblait malgré son

indignité, Le vit entouré de tous les saints, qui faisaient résonner des chants mélodieux à la

louange du Seigneur, et elle entendit ces paroles : « Fais attention avec quelle douceur cette

louange pénètre les oreilles de ma Majesté et vient toucher jusqu’au fond de mon Coeur plein

d’amour ; garde-toi de désirer désormais avec tant d’importunité d’être délivrée des liens de la

chair, puisque, telle que tu es, je t’accorde les dons gratuits de mon amour ; car plus celui sur

lequel je m’incline est indigne, plus je suis, et avec justice, honoré et exalté par toutes les

créatures. » ( Liv. II, ch. XIX.)

13. Le bras de la miséricorde et le bras de justice

Catherine de Racconigi52 vit un jour Notre-Seigneur crucifié de telle sorte qu’il avait un bras

plus long que l’autre. Jésus lui dit que le bras le plus court représentait sa justice, et le plus long

sa miséricorde. « D’eux même dit-il, ils sont égaux. Mais en ce siècle corrompu, la miséricorde

est plus déployée que la justice. »

14. Il ne faut jamais désespérer du salut d’un pécheur

La Mère Scazziiga, qui fut la supérieure de Bénigna Consolata a témoigné au procès de

béatification que la servante de Dieu avait appris du Seigneur qu’il exerçait sa miséricorde

même dans cas les plus désespérés : « Si une personne enfoncée dans le péché trouvait la

mort sous un train ou sous une automobile, que nul ne dise : elle est perdue ; car personne ne

peut savoir ce qui se passe en ce moment entre l’âme et Dieu. Je peux donner un tel jet de

lumière, capable de susciter une lumière si intense que l’âme passe du fond de l’iniquité à

l’étreinte de ma miséricorde. » (Vie, p. 449.)

15. Miséricorde triomphant de la justice

Carpus indigné contre deux pécheurs qui refusaient de céder à son zèle se livra à un

51Soeur Marie-Catherine Putigny (1803-1885) fut une humble soeur converse du monastère de la Visitation de Metz. Elle

vécut et mourut comme une sainte, et bien des faits prouvèrent la vérité des faveurs qu’elle recevait de Dieu. Sa vie a

été écrite par les soeurs de son monastère en 1888.

52Sainte Catherine de Racconigi (1486-1547), du tiers-ordre de saint Dominique, vécut au milieu du monde en grand

renom de sainteté.

chagrin irréligieux, priant Dieu de terminer sans pitié, par un coup de foudre, les jours de ces

deux hommes. Alors la vision suivante se déroula à ses yeux : il voit le sol se creuser en un

vaste et ténébreux abîme, et ces hommes qu’il avait maudits se tenir en face de lui, à la gueule

du gouffre, tremblants d’y tomber. Carpus s’efforçait lui-même de les y précipiter, lorsque Jésus,

ému de compassion, quitte son trône du ciel, descend jusqu’à ces hommes, et leur tend la main

avec bonté, pendant que les anges les soutiennent. Notre-Seigneur dit à Carpus : « De ta main

déjà levée, ne frappe plus que moi, je suis prêt à souffrir de nouveau pour le salut des hommes

et cela me serait doux si l’on pouvait me crucifier sans commettre un crime. Au reste, vois si tu

aimes mieux demeurer avec les serpents dans l’abîme, qu’habiter avec Dieu et les anges si

bons et si amis des hommes. » (Denys le mystique, lettre VIII.)

Un jour que saint Dominique prolongeait sa veille dans l’église, il vit le Fils de Dieu, assis à

la droite de son Père, prêt à frapper tous les pécheurs. Sa main était armée de trois épées : de

l’une il abattait les têtes altières des orgueilleux ; il plongeait l’autre dans les entrailles des

avares ; et avec la troisième il transperçait la chair des voluptueux. Tout à coup, la douce

Vierge, sa Mère se présente à Lui et embrasse ses pieds, en le conjurant de tempérer la justice

par la miséricorde. « Vous qui connaissez tout, lui dit-elle, vous savez que c’est la voie par

laquelle vous les ramènerez. J’ai un serviteur fidèle que vous enverrez leur annoncer votre

parole et ils reviendront à Vous, le Sauveur de tous les hommes. J’en ai encore un autre que je

lui donnerai pour aide, et qui travaillera de même. » « Votre doux visage apaise ma colère,

répond le Sauveur, mais montrez-moi les ouvriers que vous proposez pour cette oeuvre divine.

» Alors la Vierge Marie présente, tour à tour, à son fils saint Dominique et saint François, et le

Seigneur Jésus dit à sa Mère sur chacun d’eux « Qu’il fasse avec zèle et fidélité ce que vous

avez dit. »

16. Miséricorde faite à un homme dont toute la vie avait été coupable

Le fils de Dieu parla à Brigitte, son épouse, disant : « Celui qui est malade et pour lequel tu

pries, a été fort lâche à mon endroit et toute sa vie a été contraire à la mienne. Mais fais-lui dire

que s’il est résolu, au cas où il vivrait, à se corriger, je lui donnerai la gloire. Qu’on l’avertisse

donc de s’amender, car je compatis à ses maux avec une grande miséricorde. » Or, comme ce

malade mourait avant le premier chant du coq, Notre-Seigneur apparut de nouveau à son

épouse et lui dit : « Vois ce qu’est ma justice : celui qui était si malade a été jugé, et bien qu’à

cause de sa bonne volonté je lui aie fait grâce, cependant avant qu’il soit entièrement purifié,

son âme endurera en purgatoire un supplice si cuisant qu’il n’y a mortel qui le puisse

comprendre. Hélas ! Que n’auront pas à souffrir ceux qui sont attachés au monde et qui ne sont

affligés d’aucune tribulation ? » (Liv. VI, ch II.)

17. La miséricorde poursuivant une âme imparfaite jusqu’à ce qu’elle soit toute

à Dieu.

La Soeur Marie du Saint-Esprit, du Carmel de Dieppe, raconte ce qui suit : Notre-Seigneur

voulant par son infinie bonté me retirer d’un abîme d’infidélités où je m’étais plongée moimême,

par trop d’attache à une prieure, donna connaissance de mon état à Soeur Françoise de

la Mère de Dieu, et l’obligea pendant plus d’un an à Le prier pour moi ; ce qu’elle faisait avec

une grande persévérance et charité sans que j’en susse rien. Une grande partie de cette année

qui était, ce me semble, 1642, j’étais assaillie de différentes pensées contre cette Soeur, ce qui

me portait à m’éloigner toujours d’elle. Pendant ce temps, Notre-Seigneur lui montrait tout ce

qui m’empêchait de Lui adhérer intérieurement. Il lui dit que j’aurais un grand compte à Lui

rendre au jour du jugement, et que la créature à qui je donnais ce que je Lui dois à Lui, ne Lui

rendrait point compte pour moi. Une autre fois Il lui montra comment Il me poursuivait sans

cesse et la résistance que j’y apportais. Quelquefois, lorsqu’elle était en oraison devant le Saint-

Sacrement, Il lui indiquait ce que je faisais dans ma cellule; si j’y employais le temps fidèlement,

ou si j’en sortais pour aller chercher des distractions ou me satisfaire avec la prieure que

j’aimais trop imparfaitement. Il lui montrait combien les amitiés particulières Lui déplaisent chez

les âmes religieuses. Il lui fit voir comment je Le laissais seul, parlant comme s’Il eût voulu me

quitter à cause de mes grandes résistances à ses grâces. J’avais en effet un continuel remords

de conscience, mais je m’efforçais de rejeter toutes ces inquiétudes, afin de donner plus

librement cours à mes inclinations.

La Soeur Françoise priait Notre-Seigneur de ne point me quitter et de me rappeler à Lui. Elle

le voyait quelquefois m’attendre avec une patience extrême au bout d’un dortoir où je me

rendais, et je lui résistais en ce lieu. Elle voyait comme Il allait au-devant de moi par un autre

côté, jusqu’à je fusse revenue à Lui, faisant voir en cela l’excès de sa bonté pour les âmes. Mon

ingratitude la touchait extrêmement et lui faisait chercher l’occasion de dire quelque mot qui pût

m’aider ; mais Notre-Seigneur lui dit une fois : Attendez, il n’est pas encore temps », lui

insinuant que sa patience infinie voulait attendre que j’eusse achevé quelques ouvrages

auxquelles j’étais fort attachée. Il lui dit un jour que quand Il a bien poursuivi une âme et qu'elle

ne se rend point, Il se retire et la laisse ; ce qui la faisait prier pour moi avec grande insistance.

La nuit qui précédait la fête de notre sainte Mère Thérèse, Notre-Seigneur la pressait

fortement de demander la permission de me parler, lui disant qu’il était temps. J’étais alors

touchée d’une si grande crainte des jugements de Dieu, que je n’osais me présenter devant Lui.

Comme j’étais devant le Saint-Sacrement, il me vint en l’esprit que Notre-Seigneur me disait : «

Je vous ai poursuivie longtemps, non pas comme un Dieu de vengeance pour vous accabler

sous le joug de ma loi, mais comme Père de miséricorde pour vous vivifier de ma grâce. ».

Cette pensée me rendit la confiance. Ce même jour de la fête de notre sainte Mère, on nous

permit de parler ensemble. Alors je connus qu’elle voyait tout mon état, et elle me dit des vérités

si puissantes qu’elles produisaient un grand effet sur mon âme et un fort grand désir de me

convertir toute à Dieu. Je fis une confession de plusieurs années, après laquelle Notre-Seigneur

chargea Soeur Françoise de me dire ces paroles de l'Évangile : « Vous êtes pure, ne péchez

plus, de crainte qu’il ne vous arrive quelque chose de pire. » Une autre fois Il l’obligea de me

dire que si je voulais me quitter moi-même, mes propres intérêts et satisfactions, je Le pourrais

contenter. Une autre fois Il lui fit connaître qu’Il voulait que je Lui donnasse ma liberté, et que ne

fisse plus rien que par dépendance de Lui, afin qu’il me tienne de sa main puissante et

m’empêche de céder à ma faiblesse. Il lui dit une autre fois qu’Il voulait être seul en moi, et que

je Lui donnasse et le soin et l’amour que j’avais pour la prieure; qu’Il voulait que je retranchasse

toute la satisfaction que la nature y prenait ; enfin, qu’il me voulait à Lui extrêmement vide et

dénuée de l’amour des créatures.

Une autre fois Il lui fit connaître que c’était par grande miséricorde qu’Il m’ôtait le soin d’une

personne que j’aimais trop, et Il lui dit : « Je la connais ; ce soin la ferait retomber dans les

fautes passées. » Un autre jour, comme elle remerciait Notre-Seigneur des miséricordes qu’Il

me faisait, Il lui répondit : « Dites-lui qu’elle prenne garde à elle et qu’elle ne s’échappe pas

sous n’importe quel prétexte. » Il lui fit connaître que par le dépouillement de la créature, Il

voulait éprouver si je l’aimais. Un jour de la conversion de saint Paul, durant l’office, elle sentait

Notre-Seigneur près d’elle, lui montrant comment Il nous unissait toutes les deux en Lui, et Il

l’assura que nous ne nous séparerions jamais. Elle me fit signe que Notre-Seigneur était là. Et

le Seigneur continuant de lui parler, ajouta, : « Dites-lui qu’elle ne s’étonne point de tomber, et

ne se lasse point de se relever ; car j’ai toujours les bras ouverts pour la recevoir. Je connais

bien l’infirmité de la créature et j’aime qu’elle ait de la peine des manquements qu’elle commet

contre moi. En témoignage de quoi je me donne présentement à elle; car je me donne à celui

qui me désire. » (Vie, ch. IX.)

18. La divine miséricorde poursuit le pécheur jusqu’à sa dernière heure

Le 2 décembre 1920, Jésus dit à Marie-Fidèle53 : « J’aime les pécheurs et j’ai soif de leurs

âmes. Les souffrances que tu54 as endurées avec ma grâce et dans une union intime avec moi,

je les ai unies au sacrifice de la croix, dont elles tirent toute leurs force. Je veux que tu me

53Soeur Marie-Fidèle Weiss (1882-1923) vécut très saintement dans le monastère des tertiaires franciscaines de

Reutberg, en Bavière. Sa vie, faite par son confesseur, M. Jean Muhlbauer (Munich, imprimerie des Salésiens), a été

traduite en français par le R ; p ; Conrad Gurg, O.S.F., Paris, Desclée de Brouwer.

laisses toujours le choix du pécheur en faveur de qui j’appliquerai le fruit de tes souffrances, et

de tes sacrifices, maintenant ou plus tard. Je suis le Seigneur qui règle tout pour le mieux, selon

ce qui convient à ma gloire et au salut des âmes. Ce sont les pécheurs en face de la mort qui

ont un besoin plus grand de ma miséricorde. Je suis le bon Pasteur à l’égard des pécheurs ;

c’est pourquoi envers toi, ma victime j’agis comme un juste juge. Ne suppose aucune âme

perdue jusqu’au dernier moment de sa vie. Mon amour de Rédempteur et ma sollicitude de

Pasteur poursuivent le pécheur avec longanimité jusqu’à la mort pour le sauver et le rendre

heureux ; car j’aime les pécheurs. (Ed. allm., p.164 ; éd. franç., p. 175 .)

CHAPITRE VI : Jésus Consolateur

1. Jésus console ses amis malades

Sainte Angèle de Foligno étant bien malade, Jésus lui apparut et lui dit : « Ma fille, je suis

venu pour te servir. » Le service qu’Il lui rendit fut de se placer devant son lit avec le visage le

plus gracieux et le plus aimable. Elle ne Le voyait que des yeux de l’âme, mais plus clairement

que ceux du corps. (Hello, ch. 50 ; Doncoeur ; p.234 ; Ferré, p. 233.)

Comme on chantait le Salve Regina, et qu’à ces paroles : « misericordes oculos », Gertrude

demandait la santé du corps, le Seigneur lui dit, avec un doux sourire : « Est-ce que tu ignores

que je jette sur toi les regards les plus miséricordieux, quand tu souffres en ton corps, ou que tu

es troublée en ton esprit ? » (Liv. III, ch. XXX, n° 9, éd. lat., p. 181.)

En la fête de la Purification, le Seigneur lui dit encore : « Si étant malade, ma bien-aimée, tu

ne peux entendre ce qu’on chante au choeur, tourne-toi vers moi et vois ce qu’il y a en moi, car

je contiens tout ce qui peut à jamais te plaire. » (Liv. IV, ch. IX.)

Le Seigneur dit à Mechtilde : « Lorsque tu es malade, je te tiens de mon bras gauche, et

quand tu es en santé, c’est de mon bras droit ; mais sache bien que, quand c’est du bras

gauche, tu es beaucoup plus rapprochée de mon Coeur. (IIè part., ch. XXXI.)

La vénérable Agnès de Langeac55 ne pouvant chanter au choeur, à cause de ses

souffrances, disait à Jésus : Mon ami, vous voyez ma misère et mon impossibilité de chanter.- «

Oui, ma chère fille, mais puisque je t’ai donné le mal, je satisferai pour toi et ferai que le choeur

sera servi. » Un ange chanta à sa place. (IIIe part., ch. XVII.)

Le jour de la Fête-Dieu, Notre-Seigneur fit ressentir à Armelle Nicolas de si douces

communications de sa divinité que la nature ne les pouvant supporter, elle demeura presque

toute l’octave malade. Et comme un jour elle se plaignait à son amour de ce qu’elle ne pouvait

comme tant d’autres l’aller visiter au Saint Sacrement, Notre-Seigneur lui dit ces amoureuses

paroles : « Ma fille, les autres me viennent visiter aux églises ; moi je viens te visiter en ta

propre maison. » (Vie, ch. XXIII.) La maladie elle-même n’est-elle pas comme toute épreuve,

une visite de Jésus ? Juxta est Dominus qui tribulato sunt corde. Le Seigneur est tout près de

ceux qui sont dans la peine. (Ps.XXXIII, 19 )

Sabine de Ségur, en religion Soeur Jeanne Françoise, religieuse de la Visitation de

Vaugirard, Paris (1829-1888) étant un jour malade, Notre-Seigneur lui dit : « Ma fille, nous

sommes mariés : toi, tu es dans ton lit qui souffres et ne peux prier ; moi je suis dans

l’Eucharistie qui prie et ne peux plus souffrir. Tu souffres pour moi et je prie pour toi ; à nous

deux nous faisons notre besogne. » (Sa vie, par Mgr de Ségur.)

L’accroissement de la faiblesse, des souffrances et de l’impossibilité de m’occuper

54Le traducteur a mis : que vous avez endurées ; dans l’allemand ; Notre-Seigneur tutoie Marie-Fidèle : « die du …

erduldet hast. »

55La vénérable Agnès de Langeac (1602-1634) fut religieuse dominicaine. On connaît ses rapports avec M. Olier. (Vie, par

M.de Lantages, rééditée à Paris, Poussielgue, 1963.)

P.122

commençait à m’accabler, raconte la Mère Marie du Divin Coeur56. Le divin Epoux me consola

en mettant cette image devant les yeux de mon âme. La sainte Église est comme un grand

jardin de Dieu ; Le maître du jardin, Notre-Seigneur, vient chaque jour y prendre son plaisir. On

y voit de grands palmiers, des chênes magnifiques (le pape, les évêques, les missionnaires et

les prêtres) et dans un coin caché de ce jardin une petite fleur. Après avoir joui des beaux

arbres, Il se dirige vers la petite fleur qu’Il ne montre à personne ; il s’arrête là et prend plaisir à

son parfum. Auparavant elle était exposée aux regards étrangers (oeuvres extérieures),

lorsqu’elle était encore en bouton ; mais maintenant qu’elle est épanouie, Il veut jouir seul de sa

vue et de son parfum. Pour la fleur, elle est assez payée de penser que le bon Maître prend

plaisir à son parfum. Une fois le jour Il la visite à une heure fixe (La sainte communion) mais

souvent Il la surprend par des visites inattendues et la laisse ravie du sentiment de sa douce

présence. Maintenant plus d’ennui, la petite fleur sait pour qui elle fleurit (dans la souffrance) et

attend patiemment qu’il plaise au Maître de la visiter et de la transplanter dans le jardin du ciel.

Une fois éclose, elle ne peut plus demeurer longtemps fleurie : dans les derniers mois Il veut se

la réserver exclusivement. Par conséquent, plus aucun désir d'oeuvres extérieures. Puisse

chaque visite de l'Epoux, et le soleil de son amour rafraîchir chaque jour le parfum de la petite

fleur et la blancheur de son coloris... N'avoir d'éclat et de parfum que pour Lui, c'est l'unique

récompense qui peut la contenter. (Vie, ch. 8)

2. La maladie est la solitude où Dieu conduit l'âme pour parler à son coeur

Le Seigneur dit à sainte Gertrude, qui priait pour son abbesse malade : « J'ai attendu ce

temps avec une joie inestimable, pour emmener mon élue dans la solitude, et là lui parler alors

coeur à coeur. Voilà que mon désir s'accomplit, puisqu'elle accepte tout selon mon bon plaisir, et

m'obéit en tout au gré de mes voeux les plus doux (Liv. 5, ch. 1Er ; éd.lat., p 459)

3. Comment Jésus s'unit à l'âme souffrante

Un jour que sainte Mechtilde malade souffrait beaucoup, Jésus lui apparut et lui dit : »Je me

suis revêtu de tes souffrances. J'absorberai en moi toutes tes douleurs et je supporterai tout en

moi, et ainsi j'offrirai comme une offrande très agréable à Dieu le Père toutes tes souffrances

unies à ma passion, et je serai avec toi jusqu'à ton dernier soupir, que tu ne rendras que pour

venir te reposer à jamais dans mon coeur. Je recevrai alors ton âme en moi-même avec un

amour si inestimable que toute la cour céleste en sera remplie d'admiration. » (2è part., ch. 39)

Une nuit que le mal de tête l'empêchait de prendre le moindre repos, elle supplia le

Seigneur de lui indiquer au moins un trou dans lequel elle pût se reposer. Le Seigneur lui

indiqua les trous de ses plaies, lui enjoignant de choisir celui dans lequel elle voulait demeurer.

Mais elle, ne voulant pas choisir elle-même, remit le tout à sa bonté, afin qu'Il lui donnât ce qui

lui plairait. Alors, Il lui montra la plaie de son coeur et lui dit : »C'est ici que tu dois entrer pour te

reposer. » (2è part., ch. 27)

«Pauvre âme affligée, dit Jésus à Agnès de Langeac, tout le monde te délaisse, hors ton

fidèle Epoux. Courage. » (Vie, par Lantages IIIe part., ch. XVIII.)

Un jour que Anne-Marguerite Clément voulait prendre du repos, le Sauveur lui dit : « Dors,

mon épouse, sur ma poitrine et sur mon Coeur, et je me reposerai dans le tien. » (Vie, 1686, IIIe

part., ch. VIII.)

L’an 1631, la Mère Clément voyait mourir sa soeur Marie-Louise de Balot, qui était un des

plus fermes soutiens de la petite fondation de Montargis ; elle s’en montra fort attristée. Une de

ses filles lui en témoignant de l’étonnement, la bonne Mère s’excusa et lui répondit que leur

saint fondateur permettait de payer ce tribut à la nature. Le lendemain Jésus-Christ se présenta

à elle et la reprit de sa faiblesse. « Ne suis-je pas assez sage, dit-Il, pour être ton soutien ? Et

56La Mère Marie du Divin Coeur Droste (1871-1897) fut supérieure du Bon-Pasteur de Porto. C’est à la suite de la

révélation que fit Notre-Seigneur à cette vénérée Mère que Léon XIII consacra le genre humain au Coeur de Jésus. (Vie,

par M. Chasle, Paris, Beauchesne, 1906.)

ne doit-il pas te suffire que j’aie pris soin de ta conduite ? » Quelques jours après, comme la

vénérée Mère sentait encore son affliction, Jésus se présenta de nouveau à elle, et pour lui

faire surmonter les sentiments de la nature, Il l’attira dans le sein de sa providence, lui donnant

de grandes assurances qu’Il prendrait soin de son gouvernement. « Non pas, lui dit-Il, avec

cette providence que j’ai pour toutes les âmes en général, mais selon cette providence

singulière que j’ai de mes élus et particulièrement de toi qui m’appartiens à de si justes titres. »

(Vie, 1686, IIe part., ch. IX.)

4. Jésus veut diviniser nos souffrances

Mechtilde trouvant que sa maladie la rendait inutile et qu’elle souffrait sans aucun fruit, le

Seigneur lui dit : « Dépose toutes tes peines dans mon coeur, et je leur donnerai une perfection

aussi haute qu’aucune souffrance en a jamais pu acquérir. Ma divinité, attirant en elle les

souffrances de mon humanité, se les a complètement unies ; de même, je veux transporter sur

ma divinité tes peines, n’en faire qu’une seule avec ma passion, et te donner part à cette

glorification que Dieu le Père a conférée à mon humanité pour toutes ses souffrances. Donne

donc toutes tes peines à l’amour, disant : O mon amour, je te les confie dans la même intention

que tu me les as apportées du Coeur de Dieu, et je te prie de les y reporter, lorsque ma

reconnaissance les aura rendues parfaites.

« Lorsque tu voudras me louer et que tes souffrances t’en empêcheront, demande à Dieu le

Père de Le louer et de Le bénir de cette louange que je Lui ai adressée sur la croix au milieu

des souffrances, avec cette gratitude en laquelle je Lui ai rendu grâces de ce qu’Il a voulu que

je souffrisse ainsi pour le salut du monde, et avec cet amour qui m’a fait souffrir de tout coeur et

de toute volonté. Ma passion porte des fruits infinis dans le ciel et sur la terre : ainsi les peines,

les moindres tribulations que tu m’auras confiées en cette matière, en union avec ma passion,

porteront de tels fruits que les saint du ciel en recevront un accroissement de gloire, les justes

plus de mérites, les pécheurs leur pardon et les âmes du purgatoire un soulagement. Qu’y a-t-il,

en effet, que mon divin Coeur ne puisse changer en mieux ? car tout le bien que contiennent et

le ciel et la terre est sorti de la bonté de mon Coeur (IIe part., ch.XXXVI.)

5. Jésus au chevet des mourants

Deux vierges, amies de sainte Lidwine57, eurent une vue miraculeuse de ses derniers

moments ; entendant le Sauveur lui dire, au milieu de ses atroces douleurs : « Lidwine, ma bien

aimée, Lidwine, courage ! Encore un moment de courage ! Voici venir l’heure de la

récompense, l’heure du triomphe ! » Au son de cette voix, la vierge se ranime et dit à son

Rédempteur : Venez-vous me prendre ? Venez-vous m’arracher à mon exil et m’emporter avec

vous dans la patrie ? « Oui, Lidwine, oui; réjouis-toi, tes douleurs sont finies ; me voici ; tu ne

me quitteras plus ; ô mon épouse, viens régner avec moi ! » L’âme de la vierge aussitôt

s’élança, brisant ses liens mortels. Le ciel s’ouvrit et les élus chantaient : « Sois la bienvenue, ô

notre soeur Lidwine, en te voyant nous sentons nos joies s’accroître dans le Seigneur. » Jésus

la reçut en lui disant : « Viens, ma bien-aimée, approche, viens tout près de mon trône, c’est

aujourd’hui que je vais récompenser ton fidèle amour. » Il la couronna et les bienheureux

chantèrent : « Tu as eu, ô Lidwine, la foi des patriarches, l’espérance des prophètes et la

charité des apôtres ! Tu as eu, ô notre soeur, l’héroïsme des martyrs, la chasteté des vierges, la

sainteté des anges ! Sois couronnée comme les anges et les vierges, comme les prophètes et

les patriarches, comme les apôtres et les martyrs. »

Saint Dominique, étant saisi du plus ardent désir de voir son Dieu, Notre-Seigneur lui

apparut sous la forme d’un jeune homme d’une beauté ravissante, et lui dit, avec une douceur

infinie : « Dominique, mon bien-aimé, viens aux vraies joies, viens ! » Quelques temps après,

Dominique s’en allait aux cieux.

57Sainte Lidwine (1380-1433) fut, à partir de l’âge de 15 ans, en proie aux plus terribles maladies. Sa vie fut un long

martyre héroïquement enduré.

6. Jésus remplace les âmes dont nous pleurons l’absence

Comme on chantait la messe pour l’abbesse Gertrude, sainte Gertrude priait et pleurait

dans sa grande douleur ; le Seigneur vint la consoler par ses paroles pleine de tendresse : Ne

suis-je pas capable de remplacer tout ce que je vous ai enlevé ? Croyez avec confiance que

moi, qui suis la bonté même, je serai votre consolateur ; croyez que si, de toute votre coeur,

vous vous tournez vers moi, je serai pour vous tout ce que chacune de vous regrette d’avoir

perdu en elle. » (Liv. V, ch. Ier ; éd. lat., p. 511.)

7. Jésus console l’âme exilée

La vénérable Anne de Jésus58 avait un très grand désir de retourner en Espagne pour y

mourir, parce que à cause de ses infirmités, elle se croyait désormais inutile dans ce pays pour

le service de Notre-Seigneur. Comme elle se trouvait un jour à la fenêtre de communion pour

recevoir la sainte Eucharistie, le Maître lui fit entendre ces paroles : « Où je suis, ne resterezvous

pas vous-même ? » A l’instant même le désir qu’elle avait de s’en aller s’évanouit. (Vie, t.

II. Liv. II, ch. XII.)

8. Jésus console de l’oubli et des jugements méchants des créatures

Jésus m’a dit ce matin, écrit Gertrude-Marie : « Quand on ne fait nulle attention à toi, c’est

alors que Dieu s’occupe davantage de toi. » (23 février 1907.)

Un jour, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy59, je fis connaître à mon

confesseur et l’état et les sentiments de mon âme ; il me répondit : « Voilà quelque chose qui

vient de la mère Thérèse, n’imitez pas sa conduite60 »…Ces paroles de mépris m’affligèrent

beaucoup. Dans l’excès de ma peine je m’en allai au jardin et je me mis en oraison. Notre-

Seigneur m’apparut alors tel qu’il était sur la terre ; Il était revêtu d’une chape pontificale

éclatante de lumière. Il s’approcha de moi, souleva sa chape, et me montra la sainte

environnée de gloire ; Il la soutenait du bras et la tenait appuyée sur son Coeur ; Il me dit : « la

voilà, je te la montre ; ne te soucie pas de ce que l’on peut dire », après quoi la vision disparut.

Je me sentis embrasée d’un amour plus ardent à la vue de celui que Dieu portait à notre sainte.

Je la priai dans une autre circonstance de m’obtenir de Dieu la grâce de connaître la vertu qui

lui était la plus agréable. Elle me répondit que l’humilité était la vertu qui plaisait le plus au

Seigneur. (Vie, ch. XVII.)

9. Jésus console ceux qui sont surchargés d’oeuvres extérieures.

Comme sainte Gertrude priait le Seigneur de donner aux proviseurs du monastère le moyen

de payer leurs dettes, afin qu’ils puissent se livrer avec plus de soin et de dévotion aux

exercices spirituels. – « Et quel profit en retirerai-je, dit le Seigneur, puisque je n’ai nullement

besoin de vos biens, et qu’il m’est égal que vous vous occupiez d’exercices spirituels, ou que

vous vous fatiguiez aux labeurs du dehors, pourvu que votre volonté se dirige vers moi par une

intention pure ? Si je ne prenais plaisir qu’aux exercices spirituels, j’aurais certainement réformé

la nature humaine après la chute, en sorte qu’elle n’eut pas besoin de nourriture ou de

vêtements, ni des autres choses nécessaires à la vie, qui exigent tant de sueurs et d’industrie

de l’homme. Je prends, il est vrai, mon plaisir dans les exercices intérieurs des contemplatifs,

mais les diverses occupations consacrées à des affaires utiles où l’on cherche mon honneur et

mon amour, m’invitent également à séjourner et à faire mes délices parmi les enfants des

58La vénérable Anne de Jésus (1545-1621) , l’une des plus illustre parmi les filles et compagnes de sainte Thérèse, et qui

au jugement de saint Jean de la Croix fut son égale dans la vie surnaturelle, fut la fondatrice de Carmel réformé, en

France et en Belgique. (Vie, par le P. Berthold-Ignace de Sainte Anne, Dessain, Malines, 1882.)

59La bienheureuse Anne de Saint Barthélemy (1549-1626), compagne et coadjutrice infatigable de sainte Thérèse qui

mourut entre ses bras, vécut d’une vie très sainte et fonda plusieurs couvents de Carmes et de Carmélites en France et

en Belgique. (Vie, par les Carmélites de Fontainebleau, 1708, rééditées à la Bonne Presse, Paris, 1895.)

60Ainsi, même une aussi grande sainte que sainte Thérèse n’était pas goûtée de tous.

hommes, qui trouvent en de telles rencontres une plus belle occasion de s’exercer dans la

charité, la patience, l’humilité et les autres vertus. » (Liv. III, ch. LXIX)

10. Jésus dédommage ceux qui sont privés des offices et des cérémonies

Un interdit ecclésiastique ayant suspendu l’office divin, Gertrude s’écria : Comment nous

consolerez-vous, Seigneur, de la présente tribulation ? – «Vos gémissements, vos désolations

font mes délices, répondit le Seigneur, Mon Amour fera de nouveaux progrès en vous, comme

un feu renfermé ne fait qu’étendre davantage son activité. Les délices que je trouverai en vous

et l’amour que vous avez pour moi monteront comme une eau qui, après avoir été contenue, ne

s’élance ensuite qu’avec plus de force. » - Et combien de temps durera cet interdit? dit la

sainte.- « Tant qu’il durera, ces faveurs dureront également », dit le Seigneur. (Liv. III, ch. XVI.)

11. L’âme qui se trouve sans secours peut tout trouver en Jésus

Gertrude, examinant un jour sa conscience, y trouva des fautes dont elle aurait voulu

s’accuser, mais n’ayant pas de confesseur, elle se réfugia auprès du Seigneur, qui lui dit «

Pourquoi te troubler, ma bien aimée? Toutes les fois que tu le désireras, moi qui suis le

souverain Prêtre et le vrai Pontife, je serai à ta disposition, et chaque fois je renouvellerai en un

même temps dans ton âme les sept sacrements avec plus d’efficacité que jamais prêtre ni

pontife ne le pourront faire en les administrant l’un après l’autre. D’abord, je te baptiserai dans

mon sang précieux, puis je te confirmerai dans la vertu de ma victoire ; je ferai de toi mon

épouse dans la foi de mon amour ; je te consacrerai dans la perfection de ma très sainte vie;

dans la tendre affection de ma miséricorde, je te délivrerai de tout lien de péché ; dans l’excès

de ma charité, je te nourrirai de moi-même, et je me rassasierai en jouissant de toi à mon tour.

Dans la suavité de mon esprit, je pénètrerai ton intérieur d’une onction si efficace, que la

dévotion transpirera par tout tes sens, dans tous tes mouvements, ce qui sans cesse te

disposera de plus en plus, et te sanctifiera pour la vie éternelle. » (Liv. III, ch. LX.)

12. Directeur éloigné

Marguerite-Marie, désirant beaucoup être dirigée, demanda tous les jours à Notre-Seigneur

de lui envoyer quelqu’un pour la diriger: « Ne te suffis-je pas ? lui répondait cet aimable

Sauveur ; que crains-tu ? Un enfant autant aimé que je t’aime, peu-il périr entre les bras d’un

Père tout puissant ? » (Ed.Gauthey, II, p. 51.)

Lorsque Marguerite-Marie voulait réfléchir sur le départ du P. de la Colombière pour

l’Angleterre, Notre-Seigneur la reprenait ainsi : « Eh quoi ! Est ce que je ne te suffis pas, moi qui

suis ton principe et ta fin ? » (T. II, p. 103.)

Le directeur de la bonne Armelle ayant dû quitter Vannes, elle en ressentit une grande peine

et s’en plaignit amoureusement à Notre-Seigneur. Au moment de la communion, Jésus lui dit

amoureusement ces paroles : « Ma fille, je te fais comme aux enfants qu’on retire d’entre les

bras de leurs nourrice, afin de les loger dans la maison de leur père, et leur donner une

meilleure nourriture que celle qu’ils avaient auparavant; ainsi toi, je veux te loger en ma maison.

» Elle lui dit : Eh, Seigneur, où est votre maison ? Notre-Seigneur Lui montrant la plaie de son

côté sacré, la fit entrer par là dans son Coeur, lui disant que c’était là sa maison. Elle s’y trouva

dans un grand vide et une grande privation, mais dans une paix et un repos admirable. (Vie, ch.

XV.)

Sainte Thérèse était affligée de ce que son directeur à cause de ses nombreuses

occupations avait dû la quitter précipitamment et de qu’il ne pouvait lui donner les consolations

qu’elle jugeait nécessaires. Elle eut ensuite du scrupule de s’être, à cette occasion, laissée aller

à la tristesse. Notre-Seigneur lui dit de ne pas s’en étonner. « De même que les mortels

désirent trouver avec qui s’entretenir de leurs joies sensibles, ainsi l’âme lorsqu’elle a quelqu’un

qui la comprend, désire lui communiquer ses intérêts et ses peines, et elle s’attriste de n’avoir

personne avec qui le faire. » et il ajouta parlant de directeur: « Maintenant il est en bon chemin

et ses oeuvres me sont agréables. » (Relations, 13.)

Sainte Jeanne de Chantal priant Notre-Seigneur de lui donner un guide, il lui fut dit : «

Persévère et je te le donnerai. » La sainte ayant persévéré à le demander avec ardeur, le

bienheureux François de Sales lui fut montré dans une vision et elle entendit ces paroles : «

Voilà le guide bien-aimé de Dieu et des hommes entre les mains de qui tu dois reposer ta

conscience. » (Mémoires de la Mère de Changy, p. 466.)

13. Supérieure changée

Soeur Marie du Saint-Esprit qui fut convertie d’une vie imparfaite à une vie très fervente par

la Mère Françoise de la Mère de Dieu, raconte qu’au départ d’une Mère prieure, elle était fort

affligée quoique soumise à la volonté divine. La Mère Françoise étant au choeur, Notre-

Seigneur lui dit après la sainte communion : « allez à Soeur Marie du Saint-Esprit, et dites-lui

qu’elle ne pense pas que ç'ait été sans douleur que j’ai quitté ma sainte Mère pour aller à ma

passion ; et que je veux que par sa douleur elle honore la mienne. Encore qu’elle n’ait pas eu la

fidélité de se priver de la créature lorsqu’elle en pouvait jouir, je ne laisse pas par ma bonté de

vouloir la récompenser de la soumission qu’elle me rend ; il a fallu que moi-même je fasse ce

coup. » (Vie, ch. IX.) Combien de sacrifices nous ne ferions pas si Dieu ne nous les faisait

faire ; Il veut bien cependant les tenir pour méritoires.

14. A l’âme sans consolation Dieu seul doit suffire.

Sainte Mechtilde priait avec ferveur demandant à Dieu qu’il donnât les consolations de

l’Esprit-Saint à une personne extrêmement affligée. Le Seigneur lui dit : « Et pourquoi se

trouble-t-elle ? Je l’ai créée pour moi, je me suis donné à elle pour tout ce qu’elle peut désirer

de moi. Je suis son père dans la création, sa mère dans la rédemption, je suis son frère dans le

partage du royaume, je serai sa soeur pour lui donner une douce société. » ( IVe part., ch. L.)

Un jour sainte Mechtilde, excessivement troublée, se réfugia auprès de son fidèle

défenseur, qui lui apparut lui donnant, pour se soutenir, un bâton sans pommeau pour appuyer

la main. Comme la sainte s’étonnait que le bâton n’eût point de pommeau, le Seigneur lui dit : «

J’y placerai ma main pour t’appuyer ; ainsi, quand je te donne la consolation dans l’affliction,

apprends que tu reposes sur ma main ; mais si tu ne sens pas la consolation, c’est que j’aurai

retiré ma main et alors tu devras t’attacher à moi-même d’un coeur fidèle. » (IIe part., ch. XIII.)

15. Jésus rassure l’âme qu’effraient les grâces divines

Un jour que sainte Mechtilde recevait de Dieu une grâce d’une grande douceur, qui faisait

un grand bien à son âme le tentateur survint, jetant dans son coeur la crainte que ce ne fût pas

là un don de Dieu. Dans l’excès de son épreuve, la sainte se précipita aux pieds du Seigneur

Jésus et Lui dit : « Voici, Seigneur, que je vous offre ce don pour votre louange et gloire

éternelle, et je vous prie, si ce don ne vient pas de vous, que je ne le reçoive plus jamais, car je

serai contente d’être privée pour vous de toute douceur et de toute consolation. » Mais le

Seigneur, l’appelant par son nom, répondit : « Ma bien-aimée Mechtilde, n’aie pas de crainte. Je

te jure, par la vertu de ma divinité, que cette crainte et cette tristesse ne te nuiront pas, mais te

sanctifieront et te prépareront à ma grâce. Si la joie de ton coeur n’éprouvait de ces

contrariétés, ton coeur ne pourrait résister à l’excès de ma douceur. Ne soit donc pas étonnée

d’être en butte à ces pensées lorsque tu te trouves en ma présence, car le diable me tentait

encore lorsque j’étais attaché pour toi sur la croix. » (IIe part., ch. XII.)

16. Jésus ménage ses amis, même quand il les éprouve

Comme Gertrude, pensant aux consolations que Dieu lui donnait pour adoucir ses peines,

s’humiliait de ne pas les supporter avec assez de patience, le Seigneur lui dit : « En ceci

comme dans le reste, je fais voir ma tendre sollicitude pour toi ainsi qu’une mère fait envers son

petit enfant, l’objet de son amour. Ne pouvant pas le parer d’or et d’argent, dont le poids

l’écraserait, elle lui fait une parure de fleurs légères qui, sans être incommodes par leur poids,

ne laissent pas que de jeter un vif éclat. C’est ainsi que j’adoucis tes peines pour t’empêcher de

succomber sous leur poids, sans pourtant te laisser privée du mérite de la patience. » (Liv. III,

ch. LXIII)

17. Jésus cache les vertus de ses élus sous des apparences de défaut

Une personne, selon le désir de Gertrude, priant pour la correction de ses défauts, reçut

cette instruction : « Ce que Gertrude, mon élue, prend pour des défauts, ce sont de grands

progrès de son âme, car, à cause de ce que ma grâce opère en elle, il lui serait difficile de se

garder de la vaine gloire si ses vertus ne se dissimulaient pas sous des apparences de défauts.

De même qu’un champ couvert de fumier n’en devient que plus fertile, ainsi de la connaissance

qu’elle a de ses défauts, elle rapporte des fruits de grâce beaucoup plus savoureux. Quand,

avec le temps, je les aurai complètement transformés en vertus, son âme brillera comme une

lumière éclatante. » (Liv. Ier, ch. III.)

18. Peines causées par nos négligences divinement consolées

Durant les cérémonies d’une messe solennelle, Mechtilde s’étant laissée à la somnolence,

s’en affligeait devant le Seigneur, qui lui dit : « Si tu ne trouvais rien en toi qui te déplût, en quoi

reconnaîtrais-tu ma bonté à ton égard ? » (IIIe part., ch. XIV.)

Françoise de Bona avait de grandes vertus et de petites faiblesses. Un jour qu’elle priait

devant un crucifix, toute baignée de larmes, pour obtenir la délivrance d’une promptitude dont

elle ressentait quelquefois les innocentes saillies, elle entendit ces paroles qui en sortirent d’une

manière fort distincte : Si je te l’avais ôtée, tu aurais quelque chose de plus fâcheux. » (Liv. II,

ch. XVII.)

Une fois, raconte la Mère Marie du Divin Coeur, ayant commis des fautes d’impatience, je

demandais pardon à Notre-Seigneur et je Lui disais : Pourquoi me laissez-Vous toujours ces

fautes, puisque, par elles je ne fais que Vous offenser ? Il répondit qu’après être tombée dans

ces fautes et Lui avoir demandé pardon avec humilité et contrition, cette humiliation Lui donnait

plus de gloire que les fautes, commises plutôt par faiblesse humaine que par volonté, ne

l’offensaient parce qu’elles Lui donnaient occasion de montrer sa miséricorde et de laver l’âme

dans son précieux Sang et que par là son Sang précieux recevait chaque jour une nouvelle

fécondité. Une autre fois Notre-Seigneur lui fit, pour la rassurer, cette comparaison : « Si une

épouse en portant un vase précieux qui appartient à l’époux le laisse tomber par faiblesse ou

inattention, l’époux ne sera-t-il pas plus touché de compassion en pensant à la faiblesse de

l’épouse et au chagrin que lui cause son inattention, qu’il ne sera pas irrité de la perte du vase ?

» (Vie, ch. VIII.) Mais pour que la contrition répare à ce point nos négligences, il faut qu’elle soit

inspirée par le pur amour ; si nous nous attristions de nous voir toujours si misérables, cette

peine trop naturelle ne produirait pas le même effet.

19. L’âme qui tremble de se laisser emporter par un zèle trop ardent

Gertrude se plaignait au Seigneur de ne pouvoir contenir son indignation quand elle voyait

des choses contraires à la loi. Le Seigneur répondit : « Cette émotion ne trouble pas le bien de

la tranquillité, mais plutôt elle embellit ce rempart comme de différents créneaux, qui servent à

l’Esprit-Saint pour rafraichir plus sûrement l’âme en lui soufflant ses inextinguibles ardeurs. On

ne perd pas la vertu de concorde pour s’opposer à l’injustice ; et si le coeur éclate dans le zèle

qui le transporte pour moi, je me place sur la rupture, dont il pourrait souffrir, et je n’en conserve

que plus sûrement en lui le séjour et les opérations de mon Esprit divin. » (Liv. IV, ch. XXXVII.)

20. L’âme craignant d’être trop sévère

La Mère Agnès de Langeac dit un jour à Notre-Seigneur : J’ai peur, mon doux Jésus, de

vous offenser, travaillant rudement la personne que vous m’avez commise, mais je ne le fais

que pour obtenir d’elle quelque amour envers vous.- « Fais-en, lui répartit Notre-Seigneur,

comme de chose tienne. Quant à toi, persévère ma chère fille, dans le bien que tu as

commencé. Ne doute point de ma fidélité : je t’assisterai. Aime-moi, sers-moi et ne crains rien. »

(Vie, par Lantages IIIe part., ch. v.)

21. Jésus console l’âme qui craint d’être trop estimée

Gertrude demandait au Seigneur pourquoi il permettait qu’elle eût l’estime des hommes,

alors que lui et ses élus avaient voulu être méprisés du monde. Le Seigneur répondit : « Je

permets que certains conçoivent de toi une idée relevée, dont ils éprouvent de la douceur, et

qu’ils te traitent avec bonté, afin de les sanctifier ainsi, de les disposer à ma grâce, et de me les

rendre plus agréables. »(Liv. IV, ch. XXXV.)

22. Jésus console l’âme qui souffre de son impuissance

Dans le mois de mars 1823, Elisabeth Canori, anxieuse de ne pas faire assez pour son

Dieu, Le suppliait d’avoir pitié d’elle. Jésus daigna la consoler : « Ma fille, dit-il, ne t’afflige pas ;

console-toi, tu en as de justes raisons. Ma grâce t’a fait comprendre la perfection ; tu voudrais

la pratiquer ; mais les forces te manquent et de là viennent les angoisses. Aie confiance en moi

et ne cède pas à la crainte. Je ne demande pas de mes serviteurs ce qu’ils ne peuvent pas faire

sans une grâce toute particulière. Tu voudrais arriver à tenir ton regard si bien fixé sur moi que

tu ne penses à rien autre que moi, que tu ne parles que de moi. » - Oui, Seigneur, s’écria

Elisabeth, tel est bien mon désir, fixer mon regard sur vous et ne jamais le retirer. Jésus lui

répondit : « Ma fille, ceci n’est pas donné aux âmes voyageuses, mais seulement aux élus. Si tu

ne peux arriver à tenir toujours ton regard fixé sur moi, qui dans mon amour tiens toujours mon

regard fixé sur toi, ne t’en étonne pas : car je suis infini et toi tu es une créature bornée, revêtue

d’un corps fragile. Quand tu jouiras de la vision béatifique, tout obstacle sera enlevé. Contentetoi

de ce que ce saint désir martyrise ton coeur et que mon amour t’enseigne à souffrir…

Abandonne-toi et tu me trouveras ; sois sans volonté et sans aucune propriété ; résignes-toi

humblement à ma volonté ; plus tôt tu le feras, plus tôt tu me plairas. » (Biografia, ch. Xl.)

23. Jésus console l’âme religieuse qui souffre de ne pouvoir accomplir sa règle

Une fois, qu’à raison de maladie, Gertrude avait été dispensée de suivre la règle, elle s’en

plaignit au Seigneur, craignant de Lui être moins agréable en cet état qu’en suivant les

exercices de la communauté. Il lui répondit : « Est-ce que tu trouves que l’époux a moins de

plaisir, lorsqu’il entretient familièrement et avec tendresse son épouse dans la chambre

nuptiale, que lorsqu’il est tout fier de la voir se produire en public, dans tout l’éclat de sa

parure ? » (Liv. III, ch. XXII.)

La maladie empêchait Gertrude de glorifier Dieu comme elle l’aurait souhaité, et elle s’en

plaignait à Notre-Seigneur : Quel honneur recevez-vous maintenant de moi qui suis là, assise,

inutile et indolente, vous adressant à peine une ou deux paroles ou quelque chant ? A quoi un

jour le Seigneur répondit : « Quelle satisfaction tu aurais si un ami t’offrait, une fois ou deux, à

boire d’excellent hydromel tout frais, que tu croirais capable de te fortifier ! Eh bien, sache que

j’ai encore plus de plaisir à ce peu de paroles ou de chants avec lequel tu veux célébrer mes

louanges. » (Liv. III. ch. LIX.)

24. Les sentiments violents ne sont pas nécessaires

Bénigne Gojoz ressentait de la peine de ne plus éprouver les grandes anxiétés qu’elle avait

ressenties auparavant de voir arriver l’heure de ses oraisons et le temps de la nuit pour mieux

jouir de son Bien-Aimé. La Parole divine répondit à cette peine : « Je suis avec toi en tout

temps et en tous lieux. Ma fille, l’eau coule toujours doucement et comme naturellement dans

les grand fleuves ; mais dans les torrents elle fait grands bruit, parce que, grossis par d’autres

eaux, ils inondent quelquefois par leur rapidité les terres voisines, et d’autres fois restent à sec

eux-mêmes ; ainsi ma fille, ces surabondances de miséricorde qui te causent ces anxiétés, ces

motions et ces excès ne te font pas jouir de moi avec plus de plénitude que ma grâce,

lorsqu’elle coule paisiblement en ton âme, à la façon des grands fleuves qui sont intarissables.

Souviens-toi que si la douceur de mes communications est ta bonne part pour te vivifier, mes

souffrances aussi en sont une autre salutaire pour te sanctifier et enrichir de mérite. Je donne

mes grâces, je dépars mes dons, j’offre, je prends tout, selon mon bon plaisir dans les âmes qui

sont à moi et à qui je me donne, parce que les biens sont communs entre vrais amants. » (Vie,

ch. X.)

25. Jésus console l’âme qui se croit abandonnée

La bienheureuse Angèle raconte ceci : J’étais dans la tribulation ; je ne sentais rien de Dieu,

et il me semblait que j’étais comme abandonnée de lui. Je ne pouvais plus confesser mes

péchés… je ne pouvais même plus louer Dieu ni me tenir en oraison… Je demeurais en cette

tribulation si forte et si horrible quatre semaines et plus. Alors j’entends cette parole divine : «

Ma fille aimée du Dieu tout-puissant et par tous les saints du paradis, Dieu a placé son amour

en toi, il a pour toi plus d’amour que pour aucune autre femme de la vallée de Spolète. » Mon

âme répondit, disant et criant parce qu’elle doutait : Comment puis-je le croire alors que je suis

remplie de peine et qu’il me semble être comme abandonnée de Dieu ? Il répondit : « C’est

quand tu te crois plus délaissée que tu es plus aimée de Dieu et qu’il se tient plus près de toi. »

( Doncoeur, p. 109 ; Ferré, p. 131.)

Le Frère Arnauld l’ayant priée de demander là-dessus au Seigneur plus de lumières, il lui fut

dit : « Dis au Frère : Pourquoi est ce que pendant toute cette tribulation elle n’a pas moins aimé,

mais davantage, quand il lui semblait qu’elle était abandonnée ? Et dis-lui : C’est moi qui la

soutiens ; car si je ne la soutenais, elle serait submergée. » Et il lui donna l’exemple d’un père

qui aurait un fils très cher et qui lui mesurerait ses aliments. Il les lui mesure afin qu’ils lui soient

plus profitables. Il ne lui permet ni de boire du vin pur, ni de manger avec excès, de peur que

cela lui soit nuisible ; il lui mesure tout afin qu’il grandisse davantage. (Doncoeur, p. 113 ; Ferré

p. 136.)

Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Observe la règle de vie que je t’ai donnée, ne

l’abandonne jamais ; et si quelquefois les rayons de ma lumière s’obscurcissent, si tu cesses de

goûter les douceurs de ma présence après laquelle tu soupires, ce ne sera que pour éprouver

ta foi et te prouver ce que tu es par toi-même sans cette joie souverainement ineffable. Lorsqu’il

me plaira de me communiquer plus largement, tu expérimenteras alors infailliblement que c’est

par Moi seul que tu es devenue lumineuse et grande. Aie confiance, car au moment où je

paraîtrai me soustraire, je serai encore avec toi et ne t’abandonnerai jamais... Si tu ne me

possédais pas déjà, tu n’en aurais pas même le désir à ce degré, car c’est par lui que tu grandis

en mérites. Désormais tu souffriras cette soif sans te plaindre, comme tu l’as fait autrefois. »

Une autre fois Il lui dit qu’elle était la petite plante qu’Il avait plantée dans le jardin desséché

du monde. « Tu me dis dans ta douleur que ton coeur s’est refroidi dans sa charité ; c’est une

illusion basée sur l’infirmité de ton corps qui t’interdit maintenant certains jeûnes, prières et

autres oeuvres que tu avais coutume de pratiquer autrefois ; malgré cela je te dis en vérité que,

bien que ce corps paraisse privé de vie, il vit en moi et toujours dans sa première ferveur.

Comment en serait-il autrement, puisque tu m’as tout donné ; il est vrai que ce que tu m’as

donné est peu de chose, mais le Dieu qui sait tout n’ignore pas que si tu avais pu donner

davantage, tu l’aurais fait volontiers… Ma fille, ne doute pas de mes promesses, puisque tu t’es

faite pauvre pour mon amour. Ceux qui m’ont vu ne m’ont pas connu ; toi tu me connais sans

m’avoir vu. » -Seigneur, dit Marguerite, je suis étonnée que le monde ne courre pas à vous

avec empressement. Jésus lui dit : « Je me donne dans la même mesure que l’on se donne à

moi. (Vie intime, ch XI § 2 et 8.)

Jésus dit un jour à Gemma Galgani : « Sache, ma fille que pendant que tu souffrais, j’étais

toujours près de toi ; je voyais tes travaux et je m’en réjouissais… Tu te lamentes parce que je

te laisse dans ces ténèbres, sache qu’après les ténèbres viendra la lumière et alors tu seras

inondée de clartés. Je te fais passer par cette épreuve pour ma plus grande gloire, pour la joie

de mes anges, pour ton propre avantage et pour que tu serves d’exemple au prochain. Si tu

m’aimes véritablement, tu dois m’aimer même dans les ténèbres. Je prends plaisir à me livrer

avec les âmes qui me sont les plus chères, à des jeux d’amour. Ne t’afflige pas si je feins de te

délaisser, ne crois pas que c’est un châtiment, c’est une invention de ma tendresse pour te

détacher entièrement des créatures et t’unir à moi. Quand il te semblera que je m’éloigne de toi,

sache qu’au contraire je te serre plus fortement ; quand je parais être loin, je suis plus près de

toi. Aie courage ; après le combat vient la paix. Fidélité et amour ; voilà ce qu’il te faut ; patiente

donc maintenant si je te laisse seule, souffre avec résignation et console-toi. Je te conduis par

des voies âpres et douloureuses, tu dois regarder comme un honneur d’être ainsi traitée ; ce

martyre quotidien et caché éprouve et purifie ton âme. Cherche alors de grandes vertus, cours

dans la voie de la sainte conformité au divin vouloir, humilie-toi et rassure-toi car si je te tiens

sur la croix, c’est que je t’aime. N’imite pas certaines âmes qui s’attachent aux consolations et

aux goûts spirituels, et qui n’aiment guère la croix. Quand vient pour elles l’heure des aridités,

elles diminuent peu à peu leurs prières, parce qu’elles n’y trouvent plus les consolations

qu’elles ressentaient autrefois. » (Biografia, ch. XXI)

« Tu te fatigues à m’appeler, dit un jour Jésus à Véronique Juliani, mais je suis avec toi. Me

voici » (Diario, 8 septembre 1696.)

26. Jésus rassure l’âme qui se croit éprouvée

Le bienheureux Jacques de Bévagna, de l’ordre des Frères Prêcheurs, fut éprouvé par des

peines intérieures très vives. Se croyant abandonné de Dieu, la crainte de la damnation

éternelle plongeait son âme dans une tristesse inconsolable. Un jour qu’il priait et pleurait

devant son crucifix, le Seigneur Jésus fit tomber sur lui, de la plaie de son Coeur, une pluie de

sang qui le couvrit tout entier : « Que ce sang, lui dit le Consolateur Jésus, soit pour toi le signe

assuré de ton salut éternel. » A l’heure de son agonie, Notre-Seigneur Jésus-Christ, la très

Sainte Vierge Marie, saint Georges, martyr et saint Dominique lui apparurent. Une voix du ciel

adressa ces paroles à ceux qui intercédaient pour lui pendant les prières de la recommandation

de l’âme : « Ne priez pas Dieu pour lui, mais priez-le lui-même pour vous. »

27. Jésus rassure et instruit

Notre-Seigneur, pour dissiper les appréhensions d’Agnès de Langeac qui craignait d’être

trompée par le malin esprit, lui apparut vêtu d’une longue robe de couleur tirant sur le violet. Il

avait les cheveux longs et comme roux, la barbe était de même couleur ; les plaies de ses pieds

et de ses mains brillaient comme les rayons du soleil ; à cette vue, Agnès se jeta par terre,

effrayée, s’humiliant devant Dieu profondément ; elle entendit alors au fond de son coeur la voix

de son Bien-Aimé qui disait : « Ne crains point, je suis ton Epoux ; je suis fidèle à mes

épouses ; tu me vois dans la même forme que j’avais quand je vivais dans le monde. N’aie

point de peur et lève-toi ; pourquoi as-tu tant de crainte d’être trompée ? Il y a aujourd’hui un an

que je t’assurai que Satan n’aurait plus de pouvoir sur toi. A–t-il eu la hardiesse de te battre

depuis? » - Non, mon cher Epoux. « - Pourquoi donc es tu encore dans la crainte, ayant

reconnu les effets de mes promesses ? – C’est ma grande misère répliqua-t-elle, qui me cause

ces appréhensions. Notre-Seigneur souriant : « Assure-toi que depuis ta consécration par les

eaux de la religion, j’ai eu un soin particulier de toi et que je continuerai de le prendre. Pour te

prouver que tu n’es pas trompée tu me verras aujourd’hui à la sainte messe en la forme d’un

petit enfant, la tête couronnée de rayons ; et en la communion tu me verras entre les mains du

prêtre, sortant du milieu d’une lune et tenant d’une main un soleil très lumineux. » Puis,

changeant de discours, Il lui dit : « pourquoi as-tu voulu sauter les murailles du monastère ? » –

C’est, mon Seigneur, que vous me donniez des grâces visibles auxquelles vous savez combien

j’ai de répugnance, et vous savez aussi, mon doux Jésus combien de fois je vous ai supplié de

me conduire par un autre chemin, ne voulant que la croix toute nue. Le fils de Dieu témoigna

par son maintien qu’il agréait fort en elle cette disposition à la pure souffrance et, se plaisant à

la lui faire protester: « Tu ne veux rien de ce que je te donne ? » - Non, mon ami, non, mon

Epoux, répondit Agnès, je ne veux point de ces grâces extérieures ; rien que des peines et des

douleurs !... « Ne te fais-je pas assez pâtir ? poursuivit Notre-Seigneur. Tu souffre les peines du

purgatoire ; outre cela, je t’ai fait voir les peines de l’enfer. C’est la part que tu as demandée aux

premières qui met ton corps dans cette grande et continuelle souffrance. » - C’est ce que je

veux, mon Seigneur.- « Tu as bien fait de refuser ces croix extérieures ; je t’en aime davantage.

Mais pourquoi ne quittes-tu pas la voie de la crainte, puisque je t’ai fait dire si souvent qu’il

fallait marcher par celle de l’amour, qui est la plus courte et la plus assurée ? » - C’est ma

misère, ô mon Tout, et mon peu de foi qui en sont la cause. – « Ma fille, qui connaît aime, et qui

aime craint ; l’un et l’autre sont bons. » Agnès ajouta : Eh ! mon Epoux, que fais-je dans cette

maison, que manger et boire ? Tirez-moi après Vous, mon doux Jésus ! – « Quand tu manges

et bois, tu pratiques l’obéissance, et en cela tu me sers. » Comme c’était la fête de la

Chandeleur, Il ajouta : « C’est à ma chère Mère que tu feras les offrandes pour toutes les

religieuses. Marie me les présentera ensuite afin que je les reçoive mieux venant d’une

meilleure part. Maintenant, ma fille, vas te préparer à me recevoir. » Quand Agnès eut fait la

sainte communion, son époux lui apparut et dit : Sache, ma chère fille, que cette lune, dont tu

m’as vu sortir, représente ma chère Mère. Elle est la vraie lune sans changement, qui a chassé

les ténèbres par ses vertus. Je suis sorti de son sein. C’est la plus belle et la plus parfaite de

toutes les créatures. Elle a été la plus humble de toutes et m’a plus aimé qu’aucune autre. C’est

elle qui donne de l’amour aux chérubins et aux séraphins, tant elle est pleine de dilection.

Bienheureux sont ceux qui la servent, qui l’aiment et l’imitent ! Quant à ce soleil que tu as vu

dans ma main droite, il représente ton Epoux. Je suis le vrai soleil de justice qui fait fondre les

coeurs les plus glacés, les coeurs plus durs que le diamant. C’est moi qui suis l’amour même. Je

l’ai montré dans l’excès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui s’y entretiennent,

quoique le nombre en soit fort petit ! Ceux qui la méditent n’auront pas peur des dernières

paroles que je dirai aux pécheurs lors du dernier jugement. » (IIIe part., ch. v.)

28. Encouragements divins

Un jour de Noël, Jésus dit à Marguerite de Cortone : « Ma fille, tu es dans la tristesse ;

demande-moi en ce moment ce que tu voudras. » Elle répartit : Seigneur, accordez-nous la

grâce de ne vous offenser jamais.- « Pourquoi ne me demandes-tu pas la gloire de mon

royaume ? » Marguerite reprit : Accordez-moi, ô mon Dieu, ce que je vous demande, c'est-àdire

de vous servir toujours, de ne vous offenser jamais, puis placez-moi où il vous plaira. Cette

réponse fut si agréable au petit Enfant de Bethléem qu’Il lui dit : « Tu es mon esclave par tes

péchés passés, ma servante par tes pénitences actuelles, ma soeur par ton état de grâce, et

ma fille par le gage que tu as reçu de ma gloire éternelle. »

Le jour de la Purification de Marie, Marguerite, avide de se nourrir du pain des anges,

n’osait approcher de la sainte Table par humilité, se regardant comme digne de tout mépris

devant le Seigneur, parce qu’Il lui avait soustrait les délices de sa présence. Moi, son indigne

confesseur, j’essayai de rendre la confiance à son coeur timoré. J’y réussis tellement qu’elle

voulut se confesser immédiatement, et, l’ayant absoute, je lui ordonnai de communier quand

même elle ne sentirait aucune consolation, l’assurant qu’elle recevrait malgré tout une

augmentation de grâces. Ayant récité le Confiteor, j’envoyai chercher le prêtre qui devait la

communier. Elle reçut la sainte Hostie avec le plus profond respect, mais comme elle ne

ressentait aucune joie intérieure, contrairement à l’habitude, elle s’en plaignit amèrement à

Notre-Seigneur, qui lui dit : « Ma fille, ne t’étonne point si tu n’as ressenti aucun goût ; ton âme

n’y était point disposée avant de me recevoir. Je me donne tel que je te trouve. » Elle répondit :

J’hésitais vraiment à m’approcher de vous, parce qu’il me semblait que mon âme n’était pas

digne de recevoir un si grand sacrement. – « Ma fille, répondit Jésus, il me plaît que tu me

reçoives ; celui qui t‘a fortifiée et t’a poussée à approcher de moi, a donné force et courage à la

mère des pécheurs ; car je te fais la mère des pécheurs ; et qui te prête secours pour venir à

moi le prête à la mère des pécheurs. De même que j’ai formé ma Mère, la très Sainte Vierge

pour le salut du monde, de même, toute proportion gardée, je te choisis pour miroir et mère des

pécheurs. Et puisque par ma grâce je te destine à être magnifique dans le ciel, je ferai de toi

une sainte sur la terre. Je ne devrais pas dire : je te ferai, car par mon infinie miséricorde tu l’es

déjà. Tu dis que tu es privée de toute vertu ; et moi je te dis que tu en es ornée. Tu dis que tu es

pauvre parce que je te manque ; et moi je te dis que tu possède en moi un trésor infini. Ma fille,

dans le coeur de laquelle je trouve le repos, je ne te nomme pas le lis de mon jardin, mais le lis

de mon champ, car le parfum de tes vertus pénètrera ceux même qui sont pourris de vices, et

ceux qui n’ont pour moi aucun amour, se sentiront attirés à l’odeur de ta sainteté. Et de même

que la brise porte au loin l’odeur des lis, moi je porterai partout l’odeur de tes vertus… Cesse de

t’étonner si je me donne à toi tel que je te trouve. Ton âme est distraite et tiède en beaucoup de

tes travaux. Vois sainte Madeleine auprès du jardin du sépulcre ; je me suis présenté à elle

sous la forme qu’elle avait de moi dans son esprit. Je t’ai fait l’échelle des pécheurs, afin qu’ils

montent vers moi par les exemples de ta vie. » Mais en quoi, reprit Marguerite, puis-je servir de

modèle aux pécheurs ? – « Ils imiteront, dit Jésus, tes abstinences, tes jeûnes, ton humilité, tes

prières, les tribulations que tu as supportées pour moi avec tant d’empressement. Ils imiteront

la douceur de tes saintes conversations, la mansuétude qui a été le cachet de ta vie. Ils

imiteront l’honnêteté de tes moeurs depuis ta conversion et le soin que tu a pris de fuir le

monde. » Enivrée de joies, la sainte avait absolument oublié de faire mémoire de moi auprès de

Jésus, mais le très suave et très doux rémunérateur de toutes choses, Jésus, lui dit : « Tu dois

prier pour ton conseiller et ton confesseur, car tu lui dois beaucoup. » - Il est vrai, Seigneur, que

je lui dois beaucoup. C’est pourquoi je le recommande avec instance à votre divine Majesté,

d’autant plus qu’il ne m’a jamais parlé avec tant d’onction qu’aujourd’hui. – « S’il a si bien parlé,

reprit Jésus, c’est que je te parlais moi-même par sa bouche. » (Vie intime, ch. VII, § 16 et 20.)

29. Jésus rassure l’âme qui craint de s’accorder trop de douceurs

Une nuit que Gertrude, très affaiblie par l’exercice des puissances de son âme, avait pris

une grappe de raisins, avec l’intention d’en rafraichir en elle-même le Seigneur. Il agréa cette

action et Il lui dit : « Je reconnais présentement que je suis récompensé de l’amertume dont,

pour ton amour, je fus abreuvé, quand sur la croix on me présenta l’éponge, puisque, au lieu de

ce breuvage, je goûte dans ton coeur une indicible douceur et, plus purement tu rechercheras

ma gloire en récréant ton corps, plus je trouverai de douce réfection pour moi dans ton âme. »

(Liv. III, ch. LVII.)

Le Seigneur dit un jour à Gertrude : « Quand tu fais avec difficulté quelque chose au dessus

de tes forces pour ma gloire, je l’accepte comme si j’en avais absolument besoin pour mon

honneur ; mais lorsque, laissant le reste de côté, tu fais ce que réclame le bien-être de ton

corps en dirigeant vers moi ton intention, je l’accepte, comme si moi-même, malade, je n’avais

pu m’en passer. Ainsi, je récompense en toi l’un et l’autre, comme l’exige la gloire de ma divine

magnificence. » (Liv. III, ch. LIX.)

Un jour que fatiguée, sainte Gertrude prenait un peu de repos, le Seigneur lui dit avec une

douce sérénité: « Celui qui s’est lassé aux oeuvres de la charité a parfaitement le droit de se

reposer dans le tranquille appartement nuptial de la charité. » (Liv. IV, ch. XXXV)

Sainte Thérèse fut plus d’une fois rassurée par le bon Maître et encouragée par Lui à

accorder à la nature ce qu’elle réclame légitimement. Songe ma fille, qu’après ta mort, tu ne

pourras plus accomplir pour mon service ce que tu fais maintenant. Prend pour moi la nourriture

et le sommeil ; tout ce que tu fais, fais-le pour moi, comme si tout cela n’était pas vécu par toi,

mais par moi-même. C’est là ce que disait saint Paul61» (Relation, 42)

Un jour que la sainte, éprouvant une grande faiblesse faisait un effort pour avaler un peu de

pain, Jésus lui apparut, rompit ce pain et lui en porta un morceau à la bouche en disant : «

Mange ma fille et résigne-toi de ton mieux. J’ai de la peine de te voir souffrir, mais c’est là

maintenant ce qui te convient. » (Relation, 12.)

Se trouvant obligée d’entretenir assez longuement un de ses frères, Thérèse en eut quelque

scrupule, craignant de violer les constitutions qui mettent en garde contre les relations trop

fréquentes avec des proches. Notre Seigneur lui dit : « Tu te trompes, ma fille, vos règles ne

61Ce n’est plus moi qui vit, c’est Jésus qui vit en moi (Galat. II, 20).

vous enseignent qu’une chose : à vivre conformément à ma loi. » (Relation, 35.)

Une autre fois que Thérèse craignit de goûter trop de satisfaction dans ses rapports avec

les guides de son âme, Notre-Seigneur lui dit : « Que si un malade en danger de mort se voyait

redevable de la santé à un médecin, évidemment ce ne serait pas vertu de sa part de ne lui

porter ni reconnaissance ni affection. Qu’aurait-elle fait sans un tel secours ? La conversation

des personnes de vertu ne nuit point. Elle devait avoir soin que ses paroles fussent mesurées

et saintes, moyennant quoi elle pourrait continuer ces relations : loin de lui nuire, elles lui

seraient très utiles. » (Vie, ch. XL.)

Sainte Brigitte ayant un jour trop jeuné et trop veillé, la tête et le coeur lui défaillaient, si bien

que Jésus lui parlant, elle ne comprit pas bien. Alors le Sauveur lui dit : « Va, donne au corps

avec modération ce qui lui est nécessaire, car c’est mon plaisir que la chair ait dans une juste

mesure ce dont elle a besoin, et que l’âme ne soit pas empêchée par la faiblesse de s’adonner

aux choses spirituelles. » (Liv. VI, ch. XCI.)

30. Jésus enseigne comment il faut subvenir aux besoins de la nature en purifiant

son intention

On invitait Gertrude, vu son extrême faiblesse, à prendre quelque nourriture ; comme elle

résistait, le Seigneur qu’elle avait consulté, l’y encouragea en lui disant : « Prend par amour

pour moi tout ce qui t’est nécessaire et commode, afin qu’ainsi tu te conserve vivante plus

longtemps à mon service : en toute chose où tu trouveras de la commodité, observe de même

trois points : Premièrement de faire tout avec joie pour ma gloire. Secondement, de n’accepter

ces soulagements qu’afin de souffrir plus longtemps pour mon amour. Troisièmement, de

consentir volontiers, pour mon amour à demeurer privée des douceurs de ma présence aux

cieux, autant que cela me plaira, et à demeurer en cette vallée de misère. Tant que tu

accepteras les soulagements dans cette intention, je le prendrai comme si un ami buvait tout le

fiel offert à son ami, et lui donnait en place le nectar le plus exquis. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat.,

p. 370.)

31. Jésus, le délassement de l’âme fatiguée

Gertrude, fatiguée, se retira dans sa cellule, demandant au Seigneur de parler à son âme. Il

lui dit : « Comme la divinité s’est reposée en mon humanité, ainsi ma divinité se repose

maintenant et se délecte dans ta lassitude. Voici deux points que je viens proposer à ta

méditation : considère donc qu’il n’y a rien de plus utile à l’homme en cette vie que de se

fatiguer en des travaux tels que ma divinité trouve son charme à s’y reposer ; et ainsi qu’il se

dévoue pour le prochain dans les oeuvres de la charité. » (Liv. IV, ch. XXIII ; éd. lat., p. 372.)

32. L’âme sainte est le ciel de Dieu

L’âme de Mechtilde se sentant éloignée de Dieu songeait à ces paroles du prophète : «

Hélas ! le Seigneur m’est apparu bien loin. » (Jérémie, XXXI, 3.) Le Seigneur lui dit alors «

Qu’est-ce que cela fait ? Partout où tu es, là est mon ciel : que tu dormes, que tu manges, ou

que tu fasses tout autre chose, ma demeure est toujours en toi. » (IIIe part., ch. XLIX.)

33. L’âme fidèle est dans le Coeur de Jésus

Une fois que Mechtilde priait pour une personne, elle vit son âme dans le Coeur divin

comme un petit enfant, et le Seigneur dit : « Qu’elle vienne ainsi me trouver dans toutes ses

tribulations, qu’elle se tienne à mon Coeur divin, y cherchant la consolation, et je ne

l’abandonnerai jamais. » (IVe part., ch XXXVII.)

34. Jésus agit avec l’âme fidèle comme la mère avec son enfant

Se sentant sans force et très abattue, sainte Gertrude dit au Seigneur : « Que deviendrai-je

Seigneur ? Que voulez-vous faire de moi ? » Le Seigneur répondit : Comme une mère console

ses enfants, moi aussi je te consolerai », et lui rappelant qu’elle avait vu une mère caresser son

petit enfant, Il lui fit remarquer trois choses auxquelles elle n’avait pas fait attention.

La première est que cette mère demandait souvent à son enfant de la baiser ; et l’enfant,

tout faible qu’il était, se soulevait pour satisfaire à cette demande. Le Seigneur ajouta qu’elle

devait, elle aussi, s’élever avec grand travail, par la contemplation, à la jouissance de l’objet

très doux de son amour.

En second lieu, la mère mettait à l’épreuve la volonté de l’enfant en lui disant : Veux-tu ceci,

veux-tu cela ? et ne lui accordait ni une chose ni l’autre. Ainsi Dieu tente l’homme en lui

inspirant quelquefois l’appréhension de grandes afflictions qui n’arrivent jamais ; mais du

moment que l’homme se soumet, cela suffit parfaitement à Dieu, et rend l’homme digne d’une

récompense éternelle.

La troisième chose était que personne, si ce n’est sa mère, ne pouvait comprendre le

langage de l’enfant, encore trop jeune pour pouvoir former ses paroles ; ainsi Dieu seul connaît

l’intention de l’homme, et le juge en conséquence, à la différence des hommes qui ne regardent

qu’à l’extérieur. (Liv. III, ch. xxx, n°26 ; éd. lat., p. 190.)

35. Jésus avec nous dans les oeuvres entreprises pour sa gloire

Saint Camille de Lellis (1550-1614), voulant établir l’ordre des clercs réguliers pour le

service des malades, rencontra de si grands obstacles dans la réalisation de ses desseins, qu’il

était tenté de découragement. Une nuit, pendant son sommeil, il lui sembla voir le Crucifix qui,

tantôt inclinait sa tête et le regardait, en lui adressant ces paroles : « Ne crains rien, je t’aiderai

et serai avec toi » ; tantôt détachait ses mains de la croix, et les étendaient vers lui, en lui disant

: de quoi t’affliges-tu ? Poursuis cette affaire ; je viendrai à ton secours, ce n’est pas ton

entreprise, c’est la mienne. » (Les petits Bollandistes, par Mgr Guérin, au 18 juillet.)

La bienheureuse Anne de Saint- Barthélemy raconte comment une fois le Sauveur eut pitié

des peines de sa fidèle Thérèse ; voici son récit : A l’époque où la Réforme souffrait de grandes

persécutions et où le nonce avait ordonné d’emprisonner tous les Carmes Déchaussés, notre

sainte Mère reçut, la veille de Noël, des lettres lui annonçant que ses enfants allaient être

exterminés et ses couvents détruits. Elle en éprouva une très grande douleur ; Je la priai

cependant de prendre une collation avant d’aller à Matines. Elle se rendit, en effet au réfectoire,

mais elle était si accablée qu’elle ne pouvait se résoudre à manger. Notre-Seigneur lui apparut

alors, coupa lui-même son pain et lui mit un morceau dans la bouche, en disant : « Mange, ma

fille, tu souffres beaucoup pour moi, prends courage. » Ces paroles mirent le comble à sa

douleur et deux ruisseaux de larmes coulèrent de ses yeux tout le temps de Matines.

(Vie de la vénérable Anne de Saint Barthélemy, ch. XVI )

36. Dieu, le seul Ami fidèle

Une personne ne répondant pas au zèle de Gertrude pour son salut, la sainte se réfugia

auprès du Seigneur qui la consola en ces termes : « Ne t’attriste pas, ma fille, car j’ai permis

que cela arrivât, pour le plus grand bien de ton âme ; j’aime beaucoup à converser et à

demeurer avec toi ; et j’ai voulu ainsi jouir plus souvent de ce bonheur. La mère d’un petit enfant

tendrement aimé désire l’avoir toujours auprès d’elle ; quand il veut s’éloigner pour aller jouer

avec ses petits camarades, elle place dans le voisinage quelque épouvantail pour faire peur à

l’enfant, qui accourt aussitôt se réfugier dans son sein. Ainsi, comme je désire t’avoir toujours à

mon côté, je permets que tes amis te causent quelque peine. Ne trouvant alors de fidélité

parfaite en aucune créature, tu recours à moi avec d’autant plus d’ardeur que tu trouves là une

plus grande abondance de jouissances et une fidélité plus assurée. Une tendre mère cherche à

adoucir par ses baisers les chagrins de son petit enfant, ainsi je veux par de douces paroles

calmer toutes tes peines et tes contrariétés. » Et lui présentant son Coeur, Il lui dit : « Voici

maintenant ma bien-aimée, tout ce qu’il y a de plus caché dans mon Coeur : considère

diligemment avec quelle fidélité j’y ai déposé tout ce que tu as fait à mon intention, et comme je

l’ai enrichi pour le plus utile et le plus salutaire profit de ton âme ; vois encore si tu peux te

plaindre que j’aie, même d’un seul mot, manqué de fidélité. » (Liv. III, ch. LXIII.)

37. Jésus, la force des martyrs

Au milieu des combats qu’il eut à soutenir et des supplices à endurer, saint Procope, martyr,

conjura le Seigneur de ne pas l’abandonner : « Ne craignez rien, lui dit Notre-Seigneur, je serai

toujours avec vous. » (Les petits Bollandistes par Mgr Guérin, au 8 juillet.)

Au milieu de ses supplices, saint Georges, martyr, fut consolé par une voix du ciel qui

disait : « Georges, ne crains rien, car je suis avec toi. » (Ibid., au 23 avril.)

Pendant les cruelles tortures de son martyr, saint Victor de Marseille demanda à Dieu une

pieuse résignation. Jésus lui apparut, tenant en main le glorieux étendard du combat, la croix. «

La paix soit avec toi, généreux Victor, lui dit-Il, je suis Jésus ; c’est moi qui souffre dans mes

saints les injures et les tourments. Combats en soldat courageux, sois fort et constant ; je suis

avec toi pour être ton ferme appui dans la lutte et ton fidèle rémunérateur après la victoire, au

sein de mon royaume. » Lorsque Victor eut rendu le dernier soupir, on entendit une voix venant

du ciel, qui disait : « Tu as vaincu, généreux Victor, tu as vaincu ! » (Ibid., au 21 juillet.)

Livré aux plus affreux supplices, Saint Pantaléon, médecin, eut recours au Seigneur, qui lui

apparut sous la figure d’un vieillard et lui dit : « Je suis avec toi dans tout ces tourments que tu

souffres pour mon amour avec une si grande patience. » (Ibid., au 27 juillet.)

CHAPITRE VII : Jésus Victime

1. Combien il est salutaire à l’âme de penser à la passion

Le Seigneur a assigné ses saintes plaies comme l’école où mon âme doit s’instruire,

raconte sainte Véronique Juliani. Il me disait : « Tu ne dois jamais entreprendre aucune oeuvre,

sans entrer tout d’abord dans ces plaies amoureuses pour apprendre comment tu dois faire

cette oeuvre ; et tu dois faire ainsi toujours, aussi bien pour les choses extérieures que pour les

choses intérieures. » (Diario, 22 marzo 1697)

« Tu es mon épouse, dit un autre jour le Sauveur à la même sainte. Quand tu te mets à faire

oraison, tu dois de suite prendre place dans mes plaies, car elles sont les chambres de mes

épouses, de toutes les âmes qui me sont chères.(Diario, 1 maggio 1697.)

Mais tous ne profitent pas également de la pensée des souffrances de Jésus : « Ma

passion, a-t-il dit à Gertrude-Marie, reste et restera toujours un mystère, parce que jamais les

hommes ne comprendront tout ce que j’ai souffert pour eux. Une âme ne comprendra mes

souffrances que dans la mesure où elle y participera. » (1er octobre 1907.)

« Ma fille, dit Jésus à Marguerite de Cortone, tant que tu es demeurée près de ma croix, je

t’ai enrichie des dons de ma grâce, et je t’en eusse donné davantage si tu ne t’en étais pas

éloignée. Retourne donc à cette croix selon ton habitude et reste à ses pieds depuis le milieu

de la nuit jusqu’à None. Là tu recevras les dons spirituels et les vertus dont je t’ai déjà ornée,

c'est-à-dire la lumière de la vérité pour toi et pour les autres et la force invincible contre les

tentations à venir. » (Vie intime, ch. V, § 12.)

« Vois-tu, Bénigne, dit Jésus à l’humble Visitandine, rien ne me plaît davantage que de voir

dans les hommes le souvenir de mes travaux et de ce que j’ai enduré pour eux. Ceux qui

s’éloignent de cette pensée me ravissent, autant qu’il est en leur pouvoir, la gloire que je me

suis acquise par mes souffrances et qui m’a donné le nom de sauveur du monde. » (IIIe part. ch.

vII.)

Un jour du vendredi saint, Marie-Catherine Putigny, contemplant l’agonie de Jésus, entendit

le divin Sauveur lui tenir ce langage : « Beaucoup de personnes se trompent en croyant qu’il

suffit de regarder ma bonté et de verser quelques larmes sur les souffrances que j’ai endurées ;

le vrai amour veut les partager avec moi ; il accepte toutes les peines, les humiliations, les

ignominies, et les unissant à celles que j’ai éprouvées, il les offre à mon Père éternel. » (Vie, ch.

XXII.)

2 . Les préférences de Jésus sont pour ceux qui méditent sa passion

A sainte Angèle de Foligno fut dite cette parole : « Tous ceux qui aimeront et qui partageront

ma pauvreté, mes douleurs, mon abaissement sont mes fils légitimes et ils seront les tiens, les

autres ne le sont pas. Ceux qui auront l’esprit fixé sur ma passion et sur ma mort, en dehors

desquelles il n’y a pas de vrai salut, ceux là sont mes enfants légitimes ; les autres ne le sont

pas ». (Doncoeur, p. 241 ; Ferré p. 343.)

Une autre fois Dieu lui dit : « A tes fils présents et absents je donnerai le feu du Saint-Esprit,

il les enflammera tous, et par l’amour il les transformera totalement en ma passion. Il y aura

cependant entre eux de grandes différences : ceux qui se souviendront davantage de ma

passion m’aimeront davantage ; ceux qui m’aimeront davantage me seront plus unis. »

(Doncoeur, p. 223 ; Ferré, p. 231.)

Et à sainte Mechtilde : « Autant de fois, au souvenir de ma passion, l’homme gémit du fond

de son coeur, autant de fois il semble appliquer une rose fraîche sur mes plaies, et il en part

pour atteindre son âme un trait d’amour qui lui fait une blessure de salut. » (Ire part., ch. XVI.)

A la vénérable Agnès de Langeac : « C’est moi qui suis l’amour même. Je l’ai montré dans

l’excès de ma passion. Oh ! Bienheureux sont ceux qui s’y entretiennent, quoique le nombre en

soit fort petit ! Ceux qui la méditent n’auront pas peur des dernières paroles que je dirai aux

pécheurs lors du dernier jugement. » (Vie, par Lantage, t. II, IIIe part., ch. v, p.129.)

Mechtilde ayant demandé au Seigneur ce qui lui plaisait le plus en l’homme, Il répondit :

« c’est qu’il médite avec un profond sentiment de reconnaissance et garde dans une

perpétuelle mémoire tous les actes de vertu que j’ai accomplis sur la terre, toutes les peines et

les injures que j’ai supportées pendant trente trois ans, en quelle misère j’ai vécu, quels affronts

j’avais à supporter de mes créatures, et enfin que je suis mort en croix de la mort la plus amère,

pour l’amour de l’âme de l’homme que j’ai acheté de mon sang précieux, afin d’en faire mon

épouse. Que chacun ait pour tous ces bienfaits autant d’affection et de reconnaissance que si

j’avais souffert pour son salut à lui seul. » (Ie part., ch. XVIII.)

Notre-Seigneur fit connaître à Soeur Marie-Marthe Chambon62 ses desseins sur elle en lui

disant : « Je t’ai choisie pour réveiller la dévotion à ma sainte passion dans les temps

malheureux où vous vivez… Je veux que, par cette dévotion, non seulement les âmes avec

lesquelles tu vis se fassent saintes, mais beaucoup d’autres encore…

Ma fille, chaque fois que vous offrez à mon père les mérites de mes divines Plaies, vous

gagnez une fortune immense… Que celui qui est dans le besoin vienne avec foi et confiance,

qu’il puise constamment dans le trésor de ma Passion. Voilà de quoi payer pour tous ceux qui

ont des dettes. Il ne faut pas craindre de montrer mes Plaies aux âmes… Dans la

contemplation de mes Plaies on trouve tout pour soi et pour les autres. J’accorderai tout ce que

l’on me demandera par la dévotion aux plaies. Ceux qui les honorent auront une vraie

connaissance de Jésus-Christ. » (Vie, pp. 61 et 62.p)

3. Jésus invite l’âme fidèle à contempler l’une après l’autre toutes ses

souffrances

Les premiers jours de Carême de l’an 1631, Jésus voulant unir à Lui la vénérable Anne-

Marguerite Clément lui dit : Qu’Il allait à la montagne de la myrrhe et qu’Il voulait qu’elle y

montât avec Lui pour y être instruite par la prière et la mortification à combattre ses ennemis. Il

l’invita à l’accompagner au jardin des Oliviers pour réparer par l’assiduité de son amour la fuite

honteuse de ses apôtres. L’ayant menée dans la maison du pontife, elle s’appliquait à regarder

62Soeur Marie-Marthe Chambon(1841-1907) fut une humble soeur converse du couvent de la Visitation de Chambéry. Elle

eut de fréquentes extases et le don de prophétie. Sa Vie est en vente au monastère de la Visitation de Chambery.

les liens dont il était environné ; mais Jésus lui dit : Ce ne sont pas ces cordages qui me

serrent, mais les liens de l’amour ; l’amour est fort comme la mort. Vois-tu jusqu’à quel point

mon amour me captive, comprend par là combien ce même amour te doit captiver. »

L’appliquant ensuite aux indignités que les Juifs commirent contre Jésus, Il lui montra que

l’amour des créatures faisait la même chose dans son coeur. « Car, lui dit Il, ton âme étant mon

image, n’est-ce pas la défigurer de souffrir que d’autres que moi y fassent impression. » Et Il lui

fit alors comme une application de sa face divine sur son âme, pour y réimprimer de nouveau

ses traits.

Continuant sa marche sur les pas de son Epoux, elle entra avec lui au prétoire, où son coeur

se trouva accablé de douleurs en voyant les douleurs de son Sauveur flagellé ; mais ne voulant

pas qu’elle s’y appliquât plus longtemps, Il lui dit : Egrediamur in agrum,surgamus advineam.

(Cant., VII, 11, 12.). (Sortons dans les champs, allons à la ville). «Cette vigne, lui dit-Il est ton

âme, où mon amour me presse tant d’arriver. Mon travail et mes soins l’ont défrichée, ma

passion et ma mort l’ont mise en état de produire son fruit. Mais je prétends que ta ferveur et ta

fidélité soient les deux mains qui la cultivent pour m’en faire goûter les fruits. »

Revenant au mystère de la flagellation, elle pressait son Epoux de lui dire pourquoi Il

souffrait de si grands tourments pour des créatures ingrates : « Qui aime endure » lui dit le divin

Sauveur. Puis la faisant mettre au pied de la colonne : « Je suis l’arbre de vie chargé de fruits

excellents, à l’ombre duquel je veux que tu reposes. » Et Il lui fit comprendre que les fruits dont

Il parlait étaient les mérites de sa passion et de sa mort. Enfin Il lui montra ses plaies comme

autant de portes ouvertes, où Il l’invitait d’entrer pour pénétrer jusqu’à son Coeur. Puis Il la

pressa d’être à Lui sans partage, « car, lui dit-t-Il, quand tu te lies à une créature tu me fais

souffrir la même violence que j’éprouve lorsqu’on m’arracha mes vêtements après ma

flagellation ». Enfin, l’ayant conduite au Calvaire, Il prit la Croix et la planta dans son coeur, afin

qu’étant toujours à l’ombre de cet arbre de vie, elle goutât toujours la douceur de ses fruits.

(Vie, 1686 IIe part., ch. Vie, 1915, pp. 239 sq.)

4. Jésus fait à ses amis la confidence de ses douleurs

Jésus se montre à Madeleine Vigneron tout déchiré, couvert de plaies et de sang depuis la

tête jusqu’aux pieds et Il lui dit : « Vois ma fille et reconnais ton cher Epoux crucifié; voilà les

blessures que mon peuple infidèle me fait quand il m’offense mortellement. Sache que tes

larmes, qui viennent de l’amour que tu me portes, m’en adoucissent la douleur. » (Ire part., ch.

v.)

Une autre fois Il lui dit : « Regarde, ma fille, comme on m’a traité. » Son visage paraissait

pourtant extrêmement doux et l’on y remarquait une grande compassion pour les pécheurs. «

Non, disait-Il, tous les tourments ne me sont rien, s’ils voulaient recevoir tous les bons

mouvements que je leur inspire ; mais ce qui me perce le coeur, c’est qu’après leur avoir mérité

tant de bonnes pensées et de pieux sentiments par cette grande abondance de sang que j’ai

répandu, voulant maintenant en remplir leur coeur très libéralement, ils me le refusent. » Je le

vis, ajoute la servante de Dieu, prendre un visage plein d’indignation, Il semblait prêt à tout

foudroyer. Mais reprenant sa douceur Il me dit : « Ma fille, tu ne saurais rien faire qui me soit

plus agréable que de t’employer pour ces pauvres misérables. »

« Ma fille, lui dit encore ce bon Sauveur, il faut que de temps en temps je te vienne dire mes

afflictions les plus secrètes comme à ma meilleure amie. C’est qu’on ne m’aime point. Pour toi,

il y a quelque temps que tu commences un peu ; ton âme est un arbre qui prend croissance,

mais auparavant tantôt il croissait, tantôt il décroissait. » Et Il me la fit paraître comme un arbre

qu’il cultivait avec beaucoup de soin.

Il semble, dit toujours Madeleine Vigneron, qu’un des principaux tourments intérieurs de

Notre-Seigneur sur la croix ait été l’affliction qu’Il concevait de la grande compassion dont

seraient touchées les personnes qui l’aimeraient en considérant ses grandes souffrances. Car

m’ayant trouvée comme le coeur percé de douleur dans la compassion de tant de souffrances

qu’Il endurait : « Ma fille, m’a-t-il dit, j’ai tant de douleur de ta tristesse, que je veux bien pour ta

consolation te témoigner que mes souffrances sont à toi et qu’elles t’appartiennent ; car je

t’abandonne peines, souffrances, mérites. » ( IIe part., ch. IV.) On a donc une part d’autant plus

grande aux fruits de la passion que l’on y pense davantage.

5. Jésus a souffert toute sa vie

Notre-Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Tu dis, ma fille que mon amour m’a contraint

à souffrir et que le zèle de vos âmes m’a poussé à faire tout ce que j’ai fait. Sache donc alors

que si je suis venu te chercher au prix des angoisses les plus terribles, toi aussi tu dois venir à

moi par la voie des amertumes et des afflictions. Ne cesse pas de prêcher ma passion et dis à

chacun que j’ai passé toute ma vie dans les travaux et les souffrances. » (Vie intime, ch. v, §

13.)

Notre-Seigneur dit à Françoise de la Mère de Dieu : « Je n’étais pas comme les autres

enfants ; étant dans le sein de ma Mère j’avais une claire connaissance de la captivité que je

subissais et de tout ce que je souffrirais dans tout le cours de ma vie, des injures, des coups de

fouet que je devais recevoir en ma passion. Je savais que je serais couvert de crachats,

moqué, blasphémé et crucifié. Je connaissais l’ingratitude et les péchés de tous les hommes et

dès lors je satisfaisais pour eux. » Le Seigneur ajouta : « Les hommes étaient avant ma mort

plus excusables qu’ils ne le sont à présent car ils n’avaient pas autant de connaissances de

moi. Mais présentement qu’ils connaissent ce que j’ai fait et souffert pour eux, leur ingratitude

est grande. Je ne peux plus souffrir pour eux ; souffrez au lieu de moi et pour moi. Oh ! ma fille,

si vous saviez combien le nombre est grand de ceux qui m’offensent et combien il y a peu

d’âmes en qui je trouve lieu de faire tout ce que je veux. » (Vie,ch. XXVIII)

Jésus dit à Jeanne-Bénigne : « Je voulais souffrir, et sans ménagements, jusqu’à la fin de

ma course mortelle. Mes douleurs ne seront jamais bien comprises ; et leur vue fera une des

plus grandes parties de votre béatitude durant l’éternité car vous connaîtrez alors l’amour que

j’ai eu pour les hommes par ce que j’ai souffert pour leur salut. ( Vie, ch. XIII)

« Tu es bien fatiguée, Marguerite, dit Jésus à la sainte pénitente, mais je me suis fatigué

davantage en suivant le chemin de la croix, car mes peines ont été plus prolongées que ne

l’indique la sainte Écriture. En effet, depuis la résurrection de Lazare, je lisais dans le coeur de

mes ennemis toutes les tortures qu’ils me préparaient, et mon âme, unie à ma Divinité se

représentait tantôt la trame de leurs trahisons, tantôt les menaces, les fouets, les cris de mes

ennemis. Je voyais les clous et les épines. Je sentais l’amertume de fiel, le poids de la croix et

le fer de la lance. La prescience de ces tourments sans nombre me causait une telle peine que

mon corps lui-même en subissait le contre-coup, sans cependant que mes disciples s’en

aperçussent. » (Vie intime, ch. v, § 24.)

La Soeur Madeleine Orsini était depuis longtemps dans une grande tribulation. Jésus lui

apparut attaché à la croix, l’exhortant par le souvenir de sa passion à souffrir avec patience ; la

servante de Dieu lui dit : « Mais Seigneur vous n’avez été que trois heures sur la croix, tandis

que moi j’endure cette peine depuis plusieurs années ? » - Ah ! ignorante, que dis-tu, reprit le

Seigneur ? Depuis le premier moment que je fus dans le sein de ma Mère, je souffris dans mon

coeur tout ce que j’endurai plus tard sur la croix.» (Parole citée par saint Alphonse dans L’amour

des âmes, ch. III n° 5.) Même quand il dormait, dit saint Bellarmin, la croix ne cessait de

tourmenter ce coeur aimant.

6. Avec quel amour Jésus a enduré sa passion

Parole du Sauveur à sainte Brigitte : « Aime-moi de tout ton coeur, car je t’ai aimée. Je me

suis librement donné à mes ennemis. Quand je voyais la lance, les clous, les fouets et autres

instruments préparés pour ma passion, je m’en approchais néanmoins avec joie. Et quand sous

ma couronne d’épines ma tête fut toute sanglante et que mon sang ruisselait partout, j’eusse

mieux aimé que mon Coeur fût déchiré en deux que de ne pas te posséder et ne pas t’aimer. Tu

serais donc trop ingrate si tu ne m’aimais pas, moi qui t’ai témoigné tant d’amour. » (Liv. Ier, ch.

XI.)

7. Les peines intérieures de Jésus

La bienheureuse Camilla-Baptista Varani63, Clarisse, avait travaillé plusieurs années à sa

réforme spirituelle, lorsqu’elle fut admise à la communication des peines intérieures du Coeur

affligé de l’Homme-Dieu. Jésus lui ayant appris que ses douleurs étaient aussi grandes que son

amour pour son Père, elle lui demanda dans une oraison de lui faire connaître chacune des

peines qui accablèrent son Coeur sacré. Jésus lui répondit : « Sache, ma fille, que les peines

que j’ai portées dans mon Coeur furent innombrables et infinies. Il te sera facile de le

comprendre si tu fais attention que je suis le chef d’un corps dont tous les chrétiens sont les

membres, membres qui sont innombrables, comme tu le vois, et dont la plupart me furent, me

sont et me seront arrachés par le péché mortel. »

8. Membres arrachés sans retour du corps mystique de Jésus

« Cette peine fut pour mon Coeur une des plus cruelles. Figures-toi, en effet, quel est le

supplice d’un criminel à qui l’on arrache les membres par violence, et tu sauras quel fut mon

martyre à la pensée, profondément sentie, de tant d’âmes qui me sont arrachées pour toujours

et de tant d’autres qui se séparent de moi pour un temps et me causent autant de déchirements

qu’elles commettent de fautes mortelles. Or, il faut que tu saches que la douleur causée par

l’abscission d’un membre spirituel l’emporte d’autant sur celle d’un membre corporel que l’âme

est supérieure à la matière. Tu ne saurais comprendre, ni toi ni personne, l’atrocité et

l’amertume de la peine dont je parle ; peine pourtant si souvent renouvelée que le nombre en

est incalculable.

« Pour ne parler ici que des damnés, autant d’âmes perdues, autant de membres arrachés

à mon corps, avec les douleurs qu’il vous est facile d’imaginer. Je dois dire cependant que

toutes ces séparations ne me furent pas également cruelles. Comme les péchés mortels ne

sont pas tous égaux entre eux, comme il y a diverses manières de le commettre, les

séparations qu’ils opèrent m’ont causé des déchirements plus ou moins douloureux. Et, pour le

dire en passant, de là viennent les diversités que l’on remarque en enfer dans la qualité et la

quantité des tourments qu’on y endure. Et parce que leur volonté demeurera éternellement

perverse, leurs supplices aussi seront éternels. Oh! combien cette triste pensée que ces

membres innombrables ne me seraient jamais, jamais, jamais rendus m‘était insupportable !

Aussi ce fatal jamais est ce qui tourmente et tourmentera le plus éternellement ces âmes

réprouvées, tous leurs autres maux ne sont rien en comparaison de cette pensée

désespérante. »

9. Le fatal jamais des âmes tant aimées

« Dans l’accablement de douleur que me cause ce fatal jamais, j’aurais volontiers consenti

à souffrir de nouveau toutes ces nouvelles séparations, avec leurs déchirements divers, non

pas une seule fois, mais une infinité de fois, pour recouvrer une seule de ces âmes et la voir

réunie à l’intégrité de mes membres vitaux, je veux dire mes élus, qui conserveront

éternellement la vie qu’ils tiennent de moi. C’est moi, en effet, qui suis la vie vitale, c’est-à-dire

la vie de tous les êtres qui jouissent de ce grand bienfait. Tu peux juger par ce que je viens de

dire : que pour une seule âme j’aurais voulu souffrir une infinité de fois toutes ces peines,

combien les âmes humaines me sont chères. Il faut aussi que tu saches que ce douloureux «

jamais » afflige tellement les âmes perdues par un effet de ma justice, qu’il n’en est pas une

seule qui ne voulut souffrir mille enfers à la fois pour recouvrer l’espérance de m’être réunie

dans un temps quelconque ; mais hélas ! leur triste séparation est sans retour ; et, je le répète,

c’est là le plus affreux de leur supplice. Voilà ma fille, quelle fut la première peine intérieure, qui

ne cessa, jusqu’à ma mort, de déchirer mon Coeur. »

63La bienheureuse Camilla-Baptista, Varani (1458-1527) naquit et mourut à Camerino, dans l’Ombrie. (Le Opere spirituali

della Beata Battista Varani, Camerino,1894, p. 108 et suiv.) J’ignore à qui fut empruntée la traduction ici insérée ; J’y ait

fait quelques modifications pour rendre plus exactement l’original.

10. En quel sens Jésus a souffert les peines des damnés

La bienheureuse demanda à Notre-Seigneur s’il était vrai qu’il eût éprouvé les peines des

damnés, et s’il avait éprouvé les sensations diverses qu’opèrent dans ces âmes le froid, le

chaud, l’action du feu, des coups et violences des esprits infernaux. Jésus répondit : « Je n’ai

pas senti, ma fille, la diversité des supplices que souffrent les damnés de la manière que tu

l’entends ; cela même ne pourrait pas être, puisqu’il s’agit de membres morts et séparés de

moi, qui suis leur chef. Je t’expliquerai ma pensée par la comparaison suivante : Si un de tes

membres était dévoré par quelque douleur atroce, tu la sentirais vivement jusqu'à ce que le

chirurgien l’eût retranché de ton corps, mais ce retranchement, une fois fait, on pourrait le

couper ou le déchirer, le soumettre à l’action du feu, le donner aux chiens et aux loups, sans

que ton âme éprouvât le sentiment de ces tourments divers parce que l’union n’existerait plus

entre ton corps et ce membre mort. Cependant tu serais très peinée de voir un membre qui fut

le tien ainsi jeté au feu, accablé de coups, dévoré par les chiens et les loups. Je sentis les

mêmes peines à l’égard des réprouvés. Lorsque le péché mortel les arracha de mon Coeur, la

douleur fut terrible, et parce qu’ils conservèrent, tant qu’ils vécurent, le pouvoir de se réunir à

moi, je ressentais tous leurs maux, et partageais toutes leurs peines ; mais depuis que leur mort

eut rendu cette réunion impossible, je fus délivrée de ce sentiment douloureux ; j’éprouvais

cependant une autre peine ineffable et incompréhensible en considérant qu’ils avaient été mes

vrais et propres membres, et que cependant ils étaient tombés sous la puissance des esprits

infernaux et soumis à des peines innombrables et éternelles.

11. Membres séparés pour un temps du corps mystique de Jésus

Une autre douleur, qui transperça mon Coeur, me fut causée par mes élus eux-mêmes ; car

sache que tous ceux d’entre eux qui ont péché ou pécheront mortellement, m’ont fait le même

mal, par leur séparation, que tous ceux qui sont tombés au fond des abîmes, puisque ce sont

autant de membres que ce cruel péché arrachait de mon corps. Plus était grand l’amour que je

leur portais et qui devait s’étendre jusqu’aux siècles des siècles, ainsi que celui qui devait les

unir éternellement à moi, plus j’étais affligé de les voir me quitter, eux, mes membres véritables.

Aussi puis-je dire que la douleur que je ressentis dans tous ces membres me causa les plus

cruels déchirements. Je souffrais, en effet, bien davantage en eux que dans les réprouvés,

puisque ceux-ci, une fois morts, étaient séparés entièrement de moi ; mais pour les élus je

sentis et je partageai tous les maux qu’ils devaient endurer et pendant leur vie et après leur

mort ; je sentis donc tous les tourments des martyrs, toutes les mortifications des pénitents,

toutes les tribulations de ceux qui étaient tentés, toutes les souffrances de ceux qui étaient

malades. Je partageai leurs persécutions, leurs infamies, leurs travaux, leurs dangers, leurs

fatigues ; en un mot, toutes les afflictions, petites et grandes, dont ils étaient accablés, comme

tu sentirais les coups qui seraient donnés à tes yeux, à tes mains, à tes pieds ou à quelqu’autre

de tes membres. Pour avoir une idée de ces peines, suppose ma fille, que tu eusses mille yeux,

mille pieds, mille mains et ainsi de tes autres membres, et que tous fussent torturés à la fois par

des moyens aussi atroces que variés, n’est ce pas que ce supplice te paraîtrait intolérable ? Eh

bien ! ma fille, mes membres ne se comptent pas par milliers et par millions ; ils sont

innombrables. Il est de même impossible de compter les peines des martyrs, des confesseurs,

des vierges et de tous les autres élus : cela va presque à l’infini. Conclus donc que, de même

que personne ne peut comprendre quelles sont dans le paradis les jouissances, les gloires, les

récompenses accordées aux bienheureux, ainsi ne se peuvent savoir ni comprendre les peines

intimes que j’endurai pour mes élus, lesquelles, par la divine justice, devaient être

proportionnées à ces jouissances, à ces gloires et à ces récompenses célestes.

12. Jésus partageant toutes les douleurs de ses élus

« Mais mon Coeur ne se borne pas à sentir toutes ces afflictions de leur vie, il sent

également la diversité et la multiplicité des tourments qui leur restent à subir dans le purgatoire,

selon la qualité et le nombre de leurs péchés ; car ces âmes ne sont pas des membres morts et

séparés de leurs corps, comme celles des damnés, ce sont des membres vivants,

spirituellement unis à moi, et dont j’endure, par conséquent, toutes les souffrances. Voilà, ma

fille, ma réponse à ta question. Tu m’as demandé quel sentiment j’avais de toutes ces peines ;

je t’ai répondu que je ne sentais pas les souffrances des réprouvés, mais celles que mes élus

devaient endurer dans le purgatoire, je les partageai. Du reste, il n’y a aucune différence entre

les peines de l’enfer et celles du purgatoire, si ce n’est que les premières dureront toujours,

tandis que les dernières ne dureront qu’un temps, et que les habitants de l’enfer sont réduits au

désespoir, pendant que les âmes du purgatoire demeurent résignées et contentes, souffrent en

paix et rendent grâce à la justice de Dieu. Mais c’en est assez sur cette peine. »

13. Pensées des douleurs causées à Marie, sa Mère

« Écoute, écoute ma fille, il me reste à te raconter d’autres peines qui me furent aussi bien

amères. Quel glaive aigu transperça mon Coeur, toutes les fois que je vis la douleur que mes

souffrances et ma mort devaient causer à ma pure et innocente Mère ! Car personne ne

compatit aussi douloureusement qu’elle au supplice de son Fils. Aussi dans le ciel, nous l’avons

couronnée de gloire, élevée au-dessus de tous les anges et de tous les hommes; c’était justice

et ainsi faisons-nous toujours64; plus une créature est affligée, humiliée en ce monde pour

l’amour de moi, plus elle est exaltée et béatifiée au royaume éternel : or, comme personne icibas

n’a souffert pour moi autant que ma très douce Mère, personne aussi ne l’égale dans la

gloire.

«Sur la terre elle fut comme un autre moi-même en partageant mes opprobres et mes

douleurs ; maintenant elle est encore un autre moi, par la gloire et la puissance. Mais souvienstoi

ma fille, qu’elle ne participe point65 2 à la Divinité dont aucune créature ne saurait être

participante. La Divinité n’appartient qu’à nous : Père, Fils et Saint-Esprit. Sache que toutes les

peines et douleurs que j’ai ressenties dans mon humanité, ma Mère bien-aimée les sentait et

les partageait, mais je souffrais, dans une mesure plus parfaite et plus élevée qu’elle parce que

j’étais Dieu et homme tout ensemble tandis qu’elle était une simple créature. Ses peines

m’affligeaient à tel point que si c’eût été la volonté de mon Père éternel, c’eût été pour moi une

consolation de les prendre toutes sur moi et de l’en décharger ! C’eût été le plus grand

adoucissement à mes maux ; mais je ne pouvais trouver aucun soulagement dans mon cruel

martyre. »

« La douleur de ma Mère, a dit le Sauveur à sainte Brigitte, a plus ému mon Coeur que la

mienne propre, mais j’ai tout souffert par amour. » (Liv. V, ch. VIII.)

14. Participation aux souffrances de Marie-Madeleine

« Qui dira aussi ce que j’ai souffert en voyant l’affliction de ma fille chérie, Marie-

Madeleine ? C’est un autre mystère douloureux, car la perfection de mes sentiments, à moi qui

suis l’amour-maître, et sa douce affection, à elle, ne peuvent être connues et comprises que de

moi seul. Notre mutuelle amitié a servi de principe et de fondement à toutes les amitiés

spirituelles des bienheureux. Ils peuvent s’en faire une idée, ceux qui ont l’expérience du saint

et spirituel amour ; mais atteindre à la hauteur des sentiments de Madeleine, nul ne le pourra

jamais… Jamais il ne se rencontra un tel maître, ni une telle disciple ; jamais il n’y eut et il n’y

aura sur terre une autre Marie-Madeleine.

« Sa compassion pour moi ne fut dépassée que par celle de ma Mère ; aussi ma Mère et

Madeleine furent-elles les premières à qui j’apparus après ma résurrection. »

15. Les douleurs de ses apôtres

« Une autre douleur, qui déchirait mon âme, était la pensée fixe et continue de mes apôtres.

Je les voyais ébranlés, je les voyais tomber, eux qui étaient les colonnes du ciel et les

64La bienheureuse Varani, par la comtesse de Rambuteau, p. 116, Paris, Lecoffre, 1906. Nous avons emprunté à cet

auteur la traduction de plusieurs passages.

65Par nature

fondements de mon Église militante. Je les voyais dispersés, comme des brebis sans pasteurs ;

je pensais à tout ce qu’ils auraient à souffrir par amour pour moi ; je contemplais d’avance leurs

tourments et leurs martyres. Or il faut que tu saches, ma fille, que jamais père n’a eu pour ses

enfants, ni frère pour ses frères, ni maître pour ses disciples, un amour aussi tendre et aussi

cordial que celui que je portais à ces disciples, à ces frères, à ces fils bien aimés.

« Tous les hommes, mes créatures, je les aime d’un amour infini ; néanmoins j’ai voué un

sentiment spécial à ceux qui ont partagé ma vie mortelle. Aussi je pensais bien plus à mes

apôtres qu’à moi-même, lorsque je m’écriai au Jardin des Oliviers : « Mon âme est triste jusqu’à

la mort. »

« Je les voyais sans moi, c’est-à-dire sans chef, sans maître et sans père et ce

délaissement m’était si pénible, qu’il me semblait une mort anticipée. Quiconque voudra lire le

dernier discours que je leur adressai après la Cène, ne pourra, quelque dur qu’il soit, retenir ses

larmes, parce que toutes les paroles qui composent ce discours respirent la compassion ; elles

sortaient du fond de mon Coeur, qui me semblait se fendre d’amour pour ses chers amis.

« Ce n’était pas d’une vue confuse que j’apercevais de loin leurs cruels martyres. Je voyais

crucifier Pierre, décapiter Paul, écorcher Barthélemy, je voyais enfin par quel genre de mort

chacun devait finir sa vie. Juge de la peine que j’éprouvais dans mon âme par cette

supposition. Si tu étais unie à quelque personne par les liens d’un saint amour et que tu la

visses injuriée, torturée, suppliciée à cause de toi et pour ton amour, combien tu serais désolée

d’être l’occasion de ses souffrances ! Et ta désolation serait d’autant plus amère que tu

voudrais, au contraire, pouvoir lui procurer paix et consolations. Or, c’était moi, ma fille qui

devait être la cause des infortunes de mes apôtres ; aussi de la douleur que je ressentis pour

eux, il m’est impossible de te donner aucune comparaison.

16. La trahison de Judas

« Il y eut une autre peine, grande, effroyable, qui ne me quittait pas, semblable à un glaive

aigu et empoisonné, que l’on eu enfoncé et retourné continuellement dans mon Coeur ; ce fut

l’impiété et l’ingratitude de mon disciple si aimé, de Judas, l’inique, le scélérat, le traître ; puis

l’endurcissement, la méchanceté, l’ingratitude de mon peuple choisi, le peuple juif ; enfin

l’aveuglement, la malice l’ingratitude de toutes les créatures. Combien fut grande l’ingratitude

de Judas ? Après lui avoir pardonné tous ses péchés, je l’avais choisi pour un de mes apôtres.

Je lui avais donné le pouvoir des miracles, et j’avais fait de lui le dispensateur de tout ce qui

m’était offert. Lorsque je vis le dessein de me trahir se former dans son coeur, je redoublai les

preuves de ma tendresse pour le détourner de cette pensée criminelle, rien ne put toucher son

mauvais coeur. Au contraire, plus je lui témoignais d’attachement et plus il s’affermissait dans sa

résolution perfide. Enfin vint la Cène, ou je fis cet acte humiliant et si touchant de lui laver les

pieds. Je m’humiliai devant lui comme je l’avais fait devant les autres, mais mon Coeur n’y tint

plus, je pleurai amèrement. Ce qui me faisait pleurer, c’est que je disais intérieurement : O

Judas ! Que t’ai-je donc fait pour que tu me trahisses si cruellement ? O infortuné disciple !

Voilà donc la dernière preuve que je te donnerai de mon amour ! O fils de perdition ! Pourquoi

donc veux-tu abandonner ton Père et ton Maître? O Judas ! Si tu désires trente deniers, qui ne

vas-tu pas les demander à ma Mère, qui est aussi la tienne ? Elle se vendra plutôt elle-même

pour t’épargner un crime et me sauver la vie. Ah ! Judas, disciple ingrat et insensible, je te lave

aujourd’hui les pieds et les baise avec tant d’amour, et tu vas me baiser dans quelques heures

pour me livrer à mes ennemis ! O mon cher et bien-aimé fils, quel retour pour un père qui pleure

ta perte avec plus de douleur que sa passion et sa mort, parce que c’est pour sauver qu’il est

venu en ce monde !

17. Larmes et baisers de Jésus sur les pieds de Judas

« Pendant que mon Coeur parlait ainsi, mes larmes arrosaient ses pieds, mais il n’y prenait

pas garde, parce que mes longs cheveux retombant sur mon visage l’empêchaient de

s’apercevoir que j’étais tout éploré. Mais Jean, mon disciple bien-aimé, à qui j’avais confié tous

les mystères de ma passion, pendant cette douloureuse Cène, observait ma douleur, voyait

couler mes larmes sur les pieds du traître, et comprenait très bien qu’elles provenaient de mon

tendre amour pour ce malheureux. Lorsqu’un père, en effet, voyant que son fils se meurt,

s’empresse à le servir, c’est avec une effusion d’amour extraordinaire, et il ne peut s’empêcher

de dire dans son coeur : Adieu, mon fils, voici le dernier service qu’il me sera donné de te

rendre. C’est ainsi que j’en agissais avec cet infortuné ; je caressais en quelque sorte ses pieds

et les baisais avec une tendre compassion. Or Jean, qui épiait, avec son regard d’aigle, toutes

mes actions et tous mes gestes, était plus mort que vif. Lorsque j’approchai de lui le dernier, car

son humilité lui avait fait prendre la dernière place, voyant que je m’inclinais pour laver ses

pieds, il me prit entre ses bras, où il me tint assez longtemps enlacé, pleurant, sanglotant et me

disant dans son coeur, sans proférer aucune parole extérieure : O mon Père ! O mon cher

Maître ! O mon Frère bien-aimé ! O mon Seigneur et mon Dieu ! Comment avez-vous eu le

courage de laver et de baiser de votre bouche sacrée les pieds maudits de ce traître infâme ? O

mon cher Maître, mon coeur va se fendre si je vous vois laver mes pieds infects et appliquer

votre bouche sacrée sur ces objets si méprisables. O mon Dieu ! Chaque nouvelle preuve de

votre amour ne sert qu’à augmenter mon inconsolable douleur ! Après ces paroles Jean se

déchaussa cependant par obéissance et me présenta en rougissant ses pieds à laver.

Je t’ai dit tout cela, ma fille, pour que tu sache combien mon Coeur eut à souffrir dans cette

circonstance, de la part d’un disciple qui semblait prendre à tâche de me montrer d’autant plus

de haine que je lui témoignais plus d’amour.

18. La haine obstinée du peuple juif

« La haine obstinée du peuple juif fut aussi pour mon Coeur un supplice intolérable, et tu le

comprendras facilement, si tu prends garde à l’ingratitude qu’elle supposait. J’avais fait des

Juifs un peuple saint, un peuple sacerdotal. Je l’avais choisi parmi tous les peuples de l’univers,

pour la portion de mon héritage. Je le tirai de la servitude et des mains puissantes du Pharaon.

Avec quelle tendresse je veillai sur lui dans le désert, le nourrissant d’un pain miraculeux,

éclairant sa marche aux heures de la nuit et le protégeant, le jour, contre les ardeurs du soleil !

De ma propre bouche je lui donnai ma loi sur le mont Sinaï.

« Je voulus naître de sa race. Enfin, durant les trois dernières années de ma vie, je lui

prodiguai les guérisons et les miracles. J’ai rendu la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la

parole aux muets, la santé aux malades, la vie aux morts. Et, en retour de tant de bienfaits,

j’entends les Juifs crier comme dans une tempête de fureur : Donnez-nous Barabas.- Et

Jésus ? – Crucifiez-le ! Crucifiez-le ! Il me parut alors que mon Coeur se brisait.

« Personne ne sait, sinon par une dure expérience, combien il est cruel de recevoir tous les

maux de ceux-là mêmes qu’on a comblé de tous les biens ; pour exprimer cette douleur il n’est

point de terme ici-bas. »

19. Combien Jésus à souffert de l’obstination des pécheurs

Faisant oraison la nuit, raconte sainte Véronique Juliani, j’eus une vision intellectuelle par

laquelle je vis Notre-Seigneur couvert d’une sueur de sang, tel qu’il était dans le jardin de

Gethsémani. Le Seigneur me fit comprendre quelle grande douleur ce fut pour son Coeur de

voir la perfide obstination de tant de pécheurs endurcis et combien il serait fait peu de cas de

son sang très précieux. Et Il me dit : « Quiconque s’unira à ces peines intimes que j’endurai,

quelque grâce qu’il désire, je la lui accorderai. » Il me dit encore : « Ma bien-aimée, je souffris

beaucoup en portant ma croix sur le chemin du Calvaire, et je souffris beaucoup plus encore

dans l’intime de mon Coeur quand je rencontrai ma très sainte Mère. Et cependant plus grand

était le tourment que me causait la vue continuelle d’un si grand nombre de mes enfants, qui

devaient ne pas vouloir profiter de douleurs aussi atroces. » (Diario,9 aprile, jour du vendredi

saint 1694.)

20. Gethsémani

Dans son oraison sur Jésus agonisant au Jardin des Oliviers, Marguerite-Marie entendit ces

paroles : « J’ai plus souffert intérieurement ici qu’en tout le reste de ma passion, me voyant

dans un délaissement général du ciel et de la terre, chargé des péchés de tous les hommes.

J’ai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m’a froissé dans sa

fureur, me faisant boire le calice, qui contenait le fiel et l’amertume de sa juste indignation,

comme s’il eût oublié le nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère. Il n’y a point de

créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris alors ; et c’est cette

même douleur que l’âme criminelle ressent quand elle est devant le tribunal de la sainteté

divine, qui s’appesantit sur elle, la froisse, l’opprime et l’abîme en sa juste fureur. » (Ed.

Gauthey, II, p. 162.)

« Même si l’on écrivait un nouvel évangile, disait Jésus à Marguerite de Cortone, jamais les

hommes ne sauraient combien fut déchirante ma douleur au Jardin des Olives. » (Vie intime,

ch. v, § 42.)

Un jour après la communion, Notre-Seigneur fit voir à Françoise de la Mère de Dieu le

grand poids qu’Il a porté de la justice de Dieu, son Père, et Il lui dit : « D’autant plus que mon

Père est juste et équitable, d’autant plus lourd était le poids que je portais de la rigueur de sa

justice contre le péché ; et plus je suis juste et innocent, plus j’avais d’opposition au péché »

(Vie, ch. xv.)

21. Et beaucoup plus encore !

Un jour que saint Vincent Ferrier priait dans l’église du couvent, devant un Crucifix, et qu’il

méditait sur les douleurs du Sauveur, attendri jusqu’aux larmes, il s’écria : Seigneur, est-il

possible que vous ayez tant souffert ? Le crucifix, tournant la tête du côté où était le saint, lui

répondit : « Oui, Vincent, et beaucoup plus encore ! » (Vie, par le P. Pages, Ire part., ch. VIII.)

22. Couronnement d’épines, Crachats, Flagellation, Crucifiement

Sainte Véronique Juliani raconte comment Notre-Seigneur la fit participer à son

couronnement d’épines : Le Seigneur, dit-elle, a retiré de sa tête la couronne qu’Il portait et Il

m’a fait signe qu’Il voulait me la donner ; puis s’approchant de moi, Il me la mise sur la tête. Je

ressentis alors une vive douleur, non seulement autour de la tête, mais partout. Je sentais au

milieu du cerveau comme un gros clou qui me faisait presque perdre connaissance. Et le

Seigneur me disait : « Cependant ce n’est rien auprès de ce que j’ai éprouvé au couronnement

d’épines ; ce que tu ressens n’est qu’un faible rayon de mes douleurs ; et il faut que tu les

éprouves toutes pour te transformer toute en moi. » (Diario, 3 aprile 1697)

Le Seigneur, dit la même sainte, m’a dit qu’il souffrit beaucoup quand les soldats Lui

remplirent la bouche de leurs crachats, de poussière et d’immondices. « Je te le fais savoir afin

que tu te prépares plus encore à souffrir, et je te dis que celui qui fera quelque chose en

souvenir de mes souffrances non connues, je lui accorderai ce qu’il me demandera. (Ibid.)

L’amour, dit Bénigne Gojoz, m’a appris que ce prodigieux nombre de coups de fouets fut un

soulagement pour Jésus et que, par l’effusion de tant de sang, son Coeur fut soulagé dans son

ardeur de souffrir pour la gloire de son Père et le salut des hommes. (Vie, IIe part., ch. XIII.)

De grâce, Sauveur adorable, disait à Jésus Elisabeth Mora, dites-moi ce que je dois faire

pour compenser les injures que vous avez reçues de moi et de tant de pécheurs, mes frères.- «

Pas autre chose, ma fille, répondit Jésus, que d’offrir mes mérites à mon Père éternel. »

(Biografia, ch. XII, p. 107.)

Jésus raconta à sainte Brigitte comment on l’avait crucifié : « Etant monté sur la croix,

j’étendis mes bras, non par contrainte, mais de moi-même, et ayant ouvert ma main droite, je la

posai sur la croix ; aussitôt, les bourreaux plein de cruauté la crucifièrent ; la perçant avec un

gros clou à la partie où les os étaient plus solides ; puis ils tirèrent et étendirent la main gauche

pour la crucifier aussi. Après, ayant tiré le corps outre mesure et ayant joint les pieds, ils les

crucifièrent et ils étendirent avec tant de violence le corps et les membres que les nerfs, les

muscles et les veines en furent presque rompus. Alors ils remirent sur ma tête ma couronne

d’épines qu’ils m’avaient ôtée pour me crucifier; les épines percèrent si bas que mes yeux

furent soudain remplis de sang, ainsi que mon visage, mes oreilles et ma barbe. » (Liv. VII, ch.,

XV.)

Mechtilde dit au Seigneur : Dites moi, je vous prie, de toutes les souffrances qu’endura le

Christ pour nous, laquelle lui fut la plus douloureuse ? L'amour répondit : « Ce fut d’être étendu

en croix, au point que tous les membres étaient sortis de leurs jointures. Lui rendre grâces pour

cette souffrance sera pour lui un service aussi agréable que d’appliquer sur toutes ses plaies

l’onguent le plus calmant. Lui rendre grâce aussi pour la soif, qu’il éprouva sur la croix pour le

salut de l’homme, sera pour lui comme le rafraîchissement le plus agréable. Lui rendre grâces

pour avoir été attaché avec des clous à la croix, sera pour lui comme si on le délivrait de la croix

et de toutes ses peines. » (IIe part., ch. XVII.)

23. Pourquoi Jésus n’est pas descendu de la croix

Sainte Brigitte entendit le Sauveur expliquer ainsi pourquoi il était resté sur la croix : « Si je

fusse descendu de la croix, comment se serait manifestée ma patience invincible ? Et tous se

seraient-ils convertis ? N’auraient-ils pas dit que j’aurais fait cela à l’aide de la magie ? Car s’ils

s’indignaient de ce que je ressuscitais les morts, guérissais les malades, ils en auraient bien dit

d’autres si je fusse descendu de la croix. J’ai voulu être pris afin que le captif fût affranchi ; j’ai

voulu être attaché afin que le pécheur fût délié ; par ma constance à demeurer en la croix j’ai

rendu constantes toutes les inconstances et j’ai rendu ferme la faiblesse. » (Liv. v, ch. v.)

24. De chacun de ses tourments Jésus a fait un principe de grâces

Écoutons ce touchant colloque de Jésus et de Mechtilde : « Je te le dis en vérité :

j’accepterai les larmes répandues pieusement pour ma passion comme si on l’avait soufferte

pour moi-même. – Comment ferai-je, mon Seigneur, pour obtenir ces larmes ? – Je vais te

l’apprendre. Pense d’abord avec quelle amitié et quelle affection je suis allé à la rencontre de

mes ennemis, qui me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me faire mourir, comme

si j’avais été un brigand et un malfaiteur ; cependant je suis allé au devant d’eux avec

l’empressement d’une mère qui va au devant de son fils pour l’arracher à la gueule des loups.

Secondement lorsqu’ils me frappaient sans pitié de leurs soufflets, autant de soufflets qu’ils me

donnaient, autant de baisers affectueux j’ai donnés aux âmes de tous ceux qui, jusqu’au dernier

jour, doivent être sauvés par les mérites de ma passion. Troisièmement, pendant qu’ils me

flagellaient avec tant de férocité, j’ai fait pour eux une prière si efficace à mon Père céleste, que

beaucoup d’entre eux en furent convertis. Quatrièmement, lorsqu’ils m’enfonçaient la couronne

d’épines sur la tête, autant de pointes d’épines pénétrèrent dans mes chairs, autant de pierres

précieuses je plaçai dans leur couronne. Cinquièmement, quand ils me clouèrent à la croix et

m’étendirent les membres au point que l’on pût compter mes os et mes entrailles, j’attirai à moi,

par ma divine vertu les âmes de tous ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle, ainsi que je

l’avais dit auparavant : Lorsque je serai élevé, j’attirerai tout à moi. (Jean, XII, 21.) Sixièmement,

lorsque la lance m’ouvrit le côté, j’ai présenté dans mon Coeur à boire la vie à tous ceux qui en

Adam avaient bu la mort, afin que tous devinssent des fils de vie éternelle. » (Ire part., ch. XVIII.)

25. Comment Jésus a voulu être lié pour être tout au pouvoir de l’homme

Jésus dit à sainte Mechtilde : « Quand j’entrai dans le monde au moment de ma naissance,

je fut lié de bandelettes dans des langes, tellement que je ne pouvais me mouvoir, en signe que

je me livrais, moi tout entier avec les biens que j'apportais du ciel, en la puissance et au service

des hommes. Car celui qui est lié n’a plus de puissance ; il ne saurait se défendre et on peut lui

enlever tout ce qu’il possède. Semblablement quand je sortis du monde, j’ai été attaché à la

croix, sans pouvoir également me mouvoir, en signe que je laissais à l’homme tous les biens

que j’avais acquis durant ma vie mortelle. Ainsi toutes mes oeuvres, tous les biens que je

possédais comme Dieu et comme homme, toute ma passion, tout a été abandonné à l’homme

qui peut dès lors me ravir en toute confiance ce qui est à moi, et tout mon désir est qu’il jouisse

de tous mes biens.» (Ire part., ch. v.)

26. Jésus pensait à tous dans sa passion. Ses souffrances ont rendu les nôtres

méritoires

« Pendant que j’allais à la mort, a dit Jésus à Véronique Juliani, je m’offrais et j’offrais toutes

mes souffrances à mon Père éternel ; dans ce moment je vous avais tous présents devant moi,

et j’offrais mes souffrances pour tous et pour chacun. Toi aussi tu étais présente à mon esprit et

je te faisais participante de tous les mérites de ma passion. Ce fut là le principe de ta

sanctification et ce qui rendit méritoires toutes les peines que tu devais avoir. Toutes tes

souffrances étaient alors devant mes yeux, aussi bien celles que tu as déjà endurées que celles

qui te restent à subir ; et moi, avec le prix infini de mon sang, je te méritais des mérites sans

nombre, mérites (que tu dois gagner) par le moyen des souffrances qui te restent à endurer.

Vois donc un peu si la souffrance n’est pas une bonne chose, elle qui a été rachetée avec toi

par le sang que j’ai répandu. » (Diario, 14 juglio 1697.)

27. L’espoir du pécheur

Le Seigneur dit à Gertrude : « Si tu crois que j’ai été offert en croix à Dieu le Père parce que

j’ai voulu être offert de la sorte, crois aussi que je veux encore m’offrir à Dieu le Père chaque

jour pour tout pécheur, avec autant d’amour que je me suis offert en croix pour le salut de tout le

monde. Ainsi tout pécheur, quelque énorme poids de péchés qui l’accable, peut respirer dans

l’espoir du pardon, en offrant à Dieu le Père ma très innocente passion et ma mort, et qu’il croie

bien que par là il obtiendra une abondante rémission de ses fautes, car il n’y a pas sur terre un

remède plus efficace contre le péché que le dévot souvenir de ma passion, uni à une vraie

pénitence et à une foi droite. » (Liv. IV, ch. XXV ; éd. lat., p 377.)

CHAPITRE VIII : Les victimes de Jésus

I. Jésus veut et se choisit des Victimes

1. Il y aura toujours des victimes de Jésus

« Ma fille, a dit Jésus à Gemma Galgani, j’ai besoin de victimes et de victimes fortes. Pour

calmer le juste courroux de mon divin Père, il me faut des âmes qui, par leurs souffrances, leurs

tribulations et leurs privations, réparent ce que font les pécheurs et les ingrats. Oh ! puissé-je

faire comprendre à tous combien mon Père céleste est irrité contre le monde impie. Plus rien ne

retient sa colère et un terrible châtiment se prépare pour tout l’univers. » (Biografia, ch. XXI)

Le Seigneur a dit à Marie Brotel : « J’ai toujours répandu sur mon Église des grâces

abondantes de sainteté pour former des âmes intérieures qui puissent désarmer ma justice. Il y

a eu, à toutes les époques, des victimes cachées, qui ont coopéré à l’oeuvre du salut des âmes.

Cependant j’ai rarement accordé autant de grâces semblables qu’à l’époque actuelle ; mais

elles sont imparfaitement reçues par la suite de l’attache aux biens créées et de la crainte de la

souffrance. Et cependant si je ne suis pas désarmé par les âmes intérieures, il faut que ma

justice frappe de grands coups. » (Vie, ch. v et appendice I, n° 20.) Un jour voyant Notre

Seigneur triste et accablé à la vue du malheur des hommes, elle Lui dit : combien cela durera -

t-il. – « Pour moi, répondit Jésus, je souffrirai dans les membres de mon Église jusqu’à la fin du

monde ; pour toi cela finira et sera remplacé par la gloire. » (Ibid., ch.XI.)

Notre-Seigneur montra un jour à Françoise de la Mère de Dieu une grande multitude et lui fit

entendre que c’étaient les hérétiques d’Angleterre. Il lui dit : « Voyez tout ce peuple ; je suis

mort pour eux tous, et il n’y en a pas un qui m’aime. Je veux que vous m’aimiez pour eux et que

vous fassiez tous les jours quelque pénitence pour leur conversion. » Une autre fois, au

moment où elle se rendait à la récréation, Notre-Seigneur se présenta à elle et lui dit : « Adorezmoi

au lieu de ceux qui m’offensent ; on me foule aux pieds, on m’injurie, on blasphème contre

moi. » On sut depuis qu’en ce moment même des soldats hérétiques commettaient de grandes

irrévérences contre le Saint Sacrement. Un autre jour Jésus se montra avec un visage irrité : «

Je suis courroucé contre mon peuple ; on foule mes mérites aux pieds ; on profane les

sacrements. J’ai dessein de châtier le monde par la famine ; c’est pourquoi je n’ai pas envoyé

de pluie. Si je ne châtie pas les pécheurs, ce n’est pas que je ne le puisse faire, mais je patiente

et les attends à pénitence ; et puisqu’ils ne se convertissent point, je veux faire paraître que je

suis Dieu et les châtier. » Et dans une autre circonstance Il dit : « Ce n’est plus moi qui suis

fâché, c’est mon Père ; car comme j’ai eu soin de sa gloire et suis mort pour réparer le

déshonneur qui Lui avait été fait par le péché, Il prend maintenant soin de mon honneur et Il

veut me venger des pécheurs qui méprisent mes mérites. » Ces paroles excitaient le zèle de

Françoise, qui redoublait ses prières et sacrifices pour les pécheurs. Jésus lui dit encore que

bien que toutes les personnes religieuses s’emploient à Le prier, Il en choisit en chaque

communauté quelques-unes pour avoir soin de ses affaires, prendre le parti de ses intérêts et

aspirer continuellement à sa gloire, comme faisaient les âmes qu’elle voyait près de Lui, et qui

avaient par leurs prières apaisé le courroux de son Père, lequel consentait à attendre encore le

monde à pénitence et à différer son châtiment, car il y a longtemps qu’il serait dans les abîmes

sans les prières de ses amis. Il lui explique aussi que s’il y a dans chaque couvent quelque âme

qui Lui adhère plus particulièrement (qui Lui est plus étroitement unie), il s’en trouve quelques

unes qui, par leurs négligences et leur peu d’attention à Lui correspondre, Lui donnent occasion

de les laisser et de se retirer d’elles. (Vie, ch. VI.)

Dans ce cas Jésus va ailleurs chercher des âmes plus fidèles : « Je t’offre ce calice, a dit

Jésus à Gertrude-Marie, parce que je t’aime d’un amour spécial ; si tu le refuses, je l’offrirai à

une âme moins aimée que toi et qui l’acceptera. »(6 octobre 1907).

Un jour que je souffrais beaucoup, raconte encore Gertrude-Marie, Notre-Seigneur a daigné

me faire connaître ses amis de la terre : « J’ai mes amis sur la terre comme je les ai dans le

ciel, m’a-t-Il dit, et ceux là sont mes véritables amis qui souffrent beaucoup pour mon amour. De

la souffrance découle un suc mystérieux, qui nourrit l’âme, qui la vivifie, qui la transforme pour

ainsi dire. » (15 septembre 1907) « J’ai été bien des fois sur le point de châtier mon peuple ;

mais quand je regarde mes saints, je ne peux plus punir. » (1er octobre 1907.) Plus la

persécution se déchaînera, plus je m’approcherai de mes fidèles amis, de mes enfants bien

aimés, plus je leur demanderai de souffrir avec moi et pour moi. » (17 octobre 1907.)

Le divin Maître a dit à Benigna : « La faim très ardente que j’ai de sauver le plus d’âmes que

je peux me pousse à chercher des âmes que je puisse associer à mon oeuvre d’amour. »

(Notice, p. 84.)

2. Souffrir avec Jésus

La vie de la vénérable Agathe de la Croix, vierge de l’ordre de saint Dominique (+ 1621,) fut

remplie de douleurs intérieures et extérieures impossible à décrire. Un jour Jésus-Christ se

présenta à elle tel qu’il était au jardin des Olives et lui découvrit son Coeur en disant :

«Regardez, ma fille, ces flots abondants d’amertume qui m’ont envahi de toutes parts. Je veux

qu’ils environnent aussi votre coeur. » Depuis cette vision, elle fut torturée cruellement dans les

profondeurs de son âme.

Souvent, écrit la Mère Marie du Divin Coeur, Notre-Seigneur m’exprime son désir de prendre

sa demeure dans mon coeur pour s’y réfugier quand le monde l’oublie, et pour y trouver son

plaisir en conversant avec moi comme un époux avec son épouse. Vous savez déjà, mon Père,

de quelle manière je sens souvent sa présence, et que par cela je goûte un bonheur

inexplicable. L’autre jour Il m’a dit qu’Il ne voulait pas que je meure parce qu’Il voulait encore

continuer ces relations. Comme Il ne voulait pas que des églises ou sanctuaires où Il habite

soient détruits, ainsi Il ne voulait pas non plus que ma maladie me conduise encore à la mort,

parce qu’Il voulait encore conserver cet endroit de son habitation. Il me dit aussi qu’en trouvant

ainsi sa demeure en moi, il ne se trouverait plus seul et isolé dans le monde. (Vie, ch. VIII, 19

novembre 1896.)

Mais par là même qu’Il la choisissait pour être consolatrice, Jésus l’appelait à être victime avec

Lui. Notre-Seigneur me fit comprendre que lorsque le corps mystique de la sainte Église

exigeait des secours pour quelques besoins en général ou en particulier, Il envoyait souvent

des souffrances corporelles, maladies etc., à quelques unes de ses épouses, afin d’obtenir par

là des grâces nécessaires. » (21 novembre 1896.)

Le vendredi dans l’octave du Saint Sacrement, 1896, Marie du Divin Coeur demandait au

Seigneur pourquoi cette prolongation de la maladie et des souffrances ? Jésus répondit : « J’ai

racheté le genre humain par la croix, par la croix je sanctifie encore les âmes. Plus j’attache

étroitement une âme à la croix, plus je me la rends semblable par la souffrance et plus aussi je

me l’unis étroitement. Les souffrances de mes élus achèvent l’oeuvre de ma rédemption.

Chaque fois que je m’unis une épouse par la souffrance, c’est un nouveau couronnement pour

l’oeuvre de la rédemption. » Il dit encore : « Sache, mon enfant, que de la charité de mon Coeur

je veux faire descendre des torrents de grâce par ton coeur dans les coeurs des autres. C’est la

raison pour laquelle on s’adressera à toi avec confiance ; ce ne sont pas tes qualités, mais c’est

moi qui en est la cause. Jamais quelqu’un qui se rencontrera avec toi ne s’éloignera sans que

son âme soit, de quelque manière, consolée, soulagée ou sanctifiée, ou ait reçu quelque grâce,

même le pécheur le plus endurci. S’il veut profiter de la grâce, il ne tient qu’à lui…Je suis uni à

chaque âme qui se trouve en état de grâce, mais j’ai choisi quelques âmes en particulier pour

m’unir à elles d’une manière toute spéciale. Cette union est si sublime et si intime qu’elle n’est

surpassée que par l’union entre les trois Personnes de la Sainte Trinité. » (25 juin 1896, Vie, ch.

IX.)

Après qu’il eut été décidé qu’elle n’irait pas à Lourdes demander sa guérison, Notre-

Seigneur lui dit : « Je veux que tu souffres sans soulagement, sans consolation naturelle. Je

déroule devant tes yeux de nouveau le tableau des souffrances, comme aussi le tableau de

mon amour. Je te choisis de nouveau comme victime, comme holocauste, et pour l’expiation

des sacrilèges, et je te donne de nouveau mon Coeur avec tous ses trésors. Ta devise doit être :

Amour, sacrifice, réparation. » Un jour Il m’avait dit que je devais me laisser jeter comme une

balle tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. (23 juillet 1897, ch. X.)

Notre-Seigneur m’a invitée à souffrir en réparation des sacrilèges : « Je t’appelle à la prière,

au sacrifice et aux souffrances. Tes souffrances vont augmenter et tu dois te préparer à de plus

grandes souffrances. » Notre Seigneur attendait ma réponse, Il enflammait mon coeur de son

divin amour, et moi, pleine de confiance en sa divine grâce, je ne pouvais résister à sa

demande. Il me présentait des douleurs, des persécutions, des calomnies, le mépris de tous,

etc. J’acceptai tout. Il me disait ensuite qu’Il désirait trouver dans un coeur humain un lieu de

repos et de consolation préparé par l’amour et les souffrances, et que sans aucun mérite de ma

part Il avait choisi mon coeur, que mon coeur devait être un autel, où tout se consume dans les

flammes de l’amour divin. (7 avril 1898, ch. X.)

Jésus dit à Bénigne Gojoz : « Ta gloire est en la croix ; l’Epoux et l’épouse, par un effet de

grâce et d’amour, n’auront qu’un trône » et je vis, raconte Bénigne, à l’ombre de cet adorable

Crucifié, une petite crucifiée sur la même croix et attachée par les mêmes clous. C’est, lui dit

Jésus, pour te faire comprendre l’état d’union à mon humanité crucifiée dans lequel je t’ai mise,

dans lequel tu seras longtemps et par lequel tu recevras des avantages infinis qui te rendront

comme bienheureuse. C’est dans cet état que j’ai sauvé l’homme et que j’ai glorifié mon Père…

Ma bonté m’unit à toi et ma grâce t’unit à moi dans les dispositions d’une âme crucifiée par

amour. Je ressens pour toi le même amour que je ressentis distinctement pour ton âme sur la

croix ; ainsi l’amour commun entre nous nous unit de nouveau par les faveurs intimes que tu

reçois et que tu recevras en cet état présent, dans lequel tu es crucifiée avec moi par union, par

amour et par grâce. Lorsque l’âme souffre, je suis près d’elle et je m’unis à elle par la même

souffrance. Tu verras aussi, par cette intime représentation, que si ton âme crucifiée avec moi

se regarde en moi, elle s’y voit comme dans un miroir très beau, très clair et représentant

merveilleusement bien les objets qui s’y peignent. » Plus tard, le Verbe divin lui dit cette intime

parole : « Épouse, il est mieux et plus convenable à notre amour que tu te renfermes au-dedans

de moi-même. » Ainsi, dit Bénigne, l’amour me cachant en Jésus, je ne me vis plus auprès de

Lui sur la croix, mais je me trouvai dans le Coeur adorable de mon Sauveur, et j’y fus comme

perdue à moi-même durant trois années entières. (Vie, ch. XIV)

3. Jésus choisit ses victimes

Notre-Seigneur ayant apparu à la bienheureuse Marguerite-Marie lui dit : « Je cherche une

victime pour mon Coeur, laquelle se veuille sacrifier comme une hostie d’immolation à

l’accomplissement de mes desseins. » Comme elle s’en reconnaissait indigne, Jésus lui dit : «

Non, je n’en veux point d’autre que toi, et c’est pour cela que je t’ai choisie. » (Ed. Gauthey, II)

Une autre fois la bienheureuse vit les trois Personnes de l’adorable Trinité se présenter à elle ;

et il lui sembla que le Père éternel, lui offrant une grosse croix toute hérissée d’épines,

accompagnée de tous les autres instruments de la passion, lui disait : « Tiens, ma fille, je te fais

le même présent qu’à mon Fils bien-aimé. » - « Et moi, dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, je t’y

attacherai comme j’y ai été attaché, et je t’y tiendrai fidèle compagnie. » - Le Saint-Esprit

ajouta : « Moi, n’étant qu’amour, je t’y consumerai en te purifiant. » (T. II, p. 74.)

Jésus-Christ apparut à la bienheureuse Marie-Barthélemie Bagnesi (1514-1577), crucifié et

couvert de plaies sanglantes ; « Je veux, lui dit ce Rédempteur souffrant, je veux t’associer aux

douleurs de ma passion. » - Ô Jésus, répondit Barthélémie, pourquoi cette grâce insigne à

votre pauvre petite servante ? Dès ce moment, sa tête fut visiblement entourée d’une couronne

d’épines aiguës.

Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Ozanne, vierge du tiers-ordre de saint Dominique

(1449-1505), sous la forme d’un petit enfant ravissant de beauté, le front couvert de belles

boucles de cheveux blonds, mais ceint d’une couronne d’épine et une longue croix sur les

épaules : il tendit en souriant ses petits bras vers la jeune vierge et lui dit : « Chère Ozanne, je

suis le fils de Marie ; à mon exemple il faut te disposer à beaucoup souffrir ; cependant ne

crains point, jamais je ne t’abandonnerai. »

La vénérable Anne-Madeleine Rémuzat66, encore pensionnaire, vit un jour le Sauveur lui

apparaître et lui dire : ma fille, je cherche une victime. » La jeune enfant nomme alors à Notre-

Seigneur les personnes qui lui semblent les plus saintes, et au nom de chacune Jésus répond :

« Non, ce n’est pas celle que je veux. » Enfin Il lui dit : « C’est toi-même, ma fille, que je choisis

pour ma victime. » (Vie, ch. III.)

La Mère Marie-Dominica-Clara Moes n’avait que sept ans quand, le 8 décembre 1838, elle

fit voeu de chasteté perpétuelle : « Viens, Épouse bien-aimée de mon coeur, lui dit le Seigneur.

J'ai accepté ton sacrifice avec complaisance. Je t'ai aimée d’un amour éternel et t’ai choisie de

préférence à d’autres pour devenir l’Epouse de mon Coeur divin. » Alors le Coeur de Jésus

s’ouvrit et la Très Sainte Vierge y fit entrer la petite épouse. « Maintenant, lui dit le Seigneur, tu

es toute à moi et je suis tout à toi. Dès maintenant tu ne dois vouloir que ce que je veux, ne

désirer que ce que je désire, ne vouloir être que là où je veux que tu sois. Tu ne dois souffrir,

travailler et agir que pour moi. Les cadeaux de noces que je te donne sont ceux-là mêmes qui

m’ont été donnés par mon Père céleste, afin que je puisse t’acquérir pour mon épouse : ce sont

des souffrances, des persécutions, des humiliations et des peines de toutes sortes. » (Vie, I

Theil, Kap. Ill, § 3.)

« Ma pauvre petite Marguerite, dit Jésus à l’héroïque pénitente de Cortone, n’aie pas de

doute sur la pleine et entière rémission de tes péchés. Je t’ai placée pour devenir la lumière

éclatante de ceux qui sont placés à l’ombre de leurs vices et un foyer de chaleur à ceux qui

croupissent dans la tiédeur, afin qu’ils m’aiment et me suivent avec ferveur. Je t’ai placée pour

66La vénérable Anne-Madeleine Rémuzat (1696-1730) fut religieuse au premier monastère de la Visitation de Marseille.

Elle avait prédit à Mgr de Belzunce la peste qui devait ravager la ville (1720), et quand le fléau eut éclaté, elle fut

chargée par le Seigneur d'amener le pieux évêque à établir dans son diocèse le culte liturgique du Sacré-coeur. (Vie,

Lyon , Vitte, 1894)

servir d’exemple aux pécheurs, afin qu’ils apprennent clairement de toi qu’en cédant à mes

inspirations et en se préparant, à l’aide de ma grâce, à obtenir leur justification, je suis prêt à

user envers eux de la même miséricorde dont j’ai usé envers toi. » (Vie intime, ch. II, § 5.)

En la fête de Noël 1914, Jésus se montra plein de beauté à Soeur Marie-Fidèle. Il lui dit : «

J’ai soif d’âmes qui sachent m’aimer comme je désire l’être, qui m’adorent en esprit et en vérité.

Veux-tu donner de la consolation à mon Coeur ? Veux-tu accepter de nouvelles souffrances et

coopérer à la réalisation de mes desseins envers les âmes? Es-tu prête à t’abandonner à moimême

dans la plus grande épreuve, à te laisser consumer comme victime de mon amour, à

vivre et à mourir dans cet état ? Plonge-toi dans ton indignité totale, enterre-toi dans ton néant

et laisse-toi enterrer. Je ne veux de ton côté aucune autre coopération que l’abandon ; tout le

reste je veux le faire. » (Ed. allem., p. 160 ; éd. franç., p. 171.)

4. Saintes exigences de Jésus

Jésus dit à Gertrude-Marie : « Je suis un Dieu jaloux. Plus j’aime une âme, plus j’exige

d’elle ; elle ne me donne jamais assez, et cela vient de mon ardent amour pour elle. » (29

octobre 1907.)

Le Sauveur dit à Bénigne Gojoz : « Bénigne, demande-moi le salut de mon peuple,

demande-moi que je lui pardonne; emploie à cela tes dix jours (de retraite), ne laisse rien à

souffrir pour moi et pour m’obliger à faire grâce au monde, surtout à cet Etat (le royaume de

Savoie). Renouvelle pour cela toutes tes ardeurs et tes plaisirs souffrants. » C’étaient ses

pénitences qu’Il nommait ainsi. Il lui en demanda des nouvelles et très rudes. Elle obéit et en fit

de prodigieuses sans que Jésus souffrit qu’elle se donnât le moindre soulagement. Une fois,

soupirant un peu, il lui arriva de pousser un hélas ! mais le Sauveur lui dit soudain : « Eh quoi

Bénigne est elle déjà lasse ? Cette amante de Jésus veut-elle faire ce que n’a pas fait son

Epoux et descendre de la croix ? Oh ! Bénigne, c’est ce que le Bien-Aimé ne te permettra pas.

Tu dois te refuser ce qu’un autre peut raisonnablement s‘accorder. » Je connus alors, dit

Bénigne, que les avantages de la souffrance amoureuse sont comme divins, et j’appris que les

croix d’élection aident à porter celles de vocation ; que celles d’impression et de participation

aux douleurs de Jésus sont les plus pénibles mais aussi les plus méritoires ; que celles que

l’obéissance cause et impose sont les plus utiles, et que celles que la Providence permet

journellement doivent être portées plus amoureusement, comme les plus précieuses. » (Vie, IIIe

part., ch. VI.)

5. L’âme doit se faire victime pour consoler Jésus-Victime

Le jour du vendredi saint, au milieu des grâces qu’elle reçut de Dieu, Mechtilde dit au

Seigneur : Ô mon Dieu très doux, qu’est-ce que l’homme peut vous rendre pour vous être ainsi

laissé arrêter et lier en ce jour pour son salut ? Le Seigneur dit : « Qu’il se laisse lier, volontiers,

à cause de moi, du lien de l’obéissance. »- Quelle louange vous rendra-t-il pour ce que vous

avez été couvert des sales crachats des Juifs et cruellement souffleté par eux ? – « Je te le dis,

en vérité, tous ceux qui méprisent leurs supérieurs me crachent au visage. Si l’on veut donc

m’offrir une réparation de cet outrage, on doit honorer ses supérieurs. » Quelles actions de

grâce doit-on vous rendre, ô tendre ami, pour les soufflets?- « que l’on suive rigoureusement les

coutumes prescrites et les constitutions de son ordre. » Quelles louange vous faut-il, ô très

fidèle ami, pour la souffrance que vous avez endurée, lorsqu’on enfonça sur votre tête impériale

la couronne d’épines et qu’on en fit sortir le sang avec tant d’abondance qu’il voila toute votre

aimable face?- « Que l’homme résiste avec force aux tentations, et autant de fois qu’il en aura

surmonté, autant de pierres précieuses il placera sur mon diadème » - Que faire, ô le plus

savant des maîtres, pour les avanies qu’on vous a faites en vous revêtant de blanc comme un

pauvre insensé ? « Ne cherchez dans les vêtements ni la parure, ni la rareté, mais seulement la

nécessité. » Quelles actions de grâce, ô l’unique de mon coeur, vous offrir pour votre cruelle et

barbare flagellation ? « Que l’on demeure toujours avec moi dans une fidélité et une patience

parfaite, dans l’adversité comme dans la prospérité » – Qu’est ce que vous accepterez, mon

bien-aimé, pour vous être laissé percer les pieds et attacher ainsi à la croix ? « Qu’il s’exerce en

toutes les bonnes oeuvres, et que pour moi il évite toute mauvaise action. » – Quelles actions

de grâces, ô douceur sans pareille, doit-on vous rendre pour cette plaie d’amour que vous avez

reçue en croix, cette plaie qui fit sortir de votre très doux coeur de l’eau et du sang pour nous

guérir ? – « Que l’homme conforme toujours sa volonté à ma volonté et que ma volonté lui

plaise toujours en tout et par-dessus tout. » (Ire part., ch. XVIII ; ed. lat., p. 51.)

Le Seigneur dit à Gertrude : « Pour que j’aie en ton coeur une parfaite délectation, donnemoi

la liberté d’y faire et d’y renfermer tout ce que je voudrai, sans déterminer si ce sera la

douceur ou l’amertume que j’y verserai. » La sainte dit : Enseignez-moi, ô mon unique

espérance et salut de mon âme, comment je pourrai vous payer quelque retour pour votre

passion, à vous si amère et à moi si salutaire ? – « Si quelqu’un suit le sentiment d’autrui et non

le sien propre, répondit le Seigneur, il me payera la captivité, les liens et les injures que j’ai

subis, dès le matin pour le salut. Celui qui avouera humblement qu’il est coupable, me

dédommagera de l’accusation portée contre moi à la première heure, par de faux témoins, et de

la sentence de mort qui en est résulté. Celui qui prive ses sens des choses qui peuvent les

flatter me paie la flagellation que j’aie subie à la troisième heure et celui qui obéit à des

supérieurs maussades et difficiles, me soulage de ma couronne d’épines. Celui qui, étant

offensé, fait le premier des démarches pour la paix, me récompense de mon portement de

croix. Si quelqu’un étend ses efforts dans les oeuvres de charité au-delà de ce qu’il peut, il me

solde cette extension cruelle qui, à la sixième heure, me fit étendre les bras sur la croix. Celui

qui affronte l’outrage et la tribulation pour retirer le prochain du péché, me paye la mort que j’ai

soufferte à la neuvième heure pour le salut des hommes. Celui qui, étant outragé, répond avec

humilité, fait comme s’il me descendait de la croix. Enfin celui qui préfère le prochain à soi

même, trouvant qu’il a droit à plus d’honneurs, de commodités, ou d’autres avantages, celui-là

me paye pour ma sépulture. » (Liv. IV, ch. XXVI.)

6. Jésus continue de souffrir dans ses intimes

Le Seigneur dit à Gertrude : « L’amour qui m’animait au temps de ma vie mortelle, lorsque

j’endurais en mon corps toutes les angoisses et les amertumes de la passion et de la mort,

aujourd’hui même que je suis devenu immortel, je l’éprouve en ton coeur, qui tant de fois s’est

ému et pénétré de compassion au sujet de mes angoisses et de mes amertumes pour le vrai

salut de tous ceux qui doivent être sauvés. C’est pourquoi je te donne, pour cette compassion

avec laquelle tu as compati durant ce jour à mes douleurs, tout le fruit de ma sainte passion et

de ma précieuse mort, en augmentation de ta béatitude éternelle. » (Liv.IV, ch.XXV ; éd. lat., p.

379)

7. Jésus donnant sa croix à l’âme sa victime

Un jour que, pendant son oraison, Marguerite-Marie considérait Notre-Seigneur sur l’arbre

de la croix, Jésus la tint fortement attachée à Lui : « Reçois, ma fille, lui disait-Il, la croix que je

te donne et plante-là dans ton coeur, l’ayant toujours devant les yeux et la portant entre les bras

de tes affections. Les plus rigoureux tourments qu’elle te fera sentir seront inconnus et

continuels : une faim sans te rassasier, une soif sans te désaltérer, une ardeur sans

rafraîchissement. » La sainte ne comprenant pas ces paroles, Notre-Seigneur lui en donna

l’explication : « L’avoir dans ton coeur, c'est-à-dire qu’il faut être crucifiée en toute chose ; la

porter entre tes bras, c'est-à-dire l’embrasser amoureusement toutes les fois qu’elle se

présente, comme le plus précieux gage de mon amour que je te puisse donner en cette vie.

Cette faim continuelle des souffrances sera pour honorer celle que j’avais de souffrir pour mon

Père éternel ; cette soif sera de moi et du salut des âmes, en mémoire de celle que j’ai eue sur

l’arbre de la croix. » (Ed. Gauthey, II, p.154)

8. Ce que Jésus choisit pour ses amis

Un jour Notre-Seigneur se présenta à sainte Marguerite-Marie, portant d’une main le

tableau de la vie la plus heureuse pour une âme religieuse, et de l’autre, une vie abjecte,

crucifiée : «Choisis, ma fille celui qui t’agréera le plus : je te ferai les mêmes grâces au choix de

l’un comme de l’autre. » Elle répondit : Ô mon Sauveur, je ne veux que vous et le choix que

vous ferez pour moi. Alors Il lui dit, en lui présentant le tableau de crucifixion : « Voici que je t’ai

choisi et qui m’agrée le plus, tant pour l’accomplissement de mes desseins que pour te rendre

conforme à moi. L’autre tableau est une vie de jouissance et non de mérite pour l’éternité. »

(Ed. Gauthey, II, p.78.)

9. Ce que préfèrent les amis de Jésus

Le 2 février 1697, Jésus se montra à Véronique Juliani sous les traits d’un enfant de six à

sept ans, tenant à la main un lys, une palme et une croix. Il lui dit : Veni sponsa mea (Viens

mon épouse) et des saints et des saintes et des anges répondirent : Viens, tu seras couronnée.

Alors le Seigneur présenta à la sainte deux couronnes, une d’épines et l’autre de pierres

précieuses. Il l’invita à choisir. Sans en choisir aucune, dit la sainte, et toute soumise au divin

vouloir, j’avais cependant un vif désir de la couronne d’épines. Le Seigneur me contenta ; de sa

main Il me la posa sur la tête et Il donna à la très Sainte Vierge, qui se tenait près de Lui, la

couronne de pierres précieuses. Jésus tenait encore à la main le lys et la palme : combat et

victoire, et il faisait signe à la sainte de prendre l’un des deux ; sur le lys étaient écrits ces

mots : joies et contentements : sur la palme : combats et victoires. Cette fois encore, je m’en

remis au bon plaisir divin. Il me donna la palme, qui, tout aussitôt devint une croix et Il remit le

lys à la Très Sainte Vierge. (Diario, 2 febraio 1697.)

Notre-Seigneur apparut à la bienheureuse Catherine de Racconigi lorsqu’elle n’avait encore

que dix ans lui présentant deux couronnes ; l’une de fleurs, l’autre d’épines . Elle choisit celle

d’épines pour être plus semblable à son Bien Aimé qui lui dit en souriant : « Je loue ta grandeur

d’âme dans le choix que tu fais, mais tu n’es encore qu’une faible enfant, et tes forces ne sont

pas en proportion avec ton coeur. Je ne couronnerai donc point encore ton front avec un

diadème douloureux : je te le garde pour plus tard. » Elle le reçut en effet plus tard.

La bienheureuse Ozanne de Mantoue, favorisée de la couronne d’épines et de la plaie du

côté, obtint, après un an de prières ferventes la grâce de participer aux autres douleurs de son

Epoux. Il lui apparut environné d’un admirable éclat et lui dit : « Tu veux donc avoir mes

stigmates ? »- Oh ! oui, et plus que je ne puis l’exprimer.- « Prends garde, ma fille lui dit Notre-

Seigneur, les douleurs que tu désires sont bien cruelles et au-dessus de tes forces. Il vaudrait

mieux pour toi supporter une peine modérée que de succomber sous de nouveaux tourments.

Tu te repentiras peut-être de ta demande. » - Rien ne sera trop lourd pour mes épaules,

répondit Ozanne, si vous venez à mon secours. Il y a longtemps que j’ai mis mon espérance en

Vous ; remplissez donc votre promesse. Notre–Seigneur l’assura de son secours et lui accorda

la faveur qu’elle sollicitait.

Sainte Catherine de Sienne souffrait beaucoup d’une horrible calomnie ; et elle répandait

devant Dieu ses prières et ses larmes, lorsque le Sauveur lui apparut, tenant dans sa main

droite une couronne d’or enrichie de pierres précieuses et dans sa main gauche, une couronne

d’épines. « Ma fille bien aimée, lui dit-Il apprends qu’il faut que tu portes l’une après l’autre ces

couronnes; choisis celle que tu préfères maintenant. Si tu prends la couronne d’épines pour

cette vie, je te garderai pour l’autre la couronne précieuse; mais si tu prends la précieuse, il

faudra porter celle d’épines après ta mort. Moi, Seigneur dit Catherine, j’ai depuis longtemps

renoncé à ma volonté et promis de suivre en tout la vôtre : je n’ai pas de choix à faire : mais si

vous voulez que je réponde, je vous dirai qu’en cette vie je préfère et veux être conforme à

votre bienheureuse passion, que mon bonheur sera de toujours souffrir pour vous. Aussitôt

prenant à deux mains la couronne d’épines, elle la met avec tant de force sur sa tête que les

épines y entrent de toutes parts. Alors le Seigneur lui dit : « toute chose est en mon pouvoir, et

si j’ai permis ce scandale, je puis le faire cesser en un instant. Achève l’oeuvre que tu as

commencée ; ne cède pas au démon qui veut t’en empêcher ; je te donnerai sur lui une victoire

éclatante; tout ce qu’il a préparé contre toi tournera à sa honte et à ta gloire. » (Vie, par le

bienheureux Raymond, IIe part., ch. IV.)

Il fut montré à Marguerite-Marie, un jour qu’elle était devant le Saint Sacrement, l’ardeur

dont les séraphins sont embrasés, et elle entendit ces paroles : « N’aimerais-tu pas mieux jouir

avec eux que de souffrir, être humiliée et méprisée pour contribuer à l’établissement du règne

de mon Coeur dans ceux des hommes? » Sans hésiter elle embrassa la croix, toute hérissée

d’épines et de clous qui lui était présentée. (Ed. Gauthey, II, p. 304.)

10. Ceux qui nous font souffrir sont les instruments de Dieu

Notre-Seigneur voulait que Marguerite-Marie ne cherchât qu’en Lui sa consolation. S’il

arrivait, dit-elle, que je me voulusse procurer quelque consolation, Il ne me faisait rencontrer

que de la désolation et de nouveaux tourments pour tout soulagement. Il lui dit un jour : « Je te

fais bien de l’honneur, ma chère fille, de me servir d’’instrument si nobles pour te crucifier. Mon

Père m’a bien livré entre les mains cruelles des bourreaux pour me crucifier, et moi je me sers,

pour cet effet, à ton égard, de personnes qui me sont consacrées et au pouvoir desquelles je

t’ai livré. Je veux que tu m’offres pour leur salut tout ce que tu souffriras.» (Ed. Gauthey, II, p.

97.)

11. Compatissons aux souffrances de Jésus

Une fois, Notre-Seigneur lui montrant le mauvais traitement qu’Il recevait dans une âme où

Il était comme lié, foulé aux pieds et méprisé, lui dit d'une voix triste : « Regarde comme les

pécheurs me traitent et me méprisent. » Elle le vit encore dans un coeur qui résistait depuis

longtemps à son amour. Il avait les mains sur ses oreilles sacrées et les yeux fermés, disant : «

Je n’écouterai point ce qu’il me dit, ni ne regarderai point sa misère, afin que mon coeur n’en

soit pas touché et qu’il soit insensible pour lui comme le sien l’est pour moi. » (Contempl., p.

68.)

Après la sainte communion, son divin Epoux se présenta à Marguerite-Marie, sous la forme

d’un ecce homo, tout couvert de plaies et de meurtrissures : son sang adorable coulait de

toutes parts. Il lui disait d’une voix triste et douloureuse : « N’y aurait-il personne qui ait pitié de

moi et qui veuille compatir et prendre part à ma douleur, dans le pitoyable état où les pécheurs

me mettent, surtout à présent ? » (Vie, p. 366 ; éd.Gauthey, II, p. 114.)

Le 28 juin 1694, raconte sainte Véronique Juliani, étant la nuit en oraison, Notre-Seigneur

se fit voir à moi tout couvert de plaies de la tête aux pieds, et Il me dit: « Vois comme m’ont

traité les pécheurs. » Et pendant qu’Il parlait, ses plaies se rouvrirent, et le sang coulait de

toutes parts. Il me donna alors une certaine connaissance de ce qu’est le péché. Hélas, on n’y

pense pas. Je crois que si cette lumière eût duré quelque temps, j’en serais morte de douleur.

(28 gennaro 1694.)

12. Les bras en croix

Gertrude dit au Seigneur : Enseignez-moi, mon excellent Docteur, une pratique que nous

puissions particulièrement observer en mémoire de votre passion. Le Seigneur répondit : «

Priez, les bras étendus et représentez ainsi à Dieu le Père une image de ma passion, pour le

bien et l’amendement de toute l'Église, en union de cet amour avec lequel j’ai étendu les mains

sur la croix. » - Si l’on voulait agir ainsi, il faudrait se cacher en un coin, dit la sainte, car ce n’est

pas la coutume. Le Seigneur répondit : « Cette attention à chercher un coin me plairait déjà et

relèverait cette action ainsi que des perles relèvent une parure. » Et Il ajouta : « Si quelqu’un se

faisait une pratique de prier ainsi publiquement les bras étendus, sans craindre les

contradictions, il me ferait autant d’honneur qu’en fait à un roi celui qui le met sur le trône»67

(Liv. IV, ch. XVI.)

67Jeanne-Bénigne Gajoz, en priant, se tenait souvent à genoux, les bras en forme de croix, parce qu’elle était assurée par

l’expérience quelle en avait faite, que Dieu ne lui refusait rien de ce qu’elle Lui demandait en cette posture crucifiée et

crucifiante, de laquelle souvent elle était élevée à des transports d’esprit, en sorte que ses pieds ne s’appuyant point, elle

souffrait plus qu’en toute autre de ses pénitences. (Vie,Iére part.., ch.XV.)

13. Dieu en donnant les stigmates se propose le bien des âmes

Le 20 mai 1697, le Seigneur apparaissant à Véronique Juliani lui montra ses plaies et lui

dit : « Ces plaies, je les ai mises en toi (par les stigmates) pour le bien de toutes ces âmes et

aussi du monde entier ; mais je ne trouve personne qui veuille les recevoir. On n'a plus foi en

moi ; tous s’appuient sur des créatures aussi fragiles qu’eux-mêmes. Dis tout cela à ton

confesseur, manifeste tout, décris tout afin qu’on sache l’amour infini que je porte à toutes les

âmes. De nouveau, je te dis de ne pas craindre d’être trompée ; toutes ces oeuvres sont

miennes ; ce sont les effets de mon amour infini que je porte à toutes les âmes. Toutes ces

oeuvres sont miennes ; ce sont les effets de mon amour pour toi, ô mon épouse. »

Mgr. Eustachi, évêque de Citta di Castello, avait voulu examiner et faire examiner la plaie

que la sainte avait au côté ; il en coûtait extrêmement à celle-ci de montrer cette plaie à

différentes personnes ; pour diminuer cette peine, le Seigneur lui envoya une extase, et elle ne

put savoir par qui elle avait été examinée. Elle demanda au Seigneur : Combien de personnes

ont vu cette plaie, Seigneur, et tout ce qu’ont fait le prélat et mon confesseur était-ce bien de

votre goût ? Elle reçu de Jésus cette réponse : « Tiens-toi tranquille ; j’ai voulu que tout se

passât ainsi, et j’en ai tiré beaucoup de bien pour une âme et j’en tirerai plus encore. J’aime tant

les âmes que je voudrais que tout le monde le vît et le connût, afin que se ravivât le souvenir de

ma passion, et que se renouvelât parmi les chrétiens la foi qui est bien tombée. On n’a plus que

le nom de chrétiens. Surtout par le moyen de ces plaies qui sont les miennes, dans toutes tes

oeuvres et tes prières, recommande les besoins de la sainte Église. De nouveau je te confirme

comme médiatrice entre moi et les pécheurs. » Le 2 juin suivant, Il lui dit encore : « Je suis ton

Epoux, et je veux que tu sois ma médiatrice auprès de tes Soeurs pour les attirer toutes à moi.

Je veux me servir de toi. Aussi ces plaies que j’ai mises en toi ne sont pas pour toi seule, mais

pour toutes, afin que par ce moyen toutes puissent recevoir le fruit de ma passion. Ces plaies

seront un motif de plus d’avoir parmi vous cette vraie charité que je souhaite tant voir dans

toutes leurs âmes. Dis-leur de ma part que je les aime d’un amour infini, que toutes se donnent

à moi, qu’elles se dépouillent de tout et qu’elles s’abandonnent entièrement à moi. Et tout ce

que je te dis, manifeste-le à celui qui tient ma place. » (Diario, 1697.)

14. L’amour tient lieu de stigmate

Pendant qu’elle réfléchissait à la grâce des stigmates accordée par le Seigneur à saint

François et à sainte Catherine de Sienne, la Mère Anne-Marguerite Clément sentit une douleur

au fond de son coeur aussi violente que s’il eût été percé en cinq endroits ; aussitôt elle entendit

ces paroles du Sauveur : « Je veux imprimer sur ton coeur cinq sortes d’amours au lieu des

stigmates dont j’ai marqué mes amants, afin qu’ils te soient comme un mémorial qui te fasse

toujours souvenir de ma passion et de ma mort. Ils seront comme des pierres précieuses qui

orneront ton âme pour me la rendre plus agréable ». Et Il lui expliqua les cinq blessures qu’elle

avait reçues : « La première a été faite par l’amour souffrant qui endure tout sans se plaindre ;

la deuxième par l’amour languissant dans l’attente du Souverain Bien ; la troisième par l’amour

sincère, pur et dépouillé de tout le créé ; la quatrième par l’amour constant, et fort à porter toute

sortes de tourments ; la cinquième par l’amour persévérant qui ne se lasse point de combattre

contre soi-même et contre les ennemis de l’âme. » (Vie, 1915, p. 385.)

II. Jésus encourage et fortifie ses victimes

15. Jésus prédit des tribulations à ses amis et leur promet ses faveurs

Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Je suis ton Sauveur, ô ma fille, qui ai souffert le

supplice de la croix pour effacer la sentence de mort portée contre toi et pour te ramener à moi

par la pénitence comme Mathieu et Madeleine. Tu ne sortiras pas de ce monde par le martyre

Catherine Emmerich attribuait aussi une grande puissance à la prière faite les bras en croix. Le Seigneur, disaitelle

ne me refuse rien, car son divin Fils a de la sorte persévéré dans la prière jusqu’à la mort. (Schmoeger, Fribourg,

1896, 1896, Kapitel XVI, §9.).

du sang comme saint Mathieu, mais de même que Madeleine a été l’objet de nombreux

murmures après avoir foulé aux pieds ses vains ornements pour me suivre, ainsi beaucoup se

moqueront de toi, parce que tu marches à ma suite. Toutefois n’en aie cure, puisque tu es ma

fille, mon amie, ma soeur que j’aime par dessus toutes les femmes qui vivent à présent sur la

terre. Dis à ton confesseur de demander au Père Jean de prier instamment pour toi car tes

peines seront telles que tous deux auront des doutes à ton égard, et ces doutes resteront fixés

dans l’esprit d’un certain nombre jusqu’à ta mort… Je ne veux pas que tu examines tes peines,

ni que tu les comptes, mais que tu reposes avec elles entre tes bras de mon amour… » (Vie

intime, ch. v, § 15.)

« Ne crains pas que les promesses que je t’ai faites ne s’accompliront pas ; tu seras grande

dans le ciel si tu supportes sans murmurer et sans te plaindre les peines que je t’ai annoncées.

» (Ibid ., § 16.) Donnez-moi dit Marguerite, une pleine sécurité de vos promesses.- « Tu ne

peux posséder, dit le Seigneur, cette sécurité pendant ta vie, tu n’en jouiras que dans le ciel. »-

Seigneur, reprit Marguerite, vos saints ont-ils éprouvé comme moi cette inquiétude ? –« J’ai

donné à mes saints la force dans leurs supplices ; la sécurité, ils ne l’ont eue qu’au ciel. ( § 17 .)

Tes peines croîtront, parce que le temps de ta vie sera abrégé » ; elle vécut cinquante ans, elle

avait trente ans lors de sa conversion.(§ 27.) « Tu n’auras une confiance pleine et parfaite que

dans la gloire de mon royaume. J’agis ainsi afin que tu conserves les grâces que je t’ai

accordées, que tu les augmentes et que tu restes dans la vigilance et la sollicitude de ton salut.

» (§29.) « Tu crois, lui dit-il un autre jour, avoir passé l’océan des tribulations que tu dois

endurer, mais tu souffriras encore beaucoup de peines, de murmures, et tu seras délaissée.

(§28.) Je ne veux pas que tu goûtes l’allégresse en ce monde, pas plus que je ne l’ai goûtée

moi-même. Tu me suivras en partageant mes peines. Je te prépare des tribulations, parce que

tu es dans la voie et non dans la patrie. Je serai et je ne serai pas avec toi. Je te revêtirai de ma

grâce, mais tu t’en croiras dépouillée, parce qu’en étant en toi, je ferai en sorte de n’être pas

reconnu. Je veux te conserver dans ma crainte, afin que tu croisses en ma grâce. (§ 33.) Sache

que d’ici peu ton confesseur s’efforcera de t’aider dans tes peines, sans pouvoir réussir, parce

que je t’appelle à moi par cette voie. (§ 39.) Tu n’auras jamais de toi une complète sécurité

pendant ta vie, ni même ceux qui te dirigent. Tous les jours de ta vie jusqu’à celui de ta mort, tu

recevras de nouvelles grâces et aussi de nouvelles afflictions. (Ch. VII, § 21.) Jusqu’à la fin de

ta vie tu croîtras sans cesse dans mon amour. ( § 25.) Prépare-toi au combat et aux

souffrances, car ils seront rudes et terribles tout le temps de ta vie. Comme on purifie l’or en le

jetant dans la fournaise, ainsi je te purifierai par les tribulations, les tentations, les infirmités, les

douleurs, les craintes, les veilles, les larmes, la faim, la soif ; lorsque tu seras ainsi purifiée, tu

passeras à la gloire de l’éternelle félicité. Cependant ne te laisse pas abattre, arme-toi de

courage, souffre avec joie toutes ces épreuves, je serai avec toi et je te soutiendrai par les

consolations de ma présence. (Ch. v, § 1er.) Ne cherche pas mes baisers, ô ma fille, avant

d’avoir souffert pour mon amour toutes les peines qui te sont réservées. » (Ch. VI, § 11.)

Un jour de vendredi saint le Seigneur montra dans une vision au vénérable François de

Hoyos comment les princes des prêtres et les anciens du peuple l’avaient traité d’imposteur, de

menteur et d’hypocrite; et Il lui dit : « Le jour viendra où toi aussi on te traitera d’imposteur, de

menteur et d’hypocrite ; regarde-moi bien, et fais selon le modèle que je te montre. » (Vida, XII.)

Ce matin, raconte Gertrude-Marie, aussitôt après la communion, Jésus se présente à

moi : »Veux-tu tout ce que je veux pour toi ? » Malgré ma crainte (car je sais les dons que

Jésus fait à ses amis) , je réponds : Si tu me promets ton amour, ô mon Jésus, j'accepte tout ce

que ton coeur me prépare. « Je puis écrire ? » m'a dit Jésus. Oui, mon Jésus, écrivez. Ouvrant

son coeur, Jésus a écrit sur la première page de ce livre sacré : « Mon épouse s'engage à vivre

dans la mortification, la souffrance, l'humiliation, la pauvreté, le mépris et l'abandon. » Sur la

seconde page le divin Maître écrivit : » En retour je m'engage à soutenir mon épouse de ma

grâce, non toujours sensible mais forte, et à lui donner mon amour. » (16 octobre 1904)

Aujourd'hui dans la méditation on posait cette question : Voulons-nous aimer du même amour

que sainte Thérèse ? Jésus alors m'a conduite auprès d'une fournaise ardente et Il m'a dit :

« As-tu le courage de t'y précipiter ? Auras-tu le courage d'y demeurer ? Pour arriver à l'amour

dont m'a aimé Thérèse, il faut passer cette fournaise ; c'est la fournaise du divin amour. Tu y

souffriras ; l'amour veut la souffrance, le sacrifice .. L'amour a ses tourments et parfois

épouvantables. » (15 octobre 1907)

Un jour que Marie-Josèphe Kumi était plongée dans un océan de désolation tel qu'il lui

semblait frôler le désespoir, elle pria le Seigneur d'éloigner d'elle ce calice, si cela était possible.

« Quoi donc, répondit le Seigneur, ton Epoux, l'homme de douleurs, n'a pas été exaucé quand Il

demandait à être dispensé du sien ; penses-tu l'être davantage ? » (Ch. 17)

Sainte Jeanne de Chantal avait entendu des paroles semblables le vendredi saint de

l'année 1637 ; elle demandait avec instance que, si ce n'était pas contraire à la volonté divine,

le calice de ses peines intérieures fût éloigné d'elle. Alors une voix lui dit fermement : « Quoi

l'Homme de douleurs n'a pas été exaucé : ne prétendez pas l'être. » (Mémoire de la Mère de

Chaugy, p. 468)

Une nuit après Matines, le seigneur fit voir à Véronique Juliani toute une troupe de soldats :

« Tous ceux-là que tu vois, lui dit-Il, ne pense pas que ce soit des créatures humaines, ce sont

des démons qui viennent pour te faire la guerre, à toi et à tout ce monastère. Mais sois

tranquille, je suis avec toi mais il y aura à combattre et ton confesseur aura sa part de ces

luttes. Dis-lui de ma part qu’il n’ait en vue que ma gloire et le bien de chacune des âmes, et qu’il

aille de l’avant. Que l’on dise ce que l’on voudra, il devra n’y pas prendre garde. Je suis pour lui,

qu’il ait confiance en moi. » (Diario, 10 giugno 1695.)

Le matin du même jour, à la sainte communion, le Seigneur montra à Véronique une grande

croix, lui disant : « Cette croix t’est destinée, je te la mettrai sur les épaules, mais je t’aiderai…

Cette croix est le gouvernement de ce monastère ; je veux que tu aies cette charge pour

accomplir tous mes desseins sur toi pour toi ; il y aura là pour toi de grandes souffrances; mais

ne crains pas, je suis et serai toujours avec toi. » (Ibid.) La sainte demandait souvent au

Seigneur d’augmenter ses peines ; Jésus lui dit un jour : « Si tu demandes des peines, il faut

que ton amour grandisse. » (11 giugno 1697.)

« Tu es ma bien-aimée, lui dit-Il une autre fois, c’est pourquoi je veux que la souffrance soit

constamment avec toi. « (6 gennaro 1699.) Un jour Il lui fit voir tous les instruments de sa

passion et lui dit : « Ils sont tous pour toi et tu dois participer à tous les tourments qu’ils me

causèrent. Ce sera pour toi une cruelle torture, mais elle te servira de purgatoire et ton âme

sera purifiée de ses péchés comme l’or dans le creuset est purifié par le feu. » (15 octobre

1702.) Une autre fois Il la conviait par un appel pressant à partager ses douleurs : « Apprends

de moi que je suis doux et humble de coeur. Allons ! Coeur pour coeur, vertu pour vertu. Unis- toi

à moi ; vis toute pour moi ; donne-toi toute à moi. Que fais-tu, âme nonchalante ? Ne vois-tu

pas que mes peines te crient de me suivre, que les fouets de ma flagellation, que mes

angoisses et toutes mes douleurs t’invitent, que les épines, les clous et la croix sont autant de

voix qui pénètrent dans ton coeur et dans ton âme ? C’est moi qui te parle et qui, par ces

instruments de ma passion te fais participante de mes douleurs, afin que tu apprennes à souffrir

et dans les souffrances à pratiquer toutes les vertus, car les souffrances et la vertu vont toujours

ensemble. » (19 aprile 1715.)

Un jour que toutes les Soeurs se hâtaient pour aller entendre la parole de Dieu, la soeur

Mechtilde malade dut rester dans sa cellule. Comme elle s’en plaignait au Seigneur, le

consolateur des affligés lui apparut sous l’habit des Frères Prêcheurs et lui fit ce sermon :

« Vois, mon épouse comme mes yeux sont beaux, comme ma bouche est droite, comme mon

Coeur est embrasé, comme mes mains sont fines et délicates, comme mes pieds sont agiles et

imite-moi. Tu dois endurer avec moi les souffrances de ma passion : on te trahira par envie, on

cherchera à s’emparer de toi par des détours, on te prendra par la haine, on te liera par des

calomnies, on te voilera les yeux en refusant de croire à tes paroles ; la haine du monde te

frappera par ses soufflets, tu sera enchaînée par l’obéissance, tu seras traduite au tribunal de la

confession, frappée par l’imposition de la pénitence, envoyée avec mépris à Hérode, dépouillée

dans l’exil, flagellée dans la pauvreté, couronnée des épines de la tentation, couverte des

crachats du mépris ; tu portera ta croix dans l’horreur que t’inspireront les péchés, tu seras

crucifiée en renonçant à tout ce qui serait conforme à ta volonté, clouée à la croix par l’exercice

des vertus ; blessée par l’amour tu mourras en croix restant immobile par ta persévérance. Ton

coeur sera percé par l’amour ; tu seras détachée de la croix en triomphant de tes ennemis, tu

seras ensevelie par l’humiliation ; tu ressusciteras des morts en expirant pieusement, tu

monteras au ciel enlevée par le souffle de Dieu. » (Liv. Ier, ch. XIII.)

Quand le projet formé par sainte Thérèse d’établir un couvent réformé fut connu à Avila, une

violente persécution s’éleva contre elle. Je ne savais, dit-elle que devenir. Comme je me

recommandais à Dieu, Notre-Seigneur daigna me consoler et m’encourager : « Je verrais par

là, me dit-Il, ce qu’avaient souffert les saints qui fondèrent les ordres religieux : il me restait

encore à souffrir des persécutions plus nombreuses que je ne pouvais l’imaginer, mais nous ne

devions pas nous en mettre en peine. » (Vie, ch.XXXII.)

Notre-Seigneur apparaissant un jour à la Mère Elisabeth de la Croix68 lui dit qu’Il l’avait

choisie particulièrement pour la croix, qu’elle n’était pas appelée à de certaines opérations de

son divin amour qu’elle avait lues dans les vies de quelques saints, mais bien pour souffrir et

par ses souffrances coopérer au salut des âmes et qu’ainsi, en quelque lieu qu’elle fût, elle ne

pensât pas à être exempte de peines. Un jour Notre-Seigneur lui dit : « Suis- moi » et elle vit le

chemin par lequel Il voulait qu’elle Le suivit, tout parsemé de croix grandes et petites. (Ire part.,

ch. Ier.)

Le 2 novembre 1672, étant devant le Saint Sacrement pour lui faire amende honorable de

l’abus qu’elle avait fait de ses grâces, Marguerite-Marie s’immolait à la divine volonté, priant le

Seigneur de recevoir le sacrifice d’elle-même qu’elle désirait Lui faire et de l’unir au sien. Notre-

Seigneur lui répondit : « Souviens-toi que c’est un Dieu crucifié que tu veux épouser ; c’est

pourquoi il te faut rendre conforme à Lui en disant adieu à tous les plaisirs de la vie, puisqu’il n’y

en aura plus pour toi qui ne soient traversés de la croix. » (Ed. Gauthey, I, pp. 86-89.)

« En épousant ton âme, a dit Jésus à Soeur Saint-Martinien, je t’ai avertie que tu souffrirais ;

la souffrance ne t’effrayait pas ; tu m’as tout donné, par conséquent je suis maître d’agir comme

bon me semblera ; tu auras part à mes souffrances afin d’avoir part à ma gloire. Je me plais à te

voir combattre et parler de moi à ceux et à celles qui ne pensent pas à moi. Je t’en prie, ma fille,

mon épouse, toi qui m’es si chère, console mon Coeur ; je te l’ai donné avec toutes mes vertus :

prends chacune d’elle et offre-les-moi pour chacun des vices contraires qui se produisent sous

tes yeux. Je t’en prie, prends part à mes douleurs ; console mon Coeur il en a besoin, et à mon

tour je consolerai le tien. » (Lettre du 20 septembre 1861.)

16. Jésus fait connaître la part que le ciel et l’enfer prendront aux épreuves de

sa victime

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi était professe depuis une année quand, la veille de la

Pentecôte, le Verbe éternel lui annonça les épreuves par où elle devait passer : « Sache qu’à

commencer du jour de la fête de la Sainte Trinité, tu me seras tellement unie que tu entreras en

partage de tous les trésors du ciel. Sache, de plus, que pendant cinq années tu seras privée

des douceurs sensibles de ma grâce, et tu te trouveras dans une espèce de sécheresse

spirituelle, qui te fera croire que tu es abandonnée de Dieu et des hommes. Mais persuade-toi

que ce ne seront que des apparences trompeuses, que jamais je ne retirerai la main qui te

soutient et que dans toutes les occasions je serai toujours prompt à te secourir. Du reste cet

état de privation où tu vivras, sera un sujet de plaisir et de complaisance au Père éternel, un

motif de joie aux Esprits bienheureux qui entourent le trône de la divinité, un exemple pour tous

les hommes, une augmentation de supplice aux damnés, la confusion des démons, un

soulagement des âmes du purgatoire et une abondante consolation pour toi-même. Je veux en

user avec toi comme un vaillant capitaine en use avec ses soldats, ne les élevant au premier

rang qu’après avoir longuement éprouvé leur courage … En récompense de la fidélité que tu

mettras à observer mes ordres, je te donne ma parole que tous les vendredis, à l’heure où

68La Mère Marie-Elisabeth de la Croix (1582-1629) fut la fondatrice d’un couvent de Refuge pour les repenties à Nancy.

Boudon a écrit l’histoire de sa vie, qui fut celle d’une sainte. (oeuvres de Boudon, Migne.)

j’expirai sur la croix, tu recevras cet Esprit que je rendis entre les mains de mon Père, et

quoique ce ne soit pas toujours d’une manière sensible, elle n’en sera pas moins véritable, car

dans ces instants tu me seras tellement unie qu’il serait plus facile qu’un homme vive sans

coeur que l’Epoux céleste sans son Épouse bien aimée… Plusieurs monstres sortiront de l’enfer

pour faire de toi le théâtre de leur fureur, ils ne se contenteront pas d’exercer leur rage sur ton

corps, ils tenteront toutes sortes de moyens de porter leurs atteintes jusques à l’âme… Les

saints, ces grands protecteurs qui prennent un soin si particulier de tout ce qui te regarde, ne

t’abandonneront pas. Ils te donneront une nourriture toute spirituelle pour soutenir ton esprit

dans tes faiblesses, et mêleront à tes peines et combats des consolations qui, pour être moins

sensibles, n’en seront pas moins vraies et solides. » (Vie de la sainte, par Paccini, confesseur

du couvent, trad. Brochand, Paris, 1670. Ire part., ch. XIV.)

17. Jésus fait connaître quels sont ses préférés

Angèle de Foligno demandant au Seigneur de lui faire connaître ses véritables enfants, Il lui

répondit par cette parabole : «Un homme qui a beaucoup d’amis prépare un festin avec soin

immense et les invite ; mais beaucoup d’entre eux ne viennent pas. Quelle sera la douleur de

celui qui a préparé un festin très abondant? Il place tous ceux qui sont venus à la table du

festin. Bien qu’il les aime tous et qu’à tous il fasse part de son banquet, cependant il place ceux

qu’il aime davantage à ses côtés, à une table spéciale. Il invite ses amis intimes à manger dans

le même plat et à boire à la même coupe que lui. » - Seigneur, dis-je avec joie, quel est le festin

? Quand avez-vous invité tout le monde ? Oh dites-moi, dites- moi ! Il répondit : « J’ai invité tous

les hommes à la vie éternelle : que ceux-là viennent qui veulent venir ! Personne ne peut

s’excuser et dire : Je ne suis pas invité. Et si tu veux voir combien j’ai aimé les hommes et

désire les voir à ma table, regarde la croix. Quelques uns viennent et prennent place. » Ici

Jésus me donnait à entendre qu’il est lui-même la table et la nourriture des convives.- Et ces

appelés, dis-je alors, par quelle voie sont ils venus ? – « Par la voie de la tribulation, me fut-il

répondu. Ce sont les vierges, les chastes, les pauvres, les infirmes, les éprouvés. » Et il

nommait les nombreuses catégories de ceux qui doivent être sauvés. Et ma joie fut immense,

car je compris l’ordre et la raison de toutes ces choses. Tous ces élus portaient le nom de fils.

Et il m’était dit comment la virginité, comment la pauvreté, la maladie, la perte des proches, des

biens temporels, toutes les tribulations étaient imposées pour leur bien à ces enfants du

Seigneur. Ils ne le comprennent pas tout d’abord, mais plus tard ils supportent paisiblement ces

épreuves et reconnaissent qu’elles viennent de Dieu. Mais les invités à une table spéciale, qui

boivent à la table du Seigneur, qui mangent au même plat que Lui, sont ceux qui veulent

connaître quel est cet homme si bon qui les a invités, afin de pouvoir lui plaire… Ils

comprennent combien le Dieu tout-puissant les a aimés et ils se savent indignes. Pour le

comprendre, ils vont à la croix, ils s’y fixent et ils regardent, ils y reconnaissent l’amour… L’âme

alors apprend qu’elle doit mourir à elle-même, à ses vices et à ses péchés et monter à une

grande dignité… A ceux qui sont ses fils intimes Dieu permet qu’il arrive de grandes

tribulations ; c’est une grâce spéciale qu’il leur fait afin qu’ils mangent dans un même plat avec

lui… ils peuvent sentir l’amertume de la tribulation, mais cette amertume leur devient douce

parce que l’amour et la grâce sont en eux. (Trad. Hello, ch. L; Doncoeur, pp. 88 sq. ; Ferré, pp

97 sq.)

« Touche mes plaies, dit le Sauveur à Madeleine Vigneron, approche et pose ta main. » - Je

vous sens et je vous touche assez, répondit-elle, par les souffrances que vous me donnez ;

elles sont plus vôtres qu’elles ne sont miennes… Alors Il lui dit doucement dans le fond du coeur

: « Oh oui, ma fille, ce sont là les plus douces caresses que je témoigne à une âme que j’aime.

» (IIe part., ch. XVIII )

Jésus dit à Marguerite-Marie : « Je chéris si fort la croix que je ne puis m’empêcher de

m’unir étroitement à ceux qui la portent comme moi, pour l’amour de moi. » (Autobiographie,

Editions Gauthey P. 89.) La sainte écrit : Notre-Seigneur me déclara qu’il ne voulait point

diminuer ma sensibilité, ni mes grandes répugnances, tant pour honorer celles qu’Il avait bien

voulu ressentir au Jardin des Olives que pour me procurer des matières de victoire et

d’humiliation. (Ibid., p. 82.)

18. Jésus aussi était innocent

Un jour Catherine, Agnès et Cécile, trois grandes saintes du ciel, apparurent à Pierre de

Vérone, de l’ordre de saint Dominique, dans sa cellule et conférèrent avec lui : un religieux

entendant ces voix, suspecta son innocence, l’accusa et le fit condamner. Ses supérieurs

reléguèrent Pierre au couvent d’Iësi, pour y mener une vie retirée et pénitente, sans jamais plus

paraître en public. Le saint qui n’avait pas voulu se défendre dans la crainte de manifester la

grâce reçue du ciel et afin de souffrir comme une victime pour Dieu, supporta cette confusion

avec une patience admirable ; cependant il lui échappa de s’en plaindre amoureusement au

crucifix, devant qui seul il déchargeait son coeur. Eh quoi ! mon Dieu, lui dit-il, vous savez mon

innocence, comment souffrez-vous que je demeure si longtemps plongé dans l’infamie ? Notre

Seigneur lui répondit : « et moi Pierre, n’étais-je pas innocent ? Avais-je mérité les opprobres et

les douleurs dont j’ai été accablé durant le cours de ma passion ? Apprends donc de moi à

souffrir avec joie les plus grandes peines, sans avoir commis les crimes pour lesquels on te les

impose. » Ces paroles de Jésus-Christ firent une telle impression sur le coeur de Pierre, qu’il mit

dès lors toute sa félicité dans les souffrances, tout son honneur dans l’humiliation et toute sa

joie dans la croix de Jésus-Christ. Mais bientôt le Seigneur fit connaître son innocence et il

l’éleva à une haute sainteté. (Petits Bollandistes, par Mgr Guérin, au 29 avril.)

Soeur Anne-Marie de la Fosse, sainte religieuse de la Visitation d’Angers (morte en 1680) se

plaignant amoureusement à Notre-Seigneur dans l’oraison de quelques procédés qui l’avaient

fait souffrir, le divin Maître en lui montrant ses plaies lui dit au fond du coeur : « Et moi, ma fille,

qu’avais-je fait ? » (Archives de la Visitation d’Angers.)

19. Jésus n’a jamais cherché son plaisir

Un jour que Marguerite-Marie se sentait portée à l’amour du plaisir, son divin Sauveur se

présenta à elle dans le mystère de la flagellation, lui faisant ce reproche : « Voudrais-tu bien

prendre ce plaisir ? Et moi qui n’en ai jamais pris aucun, et me suis livré à toutes sortes

d’amertumes pour ton amour et pour gagner ton coeur, voudrais tu donc encore me disputer ce

coeur? » (Ed. Gauthey, II, p.45 .)

Et une autre fois : « Je veux être toute ta joie et ta consolation, mais je serai aussi ton

tourment et ton supplice. » (Ed. Gauthey, I, p. 131.)

20. Le sacrifice réclame le sacrifice

Saint Hamon ou Aymon, de l’abbaye de Savigny, était chargé des frères convers de la

maison, et avait beaucoup à souffrir dans cet emploi. Un jour qu’il était plus accablé qu’à

l’ordinaire, il vit au moment de la communion, Jésus-Christ, attaché à la croix, mais plein de vie,

ayant la tête penchée du côté droit, et lui disant : « Si tout innocent que je suis, j‘ai souffert de si

grands maux pour l’amour de vous, n’est-il pas bien juste que vous comptiez pour rien la peine

que vous endurez pour moi. » (Petits Bollandistes,au 30 avril.)

Véronique Juliani étant un jour en prière devant le crucifix qui se trouvait à l’infirmerie du

monastère, entendit une voix qui sortait de ce crucifix et qui lui dit : «Sois en paix, ta vie sera

une souffrance continuelle ; je le veux ainsi, afin que tu me ressemble à moi, ton Epoux crucifié.

» (Diario, t. Ier, p. 192.) Une nuit, dit-elle encore, pendant que je faisais oraison, le Seigneur

m’apparut tenant en main un calice et Il me dit : « Ce calice est pour toi, je te le donne afin que

tu goûtes ce que j’ai goûté moi-même, mais non pas maintenant. Prépares-toi, le temps viendra

où tu le boiras. » Et Il me fit comprendre combien il serait amer : à l’intérieur j’aurai à endurer

tous les tourments et tous les coups des démons, le délaissement et cette agonie que produit la

privation du Souverain Bien et de tous les secours ; à l’extérieur, calomnies, reproches, mépris,

contrariétés, (16 giugno 1694.) Deux mois plus tard, le Seigneur se montre à elle de nouveau,

tout sanglant, et tout couvert de plaies ; Il tient encore ce calice à la main, et Il lui dit : « Me

voici, ma bien aimée, regarde ces plaies ; elles sont autant de voix qui t’invitent à boire ce calice

amer. Je te le donne et je veux que tu le goûtes. » (25 agosto 1694.) Tu es ma bien-aimée, lui

dit-Il un autre jour, et je prends plaisir à te voir souffrir ; c’est dans les peines que je te veux (17

settembre 1694.) Une nuit, la sainte avait soutenu de grands combats. Comme elle s’appliquait

à la prière, l’extase la saisit et Jésus se montra à elle tout glorieux et plein de joie : « Me voici,

lui dit-Il, que veux-tu autre chose ? » -Seigneur, je ne veux que vous, c’est pourquoi je vous ai

tant appelé à mon secours, et jamais vous n’êtes venu. Et Jésus reprit : « Jamais je ne me suis

éloigné. Regarde-moi un peu. » Parlant ainsi, raconta la sainte, Il me montra une très belle croix

qu’Il tenait à la main, toute pleine de joyaux et de pierreries ; elle était si belle que je ne puis le

faire comprendre. Il la serra dans ses bras et Il me dit que ces magnifiques bijoux et pierres

précieuses étaient toutes les souffrances que j’avais endurées les jours précédents ; mais que

je devais continuer à souffrir, si je voulais Lui procurer une grande joie. (25 septembre 1694.)

21. Le divin Crucifié veut des âmes crucifiées

Saint Bernardin de Sienne, demandant à Dieu de lui faire connaître sa volonté sur lui,

entendit une voix qui disait : « Bernardin, tu me vois dépouillé de tout et attaché à une croix

pour ton amour ; il faut donc, si tu m’aimes, que toi aussi tu te dépouilles de tout et que tu

mènes une vie crucifiée. » Pour suivre ces conseils, Bernardin entra dans l’ordre de saint

François. Plus tard, étant religieux, il lui sembla entendre Jésus-Christ lui dire : «Mon fils, tu me

vois attaché à la croix ; par là tu seras sûr de me trouver. » (Petits Bollandistes, au 20 mai.)

22. Jésus souffrant est la voie qui conduit à son Père

Au commencement de sa conversion, Henri Suso, tout enivré des douceurs d’en haut, se

sentait plein d’attrait pour les choses divines ; mais imiter et partager la douloureuse passion de

Jésus-Christ l’effrayait. Jésus-Christ le reprit avec sévérité : « Ne le sais-tu pas, je suis la porte

par laquelle les vrais amis de Dieu, qui veulent parvenir à la véritable félicité, doivent passer? Il

faut, si tu veux vraiment parvenir à ma pure divinité, que tu passes d’abord par mon humanité

souffrante et que tu t’y conformes. » (L’exemplaire, ch. xv.)

23. Tes souffrances seront aussi nombreuses que les étoiles

Le Seigneur ayant fait connaître à Henri qu’il n’était pas au bout de ses épreuves, Seigneur,

dit le bienheureux, montrez-moi combien j’ai encore de souffrances à supporter. Le Seigneur

répondit : Lève les yeux au ciel, si tu peux compter la masse innombrable des étoiles, tu

pourras aussi compter les souffrances qui te sont réservées ; et de même que les étoiles

paraissent être petites, et sont cependant immenses, de même tes peines paraîtront petites aux

yeux des hommes, et cependant, d’après ta propre expérience, elles te seront lourdes à porter.

» Le serviteur dit alors : Ah ! Seigneur, montrez-moi à l’avance mes peines, afin que je les

connaisse. Le Seigneur répondit : « Non, il est préférable que tu ne saches rien, afin que tu

n’hésites pas. Cependant, parmi les innombrables peines que tu auras à supporter, je veux t’en

nommer simplement trois. La première est celle-ci : jusqu’ici c’est toi qui te frappais de tes

propres mains, tu cessais quand tu voulais, et tu avais compassion de toi-même; je veux

maintenant t’arracher à toi-même et te jeter sans défense aux mains d’étrangers qui te

frapperont. Tu assisteras à un effondrement de ta réputation, tu seras en butte au mépris de

quelques hommes aveuglés, et tu souffriras plus de cela que de blessures faites par les pointes

de ta croix. Lorsque tu te livrais à tes exercices de mortification, tu étais grand, tu étais admiré ;

maintenant tu seras abaissé, tu seras annihilé. La seconde peine est celle-ci : Bien que tu te

sois infligé mainte cruelle torture, il t’est cependant resté, avec la permission de Dieu, une

nature tendre et aimante; il t’arrivera que, là où tu aurais pensé trouver un amour particulier et

de la fidélité, tu ne trouveras que de l’infidélité, de grandes souffrances et de grandes peines.

Tes épreuves seront si nombreuses que les hommes qui ont pour toi quelque amour souffriront

avec toi par compassion. La troisième peine est celle-ci. Jusqu’ici, tu n'as été qu’un enfant à la

mamelle, un enfant gâté, tu as nagé dans la douceur divine comme un poisson dans la mer. Je

veux maintenant te retirer tout cela, je veux que tu en sois privé et que tu souffres de cette

privation, que tu sois abandonné de Dieu et des hommes, que tu sois persécuté publiquement

par tes amis et par tes ennemis. Je veux te le dire en un mot, tout ce que tu feras, qui pourrait

t’apporter de la joie ou de la consolation, n’aboutira pas, et tout ce qui te fera souffrir, tout ce qui

te sera contraire réussira. »

24. Le chien et le lambeau d’étoffe

Suso tout effrayé des paroles du Seigneur était plongé dans la tristesse quand une voix lui

dit intérieurement : « Aie bon courage, je serai avec toi et je t’aiderai avec ma grâce à

surmonter toutes ces peines. » Il se leva et se remit entre les mains de Dieu. Le matin après la

messe, comme il était assis tout triste dans sa cellule et pensait à ce qui était arrivé, il eut froid,

car c’était pendant l’hiver, une voix lui dit alors intérieurement : « Ouvre la fenêtre de ta cellule,

regarde et apprend. » Il ouvrit et regarda, il vit un chien qui courait au milieu du cloître, portant

dans sa gueule un lambeau de tapis, il jouait avec ce tapis, le jetait en l’air, le traînait par terre,

le déchirait et y faisait des trous. Le serviteur leva les yeux au ciel, et soupira profondément ;

une voix lui dit alors intérieurement : « Tu seras ainsi jeté par la bouche de tes frères et déchiré.

» Il pensa en lui-même : Puisqu’il ne peut pas en être autrement, résigne-toi, vois comme ce

tapis se laisse maltraiter en silence, fais de même. Il descendit, prit le tapis et le garda pendant

de longues années comme son cher trésor ; lorsqu’il avait un mouvement d’impatience, il le

prenait, afin de se reconnaître en lui, et de se taire courageusement. Lorsqu’il détournait son

visage avec mépris de quelques-uns qui l’opprimaient, il en était puni intérieurement, et une

voix lui disait au fond de son coeur : « Souviens-toi que moi ton Seigneur, je n’ai pas détourné

mon visage de ceux qui me crachaient à la face. » (L’exemplaire ,ch. XXII.)

25. Les grâces augmentent avec les souffrances

Le Père céleste dit un jour à Jeanne Bénigne que seule l’âme crucifiée avec son Fils, par

grâce, par amour et par la pure souffrance, attire et ses yeux et son Coeur, comme étant la plus

disposée à recevoir ses divines miséricordes : « Ma fille, lui dit-Il, souffrira incessamment ; mais

plus elle portera de souffrances, plus elle me glorifiera, plus j’augmenterai mes grâces à son

égard, plus ma volonté s’inclinera vers la sienne, plus je ferai ce qu’elle désire et plus elle

méritera de gloire. » (Vie, IIIe part., ch. III.)

Mais pour que la souffrance produise ces effets admirables, l’âme doit s’élever au-dessus

de ses peines et se maintenir dans la région de l’amour : « Ne crains pas, dit Jésus à Bénigne,

lorsque pour me faire honorer par toi, je permets que l’on dise que tu es trompée du démon,

voulant faire la sainte ; que tu fais tout pour parvenir à être supérieure, et que tu refuses de

satisfaire et servir tes soeurs, ou que tu le fais imparfaitement, ne voulant pas montrer aux

autres tes inventions pour faire tout si bon – elle était chargée de la cuisine – pour te rendre

nécessaire ; mais tiens-toi alors, Bénigne, ferme dans ton application et élévation d’esprit en ma

Divinité. » ( IIIe part., ch. VII.)

26 .La vraie patience est une patience d’amour

Jésus-Christ à sainte Catherine de Sienne : « Mes serviteurs doivent s’offrir à moi en

sacrifice, ce sacrifice doit être à la fois spirituel et corporel. Le vase n’est pas séparé de l’eau

quand on le présente au maître. L’eau sans le vase ne pourrait lui être présentée, et le vase

sans l’eau lui serait inutile. Vous devez donc m’offrir le vase de toutes les peines que je vous

envoie, sans en choisir le lieu, le temps et la mesure, laissant tout à mon bon plaisir. Mais ce

vase doit être plein, c’est-à-dire que vous devez endurer les peines avec amour, avec

résignation, et supporter avec patience les défauts du prochain, ne haïssant que le péché. Votre

vase est alors plein de l’eau de ma grâce qui donne la vie, et je reçois avec délices ce présent

que me font mes épouses, les âmes fidèles. J’accepte leurs ardents désirs, leurs larmes, leurs

soupirs, leurs humbles et continuelles prières ; et ces preuves de leur amour apaisent ma

colère contre mes ennemis et les hommes pervers, qui commettent contre moi tant d’offenses.

« Ainsi donc, souffrez avec courage jusqu’à la mort ; ce sera le signe évident de votre amour

pour moi. Après avoir mis la main à la charrue, ne regardez pas en arrière par crainte de

quelque créature ou de quelque tribulation. Réjouissez-vous au contraire, dans vos épreuves ;

le monde se complait dans les injustices ; pleurez-les, parce que celles qui m’offensent vous

offensent, et celles qui vous offensent m’offensent. Ne suis-je pas devenu une seule chose

avec vous ?... Le monde vous poursuit et vous poursuivra jusqu’à la mort, parce qu’il ne m’aime

pas. Si le monde m’avait aimé, il vous aimerait ; mais réjouissez-vous, car votre joie sera

grande dans le ciel. » (Dialogue, ch. XII.)

27. L’amour se montre et grandit par le sacrifice

Au milieu de ses rudes épreuves, la bienheureuse Lidwine était consolée par son ange

gardien qui, de la part de Jésus, lui adressait ces paroles : « Non, non, je ne veux pas que ma

bien-aimée se désole, elle me reverra, je lui reviendrai, je la consolerai, son coeur reposera

encore sur mon Coeur. Quelle ait courage ! les jours de l’épreuve finiront, et elle aura montré

plus d’amour, elle aura conquis plus de gloire, car elle aura passé par où j’ai passé ; n’ai-je pas

été abandonné ? N’ai-je pas souffert ? »

28. Par l'amour la croix devient légère

Saint Pierre ayant apparu à Catherine de Racconigi, elle craignait d’avoir été trompée par le

démon ; Jésus la rassura en ces termes : « Rassure-toi, mon épouse, celui qui est venu n’est

pas le démon, mais Pierre, mon fidèle serviteur, le même que je t’ai donné pour maître. Il a bu

déjà le calice de ma passion, en souffrant le martyre pour mon amour ; afin donc que tu puisses

lui ressembler, ainsi qu'à moi, selon ta demande, tu porteras cette croix pour mon amour. »

L'Enfant Jésus mit alors la croix sur l'épaule gauche de Catherine, et il ajouta : »Au

commencement elle te paraîtra dure et pesante, mais mon amour croissant en toi, à la fin elle te

semblera douce et légère. »

Le Fils de Dieu lui montra aussi une couronne de roses très belles et lui dit : « Toutes les

afflictions te paraîtront des roses, si tu les supportes avec bonne volonté. »

29. La croix est le lit des épouses de Jésus

Sainte Marguerite-Marie vit une grande croix couverte de fleurs, son Bien-Aimé lui

dit : »Voilà le lit de mes chastes épouses, où je te ferai consommer les délices de mon pur

amour. Peu à peu ces fleurs tomberont, et il ne te restera que les épines, que ces fleurs

cachent à cause de ta faiblesse ; mais tu en sentiras si vivement la piqûre, que tu auras besoin

de toute la force de mon amour pour en supporter la douleur. » (Ed. Gauthey, 2, p. 65.)

Croyant que Marguerite-Marie était possédée de l'esprit malin, on lui jeta force eau bénite

avec des signes de croix. Mais celui qui la possédait, loin de s'enfuir, la serrait plus fort en

disant : »J'aime l'eau bénite, et je chéris si fort la croix, que je ne peux m'empêcher de m'unir

étroitement à ceux qui la portent comme moi et pour l'amour de moi. » (Ibid., pp. 88,89.)

30. Jésus, la force de ses victimes

Dans une vision, Catherine de Racconigi eut sous les yeux Jésus montant au Calvaire, elle

le voyait succombant et tombant à terre : Ô Seigneur Jésus, lui disait-elle, c'est moi qui pour

mes péchés doit porter la croix et non vous, qui êtes l'Agneau immaculé. Jésus, d'un visage

plein d'amour, lui dit : »Ô ma fille, la croix ne te fera point défaut, ni les peines non plus, ni les

afflictions et les maladies ; elles te feront grandement souffrir ; mais, avec mon aide, tu sortiras

victorieuses de ces épreuves ; porte donc de bon coeur cette croix pour mon amour. » Le

Sauveur posa alors la croix sur les épaules de Catherine.

31. Jésus, la constance de ses victimes

Jésus apparut à sainte Rose de Lima et lui dit : »Mon désir est que tu m'honores

constamment par la pratique d'une sévère abstinence ; du reste, sois sans inquiétude sur les

résultats, Celui qui a donné pour toi sa vie sur la croix, qui t'a rachetée par l'effusion de tout son

sang, qui répand dans ton âme les trésors de la grâce, saura bien prendre soin de ton corps et

le soutenir sans l'usage de la viande. Les lois de la nature sont faites par Lui et non pour Lui. Il

y déroge quand il Lui semble bon, et les fait servir à ses desseins quand il Lui plaît. » Fort de

l'autorisation divine, Rose laissa donc dorénavant le médecin prescrire des bouillons ou autres

réconfortants, et se nourrit de pain et d'eau.

« Souviens-toi, ma fille, lui dit Jésus, que le lit de la croix, sur lequel je m'endormis du

sommeil de la mort, était plus dur, plus étroit, plus effrayant que le tien. Je n'avais pas de

pierres sous mes reins, mais des clous perçaient mes membres et leur faisaient des blessures

par où s'échappa tout mon sang. Le fiel ne me fut pas épargné, car on peut appeler de ce nom

le breuvage qu'on me présenta quand j'étais saisi d'une fièvre brûlante. Penses à tout cela

quand tu seras disposée à faiblir, et ta charité pour moi te redonnera force et courage. » Rose

reprit courage en effet et continua pendant seize années cette horrible macération. Ses

directeurs, la voyant malade et exténuée, firent seulement détruire ce lit trois ans avant sa mort.

(Vie, ch. 11.)

Marguerite de Cortone priait pour un des Pères franciscains, ses protecteurs, et pleurait

amèrement sur les peines qu'il éprouvait ; Jésus lui dit : « Avertis ce Père de se préparer ; car

ce n'est pas la dernière tribulation qu'il aura à souffrir. Celui qui reçoit le don de communier à

ma passion sera affligé intérieurement et extérieurement au point de craindre de succomber.

Cependant qu’il prenne courage, qu’il ait confiance en moi ; je ne permettrai pas qu’il tombe

dans l’impatience et finalement il persévèrera. » ( Vie intime, ch. V, § 30.)

32. Avis à ceux qui craignent trop les labeurs et qui désirent trop ardemment les

douceurs de la solitude

Notre Seigneur dit un jour à Sainte Thérèse : « Penses-tu, ma fille, que le mérite consiste à

jouir ? Non, mais à travailler, à souffrir et à aimer. Tu n’as pas entendu dire que saint Paul ait

goûté plus d’une fois les joies célestes, tandis qu’il a eu très souvent à souffrir. Regarde aussi

ma vie, toute remplie de souffrances ; tu n’y trouves d’autre jouissance que celle du Thabor.

Quand tu vois ma mère, me tenant entre ses bras, ne t’imagine pas que ses joies fussent

exemptes d’un cruel tourment : dès qu’elle eut entendu les paroles de Siméon, mon Père, par

une vive lumière, l’éclaira sur ce que j’aurais à souffrir. Ces grands saints qui passaient leur vie

dans le désert, pratiquaient sous l’inspiration de Dieu de très rudes pénitences ; en outre, ils

soutenaient de grands combats contre le démon et contre eux-mêmes et restaient fort

longtemps sans aucune consolation spirituelle. Crois-le, ma fille, ceux-là reçoivent de mon Père

de plus grandes souffrances qui sont le plus aimés de Lui, et ces souffrances sont la mesure de

son amour. En quoi puis-je mieux te montrer le mien, qu’en choisissant pour toi ce que j’ai

choisi pour moi-même ? Regarde ces plaies, tes douleurs n’iront jamais jusque là. C’est là le

chemin de la vérité. Quand tu l’auras compris, tu m’aideras à pleurer la perte des mondains,

dont tous les désirs, tous les soins ne tendent qu’à un but tout contraire. » En commençant mon

oraison, continue sainte Thérèse, j’avais un si violent mal de tête, qu’il me semblait presque

impossible de la faire. Notre Seigneur me dit : « Tu connaîtra ainsi la récompense attachée à la

souffrance. Ton indisposition te mettant hors d’état de me parler, je suis venu moi-même

m’entretenir avec toi et te consoler. » (Relation, 26.)

III. Victimes avec Jésus pour les pécheurs

33. Larmes, prières, souffrances expiatrices pour les pécheurs

Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une

voix qui disait : « Regarde, ma fille, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient

de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te

ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds

après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Coeur, offrant à mon Père le sacrifice

sanglant de la croix, à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les

indignités que je reçois dans ce coeur. » La sainte fut surprise d’entendre ces paroles sur une

âme qui venait de se laver dans le sang précieux ; Notre-Seigneur lui dit : « Ce n’est pas qu’elle

soit dans le péché, mais la volonté de pécher n’est pas sortie de son coeur, ce que j’ai plus en

horreur que l’acte même du péché, car c’est appliquer mon sang par mépris sur un coeur

corrompu, d’autant que la volonté du mal est la racine de toute corruption. » A ces mots, la

sainte souffrit de grandes peines, demandant miséricorde pour cette âme ; Notre-Seigneur lui

dit : « J’ai oui ton gémissement, et j’ai incliné ma miséricorde sur cette âme. » (Ed. Gauthey, I,

p. 112.)

Notre-Seigneur présentant à Marguerite-Marie cinq coeurs infidèles, desquels elle Lui

demandait la conversion, lui dit : «Charges toi de ce fardeau et participe aux amertumes de

mon Coeur. Verse des larmes de douleurs sur l’insensibilité de ces coeurs, que j’avais choisis

pour les consacrer à mon amour, ou bien laisse-les s’abîmer dans leur perte, et viens jouir de

mes délices. » (Ed. Gauthey, II, p 179.)

Une autre fois, Notre-Seigneur lui dit : « Il est vrai, ma fille que mon amour m’a tout fait

sacrifier pour les hommes, sans qu’ils me rendent de retour, mais je veux que tu supplées à leur

ingratitude par les mérites de mon Sacré-Coeur. Je veux te donner mon Coeur ; mais

auparavant il faut que tu te rendes sa victime d’immolation, pour qu’avec son entremise tu

détournes les châtiments dont la divine justice de mon Père menace une communauté

religieuse, qu’il veut reprendre et corriger dans son juste courroux. »

En même temps Notre-Seigneur lui fit voir ce qu’il fallait qu’elle souffrit pour le salut de ces

âmes. La sainte n’avait pas le courage de dire oui et d’accepter les sacrifices que le bon Dieu

lui réservait. Il lui fut dit comme à saint Paul « Il t’est dur de regimber contre les traits de ma

juste colère ; mais, puisque tu m’as fait tant de résistance pour éviter les humiliations qu’il te

fallait souffrir, je te les donnerai au double car je ne demandais qu’un sacrifice secret et

maintenant je le veux public, d’une manière et dans un temps hors de tout raisonnement

humain et accompagné de circonstances si humiliantes qu’elles te seront un sujet de confusion

pour le reste de ta vie, dans toi-même et dans les créatures, pour te faire comprendre ce que

c’est que de résister à Dieu. » (Ed. Gauthey, II, p. 84.)

34. Laisser à Dieu l’application des expiations accomplies

Marguerite-Marie s’étant présentée devant Dieu comme une hostie d’immolation, Notre-

Seigneur lui dit : « Oui, ma fille, je viens à toi comme souverain sacrificateur pour te donner une

nouvelle vigueur ; Ma paix t’est rendue et ma sainteté de justice est satisfaite par le sacrifice

que tu m’a fait pour rendre hommage à celui que je fis au moment de l’Incarnation, le mérite

duquel j’ai voulu joindre à celui que tu m’as fait ; afin de l’appliquer en faveur de la charité,

comme je te l’ai fait voir. C’est pourquoi tu ne dois plus rien prétendre en ce que tu pourras faire

et souffrir, ni pour accroissement de mérite, ni satisfaction de pénitence ou autrement, tout étant

à ma disposition pour la charité. Donc, à mon imitation tu agiras et souffriras en silence,

uniquement pour la gloire de Dieu, dans l’établissement du règne de mon Sacré-Coeur dans

celui des hommes, auxquels je le veux manifester par ton moyen.» (Ed. Gauthey, II, p.86.)

35. Combien une victime fidèle est puissante sur le coeur de Dieu

On lit dans le Vie de Soeur Jeanne-Bénigne Gojoz que Dieu la faisait souvent satisfaire à sa

divine justice, par ses pénitences et ses peines corporelles, pour les péchés qui se

commettaient en tant de guerres dont l’Europe était remplie. Quelquefois elle était transportée

en esprit sur les lieux pour y être témoin des désordres qui se commettaient. Alors Dieu

l’excitait à demander la paix et le pardon pour les peuples par ces intimes paroles : « Bénigne,

eh ! dis-moi que je pacifie ces rois, que je cesse de les châtier par eux-mêmes. » (Vie, Ière part.,

ch. X.)

Un jour, se trouvant accablée de peines et en proie à des douleurs corporelles

martyrisantes, elle se plaignait à son Bien-Aimé, qui lui dit : « Hé !quoi, Bénigne se plaint ! Ne

se souvient-elle plus des grâces que ses souffrances apportent au monde ? c'est-à-dire la

conservation de la paix en ce pays, la préservation de la peste et de la disette universelle, le

bonheur d’un royaume dans lequel elle est née (la France), la conservation du roi qui y domine

et celle du prince Charles-Emmanuel qui règne si heureusement dans les états où je l’ai

conduite de ma main. Ce sont là des biens que j’accorde en faveur des douleurs que Bénigne

souffre ; mais, puisqu’elle s’en plaint, elle n’estime pas mes grâces ; elle compte pour rien le

salut de ces deux têtes couronnées que je lui ai accordé, et ne se souvient pas qu’elle s’est

offerte à moi pour souffrir toutes choses afin de l’obtenir et de satisfaire à ma justice pour leurs

péchés. Mais non, Bénigne rappellera tous ces doux souvenirs et elle voudra bien souffrir

incessamment pour mon amour. » (IIIe part., ch. XII.)

Une autre fois, se trouvant dans un grand abîme de ténèbres et de peines intérieures, elle

fut tout à coup élevée dans le Coeur de Jésus, qui lui demanda : « Que dit de moi Bénigne? »

Elle répartit : Oh ! Seigneur, elle dit avec saint Pierre que vous êtes le Christ, Fils du Dieu

vivant, mon Dieu, mon Juge, mon Roi et mon amour. Et Jésus lui répondit : « Et moi je te dis

que Bénigne est celle par qui je vais purgeant le monde de péchés et d’hérésies, lui accordant

souvent la vraie conversion des uns et des autres, ainsi que celle des païens et des Turcs. »

Une autre fois, Il lui dit en la caressant : « Ma Reine, je te promets une grande victoire de tes

frères chrétiens contre le Turc ; c’est par toi seule qu’on l’obtiendra. » Un jour, ayant entendu

dire en récréation que le Turc faisait quelques progrès, elle en parla à Notre-Seigneur, le

lendemain, à la communion. Il lui dit : « Oh ! ma fille, ne doute point des grands succès contre

cet ennemi de mon Église, tant que tu tâcheras d’avancer dans mon amour. » Souvent elle

priait le bon Dieu de bénir les désirs qu’elle avait de le glorifier en priant pour le salut de tout le

monde, et elle recevait cette réponse : « Je le fais, Bénigne, et je t’assure que tu ne vis plus que

pour ma gloire et pour me gagner des âmes. »

Une fois, raconte-t-elle, que les pluies gâtaient les biens de la terre et que l’on faisait céans

beaucoup de prières pour les faire cesser, mon doux Sauveur me dit : « Ce peuple est ingrat; il

s’obstine dans le châtiment et se rend insolent dans la prospérité. » Puis Il eut pitié de ma

douleur et me dit : « Bénigne, pour cette fois je pardonne à ce peuple et en cet instant même je

retire mon châtiment. » En effet, au sortir du choeur, je vis briller le soleil et le beau temps dura

longtemps… Une autre fois, dans l’octave des Rois, me trouvant dans des langueurs mortelles,

je dis à mon amour que je ne pouvais comprendre comment j’aimais à vivre parmi tant de

douleurs et de lâchetés en son service. Lors cet Amant incomparable en bonté répartit : « Oh

ma fille, c’est parce que tu vis encore sur la terre que je maintiens la paix dans ces états-ci, et

que j’en éloigne la peste et la disette. »

Une autre fois, me trouvant accablée de nouvelles infirmités, je connus que Dieu était fâché

contre le public, ce qui m’obligea à prier pour les peuples et pour ceux qui règnent sur eux. Il

me dit : « Ma fille, tout ce monde-ci est en possession de mille biens que ma grâce et ma bonté

lui accordent, et il agit comme ignorant que tout bien vient de moi. » Je répondis : Seigneur, ce

peuple a souffert et souffre encore ; les récoltes sont petites depuis deux ans et les impôts sont

grands. A quoi sa parole divine répartit : « Ma fille, je retiens les fléaux de guerre, de peste et de

famine universelle ; comptent-ils pour rien ces trois grandes faveurs ? Au moins faut-il que

Bénigne m’en remercie pour tous, puisque les tristes gémissements de ma tourterelle

retiennent mes justes châtiments à leur égard. »

Une fois après l’action de grâce, je fus élevée en Dieu perdant la mémoire de toutes les

choses de la terre et restant absorbée en mon souverain Bien, auquel je demandai la réunion

des princes de France à leur roi pour le bien public (c’était pendant les guerres de la Fronde).

On me répondit d’une parole vraie : « Tu es exaucée, Bénigne, les troubles civils de la France

vont être calmés, et la paix entre les deux couronnes se fera en son temps », ce qui arriva

miraculeusement, comme elle l’apprit quelques jours plus tard. (Vie, IIIe part., ch. XV.)

36. L’amour torturant et réconfortant rend capable de sauver les âmes

Un jour que Soeur Marie-Josèphe Kumi souffrait beaucoup, son Bien-Aimé lui rappela son

rôle de martyre de la charité, lui montra plusieurs milliers de pécheurs près de tomber en enfer,

et lui dit : « La charité cause tes douleurs, mais elle te réconfortera ; elle ne laissera en toi

aucune partie de saine, mais tu conserveras la vie ; elle te donnera toujours les forces

nécessaires pour supporter de nouvelles peines. Je t’ai appelée dans un ordre apostolique,

celui de mon serviteur Dominique, parce que je t’ai choisie aussi pour la pêche des âmes. Par

cet amour torturant tu en prendras une multitude. » (Vie, ch. IX.)

37. Il faut toujours des expiations parce qu’il y a toujours des péchés

Ma vie, raconte Marie Brotel, est un continuel combat avec Notre-Seigneur afin d’obtenir de

Lui miséricorde pour les âmes, et la souffrance ne s’arrête pas non plus. Notre-Seigneur me

découvre ordinairement toutes les âmes et tous les péchés du monde, et Il me dit : « Ma fille,

comment veux-tu qu’avec cela je fasse miséricorde ! » Mais je me jette à ses pieds, je me jette

sur son Coeur en Lui disant : Ou vous me ferez mourir, ou vous ferez miséricorde. A la fin, Il me

dit : « Je ne puis donc rien te refuser » . Quelquefois je me plains à Lui : Pourquoi, lui dis-je,

faut-il toujours recommencer à vous demander ? « Ma fille, me répond-Il, c'est que les crimes

des hommes continuent et ne s'arrêtent pas « (Vie, ch. 11)

38. La mission du peuple choisi. Une âme juste et mille pécheurs

Un jour, dit Marguerite-Marie, Notre-Seigneur se présenta à moi couvert de plaies, ayant

son corps tout sanglant et son Coeur tout déchiré de douleur ; Il était comme tout lassé … Il me

dit «Voilà où me réduit mon peuple choisi, que j'avais destiné pour apaiser ma justice et il me

persécute secrètement. S'il ne s'amende, je le châtierai sévèrement ; je retirerai les justes et

j'immolerai le reste à ma juste colère qui s'embrasera contre eux. « (Ed. Gauthey, 1; P111.)

Lorsqu'on eut fait l'ouverture du Jubilé (de 1675), Marguerite-Marie reçut de Notre-Seigneur

les enseignements suivants : Il me fit voir, dit-elle, dans une sévérité de juge, que ce n'était pas

tant à cause des infidèles que sa justice était irritée, mais que c'était son peuple choisi qui

s'était révolté contre Lui ; qu'il se servait de la privauté qu'il avait proche de Lui pour le

persécuter ; que tant qu'il Lui avait été fidèle, il avait toujours lié les mains de sa justice pour

laisser agir celles de sa miséricorde. «Mais s'ils ne s'amendent tous, ajouta-t-Il, je leur ferai

sentir le poids de ma justice vengeresse. Une âme juste peut obtenir le pardon pour mille

criminels.» Pendant matines, poursuit-elle, Il me disait: «Pleure et soupire continuellement mon

sang répandu inutilement sur tant d'âmes qui en font un si grand abus dans ces indulgences, se

contentant de couper les mauvaises herbes qui ont crû dans leurs coeurs, sans jamais vouloir

ôter la racine. Mais malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la

sources des eaux vives, puisqu'elles ne seront jamais purgées ni désaltérées.» Ensuite je

m'adressai à ce divin coeur et je Lui dis : «Mon Seigneur et mon Dieu, il faut que votre

miséricorde loge ici toutes les âmes infidèles, afin qu'elles se justifient pour vous glorifier

éternellement. Et Il me dit intérieurement : «Oui, je le ferai, si veux m'en promettre un parfait

amendement.» Il me fit connaître que la plus agréable prière que je pouvais faire dans ce saint

temps de Jubilé, c'était de demander trois choses en son nom. La première, d'offrir au Père

éternel les amples satisfactions qu'Il a faites à sa Justice pour les pécheurs sur l'arbre de la

croix, en Le priant de rendre efficace le mérite de son sang à toutes les âmes pécheresses. La

seconde, de Lui offrir les ardeurs de son divin Coeur pour satisfaire à la tiédeur et lâcheté de

son peuple choisi, en lui demandant que par l'ardent amour qui Lui a fait souffrir la mort, il Lui

plaise de réchauffer leurs coeurs tièdes à son service et de les embraser de son amour. La

troisième, d'offrir la soumission de sa volonté à son Père éternel, Lui demandant par ses

mérites la consommation de toutes ses grâces et l'accomplissement de toutes ses volontés (E.

Gauthey , 2, p142.)

Le 6 juillet 1920, le Sauveur dit à Soeur Marie-Fidèle pendant son action de grâces : «J'ai

soif des âmes qui s'offrent en secret à l'accomplissement de ma miséricorde et de mes

intentions. Je veux déverser sur le monde, pour le sauver, le trop-plein de mon amour, dans une

mesure surabondante ; mais il faut pour cela que ces âmes me paient. Les hommes doivent

reconnaître, et ils reconnaîtront et expérimenteront que je suis le Rédempteur, que je suis le

Dieu d'amour. J'aime les âmes, j'aime même les plus grands pécheurs. Aucun pécheur n'est

trop grand pécheur, aucune âme n'est trop mauvaise que je ne veuille l'attirer à moi pour lui

accorder le pardon et les plus grandes grâces ; aucune âme n'est trop indigne que je ne la

choisisse comme l'instrument de mes miséricordieuses intentions. »

Alors, dit la Soeur, je vis ce qu'est une âme consacrée à Dieu qui n'est pas pure et j'entendis

ces paroles : « Ces coeurs infidèles, égoïstes et vides d'amour sont ceux qui s'opposent à la

grande oeuvre de mon amour et de ma miséricorde. Ce sont eux qui font que les fleuves de

cette miséricorde ne coulent pas encore dans leur pleine mesure. Mais j'oublierai toute leur

infidélité et leur ancienne froideur si maintenant ils s'abandonnent tout entiers et sans partage à

mon amour et s'ils m'offrent tout dans cette intention. Je ne mettrai aucune limite à l'effusion de

mes grâces pourvu qu'ils s'offrent à moi avec un coeur plein de confiance et qu'ils commencent

une vie vraiment intérieure. » Le jour suivant, Marie-Fidèle entendit encore ces paroles :

« L'âme désintéressée et tout abandonnée à mon amour ne saurait me procurer une plus

grande joie que lorsque, avec une confiance illimitée et avec des sentiments d'humilité, elle

sollicite ardemment ma miséricorde et attend tout de moi en faveur des âmes. » Jésus dit

encore : « Une seule âme aimante qui me laisse opérer en elle sans aucun obstacle peut

obtenir pardon et grâce pour mille coupables. » (Ed. Allem., pp 163, 164 ; éd. Franç., pp 173,

174)

39. Les fléaux de la justice écartés par les mérites d'une âme fidèle.

Dans le mois de mai 1698, le Seigneur se montra à sainte Véronique Juliani, tenant en main

trois lances et faisant comprendre à la sainte qu'Il voulait châtier la chrétienté pour tant de

péchés qui se commettaient. Au mois de septembre suivant, cette vision se renouvela souvent ;

la sainte alors s'offrit comme victime au Seigneur pour apaiser sa justice, et elle entendit cette

réponse : « Cette grâce te sera accordée d'ici peu, en la fête de la sainte Croix. » Le jour de

l'Exaltation de la Croix, le Seigneur se montra de nouveau à elle, ayant en main trois lances :

« Dis-moi, que veux-tu? » Elle s'offrit alors à souffrir pour tous les pécheurs. Le Seigneur lui dit :

« Je suis venu pour cela, et ce sera là la grâce spéciale que je t'ai promise. Mais fais attention :

il t'en coûtera beaucoup et je t'enverrai une souffrance telle que tu n'en a jamais éprouvée. »

Des trois lances que tenait le Seigneur, une était suspendue sur le couvent, une autre sur

l'évêque et la troisième tournait de toutes parts et produisait de grandes ruines. En même

temps paraissait dans l'air une grande croix, et le Seigneur lui faisait signe de l'accepter.

Seigneur, dit la sainte, apaisez-vous ; je suis prête à toutes les peines ; oui, que la croix vienne

sur moi, pourvu que vous ne soyez plus irrité. En ce moment la croix vint se placer devant les

deux premières lances ; seule la troisième continuait ses évolutions. Il fut dit à la sainte que le

Seigneur retirait les deux premières lances, mais à condition qu'elle endurât de grandes

souffrances ; ce qui arriva. (Diario, septembre 1698)

Le Sauveur Jésus apparut à Catherine de Racconigi tenant dans sa main une épée

ensanglantée. Comprenant que la colère de Dieu allait éclater sur les pécheurs, elle redoubla

de prières et de larmes. Jésus lui dit : « Ces larmes me sont bien agréables, mais comment

veux-tu que j'éloigne ma vengeance ? Regarde les scélératesses et les outrages que me font

les hommes. » Il lui découvrit les péchés de chacun, commençant par les adultes et finissant

par les enfants. Catherine demeura comme morte à cette vue, mais son désir de sauver les

âmes s'accrut encore et elle s'offrit à Jésus, heureuse de souffrir pour apaiser sa colère. La

voyant persévérer dans ce désir, Jésus lui dit : « J'accepte ton offre, mais les douleurs que tu

auras à endurer seront si violentes qu'à grand'peine tu échapperas à la mort. »

40. Combien il en coûte à une victime pour désarmer la justice divine

On lit dans l'autobiographie de saint Marguerite-Marie : Mon Souverain m'ayant fait

connaître que lorsqu'il voudrait (serait sur le point) d'abandonner quelqu'une de ces âmes pour

lesquelles il voulait que je souffrisse, Il me ferait porter l'état d'une âme réprouvée, en me

faisant sentir la désolation où elle se trouve à l'heure de la mort, je n'ai jamais rien éprouvé de

plus terrible, n'ayant point de termes pour m'en pouvoir expliquer. Car une fois, comme je

travaillais seule, il fut mis devant moi une religieuse encore vivante, et l'on me dit

intelligiblement : « Tiens, voilà cette religieuse de nom seulement, laquelle je suis prêt à vomir

de mon Coeur et à abandonner à elle-même. »... Je m'offris à la divine Justice pour souffrir tout

ce qu'il Lui plairait, afin qu'Il ne l'abandonnât pas. Et il me sembla qu'alors sa juste colère s'étant

tournée contre moi, je me trouvai dans une effroyable angoisse et désolation de toutes parts...

Si je voulais lever les yeux, je voyais un Dieu irrité contre moi et armé de verges et de fouets

prêt à fondre sur moi ; il me sembla voir l'enfer ouvert pour m'engloutir. Tout était révolté et en

confusion dans mon intérieur. Mon ennemi m'assiégeait de toutes parts par de violentes

tentations, surtout de désespoir...

Mon Souverain m'ayant fait porter souvent ces dispositions douloureuses, parmi lesquelles

m'ayant une fois montré les châtiments qu'Il voulait exercer sur quelques âmes, je me jetai à

ses pieds sacrés en Lui disant : Ô mon Sauveur, déchargez sur moi toute votre colère et

m'effacez du livre de vie plutôt que de perdre ces âmes qui vous ont coûté si cher. Et Il me

répondit : « Mais elles ne t'aiment pas et ne cesseront de t'affliger69 ». Il n'importe, mon Dieu,

pourvu qu'elles vous aiment, je ne veux cesser de vous prier de leur pardonner. « Laisse-moi

faire ; je ne les peux souffrir davantage. » Et l'embrassant encore plus fortement ; Non, mon

Seigneur, je ne vous quitterai point que vous ne leur ayez pardonné. Et Il me disait : « Je le

veux bien, si tu veux répondre pour elles. » Oui, mon Dieu, mais je ne vous paierai qu'avec vos

propres biens, qui sont les trésors de votre Sacré-Coeur. C'est de quoi Il se tint content (Ed.

Gauthey, t.2, pp. 106 sq.)

41. La victime du Sacré-Coeur doit toujours être prête à être immolée pour les

âmes.

Notre -Seigneur dit un jour à Marguerite-Marie : « Bois et mange à la sources de mes

délices pour te rafraîchir, afin que tu marches courageusement ; car tu auras un long et

rigoureux chemin à faire, où tu auras souvent besoin de prendre haleine et repos dans mon

Coeur, qui pour cela te sera toujours ouvert. Je veux que ton coeur me soit un asile, où je me

retirerai pour y prendre mon plaisir, lorsque les pécheurs me persécuteront et me rejetteront

des leurs. Lorsque je te ferai connaître que la divine justice est irritée contre eux, tu me

viendras recevoir par la sainte communion ; et, m'ayant sur le trône de ton coeur, tu m'adoreras

en te prosternant sous mes pieds. Tu m'offriras à mon Père éternel, comme je te l'enseignerai,

pour apaiser sa juste colère et fléchir sa miséricorde à leur pardonner ; et tu ne feras point de

résistance à ma volonté lorsque je te la ferai connaître, non plus qu'aux dispositions que je ferai

de toi pour l'obéissance, car je veux que tu me serves d'instrument pour attirer des coeurs à

mon amour. » Mais je ne peux comprendre, ô mon Dieu, comment cela se pourra faire ! « Par

ma toute-puissance qui a tout fait de rien. N'oublie jamais ton néant et que tu es la victime de

mon Coeur, qui doit toujours être disposée à être immolée pour la charité. C'est pour cela que

mon amour ne sera pas oisif en toi, te faisant toujours agir ou souffrir, sans que tu doives avoir

aucune prétention qu'il t'en soit mis la moindre chose en ligne de compte pour ton intérêt, non

plus que l'ouvrage n'appartient à l'outil dont le maître s'est servi pour le faire. Mais, comme je te

l'ai promis, tu posséderas les trésors de mon Coeur en échange, et je te permets d'en disposer

à ton gré en faveur des sujets disposés. N'en sois pas chiche, car ils sont infinis. » (Ed.

Gauthey, t.2, p.191) Une fois Marguerite-Marie sentit s'appesantir sur elle la sainteté de son

Dieu, elle en était comme écrasée. Notre-Seigneur lui dit : « Je ne t'en fais sentir qu'un petit

échantillon, car les âmes justes la soutiennent, crainte qu'elle ne tombe sur les pécheurs » (Ed.

Gauthey, t.2, p.176).

69Ces paroles du Sauveur indiquent que ces personnes étaient de celles qui firent à la sainte une violente opposition ;

elles violaient surtout la charité, vertu si chère au coeur de Dieu.

CHAPITRE IX : Foi

1. Précieuses lumières de la foi ; Vertus qu’elle enfante

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne : “Au ciel la béatitude de mes serviteurs consiste à me

voir et à me connaître. Déjà dans cette vie ils ont un avant-goût de la vie éternelle et ils

jouissent de ce qui fait le bonheur des bienheureux. Comment ont-ils cet avant-goût ? Par la

vue de ma bonté envers eux et par la connaissance de ma vérité. Cette connaissance est dans

l’entendement qui est l'oeil de l’âme éclairée par moi. La pupille de cet oeil est la sainte foi, dont

la lumière fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine de ma vérité, le Verbe incarné.

Sans la foi, l’âme ne saurait voir. Elle est comme celui dont un voile couvre la pupille qui est sa

partie lumineuse de l'oeil La pupille de l'oeil de l’âme est la foi. Si l’amour-propre la couvre du

voile de l’infidélité, elle ne peut plus voir. Elle possède bien un oeil, mais non pas la lumière,

dont elle s’est elle-même privée.

« Ainsi, tu le comprends, mes serviteurs en me voyant me connaissent, en me connaissant

m’aiment, en m’aimant s’anéantissent et perdent toute volonté propre. Dès qu’ils ont perdu leur

volonté, ils revêtent la mienne, et moi je ne veux que votre sanctification. Leur coeur étant tout

pénétré de l’amour de ma volonté est à l’abri des épines de la vie. Ils souffrent, il est vrai, du

corps, mais ils ne souffrent pas de l’esprit, parce que la volonté sensitive, celle qui afflige et

tourmente l’âme, est morte. Dès que cette volonté inférieure n’existe plus, la peine disparaît ; ils

supportent tout avec reconnaissance, ils se réjouissent d’être éprouvés pour moi et ils ne

désirent que ce que je veux.

« Je permets que le démon les tourmente et que les tentations éprouvent leur vertu. Ils

résistent par leur volonté qui est affermie en moi ; ils s’humilient et se reconnaissent indignes de

la paix, du repos de l’âme ; ils pensent qu’ils méritent la tribulation, et ils vivent ainsi dans la

joie et la connaissance d’eux-mêmes, sans éprouver de véritable afflictions. Si l’épreuve leur

vient des hommes, de la maladie, de la pauvreté, d’un revers de fortune, de la privation de leurs

enfants ou des personnes qui leur sont chères, ils supportent ces épines que le péché a fait

naître sur la terre avec la lumière de la raison et de la sainte foi. Leurs yeux sont fixés sur moi

qui suis la bonté suprême et qui ne peux vouloir que leur bien. Tout ce qui leur arrive c’est

l’amour et non la haine qui le leur envoie. La connaissance qu’ils ont de l’amour que j’ai pour

eux, les porte à s’examiner et à reconnaître leurs défauts. A la lumière de la foi ils comprennent

que tout bien doit être récompensé, toute faute punie et que la moindre faute mériterait une

peine infinie, parce qu’elle est faite contre moi qui suis le Bien infini. Ils regardent comme une

faveur d’en être punis pendant cette vie, qui passe si rapidement. Ils se purifient ainsi du péché

par la contrition du coeur et acquièrent des mérites par la perfection de leur patience. Ils savent

que toutes les peines de la vie sont petites parce que le temps est court ; le temps passe

comme un éclair et la peine passe avec lui Ils la supportent donc avec patience. Ils marchent

sur les épines de la terre sans être blessés ; elles n’atteignent pas leur coeur, parce que leur

coeur n’est plus à eux. Il leur a été ôté avec l’amour sensitif pour m’être étroitement uni par les

liens de l’amour.

2. Aveuglement des hommes sans foi

« Lorsque vient l’âge de la raison, ceux qui s’exercent à la vertu conservent la lumière de la

foi et enfantent des vertus vivantes qui profitent au prochain. De même qu’une femme qui

donne le jour à un enfant, le présente avec joie à son époux, ils m’offrent leurs vertus vivantes à

moi qui suis l’époux de leurs âmes. Mais au contraire, les malheureux qui à l’âge de raison ne

profitent pas de la lumière de la foi n’enfantent pas les vertus de la vie de la grâce et ne

produisent que des oeuvres mortes. Elles sont mortes, parce qu’elles sont faites dans la mort

du péché et sans la lumière de la foi.

« On dit que ceux-là ont la foi sans les oeuvres et que leur foi est morte. De même qu’un

mort ne voit pas, de même l'oeil de l’intelligence, dont la pupille est couverte, ne voit pas. L’âme

ne se connaît pas, elle ne connaît pas les péchés qu’elle a commis. Elle ne connaît pas ma

bonté envers elle. M’ignorant et s’ignorant elle-même, elle ne hait pas sa propre sensualité,

mais elle l’aime et elle cherche à satisfaire ses désirs ; alors elle enfante des oeuvres mortes en

commettant de nombreux péchés mortels. Ne m’aimant pas, elle n’aime pas ce que j’aime,

c'est-à-dire le prochain, et elle ne se plait point à faire ce qui m’est agréable.

« Tu vois que leur foi est morte, puisqu’elle est sans les oeuvres ; les oeuvres qu’ils font ne

servent point pour la vie éternelle, puisqu’ils n’ont pas la vie de la grâce.

3. La foi manifeste l’or et le poison des choses terrestres

« Tu vois quelle est leur erreur ; mais s’ils y tombent, n’est ce pas leur faute ? Ils se sont

privés de la lumière de la foi, et ils marchent à tâtons comme des aveugles, s’attachant à tout

ce qu’ils touchent. Parce que leur vue est obscurcie, ils ne placent leur affection que dans les

choses transitoires ; Ils se trompent comme ces fous que séduit l’or sans prendre garde au

poison qu’il cache. Toutes les choses du monde, ses joies, ses plaisirs, si on les possède, si on

les goûte sans moi, avec un amour déréglé, sont comme ces scorpions que je te montrais dans

les commencements. Ils portaient de l’or devant eux et du poison par derrière ; il n’y avait pas

de poison sans or ni d’or sans poison ; mais c’était l’or qu’on voyait le premier, et personne

n’évitait le poison, à moins d’être éclairé par la lumière de la foi.

« Je t’ai dit que ceux qui sont éclairés par la lumière de la foi retranchaient le poison des

sens avec le glaive à deux tranchants de la haine du vice et de l’amour de la vertu ; ceux

qu’éclairent seulement la lumière de la raison acquièrent et possèdent l’or des choses terrestres

qu’ils veulent conserver . Mais ceux qui veulent atteindre la perfection se détachent de ces

biens, de coeur et de fait, spirituellement et réellement ; ceux-là observent les conseils de ma

vérité.

« Ceux qui possèdent les biens de ce monde observent les commandements, mais ne

suivent les conseils que spirituellement. Comme les conseils sont liés aux commandements,

personne ne peut observer les commandements sans observer les conseils, non pas toujours

de fait, mais d’intention. En possédant les richesses du monde, on doit les posséder avec

humilité, et non pas avec orgueil ; on doit les posséder comme une chose prêtée, car ma bonté

ne vous la donne que pour votre usage. Vous ne les avez qu’autant que je vous les donne,

vous ne les conservez qu’autant que je vous les laisse et je ne vous les laisse qu’autant que je

vois qu’elles servent à votre salut. C’est ainsi que vous devez en user.

« Si l’homme en use de la sorte, il observe les commandements, puisqu’il m’aime pardessus

toutes choses et qu’il aime le prochain comme lui-même. Il vit avec un coeur libre, il ne

s’attache pas aux richesses par le désir, il ne les aime pas et ne les tient que de ma volonté, et,

s’il les possède matériellement, il n’en observe pas moins le conseil dans son coeur, parce qu’il

s’est purifié du poison de l’amour déréglé. » (Dialogue, ch. XLVI et XLVII.)

4. Le grand malheur du monde c’est le manque de foi

Dans un ravissement où Dieu se fit connaître à sainte Thérèse comme souveraine Vérité,

elle entendit ces paroles : « Ce que je fais pour toi, en ce moment, n’est pas peu de chose ;

c’est une des plus grandes grâces dont tu me sois redevable car tous les maux qui arrivent

dans ce monde viennent de ce qu’on n’y a pas une connaissance claire des vérités de l'Écriture

dans laquelle il n’est pourtant pas un point qui ne doive s’accomplir. » (Vie, ch. XL.)

Dans une extase qu’elle eut au mois de février 1812, Marie-Joseph Kumi fut comme

transportée dans les régions célestes ; il lui fut donné de comprendre l’accomplissement de

toutes les vérités, la perfection et le sens de tous les mystères ; mais ce qu’elle comprit alors,

elle ne put jamais l’exprimer. « Ce que je fais pour toi, entendit-elle ensuite, est une grande

chose dont tu dois m’être reconnaissante, car tout le dommage dont souffre le monde vient de

ce qu’il ne connaît pas ma vérité dans sa pleine lumière. Celui qui m’aime sincèrement

reconnaîtra que tout ce qui ne m’est pas agréable est mensonge. » La voyante déclara qu’à

partir de ce moment elle vit constamment dans une lumière très claire que tout ce qui ne se

rapporte pas à l’éternité n’est que vanité et mensonge. (Vie, ch. XVII.)

5. Jésus demande une foi pleine

Jésus avait promis à Soeur Marie-Aimée de lui accorder pleine rémission des peines dues à

ses fautes. Un doute l’assaillant, elle dit au divin Maître : Est-il possible que vous me fassiez

une telle faveur ? – « Il n’y a que ton incrédulité qui m’en empêcherait », répondit-il d’un ton

sévère.

Une autre fois, Il lui dit que les incrédules en raisonnant et en voulant se rendre compte de

tout perdaient à la fois Dieu et le ciel, et que les âmes qui, en matière de spiritualité veulent trop

scruter, soit en elle, soit dans les autres, perdent ses grâces de choix. (Vie, ch. XVII.)

6. La foi mystique ou infuse éclaire l’âme sur les perfections incompréhensibles

de Dieu

Le Père éternel donna à sainte Marie-Madeleine de Pazzi cette instruction : « Par la

communication de mon Essence, je répands en vous une connaissance de moi si profonde, si

claire, si intime, quelle paraît moins appartenir à la foi qu’à la vision. Cette connaissance produit

en vous une perpétuelle admiration, d’où naît un intime et immense amour. Elle est un vêtement

nuptial dont l’âme est justement glorieuse, vêtement – tissu – qui le croirait ? – de lumière et de

ténèbres, semblable à celui qu’on me prête en disant que je suis revêtu de la lumière comme

d’un vêtement, et que j’habite au milieu de ténèbres inaccessibles. En effet, plus mon

immensité me rend clair et connaissable en moi-même, plus je suis incompréhensible aux

créatures à cause de leur incapacité. En cela je ressemble au soleil qui n’est jamais moins

visible que lorsqu’il brille le plus ; et de même qu’on ne peut voir le soleil avec une autre lumière

que la sienne, je ne puis non plus être connu intimement si ce n’est par la lumière que je

répands dans les âmes. » ( IVe part., ch. XII.)

7. Mariage mystique dans la foi

L’âme de sainte Catherine de Sienne croissait, chaque jour, en la grâce de son Créateur.

Elle volait plus qu’elle ne marchait dans le chemin de la vertu. Son coeur s’éprit du saint désir

d’avoir et d’atteindre le degré parfait de la foi, afin que, par ce moyen, immuablement soumise à

son Epoux, dans une inviolable fidélité, elle lui devint encore plus agréable. A l’exemple des

disciples70, elle se mit donc à demander au Seigneur qu’il voulût bien lui donner une foi plus

grande, si solide que nulle force contraire ne pût la briser et l’abattre. Elle entendit alors dans

son âme cette réponse du Seigneur: « Je t’épouserai dans la foi. » Souvent et longtemps la

vierge répéta la même prière, et toujours le Seigneur renouvelait la même réponse.

On était aux jours qui précèdent le carême. Au moment de cesser l’usage de la chair et des

aliments gras, les fidèles célèbrent alors une fête toute mondaine qu’on pourrait appeler « la

fête du ventre ». Notre sainte recueillie dans le secret de sa cellule, cherchait, dans le jeûne et

la prière, le visage de l’éternel Epoux, et répétait avec une grande ferveur et plus d’instance que

jamais la prière que nous avons dite. Le Seigneur lui répondit : « Tu as rejeté loin de toi et fui à

cause de moi toutes les vanités de ce monde ; méprisant toutes les délectations de la chair, tu

as mis en moi seul le plaisir de ton coeur. Voilà pourquoi, en ce temps où toutes les autres

personnes de ta maison sont à la joie de leurs festins et fêtent leur corps, j’ai voulu, moi aussi,

célébrer solennellement avec toi la fête des épousailles de ton âme. Ainsi que je te l’ai promis,

je veux t’épouser dans la foi. » Le Seigneur parlait encore quand apparurent la Vierge, sa très

glorieuse Mère, le bienheureux Jean l’évangéliste, le glorieux apôtre Paul, le très saint

Dominique, père de la religion à laquelle appartenait Catherine, et avec eux tous, le prophète

David ayant en main son harmonieux psaltérion. Pendant que cet instrument résonnait sous les

doigts du saint roi, avec une suavité qui dépasse toute imagination, la Vierge, Mère de Dieu, prit

70Voir saint Luc, XVII, 5.

avec sa main très sainte la main de notre vierge, en étendit les doigts vers son Fils et Lui

demanda qu’Il daignât épouser Catherine dans la foi. Le fils unique de Dieu, faisant un signe

tout gracieux d’assentiment, présenta un anneau d’or dont le cercle était orné de quatre perles,

et dont le chaton renfermait un diamant d’incomparable beauté. Avec sa main droite, Il mit cet

anneau à l’annulaire de la main droite de notre vierge et lui dit : « Voici que moi, ton Créateur et

ton Sauveur, je t’épouse dans une foi que tu conserveras sans aucune atteinte jusqu’au jour où

tu célèbreras, dans les cieux, avec moi, tes noces éternelles. Courage donc, ma fille, accomplis

désormais virilement et sans aucune hésitation toutes les oeuvres que l’ordre de ma Providence

te remettra entre les mains. Parce que tu es armée de la force de la foi, tu triompheras

heureusement de tous tes adversaires. » (Vie, par le bienheureux Raymond de Capoue, IIe

part., ch. XII. Traduction du P. Hugueny, Lethielleux.)

Le jour où eut lieu son mariage mystique, la Mère Marie-Dominique Moes entendit le

Seigneur lui dire : « Moi, ton Créateur qui t’ai aimée de toute éternité, ton Sauveur et ton

Epoux, je t’épouse dans la foi que tu conserveras pure et sans tache jusqu’à la fin de ta vie. Les

puissances infernales s’acharneront contre toi, mais avec l’aide de ma grâce tu garderas ta foi

intacte et sans tache. Oui, sois forte dans la foi. Soumets-toi fidèlement et généreusement à ma

volonté sainte. Tu surmonteras toutes les difficultés dans la force de mon Coeur divin. » (Vie, I

Teil, Kap. VIII, ch. 1er.)

CHAPITRE X : Espérance

I. Motifs de notre Espérance

1. Les mérites de Jésus, fondement de notre espérance

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne: « J’ai donné à l’homme le secours de l’espérance.

Dès qu’à la lumière sainte de la foi, il contemple le prix du sang précieux qui a été payé pour lui,

cette vue doit mettre dans son coeur une espérance ferme et la certitude de son salut.

L’honneur lui est rendu par les opprobres de Jésus crucifié; car, s’il m’a souvent offensé par

tous les membres de son corps aussi, Jésus, mon Fils bien-aimé, a souffert d’atroces

tourments. Son humble obéissance a corrigé, purifié la désobéissance d’Adam et de sa

postérité. Par cette obéissance, vous avez tous acquis la grâce, comme par la désobéissance

de votre premier père vous aviez tous contracté la faute. » (Dialogue, ch. CXXXVI.)

2. Jésus couvre de ses mérites l’âme confiante

Un jour, se trouvant peu préparée pour la communion, sainte Gertrude supplia la divine

Vierge et toutes les saintes âmes de la terre et du ciel d’offrir à Dieu pour elle les dispositions

qu’elles avaient eues dans la réception des grâces qui leur avaient été accordées. Elle

demanda à Notre- Seigneur de vouloir bien offrir pour elle cette perfection dont il était revêtu,

lorsqu’au jour de l’Ascension, il se présenta à Dieu le Père pour obtenir sa glorification, le

Seigneur lui dit : ? Tu as gagné par ta prière de paraître aux habitants du ciel avec tout le mérite

que tu as demandé. Pourquoi te défierais-tu de moi, qui suis le Dieu tout-puissant et

bienfaisant, comme si je ne pouvais faire ce que peut tout homme sur la terre qui, ayant un

vêtement ou un ornement, peut en revêtir ou en parer son ami et faire que par là son ami

apparaisse avec le même éclat dont il brille lui-même ? ? (Liv. III, ch. XXXIV.)

3. Le Seigneur enferme la justice dans la miséricorde

Un jour que, dans une prédication, on s’était étendu longuement sur la justice divine, et que

Gertrude n’osait plus s’approcher du divin Sacrement, le Seigneur l’encouragea : « Si tu ne

veux pas regarder avec les yeux intérieurs les bontés que j’ai pour toi en tant de diverses

manières, regarde au moins avec les yeux de ton corps. Vois comme je suis enfermé dans un

vase étroit pour venir au devant de toi, et sache pour certain que la rigueur de ma justice est

aussi complètement enfermée par la mansuétude de ma miséricorde dont j’offre un exemple si

frappant envers le genre humain, dans la dispensation de ce sacrement. » (Liv. III, ch. XVIII,

n°18; éd. lat., p. 155.)

4. Pourquoi le pécheur obtient si facilement son pardon

Le Seigneur dit à Gertrude : « Il sera bon de faire connaître aux hommes l’avantage qu’ils

trouveront à se souvenir sans cesse que moi, le fils de la Vierge, je me tiens debout pour le

salut du genre humain devant Dieu le père, et que, s’ils viennent à commettre en leur coeur

quelque faute, par fragilité humaine, j’offre pour eux mon Coeur sans tache à Dieu le Père ; s’ils

pèchent par la bouche, je lui offre ma bouche très innocente ; s’ils pèchent par les oeuvres de

leurs mains, je lui présente mes mains percées ; et de même pour toutes les autres fautes qu’ils

commettent, mon innocence apaise incontinent mon Père, afin que, se repentant, ils obtiennent

toujours facilement leur pardon. C’est pourquoi je voudrais que mes élus, après avoir imploré et

reçu le pardon de leurs péchés, me rendissent de continuelles actions de grâces, pour leur

avoir obtenu d’être si facilement exaucés. » (Liv. III, ch. XL.)

5. Dieu supplée à la faiblesse humaine

Saint Elzéar ou Augias de Roublans, Comte d’Arian, était sur le point d’abandonner ses

richesses et de se retirer dans la solitude, quand il lui sembla qu’une voix lui disait, au fond de

son coeur, de ne point changer d’état. Mais si je demeure au monde, comment pourrai-je, dans

une chair fragile, conserver la ferveur dont je me sens présentement animé ? – Je sais ce que

vous pouvez et ce que vous ne pouvez pas ; je suppléerai à cette faiblesse, gardez votre

virginité, et ayez confiance en moi. (Petits Bollandistes, au 26 septembre.)

6. Dieu proportionne les épreuves aux forces de chacun

Gertrude priant pour une personne affligée, reçut cette réponse : « N’aie point de défiance,

je ne permets jamais que mes élus soient accablés au dessus de leurs forces et je suis toujours

auprès d’eux pour régler le fardeau qu’ils portent. Une mère qui veut réchauffer son petit enfant

tient toujours sa main entre le feu et l’enfant ; ainsi, quand je trouve à propos de purifier mes

justes par la tribulation, je ne le fait pas pour les écraser, mais seulement pour les éprouver et

les sauver. » (Liv. III, ch. LXXXIV.)

7. Pourquoi craindre quand Dieu est là ?

Sainte Thérèse, assaillie de grandes tribulations à cause de la fondation du couvent de

Saint-Joseph d’Avila, fut rassurée par ces paroles du Seigneur : « Ne sais-tu pas que je suis

tout-puissant ? Que crains-tu ? » et il l’assura que le monastère subsisterait. Au sujet de son

entrée dans son nouveau couvent, Il lui avait dit « d’entrer comme elle pourrait et qu’elle verrait

ensuite ce qu’Il ferait ». En effet Dieu lui vint en aide d’une manière admirable.

Cette même sainte Thérèse se trouvant un jour fort indécise à cause des difficultés qu’elle

rencontrait dans ses fonctions, le divin Maître lui fit ce tendre reproche : « Que crains-tu ?

Quand est-ce que je t’ai manqué ? Je suis le même aujourd’hui que j’ai toujours été. Ne laisse

pas de faire ces deux fondations. » (Fondations, ch., XXIX.)

La vénérable Mère Marie de Sales Chappuis reçut un jour une semblable leçon.

Considérant la communauté, a-t-elle raconté, je bénissais Dieu de toutes les grâces dont Il la

comblait ; nos soeurs, disais-je, sont vertueuses et faciles à conduire ; mais après moi,

Seigneur, ajoutai-je avec un peu d’inquiétude. Aussitôt le Seigneur, prenant un ton de maître

répondit : « J’y serai, moi. » (Vie, ch. x.)

II. La confiance est un devoir

8. Nécessité de l’espérance. Malheur de ceux qui ne mettent pas leur

espérance en Dieu

Instruction donnée à sainte Catherine de Sienne : « On ne peut servir sans espérance. Le

serviteur qui sert son maître le fait dans l’espoir de lui plaire ou dans l’attente de quelque

récompense, de quelque avantage. Il ne servira jamais l’ennemi de son maître, parce qu’il ne

peut en retirer quelque profit, et parce qu’il perdrait même ce qu’il a droit d’attendre de celui

dont il est le serviteur. Apprends, ma fille bien-aimée, qu’il en arrive ainsi pour l’âme.

« Il faut que l’âme espère en moi et qu’elle me serve, ou qu’elle espère en elle-même et

dans le monde et qu’elle le serve. Elle sert le monde hors de moi autant qu’elle aime la

sensualité et qu’elle lui obéit. Si elle le sert, c’est qu’elle trouve dans ce service et cet amour un

avantage, une jouissance qui lui plait. Son espérance, placée dans une chose finie, est vaine et

passagère. L’âme se trompe et n’atteint pas le but qu’elle désirait. Tant qu’elle espère en elle et

dans le monde, elle n’espère pas en moi, puisque je hais le monde, c’est-à-dire les vains désirs

de l’homme.

« L'Âme, au contraire, qui espère en moi et qui me sert de tout son coeur, refuse

nécessairement sa confiance au monde et ne saurait la placer dans sa propre faiblesse. Son

espérance est plus ou moins parfaite, selon le degré de son amour pour moi, et c’est dans la

même mesure qu’elle goûte ma Providence. Ceux qui espèrent en moi et me servent dans le

seul but de me plaire, la goûtent mieux que ceux qui le font à cause du profit qu’ils en retirent,

ou du bonheur qu’ils trouvent en moi.

« Ces parfaits et ces imparfaits sont l’objet de ma plus tendre sollicitude, pourvu qu’ils

n’espèrent pas en eux-mêmes ; car la présomption, cette espérance de l’amour-propre,

obscurcit l’intelligence et la prive de la sainte lumière de la foi.

« Les présomptueux prennent la lumière pour les ténèbres et les ténèbres pour la lumière,

et parce qu’ils ont mis leur espérance et leur soin dans les ténèbres, ils murmurent et tombent

dans l’impatience.

« Vois ma fille, quelle est la folie de leur pensée. Comment peuvent-ils croire que moi, qui

suis l’éternelle et souveraine Bonté, je puisse vouloir autre chose que leur bien dans les petites

choses que je permets tous les jours pour leur salut, lorsqu’ils savent par expérience que, dans

les grandes, je n’ai d’autres but que leur sanctification ? » (Dialogue, ch. CXXXVI.)

9. Jésus réclame notre confiance

Comme sainte Marguerite-Marie recevais souvent des communications de Notre- Seigneur,

on crut et on dit autour d’elle que le démon était l’auteur de tous ces faits extraordinaires. Elle

en conçut de grandes craintes et fit tous ses efforts pour résister à l’Esprit qui la conduisait.

Mais, raconte-t-elle, mon Souverain se jouait de tout cela et me rassurait si fort qu’Il dissipait

toutes mes craintes au premier abord, disant : « Qu’as-tu à craindre entre les bras du Toutpuissant

? Pourrait-Il bien te te laisser périr en t’abandonnant à tes ennemis, après s’être rendu

ton Père, ton maître et ton gouverneur dès ta plus tendre jeunesse, en te donnant de

continuelles preuves de l’amoureuse tendresse de mon divin Coeur dans lequel même j’ai établi

ta demeure actuelle et éternelle. Pour plus grande assurance, dis-moi quelle plus forte preuve

tu souhaites de mon amour et je te la donnerai. Mais pourquoi combats-tu contre moi qui suis

ton seul, vrai et unique ami ? » (Ed. Gauthey, II, p. 90.)

Le Seigneur dit à sainte Mechtilde : Repose ici, appuyée sur le Coeur de celui qui t’aime,

afin de ne pas t’inquiéter dans la prospérité ; repose ici dans le souvenir des bienfaits de ton

Bien –Aimé et ne t’inquiète pas dans l’adversité. » (IIe part., ch. XVII.)

Françoise de la Mère de Dieu fut quelques jours en proie à une grande crainte d’être

trompée. Elle pensait qu’elle méritait d’être damnée. Sur quoi Notre-Seigneur lui dit : « Dieu a

tant aimé le monde qu’Il lui a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse

pas, mais qu’Il ait la vie éternelle. (Saint Jean, III, 16.) Si vous croyez en moi, vous devez croire

que vous serez sauvée. » (Vie, ch. XIII.)

10. Point de défiance

La Mère Marie du Divin Coeur hésitait depuis quelques jours à écrire quelques mots dictés

par le Sacré-Coeur et destinés à un religieux : « Pourquoi, dit Jésus, veux-tu le priver et retenir

ces paroles de consolation ? – Je crains qu’elles ne viennent pas de Vous.- T’ai-je donc

quelquefois trompée ? Pourquoi doutes-tu de moi ? – A cause de mon indignité. Ne puis-je donc

pas allumer le feu avec du bois mort ? Plus ta misère est grande et plus il y a de gloire pour moi

à me pencher avec amour et m’abaisser vers toi. » (Vie, ch. IX.)

« Je suis ton espérance certaine, dit un jour Notre-Seigneur à la Mère

Clément. Tu ne dois jamais entrer en défiance. Les âmes qui m'aiment

espèrent toujours, et la fidélité qu'elles ont de tout attendre de mon

amour les empêche d'être confondues. » (Vie, 1915, p. 364.)

11. Jésus souffre de notre défiance

Une fois, raconte Jeanne-Bénigne Gojoz, le doux Sauveur me dit qu'Il souffrait en moi ; ce

qui me fit entrer dans une humble et amoureuse recherche de la cause de cette souffrance.

« La cause de ma souffrance en toi, me dit-ll, c'est que tu te laisses trop saisir par la crainte

qu'on te donne que je ne sois pas l'auteur de tes grâces, ce qui fait que tu n'en tires pas le

grand profit que j'en prétends pour toi et pour les autres. Par ces appréhensions, je suis à

l'étroit dans ton coeur qui m'est si cher, et dont le séjour m'est si délicieux. Si tu le tenais exempt

de ces doutes, qui te rendent pusillanime, tu me ferais un insigne plaisir. Hé! Bénigne, quand

mes grâces ne t'inspireraient que ce grand désir des souffrances, cet amour si ardent pour

l'accomplissement de ma volonté, quand elles n'aideraient qu'à te conduire à mon intime union,

ne feraient-elles pas assez en toi pour être estimées des grâces véritables. » (Vie, 2° part, ch.

1er.)

« Fille ingrate, dit un jour le Sauveur à Anna-Maria Taïgi71, qui n'as pas voulu te rappeler

tant et de si beaux avertissements, tant de commandements que je t'ai donnés ! Tu t'es laissée

vaincre par la tristesse et par le manque de confiance ; tu ne te rappelles donc plus que ton

Bien-Aimé est là, ouvrant les bras pour te recevoir ? » (Vie par Mgr Luquet, ch. 6.)

Le Seigneur dit à Bénigna Consolata (4 mai 1916) : « Je puis en un moment réparer tout le

passé d'une âme, pourvu que cette âme me traite en Dieu, c'est-à-dire qu'elle ne borne pas ma

bonté par sa méfiance, qu’elle ne resserre pas ma miséricorde avec ses angoisses, qu’elle ne

mesure pas mon amour au sien72 . »

12 On ne croit pas assez à l’amour de Jésus

Marie aimée de Jésus ayant eu un doute sur la continuité des grâces extraordinaires qu’elle

recevait, Jésus le chassa par cette parole de l'Écriture : Mes délices sont d’être avec les enfants

des hommes. « Voilà, ajouta-t-Il, l’arme avec laquelle tu dois te défendre des inquiétudes que le

démon cherche à t’inspirer et avec laquelle tu peux terrasser et réduire au silence tous les

incrédules. » (Vie, ch. XVII.) Comme on cherchait à lui inspirer beaucoup de craintes sur la voie

par laquelle Notre-Seigneur la conduisait, Notre-Seigneur lui dit : « Et moi je viens te donner

71La bienheureuse Anna-Maria Taïji (1769-1837), tertiaire de l'0rdre de la Sainte-Trinité,

vécut à Rome dans l'état du mariage et y mourut en grande réputation de sainteté. (Vie, par Mgr Luquet, Paris,

1863.)

72 Dieu ne peut-il pas faire produire à l’âme, en de très courts instants, des actes d’amour si purs, si profonds, si

généreux, si intenses, qu’ils réparent ce qui a été vicieux, qu’ils remplacent ce qui a été négligé, qu’ils fassent regagner ce

qui a été perdu ?

une crainte, mais elle doit te faire dominer toutes les autres : c’est celle de te défier de moi. »

(Vie, ch. XVIII.)

« Tu ne crois pas assez que je t’aime d’un amour très tendre, a dit Jésus à Gertrude-Marie,

tu n’es pas assez pénétrée de cette pensée que tu dois être petite fille avec moi. Il y a en toi un

sentiment de crainte trop grande que je veux que tu remplaces par un sentiment d’amour filial. »

(27 janvier 1907.) Il faut que la joie surpasse la crainte ; la crainte excessive n’est pas le

sentiment d’une enfant aimante. Et tant que ton âme ne se dilatera pas dans la joie, dans la

confiance, dans l’abandon, il y aura obstacle. » (17 février 1907.) « Ce qui arrête l’effusion

divine dans ton âme, c’est ton manque de simplicité, d’abandon avec ton Père céleste. Je

voudrais combler ton âme et tu m’empêche de faire ce que je désire pour toi. » (14 avril 1907.)

Gertrude-Marie fait encore cette remarque, qu’elle dit lui avoir été faite par Jésus : « Nous

disons : Dieu m’aime beaucoup, Dieu est très tendre, et nous ne sommes pas convaincus de

cette vérité ; c’est ce qui nous empêche d’arriver au véritable amour, c’est ce qui nous empêche

de correspondre entièrement aux desseins de Dieu sur nous (c’est Notre-Seigneur qui dit

cela). » (13 novembre 1907.) Une autre fois le bon Maître l’invitait à la douce familiarité avec

Lui : « Si tu savais, m’a dit Jésus, ce que peut sur mon Coeur, une âme qui se livre doucement

à cette familiarité. Je ne peux rien lui refuser. Et je voudrais que cette disposition de mon Coeur

fût mieux connue et cette douce familiarité mieux pratiquée. » (24 mai 1907.)

13. Dieu fait des promesses consolantes et veut qu’on y ait foi

Notre-Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne : « Apprends donc, ma très douce fille que

désormais que les jours de ton pèlerinage serons remplis de mes dons. Ces dons seront si

nouveaux et si merveilleux qu’ils provoqueront l’étonnement et l’incrédulité des hommes

ignorants et charnels. Beaucoup même de ceux qui t’aiment seront hésitants et soupçonneront

quelque illusion ; tout cela arrivera à cause de l’excès de mon amour. Car j’infuserai dans ton

âme une telle abondance de grâces que, dans son débordement, cette grâce rejaillira

merveilleusement sur ton corps, qui en recevra et gardera un mode de vivre tout à fait

extraordinaire. De plus, ton coeur s’enflammera d’un zèle si impétueux pour le salut du prochain

qu’oublieuse de ton sexe, tu changeras complètement toutes tes habitudes. Non seulement tu

ne fuiras plus, comme tu avais coutume de le faire, la compagnie des hommes et des femmes,

mais pour le salut de leurs âmes, tu t’exposeras dans la mesure de tes forces à toutes les

fatigues. Beaucoup en seront scandalisés, de là des contradictions qui révèleront des pensées

de bien des coeurs73. Pour toi, reste toujours sans trouble et sans crainte. Toujours je serai avec

toi et délivrerai ton âme de la langue perfide et des lèvres de ceux qui disent le mensonge74.

Accomplis virilement ce que l’onction75 t’enseignera car, par toi, j’arracherai beaucoup d’âmes à

la gueule de l’enfer, et je les conduirai, avec le secours de ma grâce, jusqu’au royaume des

cieux. » (vie, par le bienheureux Raymond, IIe part., ch. v.)

14. Il faut jeter en Dieu toute sollicitude

Jeanne-Bénigne Gojoz, alors chargée de la cuisine, ayant laissé un porc qu’on avait tué,

dans un lieu ouvert, craignait qu’il ne fût dérobé, car on bâtissait le monastère et les murailles

de clôture n’étaient pas encore élevées. Elle se leva et elle se dirigeait de ce côté quand Notre-

Seigneur lui dit : « Bénigne, remets-toi au lit, repose-toi, j’aurai soin de ton pourceau. » Elle

obéit, mais dès le matin, elle courut voir si on ne l’avait pas emporté ; sur quoi ce doux sauveur

lui dit : « Ingrate épouse, ne suis je pas assez puissant pour tenir ma parole ? Quel besoin

avais-tu de douter que je n’eusse gardé ce qui t’inquiétait ? Tu tiens ton coeur trop à l’étroit ; je

n’aime que les coeurs dilatés qui se laissent agrandir par l’amour et par la confiance. » (Vie, Ire

partie. ch. VIII.) Ne fut-ce pas pour un manque de confiance que Moïse fut privé d’entrer dans la

Terre promise ?

73Saint Luc, II,25

74Ps. CXIX, 2.

75L’Esprit-Saint.(Ire épitre de saint Jean, II, 27.),

Toute mon appréhension, a écrit Jeanne-Bénigne, est de rendre stérile en moi les grâces

qu’il m’accorde, et que mon divin Laboureur ne trouve dans ma terre que des chardons et des

épines, mais mon Seigneur Jésus m’a dit : « Hé, Bénigne, de l’épine je fais sortir la rose, et des

montagnes les plus désertes l’or et le diamant. Oui, ma fille, espère et crois en moi ; le soin que

j’ai de toi surpassera ton attente et tu tireras d'une ferme confiance l’escarboucle, le diamant et

l’or d’un vrai amour. Bien qu’en te remuant toi-même, tu crois que tu remues l’infection de toute

misère, souviens-toi que je t’aime, et que là où abondent la misère et la pauvreté, là aussi je

verse ma miséricorde et la richesse de ma grâce. » (Ibid.)

15. Notre confiance ne doit être diminuée ni par le souvenir de nos fautes, ni

par la vue de notre faiblesse

Le Sauveur a dit un jour à Marguerite de Cortone : « N’aie point de crainte sur la pleine et

entière rémission de tes fautes. Je t’aie placée pour devenir la lumière éclatante de ceux qui

sont assis à l’ombre de leurs vices et un foyer de chaleur à ceux qui croupissent dans la tiédeur

afin qu’ils m’aiment avec ferveur. Je t’ai destinée à servir d’exemple aux pécheurs afin qu’ils

comprennent clairement que s’ils cèdent à mes inspirations, et s’ils se préparent à recevoir de

moi leur justification, je suis toujours prêt à user envers eux de la même miséricorde dont j’ai

usé envers toi. » (Ch. II, & 5.)

Une autre fois que la même sainte s’humiliait et s’effrayait en même temps en pensant à

son inconstance et à sa faiblesse, le Seigneur lui fit ce tendre reproche : « Marguerite, ma fille,

aucun des saints n’aurait eu la force de supporter ses tourments, si la grâce ne l’avait soutenu.

Pourquoi douter alors que je n’agisse de même à ton égard en rendant également infrangible le

vase de ton âme au milieu des peines et des tourments que tu dois endurer. » (Ch. IV, 17.)

Le divin Maître mit Bénigna en garde contre le découragement : « Le plus grand mal que le

démon fait aux âmes, lui dit-il un jour, après leur avoir fait commettre le péché, c’est la défiance.

Tant qu’une âme à confiance, la route est encore ouverte devant elle, mais quand le démon

parvient à lui fermer le coeur par de la défiance, oh ! Comme Il me faut lutter pour reconquérir

cette âme… Ecris, ma Bénigna, écris pour qu’on le sache ; il est certain que 100 péchés

m’offensent plus qu’un seul ; mais si ce péché unique était un péché de défiance, il me

frapperait au Coeur plus que les cent autres, car la défiance blesse mon Coeur au plus intime :

j’aime tant les hommes. » (Notice, p. 88.)

« Sais-tu quelles sont les âmes qui profitent le plus de ma bonté ? Ce sont celles qui ont le

plus de confiance. Les âmes confiantes sont les voleuses de mes grâces… Ecris donc que

l’agrément que je trouve dans une âme confiante est indicible. » (Notice, p. 87. )

J’avais mis une fois, raconte Benigna Consolata, une petite statuette en métal représentant

Jésus, sur la feuille où j’écrivais : un léger mouvement la fit tomber ; alors, la relevant, je

donnai un baiser à Jésus et je Lui dis : « Si tu n’étais pas tombé, ce baiser, tu ne l’aurais pas

eu. » Et Lui me dit avec toute sa douceur « Il en est ainsi, ô ma Bénigna, quand tu commets

quelques faute sans attention, c’est comme un baiser que tu me donnes, et que tu ne m’aurais

pas donné si tu n’avais pas commis cette imperfection. » (Pp. 89, 90.)

16. Jésus supplée à ce qui nous manque

Agnès de Langeac, pénétrée du sentiment qu’elle ne faisait rien de bon en sa charge de

maîtresse des novices, suppliait Notre-Seigneur d’inspirer à sa prieure de la lui ôter ; une voix

lui dit : « Pourquoi ne veux-tu pas élever mes épouses et les perfectionner en mon amour ? A

quoi bon y apporter tant de difficultés? » - Eh ! bon Jésus, répondit-elle, ce sont mes grands

défauts et mon extrême ignorance qui me rendent incapable de m’en acquitter. En même

temps, la voix lui dit par trois fois : « Travaille, travaille, travaille, et je suppléerai à tout. » (IIe

part., ch. X.)

17. Nous devons demeurer confiants même quand nous ne nous sentons pas

exaucés

Gertrude, priant pour les personnes qui s’étaient recommandées à elle, dit au Seigneur ;

Qu’en revient-il, mon Seigneur, aux personnes pour lesquelles j’ai prié, puisqu’elles ne sentent

pas l’effet de mes demandes, ni n’en reçoivent aucune consolation ? Le Seigneur répondit :

« Lorsqu’un roi, après une longue guerre, vient à faire la paix, ceux qui sont éloignés ne

peuvent en avoir connaissance et l’ignorent jusqu’à ce qu’on leur mande en temps opportun ;

ainsi ceux qui sont éloignés de moi par la défiance ou par d’autres défauts, ne peuvent sentir

que l’on prie pour eux. » Mais Seigneur, reprit Gertrude, il en est parmi ceux pour qui j’ai prié

qui ne sont pas éloignés de vous. « C’est vrai répondit le Seigneur, mais celui à qui le roi veut

faire connaître ses ordres par lui-même et non par d’autres, doit attendre le temps favorable et

la commodité du roi. C’est ainsi que je veux leur faire connaître par moi-même l’effet de tes

prières au temps qui leur sera le plus utile. » (Liv. III, ch. LXXIII.)

18. Celui qui n’espère pas vaincre sera forcément vaincu

Le fils éternel de Dieu parla en ces termes à sainte Brigitte : « que quiconque veut

combattre soit courageux à se mettre à l’oeuvre ; s’il tombe, qu’il se confie, non pas en ses

propres forces, mais en ma miséricorde. En effet, celui qui se défie de ma bonté, se disant à luimême

: si je commence à mortifier ma chair, à jeûner, à veiller, je ne pourrai pas persévérer, je

ne parviendrai pas à éviter le péché, celui là tombe à bon droit. Donc, que celui qui veut

soutenir le combat spirituel se confie en moi, qu’il espère accomplir ses desseins avec l’aide de

ma grâce. Puis qu’il soit résolu à faire le bien, à éviter le mal et à se relever autant de fois qu’il

tombera. » (Liv. IC, ch. LXXXIX.)

III. Puissance de la confiance

19. Combien Dieu aime et récompense la confiance parfaite

Notre-Seigneur adressa ces paroles à sainte Mechtilde : « Je te le dis en vérité, il me plait

beaucoup que les hommes aient une confiance qui leur fasse espérer recevoir de moi de

grandes choses ; et si quelqu’un croit qu’après sa vie je le comblerai de bienfaits bien au-delà

de son mérite76, et m’en rend à l’avance des actions de grâces, il m’est en cela si agréable que,

autant qu’il peut croire ou présumer, autant et plus encore, je le rémunèrerai au-delà de son

mérite, parce qu’il est impossible que l’homme ne reçoive pas ce qu’il a cru et espéré. C’est

pourquoi il est utile à l’homme, et d’espérer beaucoup de moi, et de se bien confier à moi. »

Mechtilde dit alors : O très doux ! s’il vous est si agréable que les hommes aient cette confiance

en vous, dites-moi, je vous prie, ce que je dois croire de votre ineffable bonté.- Tu dois croire

d’une espérance certaine qu’après ta mort je te recevrai, comme un père recevrait son fils chéri

et que jamais père n’a si fidèlement partagé l’héritage avec son fils, comme je partagerai avec

toi tous mes biens, et je me donnerai moi-même à toi. Secondement je te recevrai, comme un

ami reçoit son ami le plus cher, et je te témoignerai une amitié si grande que jamais ami n’en à

éprouvé de pareille de son ami… Troisièmement, je te recevrai comme un époux reçoit sa

nouvelle épouse qu’il aime uniquement, avec une telle affluence de douceurs et de délices, que

jamais époux n’a tendrement charmé son épouse comme je te comblerai de tendresses et

t’environnerai du torrent de ma divinité. »

La sainte dit à Jésus : Que donnerez-vous à ceux qui croiront et se fieront à vous pour ces

promesses ?- « Je leur donnerai un coeur reconnaissant qui leur fera recevoir tous mes dons

avec gratitude. Je leur donnerai un coeur aimant avec lequel ils m’aimeront fidèlement ; enfin,

je leur donnerai un coeur avec lequel ils me loueront à la façon des habitants du ciel qui, me

louant dans l’amour, me bénissent toujours. » ((Liv. III, ch. v.)

76Non pas au-delà de ce qu’il aurait qu’il aura mérité, ce qui serait une erreur, mais au-delà de ce qu’un être aussi

indigne que lui serait en droit d’attendre

20. Dieu ne refuse rien à l’âme confiante

Comme une personne interrogeait le Seigneur sans en obtenir de réponse et qu’elle s’en

étonnait, le Seigneur lui dit : « Je t’ai fait attendre ma réponse parce que tu n’as pas de

confiance aux opérations intérieures que j’ai la bonté d’opérer en toi, bien différente, en cela, de

ma bien aimée Gertrude qui, fortement enracinée dans la vertu de confiance, s’en rapporte en

tout à ma bonté. Aussi ne lui refuserai-je jamais rien de ce qu’elle pourra me demander. » (Liv.

Ier ch. x.)

Une fois, priant le Seigneur pour plusieurs affaires, Gertrude entendit cette réponse :

« Sache que toutes tes demandes sont exaucées. » (Liv Ier, ch. x.)

Plusieurs consultaient Gertrude dans leurs doutes et en particulier lui demandaient si, pour

tels ou tels motifs, ils devaient s’abstenir de la communion ; elle les rassurait, parfois même elle

les y obligeait presque de force. Elle craignit alors que dans ses réponses il ne se fût glissé trop

de présomption. « Ne crains rien, lui dit le Seigneur, mais sois rassurée, ferme et certaine que

moi-même, le Seigneur Dieu dont tu es la bien-aimée, qui t’ai choisie gratuitement par amour,

pour demeurer en toi et y goûter mes délices, je garantis une juste réponse à tous ceux qui par

toi, viendront me consulter avec dévotion et humilité, et je te promets avec certitude que je ne

laisserai jamais quelqu’un, que je tiendrai pour indigne de recevoir le sacrement de mon corps

et de mon sang, venir te consulter à ce sujet. Ainsi quiconque je t’enverrai, tout accablé et

fatigué, pour être délivré de son trouble, pourra recevoir de ta bouche l’assurance qu’il peut

s’approcher sans crainte, parce que, pour ton amour et à ta considération, je ne lui fermerai

jamais mon sein paternel mais je le recevrai dans l’embrassement de la plus tendre affection, et

ne lui refuserai pas de doux baiser de paix. » (Liv. Ier, ch. XIV.)

Le Seigneur dit à Gertrude : Autant on pourra espérer d’obtenir par toi, autant on sera sûr de

recevoir de moi. De plus j’accorderai certainement tout ce que tu pourras avoir promis à

quelqu’un de ma part ; lors même que, pour le moment, à cause de la fragilité humaine, il n’en

sentirait pas l’effet, j’opérerai cependant en lui pour son bien, selon ta promesse. » (Ibid.)

21. La confiance fait violence au Coeur de Jésus

Le jour des Saints Innocents, Gertrude troublée dans sa préparation à la communion par le

tumulte de ses pensées, demanda le secours divin. Le Seigneur lui répondit : « Si quelqu’un,

pressé d’une tentation humaine, se réfugie avec une ferme espérance sous ma protection, il

compte parmi ceux dont il est dit : Ma colombe est unique, choisie entre mille, d’un seul de ses

regards elle a transpercé mon Coeur divin. Cela est si vrai que, si je savais ne pouvoir venir à

son secours, mon Coeur en éprouverait une désolation si pénible, que toutes les délices du ciel

ne la pourraient soulager ; parce que dans mon corps uni à la divinité, les élus ont toujours un

avocat qui m’oblige à leur compatir dans leurs divers besoins. »

- Mon Seigneur, dit-elle, comment votre corps immaculé, dans lequel vous n’avez jamais

trouvé aucune contradiction, pourra-t-il vous obliger à nous compatir dans nos défaillances si

diverses ? Le Seigneur répondit : « On s’en persuadera aisément pour peu que l’on

comprenne ce que l’apôtre a dit de moi : Il a dû en toutes choses être assimilé à ses frères,

pour devenir miséricordieux. (Hébr. II, 17.) Le regard unique dont ma bien-aimée transperce

mon Coeur, c’est la confiance assurée qu’elle doit avoir, que, en vérité, je peux, je suis et je

veux l’assister fidèlement en toutes circonstances ; parce que la confiance fait une telle violence

à ma tendresse, que je ne puis en aucune manière lui faire défaut. »- Mon Seigneur, reprit

Gertrude, puisque la confiance est un bien assuré, que personne ne peut l’avoir sans votre don,

en quoi peut démériter celui qui en est dépourvu ? – Le Seigneur : « Chacun peut au moins

triompher de sa pusillanimité sur la foi des Écritures et dire de bouche77, sinon de tout son

coeur, cette parole : Quand même je serais plongé dans la profondeur de l’enfer, vous m’en

77Celui qui le dit ainsi de bouche y met toute sa volonté, et en cela il a d’autant plus de mérite qu’il ne sent rien dans

son coeur. La confiance ainsi voulue est plus agréable à Dieu que la confiance sentie, quand dans celle-ci il y à moins de

volonté.

délivreriez, ou celle-ci de Job : Lors même que vous me tueriez, cependant j’espérerais en vous

(Job, XIII, xv) et autres semblables. ». (Liv. III, ch. VII.)

22. La confiance obtient des conversions

Gertrude demandait au Seigneur d’anticiper le moment de sa grâce pour un grand nombre

d’âmes de pécheurs qui devaient êtres sauvées ; n’ayant pas la prétention de prier pour celles

qui devaient êtres damnées ; le Seigneur la reprit de sa pusillanimité en ces termes : « Est-ce

que la dignité de la présence de mon corps immaculé et de mon sang précieux ne mérite pas

que ceux là même qui sont en état de damnation, reviennent à un état de vie meilleure ? » La

sainte demanda alors le salut d’un grand nombre d’âmes vivants en états de damnation et sa

prière fut exaucée. Elle dit ensuite : je voudrais savoir Seigneur, ce qui vous plairait que

j’ajoutasse à ces prières ? Le Seigneur ne lui répondit pas d’abord ; puis d’un air de bonté lui

dit : « La seule confiance peut facilement tout obtenir ; mais si ta dévotion ne se tient pas

encore pour contente qu’elle n’y ait ajouté quelque chose, dis trois cent soixante-cinq fois le

psaume Laudate Dominum omnes gentes : Nations, louez le Seigneur, pour suppléer à la

louange divine qu’ils ont négligée. » (Liv. III, ch. IX..)

23. Miracle de confiance

Saint Bénézet, berger, fondateur de la Congrégation des Frères-Pontifes d’Avignon (1165-

1184) faisait paître son petit troupeau, le 13 septembre de l’année 1177 lorsqu’eut lieu une

éclipse totale de soleil. Au milieu de l’obscurité une voix se fit entendre par trois

fois : « Bénézet, mon fils, écoute la voix de Jésus. » – Qui êtes-vous Seigneur, qui me parlez?

répondit l’enfant. J’entends votre voix, mais je ne puis vous voir.- « Ne crains rien, reprit la voix ;

je suis Jésus-Christ, qui d’une parole ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils

renferment. » - Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?- « Je veux que tu laisses le troupeau

que tu gardes et que tu ailles bâtir pour moi un pont sur le Rhône. » -Seigneur, je ne sais où est

le Rhône et je n’ose pas abandonner les brebis de ma mère.- « Ne t’ai-je pas dit d’avoir

confiance ? Va donc avec courage ; je ferai ramener les brebis de l’étable et je te donnerai un

compagnon qui te conduira jusqu’au Rhône. » - Mais, Seigneur, je n’ai que trois oboles.

Comment ferai-je un pont sur le Rhône ? « Tu le feras, mon fils, par les moyens que je te

donnerai. » L’enfant obéit, partit pour exécuter les volontés du ciel. Il rencontra un ange, sous la

figure d’un pèlerin, portant un sac de voyage et un bâton. Il dit à l’enfant : « Viens avec moi

sans crainte, je te conduirai à l’endroit où tu dois où tu dois construire le pont de Jésus-Christ,

et je te montrerai ce que tu as à faire. » Arrivés sur les bords de Rhône, à la vue de la largeur

du fleuve, Bénézet s’écria : Il est impossible que je fasse un pont ici ! - « Ne crains rien,

répondit l’ange, car l’Esprit-Saint est avec toi. Va vers cette barque que tu vois là-bas, le batelier

te fera passer le fleuve ; tu entreras dans la ville d’Avignon et tu te présenteras à l’évêque et à

son peuple. » Bénézet, après bien des difficultés, parvint à construire le pont, il forma la

corporation des Frères-Pontifes d’Avignon, destinés à veiller à la conservation et à la réparation

du pont et à loger les pèlerins. (Petits Bollandistes, au 14 avril.)

CHAPITRE XI : Charité

I. Notions sur la Charité

1. Force admirable de la charité. Elle est une participation à l’amour de Dieu

lui-même

Instruction du Père éternel à sainte Marie-Madeleine de Pazzi : « La charité, ma fille, est

comme une chaîne d’or qui m’unit aux âmes et qui les unit elles-mêmes en moi d’une union

semblables à celle des trois Personnes divines. Veux-tu en avoir une idée? Vois les effets

merveilleux qu’elle produit. Quelque ardent que soit un feu, s’il ne trouve comme aliment qu’un

peu de paille, il ne peut jeter de grandes flammes, parce que la matière qu’il reçoit est

insuffisante. Au contraire, quelque légère que soit une étincelle si elle tombe sur un amas de

poudre bien disposé, elle produit d’épouvantables effets ; elle renverse les tours, ruine les

forteresses, détruit des villes entières, et il n’est point de montagne si élevées ni de rocs si durs

qui puissent résister à sa force. Or ma charité est un feu si ardent qu’il ne peut être compris que

de nous. Si mon Esprit allume ce feu dans le coeur des hommes il ne peut y produire les

mêmes effets qu’en nous, parce qu’il n’y trouve pour aliment qu’un peu de paille et de foin,

omnis caro faenum, et par conséquent on est bien loin de le voir dans toute sa force.

« Voyez pourtant ce qu’ont fait les saints, et rappelez-vous les oeuvres que la charité leur a

inspirées. Ils se réjouissaient, ils tressaillaient d’allégresse au milieu des plus horribles

tourments, les forces manquaient aux bourreaux plutôt que le courage aux martyrs, leurs

membres étaient détruits et leur désir des souffrances et leur patience invincible vivait encore.

La malice des hommes jointe à celle des démons avait beau inventer des tortures, ils en

désiraient encore davantage, comme le disait le généreux Porte-Christ, mon bien aimé Ignace.

Voyez aussi ce que la charité à fait dans cette multitude innombrable de jeunes vierges qui,

malgré la faiblesse de leur âge et la fragilité de leur sexe, ont triomphé par leur constance de la

force des persécuteurs et de la rage des démons.. Ce sont là autant d’effets du feu de la

charité, embrasant, comme je l’ai dit, un peu de paille et de foin.

« Rappelez-vous encore les solitaires des déserts de l'Égypte et de la Syrie, visitez ces

contrées brûlées par le soleil, ces montagnes arides, ces sables affreux. Là, vivaient des

hommes séparés du monde et plus encore d’eux-mêmes, exposés presque sans vêtements

aux feux de l’été et aux froids de l’hiver, tourmentant leur chair par des ceintures de fer et des

cilices affreux, ne prenant de nourriture et de sommeil qu’autant qu’il fallait pour soutenir leurs

corps exténués. Mais de même que les oeuvres de mon Fils bien-aimé rapportées

dansl’Evangile, sont en bien plus petit nombre que celles qui n’ont pas été écrites, ainsi les

actions des saints connues de moi seul et que je manifesterai au jour du jugement, surpassent

de beaucoup celles que l’histoire à rapportées.

« Or, si cette charité que je communique à mes créatures et qui, en comparaison de celle

qui brûle dans mon Coeur, est infiniment moindre qu’une petite étincelle en présence du soleil

(Je dis infiniment moindre, parce qu’il n’est pas de comparaison possible entre le fini et l’infini) ;

si, dis-je, cette petite étincelle d’amour tombant sur un peu de paille, produit cependant de tels

effets, que produira cet éternel et immense brasier qui brûle dans mon coeur, et qui possède

une force bien autrement grande que celle de la poudre pour détruire tout ce qui s’oppose à son

action, c'est-à-dire l’ingratitude de mes créatures ? Et saches, ma fille, que le motif qui me porte

à combler l’homme de mes bienfaits et à me communiquer à lui, n’est pas la reconnaissance

que je trouve en lui, car il est très ingrat, mais la force de ma charité, stimulée par son

ingratitude et ses offenses mêmes ; car plus il m’offense, plus je sens augmenter la force de ce

feu, et plus je me sens pressé d’aller à son secours. Voilà pourquoi au moment même ou il me

fuyait et s’éloignait le plus de moi, je me suis déterminé à le poursuivre et à l’unir si intimement

à moi par l’Incarnation de mon Verbe, qu’il ne lui fût plus possible de m’abandonner. » (IVe part.,

ch. IX.)

« Ce seul mot : amour devrait tellement rassasier l’âme qu’elle ne fût plus capable de

penser à autre chose. » (Ire part., ch. XXIII.).

2. L’amour n’est pas pur quand on recherche les consolations

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne : « Je veux te parler de l’amour imparfait. »

« Mes serviteurs qui sont encore dans l’amour imparfait me cherchent et m’aiment à cause

de la consolation et du bonheur qu’ils trouvent en moi. Comme je récompense tout le bien qui

se fait, petit ou grand, selon la mesure de l’amour qui s’y rencontre, je donne des consolations

spirituelles, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre dans le temps de la prière. Je ne le fais pas

pour que l’âme reçoive mal la consolation, c'est-à-dire pour qu’elle s’arrête plus à la consolation

que je lui donne qu’à moi-même, mais bien pour qu’elle regarde plus l’ardeur de ma charité à

donner et son indignité à recevoir que le plaisir qu’elle trouve dans ces consolations. Mais si,

dans son ignorance, elle s’arrête à la seule jouissance, sans faire attention à mon amour envers

elle, alors elle tombe dans un malheur et un égarement que je vais te faire connaître.

« Elle est trompée d’abord par cette consolation qu’elle cherche et dans laquelle elle se

complaît, car quelquefois je la console et je la visite plus qu’à l’ordinaire ; et quand je me retire,

elle revient sur ses pas dans la route qu’elle avait suivie, pour retrouver ses jouissances. Je ne

donne pas toujours de la même manière, afin qu’elle sache que je distribue ma grâce comme il

plait à ma bonté et comme le demandent ses besoins. Mais l’âme ignorante recherche la

consolation dans les mêmes choses, comme si elle voulait imposer une règle à l’Esprit-Saint.

« Elle ne doit pas agir ainsi, mais recevoir en la manière, au lieu, et au moment choisis par

ma bonté pour lui donner. Si je ne lui donne pas, je le fais par amour et non par haine, pour

qu’elle me cherche et qu’elle ne m’aime pas seulement pour son plaisir mais qu’elle s’attache

plutôt à ma charité qu’à la consolation. Si elle ne le fait pas, et si elle cherche la jouissance

selon sa volonté et non selon la mienne, elle trouvera la peine et la honte pace qu’elle se verra

privée de ce plaisir où elle avait fixé le regard de son intelligence.

« Tels sont ceux qui s’arrêtent aux consolations ; ils ont goûté ma visite d’une certaine

manière, et ils veulent toujours y revenir. Leur ignorance est telle que, si je les visite d’une autre

façon, ils résistent et ne veulent me recevoir que comme ils le désirent. Cette erreur vient de

leur attachement à la jouissance spirituelle qu’ils ont trouvé en moi.

« L’âme se trompe, parce qu’il est impossible qu’elle soit visitée de la même manière. Elle

ne peut rester stationnaire, elle avance ou elle recule dans la vertu, et alors elle ne peut

recevoir de ma bonté les mêmes grâces : je les varie, au contraire, je lui donne tantôt la joie

spirituelle, tantôt une contrition et un regret qui semblent la bouleverser. Quelquefois je serai

dans l’âme, et elle ne me sentira pas : quelquefois je manifesterai ma vérité, c'est-à-dire mon

Verbe incarné, de différentes manières aux yeux de son intelligence, et cependant il semblera

que l’âme ne goûte pas l’ardeur et la joie que cette vision devait lui donner. D’autres fois, au

contraire, elle ne verra rien, et goûtera un grand bonheur.

« Je fais tout cela par amour, pour la sauver, pour la faire croître dans l’humilité et la

persévérance, pour lui apprendre à ne pas vouloir me donner de règle et à ne pas mettre sa fin

dans la consolation, mais seulement dans la vertu, dont je suis le fondement. Quelle reçoive

humblement les différents états où elle se trouve, qu’elle reconnaisse avec amour l’amour avec

lequel je donne. Quelle croie fermement que j’agis toujours uniquement pour la sauver, ou la

faire parvenir à une plus grande perfection. Elle doit être toujours humble et placer son principe

et sa fin dans la fidélité à ma charité, et recevoir dans cette charité ce qui lui plaît et ce qui ne lui

plaît pas, selon ma volonté et non selon la sienne. Le moyen d’éviter les pièges de l’ennemi est

de recevoir tout de moi par amour parce que je suis la fin suprême de l’homme, et que toute

chose doit être basée sur ma douce volonté. » (Dialogue, ch. LXVIII.)

3. L’Amour parfait

La charité parfaite c’est l’ensevelissement de l’amour et de la volonté propre dans l’amour et

la volonté de Dieu.

Par elle l’âme vit en Dieu. Le Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne : « Cette âme

m’aime pour moi qui suis la souveraine bonté, seul digne d’être aimé; elle s’aime et aime le

prochain pour moi, pour y glorifier mon saint nom. » (Ch. LXXVI.)

« Plus l’âme aime, moins il lui semble aimer. Aussi excite-t-elle sans cesse le saint désir qui

est fondé sur la charité. » (Cb. XCII.)

« Puisque tu me cherches moi seul, dit le Sauveur à Marguerite de Cortone, je te rendrai

grande dans la gloire et là tu me posséderas dans toute la plénitude d’une joie éternelle. » (Ch.

IV, & 12.)

Véronique Juliani étant devenue abbesse de son monastère, eut la vision de la Sainte

Vierge qui lui dit : « Ma fille, c’est moi qui ai voulu que tu aies cette charge. Je t’y confirme; Je

suis avec toi et je ferai tout par toi. Je suis la supérieure; tu dois dépendre de moi en tout et

faire tout en union avec moi. Désormais tu dois vivre une vie divine au milieu des souffrances ;

c’est là une vie où l’on meurt incessamment. Pour en arriver là, il faut un dépouillement

universel et un détachement de toi-même sans mesure. Tout sera par voie d’amour ; mais de

telle sorte que tu ne connaîtras pas ton amour, parce que tu seras constamment dans les

travaux, dans les peines et les douleurs. Là se trouve le véritable amour ; car la pure souffrance

est l’amour vrai ; dans la souffrance l’amour nous rapproche de Dieu, nous unit à Dieu, fait de

nous une seule chose avec Dieu, parce que là est le pur amour et la pure souffrance où la

volonté de Dieu guide et règle l’âme. Ces âmes là sont les plus chères à Dieu, qui font la

volonté de Dieu. » (4 agosto 1716.)

4. L’amour pur est versé dans l’âme par Dieu directement

Véronique Juliani disait un jour à Jésus : Vous savez combien je désire vous aimer. Jésus

lui répondit : « Tu dois m’aimer non pas comme tu le désires, mais comme je veux. Et cet

amour que je te demande est différent de ce que tu as fait jusqu’ici ; je veux un amour nouveau.

Tu ne connais pas cet amour, mais, sois tranquille, je te le communiquerai et je ferai que tu

arrives à me posséder en tout et partout. » Alors, dit la sainte, Il m’éclaira sur le pur amour, me

faisant comprendre que pour aimer d’un amour pur, pour s’unir à Lui, pour opérer par ce pur

amour, il faut l’amour même de Dieu, et cet amour Il veut me le communiquer, et par cet amour,

m’unir à Lui et se fondre Lui-même avec moi. Il veut que je n’aie rien autre que l’amour ; que

tant à l’extérieur que dans l’intime tout se fasse dans le pur amour. Pour arriver là, il faut que

l’âme pénètre bien qui elle est, où elle est, ce qu’elle a et où elle doit s’appuyer. Par une

nouvelle lumière Il m’a fait connaître que l’âme est pur néant et toute dépendante de Dieu ; et

que par là même qu’elle ne peut rien et qu’elle s’appuie sur le rien, il faut qu’elle soit soulevée,

et elle ne sera soulevée que par le pur amour de Dieu, qui lui fait voir avec évidence qu’il n’y a

pas d’autre bien, ni d’autre véritable amour que le pur amour de Dieu. En même temps j’ai senti

les effets de ce pur amour, car c’était lui qui me donnait ces lumières ; je le sentais en moi qui

m’embrasait et me mettait hors de moi-même. Il m’arrachait à tout, et je n’avais plus devant les

yeux que le néant, et cette vue du néant me portait à m’enfoncer dans cet amour unique et pur.

(Diario, 5 giugno 1697.) Le pur amour est donc celui qui est versé directement dans l’âme par

Dieu même. Dieu alors produit dans l’âme une opération d’amour qui est une participation à

l’amour dont lui-même s’aime et nous aime. Pour arracher l’âme à tout autre amour qui nuirait à

celui-ci, le Seigneur lui découvre son néant, le néant de toute créature et le Tout Divin.

« Dis-moi, dit encore Jésus à Véronique, connais-tu l’amour ? » Elle répondit : L’amour luimême

m’interroge sur l’amour.- Jésus reprit : « Je te demande si tu connais l’amour car qui le

connaît, l’aime. Et toi veux-tu m’aimer ? » Le lendemain après sa communion, Jésus-Enfant se

montra à Véronique et lui dit : « Que désires-tu ? » - Je désire l’amour et je ne sais pas le

trouver.- « Il est bien vrai, reprit le Sauveur, que tu ne sais pas le trouver ; tu ne le trouveras

pas si l’Amour lui-même ne vient à toi. Aussi me voici. Maintenant tu ne peux pas dire que tu ne

le trouves pas, puisque l’Amour même te parle et parle pour Lui et pour toi. » Alors, raconte

Véronique, le Seigneur m’éclaira sur mon néant et me fit comprendre que ce néant doit être

disposé à recevoir tous les mépris, tous les avilissements et tout ce qui lui sera envoyé. Si l’âme

n’est pas dans cette disposition, c’est un signe qu’elle ne connaît pas son néant, et qu’elle n’est

pas avide de ces trésors- les mépris et épreuves- qui les lui dévoileraient, car quand l’âme voit

en elle le néant, de suite elle va à Dieu, et Le prie de lui envoyer ses moyens d’anéantissement,

qu’elle sait lui être d’un grand avantage.

Grâce à ces trésors qui lui sont donnés – les mépris et épreuves – et qui sont placés sur le

néant, l’âme voit mieux et connaît mieux qu’elle n’est rien, et que ce rien qu’elle est, est enrichi

par les humiliations et les souffrances. Alors sa foi se ravive ; l’âme court à Dieu ; Dieu la saisit,

et lui communique son amour. (7 giugno 1697.)

5. Le cri de l’amour héroïque

Notre-Seigneur fit cette proposition à sainte Marguerite-Marie : « Ma fille, lequel aimerais-tu

mieux : me recevoir indignement, et après entrer dans mon paradis, ou bien te priver de la

communion pour me voir plus glorifié, et après être engloutie dans l’enfer ? » La sainte s’écria

dans le transport de son amour: O mon Sauveur, ouvrez cet abîme, et vous verrez que le désir

de vous glorifier m’y aura bientôt précipitée. (Ed. Gauthey, t. I, p. 195.)

II. – Modes divers de l'amour

6. Amour de conformité

Notre-Seigneur parlant à la Mère Françoise de la Mère de Dieu d’une religieuse que cette

Mère lui recommandait, lui dit : « Qu'elle souffre les infirmités de la vie en patience, en silence

et en humilité ; il vaut mieux souffrir en ce monde qu’en l’autre. » La Mère Françoise Lui dit :

Seigneur, elle se plaint toujours qu’elle ne souffre rien. Il lui répondit : « Et si je m’en contente,

que veut-elle davantage ? » (Vie, ch. IX.)

7. Amour compatissant

La Soeur Marie du Saint-Esprit, qui fut amenée à la vie de détachement et de ferveur par la

Mère Françoise de la Mère de Dieu, était un jour fort attristée de ce que, en une certaine affaire,

Dieu n’accomplissait pas ce qu’Il aurait voulu. Notre-Seigneur fit connaître à Françoise les

sentiments de la Soeur et Il lui dit : « Dis-lui que en ce qu’elle souffre que je n'accomplis pas ma

volonté, elle s'expose plus puissamment à moi pour en recevoir les effets, comme faisait ma

sainte Mère lorsque j'étais sur la terre, quand elle voyait mes volontés n'être pas accomplies.

Elle adorait ma bonté qui tolère les créatures en leur résistance, et s'offrait à moi pour recevoir

en plénitude l'effet de toutes mes volontés. » (Vie, ch. 9.)

Jésus n'a-t-Il pas dit dans l'Évangile qu'Il reversait sur les âmes fidèles les grâces dont ne

profitent pas les âmes infidèles ? (Matth., 13, 12 ; 25, 29.)

8. Amour consolateur

Le Père éternel se plaignant à sainte Marie-Madeleine de Pazzi de l'ingratitude des

hommes lui déclara ce qui suit : « Si je n'étais pas impassible, moi et mon Verbe qui est assis à

ma droite, la seule vue de cette malice des créatures serait pour moi une grande peine. Mais je

dois dire aussi que si je pouvais recevoir quelques consolations, mes élus m'en donneraient

tant qu'elles suffiraient, en quelque sorte, à me rendre souverainement heureux. Unis-toi donc

à mes élus, ma fille, pour me procurer ce bonheur. » (4° partie, ch. 21.)

Le Seigneur dit à Gertrude : « Sois ma protectrice, toi, ma bien-aimée, en te proposant de

me défendre, si tu en avais le pouvoir, contre les insultes dont je suis assailli particulièrement

en ce temps ; car maintenant, repoussé par les autres et désirant me reposer, j'accours me

réfugier près de toi. » (Liv. 4, ch. 15)

« Un service rendu au temps de l'adversité est mieux reçu et a plus de mérite qu'au temps

de la prospérité. C'est ainsi que moi-même j'agrée davantage qu'on me soit fidèle en un temps

où le monde me persécute aussi davantage. » (Liv. 4, ch. 16.)

Une fois, raconte la Mère Marie du Divin Coeur, que je me plaignais à Notre-Seigneur de ne

pouvoir à cause de ma faiblesse réciter une amende honorable, ll répondit : « Si des étrangers

offensent la mère et que l'enfant aime tendrement celle-ci, et ne cesse de lui donner des

preuves de son amour, est-ce que, sans qu'il lui parle de dédommagement, son amour n'est

pas pour le coeur de la mère un ample dédommagement ? N'oublie-t-elle pas devant l'amour

de son enfant les offenses des autres ? Ainsi ton amour est à mon coeur un ample

dédommagement pour les péchés des autres, pour lesquels tu voudrais pouvoir offrir une

amende honorable, sans que tu le fasses formellement. » (Vie, eh. 8.)

Dans ses lassitudes, raconte sainte Marguerite-Marie, Notre-Seigneur se présentait à moi

dès que j'avais un moment, me disant « de baiser ses plaies pour en adoucir la douleur. » (Ed.

Gauthey, 2, p. 179.)

Voici les pratiques auxquelles le Coeur de Jésus demanda à son épouse d'être fidèle pour le

dédommager de l'ingratitude des hommes : « Premièrement, tu me recevras dans le Saint

Sacrement, autant que l'obéissance te le voudra permettre, quelque mortification ou humiliation

qu'il t'en puisse arriver, et que tu dois recevoir comme gage de mon amour. Tu communieras

tous les premiers vendredis de chaque mois. Et toutes les nuits du jeudi au vendredi, je te ferai

participer à cette mortelle tristesse que j'ai bien voulu souffrir au jardin des Olives, laquelle

tristesse te réduira, sans que tu le puisses comprendre, à une espèce d'agonie plus rude à

supporter que la mort. Et, pour m'accompagner dans cette humble prière que je présentai alors

à mon Père, tu te lèveras entre onze heures et minuit, et te prosterneras la face contre terre,

tant pour apaiser la divine colère, en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour

adoucir, en quelque façon, l'amertume que je sentais de l'abandon de mes apôtres, qui

m'obligea à leur reprocher de n'avoir pu veiller une heure avec moi, et pendant cette heure tu

feras ce que je t'enseignerai. » (Ed. Gauthey, 2, p. 72.)

9. Amour reconnaissant

Jésus fit un jour à la grande pénitente de Cortone ce tendre reproche : « Pourquoi donc ne

me remercies-tu pas de tout ton coeur, puisque cette reconnaissance m'est plus agréable que

toute la douceur que tu demandes à recevoir de moi ? » (Ch. 6, § 2.)

10. Amour réparateur

« Aime-moi, disait Jésus à Benigna, le 30 juin 1916 ; si tu m'aimes, tu répareras ; si tu

répares, tu me consoleras, et si tu me consoles, tu te conduiras en épouse fidèle. Amour,

réparation, fidélité. Ma Benigna, tu ne peux pas m'aimer avec tout ton coeur, comme je veux

être aimé de toi, si tu ne te hais toi-même de tout ton coeur. Aussi, ne fais jamais plier les

intérêts de Dieu à ce qui t'est utile ou agréable... Tu ne pourras réparer selon toute la

délicatesse de l'amour, comme il faut, si tu te contentes d'examiner superficiellement les plaies

que les pécheurs font à mon Coeur ; il faut que tu les regardes de près. Les pécheurs me

haïssent : toi, aime-moi de toutes tes forces ; les pécheurs me blasphèment : toi, loue-moi ; les

pécheurs ne veulent pas penser à moi, ils écartent mon souvenir : toi, efforce-toi de m'avoir

toujours présent à ton esprit, en éloignant de toi toute autre pensée. »

« Que toutes tes actions portent l'empreinte de la réparation ; ainsi, tu consoleras mon

Coeur. » (Notice, pp. 102, 103.)

III. Pratique de l'amour

11. Les dispositions de la volonté se connaissent aux oeuvres

Désirant un jour, rapporte d'elle-même sainte Thérèse, faire quelque chose pour

Notre-Seigneur, je me disais que je ne pouvais Le servir que bien petitement et je m'écriai

intérieurement : « Pourquoi donc, Seigneur, demandez-vous mes oeuvres? » Il me répondit :

« Pour voir ta volonté, ma Fille. »

« Je ne peux supporter les âmes tièdes et lâches », dit le divin Maître à sainte

Marguerite-Marie. (Ed. Gauthey, 2, p.67.)

Le Seigneur dit à Marie-Céleste : « Je mets mon Coeur dans ta poitrine, afin que ta vie soit

toute dévouée à mes intérêts, que tu ne penses plus à tes avantages, ni spirituels ni temporels,

et que, animée du zèle de mon Coeur, tu ne te donnes plus aucun repos pour promouvoir,

autant que tu le pourras, mon honneur et le bien des âmes. » (Vie, p. 111.)

12. Par quelles oeuvres on prouve son amour à Jésus

En l’illustre fête des apôtres Pierre et Paul, Gertrude, en souvenir de la parole du Seigneur à

Pierre, demanda au Seigneur quelles brebis elles pouvait paître, afin de lui prouver sa

souveraine affection. Le Seigneur répondit : « Fais-moi paître cinq agneaux qui me sont bien

chers, savoir ton coeur, que tu dois repaître de méditations ; ta bouche, de paroles de salut ; tes

yeux de saintes lectures ; tes oreilles, de bons et utiles avis ; tes mains d’incessants travaux.

Chaque fois, en effet, que tu l’appliqueras à quelqu’un de ces offices je te prendrai comme la

plus grande démonstration d’amour. » (Liv. IV, ch. XLIV.)

Autre parole du Seigneur à Gertrude : « Comme j’ai continuellement faim et soif du salut de

l’âme de chacun, celui qui chaque jour travaillera à édifier le prochain par quelques paroles de

la sainte Écriture, rassasiera ma faim par un aliment très suave. S’il ajoute à la lecture

l’intention d’obtenir pour lui-même la grâce de la componction ou de la dévotion, alors il

désaltérera ma soif avec un très agréable breuvage. Si l’on veut passer chaque jour au moins

une heure avec moi, avec toute l’attention dont on est capable, on me donnera une très douce

hospitalité. Si chaque jour on s’exerce dans quelque vertu, je le prendrai comme un vêtement

dont on veut me recouvrir. Semblablement, si par une résistance virile à un vice ou à une

tentation, je me regarderai comme un malade qu’on a visité. Et si l’on prie dévotement pour les

pécheurs et pour ceux qui sont en purgatoire, j’en tiendrai autant de compte que si l’on était

venu souvent, pendant que j’aurais été prisonnier, me visiter et soulager ma détresse par de

bonnes et consolantes paroles. » (Liv. IV, XVIII.)

13. Pratiquer les vertus pour réjouir Jésus

Notre-Seigneur dit à la vénérable Marie-Céleste : « Tu me réchauffes en souffrant le froid ;

tu m’habilles avec le vêtement de la mortification ; tu me nourris quand tu jeûnes ; tu m’endors

quand tu te tais, par un silence exact en tout temps, ne parlant que lorsque la seule nécessité

l’exige ; tu me chantes de doux cantiques d’amour lorsque tu es unie à mon bon plaisir divin

dans tes continuelles aspirations ; tu me presse étroitement sur ton coeur quand, pour me

servir, tu surmontes tes faiblesses, indispositions et douleurs du corps ; tu me donnes un baiser

d’amour à chaque acte de charité que tu fis envers moi et envers ton prochain ; tu me donnes

une bouchée de douceur chaque fois que tu fais quelque acte, soit intérieur, soit extérieur, de

douceur et d’humilité ; ta confiance, ta dépendance et ta diligence sont autant de clés par

lesquelles tu me renfermes dans ton coeur. » (Vie, p. 376.)

14. Quelle est la robe nuptiale

Mechtilde, entendant lire dans l'Évangile : Mon ami, pourquoi êtes-vous entré ici n’ayant pas

de robe nuptiale ? (Math.,XXII, 12), dit au Seigneur : Mon bien –aimé, quelle est cette robe sans

laquelle personne ne pourra venir à vos noces ? Le Seigneur lui montra une robe

merveilleusement tissée de pourpre, de blanc et d’or, en lui disant : « Voici la robe nuptiale, faite

de la blancheur d’un coeur pur, de la pourpre de l’humilité, et de l’or de l’amour divin. Quiconque

voudra porter cette robe, doit avoir un coeur pur, en ce qu’il ne laisse jamais volontairement une

mauvaise pensée s’attacher à son coeur et qu’il juge et prenne tout ce qu’il voit ou entend, en

bien et non en mal ; qu’il se soumette humblement et avec un coeur doux à ses supérieurs, et

même, pour Dieu, à toute créature ; qu’il aime Dieu de tout son esprit, méprisant toute créature

au regard de Dieu et n’aimant rien qu’il ne soit disposé, si cela l’éloignait de Dieu, à le

repousser et à le fuir absolument. » (IIIe partie, ch. XXXVIII.)

15. L’amour doit être généreux

Jésus expliqua à Bénigna ce que doit être le martyr d’amour « Il consiste, lui dit-Il, à se

laisser consumer par l’amour. L’amour est assez ingénieux pour savoir enlever tout à l’âme

sous l’apparence de ne rien lui enlever. Laisse-le faire, ma Bénigna, et l’amour te dépouillera. Il

commencera par l’extérieur, justement comme le feu qui commence à brûler consume d’abord

l’écorce ; puis il pénétrera dans l’intime. Bénigna, le tout est de ne pas dire : C’est assez, et de

lui donner tout ce qu’il réclame. Plus tu lui donneras, plus il demandera, mais toujours avec une

grande suavité. Puis la récompense de l’amour est d’augmenter en toi l’envie de donner. Je n’ai

que peu d’âmes ainsi abandonnées à l’amour, parce qu’il en coûte: certaines âmes

commencent et puis reculent, elles ont peur des sacrifices, elles ressemblent à ceux qui se

privent de cueillir une rose, de crainte de se piquer. L’amour ne fait pas ainsi : là où il voit un

sacrifice, il se lance comme sur une proie, et plus le sacrifice est caché, intime, connu

seulement de Dieu, plus il le fait volontiers. Allons, courage, dis-moi qu’une fois pour toutes tu

me donnes ton jugement, parce que tu veux qu’il ne soit plus conduit que par le seul amour,

puis tiens-toi ferme et sache qu’une âme, quand elle commence pour du bon, est toujours bien

reçue de mon Coeur. Tu peux regagner le temps perdu par une plus grande fidélité dans le

présent, et tu peux surtout réparer en te servant des trésors de mon très doux Coeur. » (16 juin

1915, p. 83, 94.)

Le 4 juillet 1915, elle avait fait, avec le consentement de ses supérieurs, la sacrifice de sa

vie que Jésus lui demandait. Il lui dit alors : « L’amour veut se précipiter en toi, l’amour

t’enveloppera, l’amour te consumera, mais le tout avec une si grande suavité, que tout en

souffrant un martyre d’amour, tu désireras toujours plus souffrir. Ma Bénigna, la faim très

ardente que j’ai de sauver le plus d’âmes que je peux me pousse à chercher des âmes que je

puisse associer à mon oeuvre d’amour. Tu seras la victime de la divine Justice, tu seras le

soulagement de mon amour. Tu seras consumée par l’amour. »

16. Amour renfermant toute vertu

Sainte Marguerite-Marie s’était obligée par voeu, le 31 octobre 1686, à un certain nombre de

pratiques. Elle se sentit saisie d’une grande crainte d’y manquer. Alors le Seigneur lui dit :

« Que crains-tu, puisque j’ai répondu pour toi et me suis rendu ta caution ? L’unité de mon pur

amour te tiendra lieu d’attention dans la multiplicité toutes ces choses ; je te promets qu’il

réparera les fautes que tu pourrais y commettre et s’en vengera lui-même sur toi. » (Ed.

Gauthey, I, p. 238.). C’est donc une excellente pratique de tout ramener à l’amour, de ne

rechercher en tout ce qui se présente qu’à exercer l’amour ; par là, sans même qu’on y pense,

on accomplit ses résolutions et on pratique toutes les vertus.

17. Penser à Jésus et non à soi c’est le moyen nécessaire pour l’aimer, le

servir, l’imiter

« Ma fille, dit un jour le Seigneur à la bonne Armelle, tant que tu me regarderas, tu

m’aimeras ; tant que tu me regarderas, tu me suivras ; quand tu ne me regarderas point, tu ne

me suivras point » (Vie, IIe part., ch. VI.)

Un jour que cette humble servante, d’ordinaire si soumise à ses maîtres, avait fait une

chose de peu d’importance d’ailleurs, mais qui déplaisait au fils ainé de la maison, et avait

tâché de l’apaiser par de bonnes paroles sans renoncer à son dessein, le Seigneur lui fit

comprendre sa faute par un songe mystérieux. Elle vit une glace plus fine que le cristal, et dans

laquelle il ne paraissait aucune tache ; soudain elle en vit sortir une bête monstrueuse. Le

Seigneur lui fit comprendre que cette glace était la figure de son âme, que son divin amour avait

rendu sans tache et que cette bête représentait l’attachement à son propre jugement, que par là

le diable avait voulu la tromper. Et Il lui dit : « Ce mal t’est arrivé parce que tu t’est regardée toimême

; passe infiniment au-delà de toi, pour ne regarder que moi. » (Ire part., ch. XXVI.)

Notre-Seigneur lui fit entendre un jour qu’elle était attachée au tronc de l’arbre de vie et que

cet arbre était Dieu. Pourquoi, dit-elle, mon amour et mon Tout, me dites vous que je suis

attachée au tronc de l’arbre de vie plutôt qu’aux branches ? - « Parce que, ma fille, tu es

attachée à moi seul qui est le tronc et la souche de vie éternelle, et non à mes dons et à mes

faveurs, qui n’en sont que les branches et qui peuvent en être coupées et séparées avec ceux

qui s’y attachent ; mais ceux qui, comme toi, se joignent au tronc ne voulant que moi seul, n’en

seront jamais séparés. » (1ère part., ch. XXI.) « On aurait beau tirer par la robe, lui dit-il encore,

les saints qui sont dans le ciel à contempler ma divine Essence, ou les frapper sur l’épaule, on

ne les ferait pas détourner. Apprends à leur exemple à ne point regarder derrière toi, mais à

t’arrêter à ce qui est devant toi. » (Ch. XVIII.) Armelle fut fidèle, et une autre fois, Jésus lui dit :

« Tu n’es plus ; tu es plus perdue dans l’océan de ma divinité que le poisson ne l’est dans la

mer. » (Ch. XX.)

18. Combien les soupirs d’amour plaisent au Seigneur

Ses occupations obligeaient souvent la bienheureuse Crescentia78 à passer devant le Saint

Sacrement, sans pouvoir s’y arrêter. Elle ne pouvait adresser à son Dieu que ce soupir

enflammé souvent répété : Mon Dieu, par amour pour toi, et par obéissance. Un jour, comme

elle passait devant l’autel pour la dernière fois, elle aperçut une quantité de petites flammes au

dessus du tabernacle. Toute saisie, elle en demanda la signification au Sauveur : « Ce sont,

répondit-Il, les soupirs d’amour que tu m’as adressés en passant. » (II Buch, Kap. IV.)

Souffrant dans son coeur d’un délaissement intime, qui durait depuis longtemps, elle

soupirait jour et nuit après la présence de son unique amour, empruntant les paroles de

l’épouse du cantique. Alors le Seigneur se montra à elle dans le rayonnement d’une gloire

indescriptible ; son Coeur était ouvert et transpercé d’un grand nombre de traits. Émue de

compassion, l’épouse du Crucifié demanda : Mon Seigneur, qui t’a donc blessé de la sorte ?

Avec un regard plein de bonté, Il répondit : « Mon enfant, tu as blessé mon coeur par des

soupirs ardents que tu as sans cesse décochés sur moi, comme autant de traits d’amour. Je

m’y complais. Mais il faut que ton bonheur grandisse dans la souffrance et dans l’amour. »

(Ibid.)

19. L’amour fait paraître doux et bon tout ce qui vient du Bien-Aimé

Sainte Mechtilde priait pour une personne qui désirait savoir ce que Dieu voulait le plus

d’elle. Elle entendit qu’il lui était fait pour elle cette réponse : « Qu'elle se comporte avec moi

comme un enfant qui aime son père avec tendresse et recourt toujours à lui pour en recevoir

quelque don ; et quelque chose que son père lui donne, par l’affection qu’il lui porte, il trouve

toujours que c’est beau et de prix. Qu’ainsi elle aspire toujours après ma grâce, et qu’elle ne

trouve jamais petit ce que je lui donnerai, mais qu’elle le reçoive par amour avec

reconnaissance, me rendant grâce pour chaque chose. » (IVe part., ch.XXXII.)

20. La même charité inspire aux uns plus de familiarité, aux autres plus de

respect

Gertrude voyant une soeur s’approcher avec une trop grande crainte de la communion, s’en

indignait, et le Seigneur l’en reprit ainsi : « Ne réfléchis-tu pas que l’on me doit autant de

révérence et d’honneur que de dévotion et d’amour ? Or, la fragilité humaine ne pouvant

s’acquitter de ce double devoir par un seul acte du coeur, comme vous êtes les membres les

uns des autres, il est juste que ce qui manque en l’une se retrouve en l’autre. Par exemple,

celui qui est plus affecté par la douceur de l’amour rend moins de révérence, et il doit être

content d’être suppléé en cela par celui qui s’applique davantage au devoir de révérence et de

désirer qu’il obtienne à son tour la consolation des douceurs divines. » (Liv. III, ch. XVIII, n° 11.)

IV. – Dieu est avide de notre amour

21. Invitation à l’amour

Sainte Lutgarde fut, à cause de sa noblesse et de ses qualités, recherchée en mariage par

plusieurs seigneurs du pays. S’entretenant un jour avec l’un d’eux, elle vit tout à coup Notre-

Seigneur qui lui montrait son Coeur et la blessure saignante de son côté. « Ma fille, lui dit-Il,

78La bienheureuse Crescentia Hoes de Kaufbeuren, en Bavière (1662-1744), fut religieuse professe du tiers-ordre de

saint François. Elle a été béatifiée en 1900. (Vie allemande, par le P. Ignatius Zeller, O.S.F.., Dulmen, près Munster,

1893.)

cesse d’aimer les créatures, contemple ici ce que tu dois aimer et pourquoi tu dois l’aimer. Entre

dans cet asile, et je te promets de t’y faire goûter les pures délices du divin amour. » (Ch.II.) Le

prétendant étant revenu, Lutgarde lui dit avec sainte Agnès- Retire-toi, je suis engagé à un

autre fiancé ; j’appartiens à un fiancé divin ; et âgée de dix-huit ans, elle entra chez les

Bénédictines, près de la ville de Saint-Trond. De ce moment, sa vie ne fut plus qu’une suite de

faveurs de la part du Coeur de Jésus. Un jour qu’elle s’anéantissait devant le Seigneur, Il lui dit :

« Que veux-tu ? » - Oh ! dit Lutgarde, ce que je veux, c’est votre coeur.- « Et moi, dit le

Seigneur, ce que je veux, c’est ton coeur. » - Oh ! dit Lutgarde, prenez mon coeur, purifiez-le

par le feu de votre amour, placez-le dans votre poitrine sacrée, et que je ne le possède

désormais qu’en Vous et pour Vous. (Ibid., ch. III.)

La bonne Armelle se trouva un jour saisie d’un si ardent désir d’aimer quelle demeura tout

interdite et perdit l’usage de sens. Alors Notre-Seigneur lui dit au plus profond d’elle-même :

« Je te donne mon amour ; aime-moi tant que tu voudras. » Au même instant son coeur fut

embrasé d’un si ardent feu d’amour que celui qu’elle avait eu jusqu’alors n’était rien auprès de

celui-ci. (Vie, ch. XVII). Dieu, a dit saint Alphonse Rodriguez, ne donne rien si volontiers que

son amour. Il le donne à quiconque le désire d’un ardent désir et est décidé à sacrifier tout ce

qui fait obstacle à l’amour. « Ma fille, aime-moi tout seul », dit une autre fois Jésus à Armelle.

(Ch. XVVIII.)

« Ma fille, dit un jour le Seigneur à Jeanne-Bénigne Gojoz, désirez ma grâce et mon amour ;

attendez la première avec paix ; souhaitez le second avec ardeur et souffrez tout pour mourir

inconnue » (Vie, IIIe part., ch. III.)

Et ce qui doit nous faire désirer l’amour, c’est qu’au ciel, l’amour fera notre bonheur et

nous aurons l’amour que nous aurons voulu avoir. La mesure de ton amour pour moi

maintenant que tu es sur la terre, a dit Jésus à Gertrude-Marie sera la mesure de ton amour

dans le ciel. » (Avril 1891.)

« Enfant, dit Jésus à Soeur Marie-Aimée, si tu as l’amour des martyrs, tu auras la

récompense des martyrs. » (Vie, ch. XVII)

22. Jésus se livre pour être aimé

Une veille de la fête de l’Exaltation de la sainte Croix, Françoise de la Mère de Dieu étant en

oraison, entendit ces paroles : « Il y a longtemps que vous vous donnez à moi ; maintenant je

veux me livrer à vous. » Elle fut saisie d’une telle confusion qu’elle ne pouvait faire autre chose

que de s’humilier. Alors Notre-Seigneur lui dit : « Puisque je me suis livré aux Juifs pour être

tourmenté, ne vous étonnez pas si je veux me livrer à vous pour être aimé. » Le lendemain

après la sainte communion, cette Bonté infinie lui dit : « C’est maintenant que je me livre à vous

et que je vous reçois à moi. Gardez-vous bien de perdre un si précieux don. » (Vie, ch. v.)

23. L’amour se paie en amour

« Ne manque pas de confiance ni de fidélité, dit le Seigneur à Marcellin Pauper, aime

comme tu es aimée ; l’amour se paie par l’amour ; tout consiste à être fidèle. (Vie, ch. XIX.)

Un vendredi saint, au moment de l’adoration de la croix, Notre Seigneur lui dit : « Ma fille,

c’est l’amour que je t’ai porté qui m’a attaché sur cette croix; il faut, si tu m’aimes, t’y attacher

pour jamais par le voeu de la plus grande perfection. » (Ch. XIV.) Quiconque veut aimer d’un

amour véritable doit, non pas toujours faire le voeu du plus parfait, mais s’appliquer à le

pratiquer.

24. Jésus aime ceux qui l’aiment et se donne à ceux qui se donnent à Lui

Un premier jour de janvier, Crescentia Hoes s’était, selon son habitude, offerte elle-même

au Seigneur comme étrennes et, avec une admirable ferveur, elle s’était vouée en holocauste

pour être immolée à la divine volonté et consumée de douleur et d’amour. Alors elle fut ravie en

extase et entendit de la bouche de Jésus ces paroles : « cette donation de toi-même m’est très

agréable, mais il faut que tu saches que je ne me laisse pas vaincre en amour. » Alors Il lui

montra son coeur ouvert et lui dit : « Vois mon Coeur que l’amour a ouvert. Je te le donne pour

être ta demeure, ton assurance et ton lieu de refuge contre tous tes ennemis. » (II Buch, Kap.

VIII.)

25. Combien le pur amour plaît à Jésus

« Je t’accorderai tout ce que tu voudras et tu me demanderas, dit Jésus à Marie-Céleste,

parce que en toi je ne trouve qu’un seul désir, celui de me plaire. Cet acte très pur m’attire si

doucement dans ton coeur que je ne puis m’empêcher de m’incliner vers toi, ô ma chaste

colombe. Efforce-toi d’augmenter cette pureté si chère à mon coeur. » (Vie, p. 404.)

Soeur Marie-Marthe Chambon demandait avec insistance à son bon Maître de lui accorder

la grâce de ne plus jamais l’offenser. Il répondit : « Quand vous venez à moi avec amour, je ne

regarde plus vos fautes, je ne regarde que votre amour…. L’amour efface tout. » (Vie, p. 232.)

Il lui dit une autre fois : « L’âme est purifiée toutes les fois qu’elle aime d’un amour fort. Mais il

faut un amour vrai, pur et dégagé de tout. » (Ibid.) C’était parfois par l’amour douloureux que le

Seigneur la purifiait. Quelquefois pour la punir d’une légère infidélité, il lui faisait sentir son

absence et la pauvre Soeur se sentant comme abandonnée du Bien-Aimé, souffrait cruellement.

Quand il revenait ensuite, Jésus lui disait : « J’ai tout purifié en toi par ce délaissement. » (Vie,

p. 266.)

26. Jésus nous donne infiniment plus que nous ne Lui donnons

Soeur Catherine Agnès Planche, + 165779, une des Soeurs fondatrices de la Visitation

d’Angers, qui y laissa une grande réputation de sainteté, entendit son divin Epoux lui dire : « Ma

bien aimée, je veux que tu m’aimes du même amour dont j’aime éternellement mon Père.

Comme tu t’es perdue et anéantie en Moi pour l’amour de Moi, je veux en échange que ce

même amour m’unisse à toi, et en quelque façon me rabaissant moi-même m’anéantisse. Ainsi

j’abîmerai toutes mes richesses et toutes mes grandeurs dans l’abîme de ton rien, que je

changerai en mon tout, de sorte que, vivant de ma vie, tu aimes mon Père et moi de ce même

amour par lequel je l’aime. » (Archives de la Visitation d’Angers.)

27. Le Seigneur donne son amour à qui souffre et s’humilie

La bienheureuse Crescentia Hoes suppliait la Mère du bel amour de lui obtenir un amour de

Dieu toujours grandissant. Un jour qu’elle redoublait ses prières pour obtenir ce don de l’amour,

la Vierge Marie lui apparut avec l’Enfant divin et lui dit : « Ma fille, si tu t’humilies et t’anéantis

comme cet Enfant, tu l’aimeras véritablement et parfaitement. » -Oui, répondit-elle, je le ferai

avec le secours de la grâce. Et se tournant vers le divin Enfant : O mon très aimé Jésus, daigne

m’accepter pour ton esclave et m’accorder la grâce de te suivre de toutes mes forces. Dirigeant

sur elle un regard plein de tendresse, Jésus répondit : Ma bien aimée, je te donne mon amour,

aime-moi autant que tu veux. »

Un jour de Noël, la bienheureuse malade souffrait d’atroces douleurs, qu’elle acceptait de

bon coeur, désirant qu’elles fussent toutes à la gloire du saint Enfant Jésus. Elle pria Marie de

les offrir elle-même à son divin Fils. Alors la Vierge se montra à elle portant Jésus : « Ma fille, lui

dit elle, tes souffrances seront adoucies. » Puis elle lui mit l’Enfant-Jésus dans les bras. Celui-ci

lui dit en l’embrassant : « Mon Enfant, ton humilité et tes souffrances m’ont attiré vers toi. Car si

on me cherche, on me trouve, et quiconque me trouve aura la vie et l’aura surabondamment. Je

ne me laisse pas vaincre en amour et en générosité. Vois donc combien il m’est agréable que

tu endures de grandes souffrances par amour pour moi. Persévère et reste-moi fidèle; ma grâce

sera grande. » (II Buch, Kap. VII.)

79Guy Lanier, abbé de Vaux, prêtre d’un grand mérite, disait n’avoir rencontré dans sa vie que deux âmes ayant une

aussi parfaite plénitude de Dieu que Soeur Catherine-Agnès.

CHAPITRE XII : CHARITE FRATERNELLE

I- La charité chrétienne en général

1. Dieu nous presse d’être charitables

« Je te demande, dit Jésus à sainte Véronique Juliani, un amour fidèle, un amour pur, un

amour fervent et persévérant ; et il faut que cet amour s’exerce dans les oeuvres de charité que

tu feras envers toutes tes soeurs. Que ta vie soit un acte continuel de charité ; je te veux dans la

charité. » (Diario, 12 agosto 1696.)

Marie Brotel: Le dimanche qui a suivi la fête de la Visitation, Jésus étant venu m’a parlé de

la charité pour le prochain. Il m’a montré quelle pureté de charité il faut pour entrer au ciel, puis

Il m’a dit : « Ma fille je dois vivre dans tout les chrétiens, il ne doit y avoir que moi ; comment

veux-tu que je reçoive dans le ciel les âmes qui sont séparées de coeur sur la terre ? Ou bien

elles ont un long et terrible purgatoire ou bien si la séparation par défaut de charité est mortelle,

elles sont séparées de moi pour toujours. » (Appendice I, n°5)

Ma fille, dit Jésus à sainte Catherine de Gênes, je veux que toutes les fois que vous serez

priées d’accomplir une oeuvre de charité – telle que de servir les pauvres et les malades – vous

ne vous en excusiez jamais, et que toujours vous accomplissiez la volonté d’autrui. » (Bolland,

p. 157 ; Vie, ch. VII.)

2. Qui aime Dieu, aime ceux que Dieu aime

« Ma fille, lui dit encore Jésus, celle qui m’aime doit aimer aussi ce que j’aime; par

conséquent, elle doit aimer le prochain après Dieu, s’employer de coeur et d’âme pour procurer

son salut et ne jamais éviter les occasions, même pénibles et dangereuses, de lui porter

secours. L’amour du prochain est une marque infaillible de l’amour que la créature porte à Dieu,

puisque le Seigneur est le créateur, le père et le conservateur de tous les hommes. C’est par

l’amour du prochain que la créature témoigne sa reconnaissance du grand amour que Dieu lui

porte ; ne pouvant faire du bien à la divine Majesté, qui n’en a pas besoin, elle en procure pour

son amour aux membres souffrants de Jésus-Christ.

« La charité envers le prochain est une des vertus les plus excellentes ; elle consiste: à lui

vouloir le même bien que l’on se veut à soi-même ; à céder les intérêts temporels pour procurer

le salut de son âme ; à lui faire le bien sans en rien attendre, purement pour l’amour de Dieu. »

(Bolland., p. 160 ; Vie, ch.. VII.).

« Dès que l’âme m’aime, elle aime le prochain, dit Jésus à sainte Catherine de Sienne ;

sans cela son amour ne serait pas véritable, car mon amour et l’amour du prochain ne sont

qu’un. Plus une âme m’aime, plus elle aime le prochain, parce que l’amour qu’on a pour lui

procède de mon amour. » (Dialog., ch. VII)

« Si on m’aime d’un amour pur et désintéressé, on aime aussi le prochain d’un amour pur et

désintéressé. » (Ibid., ch. LXIV)

3. Ce que vous faites au moindre de vos frères, c’est à moi que vous le faites

Sainte Mechtilde, malade, s’affligeant et se plaignant à Jésus des trop grands soins dont

elle était l’objet : et craignant de recevoir trop de soulagements reçut cette réponse : « Ne

crains, rien ne te trouble pas, parce que c’est moi qui supporte véritablement tout ce que tu

souffres, et pour cette raison, les soins qu’on te rend me sont rendus à moi-même ; aussi je

récompenserai ces personnes comme si elles avaient travaillé pour moi. Tous ceux encore qui,

à l’heure de ta mort t’assisteront avec une tendre compassion, me seront aussi agréables que

s’ils avaient assisté à ma passion en prenant part à ma douleur. Semblablement, ceux qui

assisteront avec une tendre dévotion à tes funérailles, feront une action aussi acceptable à mes

yeux que s’ils avaient rendu à ma sépulture les honneurs convenables. » (IIe part., ch. IXL.)

Saint Jean de Dieu rencontre un jour sur la place un homme à demi-mort, qu’il porte sur ses

épaules jusqu’à l’hôpital. Là, il l’étend sur un lit ; il va, comme il le faisait à tous les autres, lui

laver les pieds. Mais, ô prodige, quand le saint s’incline pour baiser ces pieds, il aperçoit à l’un

d’eux une plaie lumineuse et resplendissante, qui lui fait reconnaître le rédempteur crucifié.

Levant les yeux, il entend sortir de sa bouche divine ces paroles : « Jean, c’est à moi qu’est fait

le bien que les pauvres reçoivent en mon nom ; c’est moi qui étend la main à l’aumône qu’on

leur donne ; moi qui suis vêtu de leurs habits ; moi à qui tu laves les pieds toutes les fois que tu

rends cet office à un pauvre ou à un malade. » Il dit et disparut, laissant l’âme de son serviteur

dans une admiration extrême. (Petits Bollandistes, au 8 mars.)

Saint Grégoire-le-Grand, pape, faisait manger souvent des mendiants à sa table. Il voulut un

jour, par humilité, donner lui-même à un pauvre pèlerin de quoi se laver ; mais, pendant qu’il

prenait l’aiguière et le bassin, le pauvre disparut et la nuit suivante Notre-Seigneur lui

apparaissant, lui dit : Vous me recevez ordinairement en mes membres, mais vous me reçûtes

hier en ma personne. » (Petits Bollandistes, au 12 mars.)

4. Dieu nous traite comme nous traitons les autres

Un jour que le bienheureux Henri Suso ressentait très vivement les douceurs de l’amour

divin, le portier du couvent vint lui demander d’aller confesser une personne qui réclamait son

ministère. Ne voulant pas perdre les joies intimes qu’il goûtait, le bienheureux dit au portier

d’envoyer cette femme à un autre. Aussitôt Dieu lui retira cette grâce délicieuse dont il jouissait,

et son coeur devint aussi dur qu’un caillou, et Dieu lui dit : « Vois, de même que tu as repoussé

sans la consoler cette pauvre femme au coeur oppressé, de même aussi je t’ai retiré ma divine

consolation. » Suso retourne vers la pauvre affligée, la console et soudain le Seigneur revint

avec sa consolation divine. (L’exemplaire, ch. LIII.)

Ces jours dernier, écrit dans son journal sainte Véronique Juliani, je me sentait ennuyée,

parce que mes soeurs ne me laissaient pas en paix ; l’une voulait ceci, et l’autre cela, je

cherchais donc à les éviter. Sur ce je me rendis devant le Saint Sacrement et me mis de tout

coeur à demander certaines grâces à Dieu. Alors j’entendis une vois qui venait du tabernacle et

qui me dit : « Tu ne veux pas écouter tes soeurs ; alors moi non plus je ne veux pas t’écouter. »

(Diario, 15 octobre 1700.) Très souvent les sécheresses dont se plaignent les âmes pieuses

sont une punition de leur défaut de charité.

5. La charité fraternelle attire les bénédiction divines

C’était une chose des plus admirables et des plus consolantes, disait Jeanne –Bénigne

Gojoz, de voir l’estime et l’amour que nos premières Mères et Soeurs avaient les unes pour les

autres et combien elles se soutenaient. Dieu m’a fait connaître que c’est par ce moyen qu’elles

ont attiré tant de bénédictions célestes et surtout cette prodigieuse propagation de notre institut

en si peu de temps. (Ire part., ch.XI.)

6. Combien de fautes contre la charité déplaisent au Seigneur

Une fois, raconte Jeanne-Bénigne Gojoz, ayant dit quelques mots moins charitables qu’à

l’ordinaire, je sentis en ma bouche après la communion comme une liqueur bouillante et Notre-

Seigneur me dit : « Je ne puis laisser en toi d’imparfait sans le corriger et le punir, comme je ne

laisse rien non plus sans récompense du moindre bien que tu fais. » (Vie, Ire part., ch. IX.)

La bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy raconte : Notre saint Mère (Thérèse) étant un

jour dans un de ses couvents et traitant d’une affaire avec une personne assez mal disposée,

celle-ci s’emporta au point d’adresser à la sainte des paroles amères, ce qui me causa une

certaine émotion. J’allai m’en confesser, parce que je désirais communier ce jour- là. Comme

j’étais sur le point de le faire, je vis Notre-Seigneur fort irrité contre moi ; Il me dit « En quoi

cette personne t’a-t-elle choquée ? Elle me fait plaisir en beaucoup de choses et toi tu ne m’en

fais pas du tout de te fâcher contre elle; les moindres fautes me blessent plus que tous les

maux du monde ne peuvent te blesser; tu ne ressens que ce qui te touche et moi je ressens

tous les péchés des hommes. » Cette réprimande de Notre-Seigneur m’inspira un tendre amour

envers cette personne, et j’eus toujours pour elle, depuis ce jour-là, une estime singulière. (Vie,

ch. XXIV.)

Sainte Marguerite-Marie priait Notre-Seigneur de lui faire connaître les moyens de contenter

le désir qu’elle avait de l’aimer. Il lui fit voir qu’elle ne pouvait mieux Lui témoigner son amour

qu’en aimant le prochain pour l’amour de Lui-même, qu’elle devait s’employer à procurer le

salut des pécheurs et celui des Soeurs, quoiqu’elle fût la plus misérable, et qu’il fallait oublier

ses intérêts pour les leurs dans tout ce qu’elle pourrait faire. Comme elle ne savait ce que cela

signifiait, Notre-Seigneur lui fit connaître que c’était le rétablissement de la charité dans les

coeurs qu’Il demandait, puisque par les manquements que l’on y faisait on s’était séparé de Lui,

qui est la charité même. Et pour toutes ces fautes les personnes religieuses et les personnes

du monde ne craignaient pas de blesser la charité, cette divine vertu qui prend naissance dans

le Coeur de Dieu même. Aussi, lui dit-Il ce sont ces membres à demi-pourris et prêts à être

coupés qui me causent de si grandes douleurs. Ils auraient déjà reçu leurs châtiments sans la

dévotion qu’ils ont à ma sainte Mère, qui apaise ma justice irritée et qui ne peut l’être que par le

sacrifice d’une victime. » - Mais, mon Dieu, dit Marguerite-Marie, faites-moi donc connaître ce

qui a irrité votre justice. Il lui dit que c’était des péchés cachés aux yeux des créatures, mais qui

ne le pouvaient pas être aux siens. Il lui fait connaître ensuite qu’il avait pour fort agréable le

soin et le travail que les supérieures prenaient pour le rétablissement de la charité, ce qui ne

serait pas sans récompense; mais que si l’on ne se corrigeait pas, sa miséricorde se retirerait

pour laisser agir sa justice80 (Ed. Gauthey, II, p. 102.)

7. Mépriser les infortunés, c’est mépriser le Seigneur

Notre-Seigneur se montra à la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement, crucifié, humilié,

blessé par tout le corps,mourant de douleur, à cause de la dureté des riches envers ses

pauvres. « La plupart des hommes me sont si cruels qu’ils se moquent de moi en la personne

de ces pauvres ; non seulement ils ne daignent pas me parler, mais ils évitent même de jeter

les yeux sur moi. C’est à ma personne que ces mépris et ces ingratitudes s’adressent. » (Vie,

par Amelotte, liv. 5, ch. VI.)

8. La vraie charité est indulgente dans ces jugements

Dans le monastère où vivait Françoise de Bona, une postulante était jugée beaucoup trop

sévèrement. Françoise affligée prie pour elle et Notre-Seigneur lui dit ces paroles: « Il ne faut

pas diffamer son prochain ; je ne veux perdre personne ; ma miséricorde est grande. » Et un

peu plus tard : « Ma fille, plusieurs semblent savoir beaucoup, lesquels néanmoins ne savent

rien, parce qu’ils manquent à la charité et à l’humilité. » (Liv. II, ch. VIII.)

9. La charité dans les jugements obtient une sainte mort et un jugement

bienveillant

Un jour de sainte Madeleine, Françoise de Bona, persuadée qu’elle approchait de sa fin, fit

cette prière : apprenez-moi, mon divin Maître, à faire une sainte mort, et à bien m’y préparer.-

« Ma fille, lui fut-il répondu, parlez peu, fermez les yeux aux faiblesses du prochain, excusez

ses fautes, compatissez à ses infirmités ; sur toute chose regardez-vous vous-même, et je vous

promets de vous excuser devant mon Père, comme j’ai excusé mon amante ( Sainte

Madeleine). » (Liv. III, ch. XI.)

80Sainte Jeanne de Chantal ayant apparu plus tard à la sainte et s’étant plainte de ce que la Visitation était déchue,

Marguerite-Marie pria la sainte fondatrice de lui faire connaître les plus particuliers manquements. « C’est, dit elle, que

l’on dit ses fautes avec déguisement, ce qui fait que le autres sont accusées injustement. On se justifie en accusant les

autres, en un mot on cherche sa propre gloire et non celle de Dieu… La curiosité fait encore beaucoup de mal, puisque

celles qui s’informent curieusement des défauts des autres, tombent dans l’aveuglement de Dieu et d’elles même »

(Édition Gauthey, II, p. 156.)

10. Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés

Le Père éternel recommanda en ces termes à sainte Catherine de Sienne de ne pas juger

le prochain : « Il ne faut pas que le démon nourrisse en toi la présomption, qui te ferait tomber

dans les faux jugements, que je t’ai défendus. Tu croirais juger bien et tu jugerais mal si tu te

rapportais à ce que tu vois, et souvent le démon te ferait voir beaucoup de vérités pour te

conduire au mensonge. Cela t’arriverait si tu te faisais juge des pensées et des intentions des

créatures raisonnables car, comme je te l’ai dit, je dois seul les juger… Quand tu croiras

reconnaître dans un autre un défaut, reprends le en lui, mais aussi en toi-même par un acte de

sincère humilité. Si ce défaut est véritablement dans cette personne, elle se corrigera mieux, en

se voyant si doucement reprise. Tu seras plus tranquille toi-même et tu auras repoussé le

démon qui ne pourra pas te tromper et empêcher la perfection de ton âme. Je veux donc que tu

sache que tu ne dois pas te fier à ce que tu vois, et seulement persévérer dans la vue et la

connaissance de toi-même et dans celle de ma bonté et de ma générosité envers toi. »

(Dialogue, ch. C II.)

11. Aimer les dons de Dieu chez les autres, c’est attirer sur soi les grâces de

Dieu

Le Seigneur dit à Mechtilde : « Tous ceux qui aiment mes dons chez les autres recevront le

mérite et la même gloire que ceux à qui j’ai octroyé ces dons. Ainsi qu’une jeune épouse, dont

d’autres jeunes épouses chercheraient à imiter la parure exquise qui l’a distinguée entre toutes,

et s’acquerraient une gloire pareille, de même les âmes de ceux qui, par leur charité

s’approprient de tels dons gagnent en cela un mérite et une gloire pareille81 à celle que je dois

donner aux personnes qui avaient reçu ces dons, et elles en jouiront elles-mêmes. » (Ve part.,

ch.XXIII.)

12. Combien les supérieurs doivent être charitables

La Soeur Mechtilde, le jour de la fête de saint Dominique, priait pour l‘ordre des Frères

Prêcheurs. Notre-Seigneur lui apparut avec saint Dominique et lui adressa ces paroles : « Mon

fils Dominique a pratiqué sur la terre quatre vertus que doit avoir chaque prieur. Il aimait si

tendrement ses frères qu’il ne pouvait souffrir qu’aucun d’eux fût troublé pour des causes qui

viendraient de sa volonté. Ensuite il avait la charité d’améliorer les aliments qu’il faisait préparer

pour le soutien des Frères, en sorte que les jeunes n’eussent aucune pensée de regret pour le

monde et que les anciens ne succombassent pas de fatigue dans le chemin. La troisième

consistait en ce qu’il leur apprenait, par son exemple et par sa conduite pleine de prudence, à

se montrer pour Dieu modérés et réglés dans toutes leurs manières d’être et de faire et dans

leurs nécessités. La quatrième était une si grande miséricorde qu’il ne voulait jamais imposer

aux Frères de pénitence en dehors de ce qu’exigeaient et la règle et leurs fautes. » (Liv. II, ch.

IX.)

13. Amitié sainte

Françoise de la mère de Dieu offrait un jour à Notre-Seigneur une religieuse à laquelle elle

avait prodigué son zèle, et qui lui devait d’avoir fait de grands progrès. Notre-Seigneur lui dit :

« Je vous lie de nouveau en moi pour être unies plus purement, plus fortement et plus

inséparablement que jamais. » (Ch. IX.)

Un jour que le P. de la Colombière disait la messe au couvent de la visitation, à Paray,

Notre-Seigneur montra à sainte Marguerite-Marie son Sacré-Coeur comme une ardente

fournaise, et deux autres coeurs qui allaient s’y abîmer, lui disant : « c’est ainsi que mon pur

amour unit ces trois coeurs pour toujours. » Et Il lui fit entendre qu’Il voulait qu’ils fussent

comme frère et soeur, également partagés des biens spirituels. ( Ed. Gauthey, I, p. 134. )

81Pareille, mais non égale : Pareille en ce sens que Dieu accorde alors des grâces pour faire pratiquer les vertus que

l’on admire chez les autres, mais non égale, car Dieu donnera à chacun selon ses oeuvres.

II. – Charité corporelle

14. Jésus vivant dans ses pauvres

Un jour que Catherine de Sienne sortait de l’église, un pauvre lui demanda l’aumône pour

l’amour de Dieu. N’ayant rien sur elle à donner, elle pria le pauvre de l’accompagner jusqu’à la

maison ; mais celui-ci répondit : « Si vous avez quelque chose à me donner, donnez-le moi surle-

champ, je vous en prie, car il m’est impossible d’attendre. » Catherine embarrassée,

cherchait le moyen de le secourir, lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur une petite croix d’argent,

attachée à un de ses cordons garnis de noeuds, sur lesquels on récite l’oraison dominicale, et

qu’on appelle pour cela des Pater noster. Elle rompit le cordon et offrit la petite croix d’argent au

pauvre, qui la reçut avec joie et se retira, comme s’il n’était pas venu demander autre chose. La

nuit suivante, pendant que Catherine priait, le Sauveur lui apparut, tenant à la main la petite

croix enrichie de pierres précieuses, et lui dit : « Ma fille, reconnais-tu cette croix ? »- Je la

reconnais bien, répondit Catherine, mais elle n’était pas si belle quand elle était à moi.- « Hier,

ajouta Notre-Seigneur, ton coeur me l’a donnée avec amour, et c’est cet amour que

représentent ces pierres précieuses. Moi je te promets qu’au jour du jugement, en présence

des anges et des hommes, je te la rendrai telle que tu la vois, pour qu’elle devienne ta gloire et

à ce moment solennel où je manifesterai la miséricorde et la justice de mon Père, je ne tairai

pas et je ne laisserai pas ignorer ce que tu as fait pour moi. » (Vie, par le B. Raymond, IIe part.,

ch. III.)

15. J’étais nu et vous m’avez vêtu

Sainte Catherine de Sienne retournant un jour de l’église chez elle, Notre-Seigneur lui

apparut sous la forme d’un étranger demi-nu, qui, au nom de Dieu lui demanda quelque

vêtement. Catherine, de plus de plus ardente à faire l’aumône, lui dit d’attendre un instant et

remontant à la chapelle, elle enleva un vêtement sans manches qu’elle portait sous sa robe

pour se garantir de froid. Elle alla, joyeuse, l’offrir au pauvre qui, ayant reçu ce vêtement de

laine, demanda un peu de linge. Suivez-moi, répondit Catherine. L'Époux suivit l’épouse sans

se faire connaître. Quand ils arrivèrent à la maison, Catherine prit une chemise, des caleçons à

ses frères, et les donna bien vite au pauvre, qui ne se montra pas encore satisfait, disant :

« Que ferai-je de ce vêtement qui ne couvre pas mes bras? Donnez-moi des manches, et vous

m’aurez complètement vêtu. » Cette demande, loin d’importuner Catherine, augmenta son zèle.

Elle courut toute la maison pour avoir des manches ; trouvant enfin une robe neuve de la

domestique, elle en ôta les manches et les porta au pauvre. Mais Celui qui tenta autrefois

Abraham, insista encore et lui dit : « Voici que vous m’avez bien habillé, et je vous en remercie

au nom de Celui pour lequel vous l’avez fait ; mais j’ai à l’hôpital un de mes compagnons qui

manque de vêtements ; ne pouvez-vous pas lui donner un habit que je lui porterai de votre

part ! Ces demandes multipliées n’avaient pas refroidi la charité de Catherine, et elle cherchait

le moyen de vêtir encore l’autre pauvre qui était à l’hôpital. Mais elle avait déjà donné les

manches de la domestique, qui n’était pas riche ; il ne fallait pas prendre toute la robe. Alors elle

se mit à examiner si elle devait donner la seule robe qu’elle s’était gardée : la charité disait oui,

la modestie disait non. La charité pour les âmes l’emporta sur la charité pour le corps. Elle

pensa que si elle sortait sans robe, ceux qui la verraient seraient scandalisés, ce qu’il fallait

éviter avant tout, et répondit au pauvre : s’il m’était possible de rester sans robe, je vous la

donnerais bien volontiers, mais comme je ne le puis pas, je vous prie de ne pas m’en vouloir. Le

pauvre sourit, en lui disant : « Oui, je vois que vous me donnez de bon coeur ce que vous

pouvez donner. Adieu. »

La nuit suivante pendant que Catherine priait le Sauveur du monde lui apparut sous la figure

du pauvre, tenant à la main le vêtement qu’elle lui avait donné, tout brodé de perles et tout

resplendissant de pierres précieuses. Ma fille bien aimée, lui dit le Seigneur, reconnais-tu ce

vêtement ? » Et comme elle répondait qu'elle le reconnaissait, mais qu'elle ne l'avait pas donné

si riche, Notre-Seigneur lui dit : »Hier, tu m'as donné ce vêtement avec un grand amour ; ta

charité a revêtu ma nudité et a voulu me préserver du froid et de la honte. Moi, maintenant, je

veux te donner, de mon corps même, un vêtement que les hommes ne verront pas, mais que

tu sentiras, parce qu'il préservera du froid ton âme et ton corps, jusqu'à ce que tu sois revêtue

de gloire et d'honneur devant les anges et les saints. » Et aussitôt, Il tira de la blessure de son

côté un vêtement teint de la pourpre de son sang et resplendissant de lumière. Il l'en revêtit luimême

de ses mains sacrées, en lui disant : « Je te donne sur terre ce vêtement avec ses

propriétés, comme symbole et gage du vêtement que tu auras un jour dans le Ciel. » (Vie, par

le bienheureux Raymond, 2° part., ch 3.)

Saint Martin, évêque de Tours, n'ayant pas sur lui une obole à donner à un pauvre qui lui

demandait l'aumône, dit au mendiant, en se rappelant ces paroles du divin Maître : « J'étais nu,

et vous m'avez couvert. » Mon ami, je n'ai que mes armes et mes vêtements ; partageons ceuxci

; voilà ta part. Et avec son épée, fendant sa chlamyde, il en jeta la moitié au malheureux

transi de froid. La nuit suivante, Notre-Seigneur couvert de cette moitié de manteau, lui apparut,

disant à une troupe d'anges : « Martin, qui n'est encore que catéchumène, m'a revêtu de cet

habit. »

A l'âge de 13 ans, la bienheureuse Catherine de Racconigi vit, debout à la porte de sa

maison, un très beau jeune homme qui, malgré le froid très vif, était pieds nus et couvert

seulement d'une misérable veste sans manches. Donnez-moi quelque chose pour l'amour de

Dieu, dit le jeune homme à Catherine. Celle-ci entre dans sa maison, trouve une tunique de son

frère, la donne au mendiant et reçoit cette réponse : « Pour cette tunique, il te sera donné un

vêtement tel, que jamais il ne viendra à s'user. Que voulez-vous dire ? demanda Catherine. Il te

sera donné la liberté de l'amour. Mais que veut dire la liberté de l'amour ? C'est-à-dire que tu

serviras Dieu, non par une crainte d'esclave, mais par pur amour, sans autre souci que de Lui

seul et non des créatures. » Cela dit, Notre-Seigneur disparut.

16. Qui fait du bien aux amis de Dieu sert Dieu lui-même.

Gertrude représenta au Seigneur qu'une personne qui avait assisté Mechtilde en sa

maladie, regrettait de ne pas lui avoir rendu assez de services et de ne l'avoir pas plus

consultée pour le bien de son âme, par crainte de l'incommoder. Le Seigneur répondit : »Par la

bonne volonté avec laquelle, joyeusement libérale, elle a souvent fait du bien à mon élue, et lui

en eût fait volontiers encore plus, tous les jours elle m'a servi moi-même ; car j'ai trouvé une

grande douceur dans les pieux exercices auxquels a pu se livrer Mechtilde, grâce aux forces

qu'elle prenait dans les soulagements que cette personne lui procurait dans le boire et dans le

manger. Quant à son regret de ne pas s'être assez entretenue avec elle, j'y suppléerai moimême.

De plus, pour toute la joie qu'elle prend en son coeur de tous les bienfaits que j'ai

conférés à mon élue, son âme recevra éternellement dans les Cieux, avec une joie ineffable, un

reflet éclatant de tous mes bienfaits, partant de l'âme de mon épouse, sur laquelle brillera la

splendeur incompréhensible de ma clarté divine. De même, en effet, que les rayons du soleil

frappant la surface de l'eau, se réfléchissent sur une muraille, ainsi la splendeur de mes

bienfaits, brillant dans les âmes de ceux que j'ai prévenus de mes bénédictions, se réfléchit sur

les âmes de ceux qui se réjouissent de leur bonheur. » (Liv.3, ch. 76.)

17. Couronne d'épines et couronne de gloire obtenues par l'aumône

Saint Raymond Nonnat, cardinal de l'ordre de Notre-Dame-de-la-Merci, ayant fait l'aumône

à un pauvre mal vêtu et tremblant de froid, auquel il donna même son chapeau, vit, dans

l'oraison , un parterre semé de fleurs, où la Reine des anges et d'autres vierges composaient

une couronne sur lui. Bien loin de s'en réjouir, Raymond s'attristait, disant : Ô infortuné que je

suis, j'ai perdu ce que j'avais gagné ! Hélas ! Devais-je recevoir en ce monde la récompense

d'un petit bien que je n'avais fait que pour la gloire de Dieu et pour plaire à mon Sauveur

crucifié ! A peine eut-il achevé ces paroles que sa vision disparut, et fit place à Notre-Seigneur

Jésus-Christ, pauvre, affligé, couronné d'épines, qui, ôtant sa couronne de dessus sa tête, dit à

Raymond : « Ta sainte Mère, mon cher fils, qui est aussi la mienne, voulait te couronner de

fleurs, mais puisque tu ne veux pas d'autre gloire en ce monde que celle de ma croix, voici que

je t'apporte mes épines. » Saint Raymond prit cette couronne, qu'il plaça avec force et bonheur

sur sa tête.( Petits Bollandistes, au 31 août)

18 Bénédictions promises si l'on exerce la charité.

On a retrouvé dans les papiers de la bienheureuse Maria-Crescentia Hoes l'écrit suivant :

Un jour je demandais à mon Bien-Aimé de récompenser toutes nos chères Soeurs pour la

grande charité qu'elles m'ont faite en me recevant, moi pauvre et indigne, dans ce saint ordre et

à la sainte profession. Je le priais aussi de donner sa bénédiction au couvent pour que les

Soeurs ne souffrent pas de disette et qu'elles soient préservées de tous les maux du corps et de

l'âme. Alors mon Bien-Aimé me dit à moi si indigne : « Mon enfant, j'ai exaucé ta prière, mais de

la manière suivante. Après ta mort je leur retirerai quelque peu ma bénédiction et ma grâce, afin

qu'elles reconnaissent et voient ce qu'est ma grâce. Après cela leurs yeux s'ouvriront. » Je le

suppliai derechef : Ah! Mon très cher et divin Père ! Je t'en prie par ton amour, que ta grâce ne

leur soit pas retirée longtemps, viens vite à leur secours. Mon Epoux divin répondit alors :

« Mon enfant, si après ta mort elles reçoivent encore par amour pour moi une aspirante pauvre,

je leur rendrai ma grâce et mes bénédictions. Mais elles devraient en accepter qui eût des

vertus morales, et fût pleine de bonne volonté. Après sa mort elles devraient en recevoir une

autre, et ainsi de suite. C'est de cette manière, mon enfant, que j'ai exaucé ta demande, et ces

paroles que je viens de te dire, écris-les, afin qu'après ta mort on les trouve et on les mette en

pratique. » C'est sur son ordre et dans l'obéissance que je l'ai fait. (2 Buc, Kap. 16.)

19 La charité couvre la multitude des péchés.

Gertrude venant d'exercer la charité fraternelle, se sentait coupable de quelques

négligences, le Seigneur lui dit : »Ne te plains pas de tes négligences, lorsque tu es si

glorieusement enveloppée par la charité, qui couvre la multitude des péchés. La charité ne

couvre pas seulement les fautes, mais, ainsi qu'un soleil brûlant, elle consume en elle-même et

anéantit toutes les négligences et les fautes vénielles, et elle comble l'âme de mérites. » (Liv. 3,

ch. 61.)

20. Il faut se priver pour donner et se priver de bon coeur.

Un jour Notre-Seigneur apparut à Françoise de la Mère de Dieu ; elle voyait sa divine face

fort douce et abaissée. Il semblait lui demander quelque chose, mais elle ne comprenait point

ce que c'était. Elle prit la liberté de Lui dire :Mon Seigneur, que vous plaît-il que je fasse ? Il lui

répondit: « Je vous demande l'aumône. » Elle lui repartit: Mais, mon Seigneur, que vous puis-je

donner? Notre-Seigneur lui dit: « Donnez-moi votre souper pour mes pauvres. » Mais, mon

Seigneur, vous les pouvez pourvoir par tant d'autres voies. « Il est vrai, dit Jésus-Christ, mais je

veux me servir de ce moyen ; donnez-le à un tel ; il m'est bien agréable. »

C'était un pauvre maçon qui travaillait pour lors au couvent.

Une autre fois Il lui ordonna pendant un mois de donner, tous les samedis, son souper aux

pauvres, et de demander l'aumône pour eux au réfectoire, et comme elle avait déjà fait par son

ordre la même quête, Notre-Seigneur lui dit: « N'allez pas à telles et telles qui ne m'ont pas

donné de bon coeur, car je ne veux point de leurs aumônes. » On sut après que celles que

Notre-Seigneur avaient spécifiées avaient trouvé à redire à cette action de dévotion (Vie, ch.

12.)

III Charité spirituelle: intercéder, consoler, supporter

21 Prier pour le prochain est un acte de charité très salutaire et très méritoire.

L'obéissance ayant interdit à Agnès de Langeac tout commerce avec les pauvres, dans sa

douleur, elle s'en plaignit à son Epoux, qui la consola en ces termes : « Ma très chère épouse,

ne t'afflige pas ; tu es privée de ce contentement, mais comme j'ai été toujours on premier

pauvre, tu peux continuer à me servir sans empêchement. Je me contente de ta bonne volonté

pour le service extérieur de mes pauvres. Sers-les intérieurement, en priant beaucoup pour eux

; cela leur sera plus utile. Prie aussi pour les pauvres pécheurs, qui sont en si grand nombre, et

pour les âmes du Purgatoire, surtout pour celles qui se sont recommandées à tes prières. » (2°

part., ch. 8.)

Gertrude s'informant auprès du Seigneur de ce qu'Il voulait qu'elle demandât pour un

infirme, le Seigneur répondit : « Dis seulement d'un coeur dévot pour lui deux paroles :

premièrement, que je lui conserve la patience ; secondement, que je fasse servir à ma plus

grande gloire et à son plus grand profit les différentes phases par où il doit passer, selon que la

charité de mon coeur paternel l'a disposé de toute éternité pour son salut. Toutes les fois que tu

répèteras ces paroles, autant de fois s'augmentera ton mérite et celui du malade ; ainsi un

peintre en retouchant un tableau en rend les couleurs plus vives et plus éclatantes. » (Liv.3, ch.

73.)

22. Imitons le Seigneur en consolant les affligés

Pendant qu'on chantait la messe Dixit Dominus : ego cogito cogitationes pacis et non

afflictionis, mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction, le Seigneur dit à

Mechtilde : « Si tu veux être une fille qui me soit chère et qui me ressemble, imite-moi dans ces

paroles. De même que mes pensées sont des pensées de paix et non d'affliction, ainsi

applique-toi à posséder un coeur tranquille et des pensées pacifiques, ne disputant avec

personnes, mais cédant humblement et patiemment. De même que j'exauce ceux qui

m'invoquent, ainsi montre-toi bienveillante et exorable à tout le monde. Travaille à la délivrance

de tous ceux qui sont en captivité ; c'est à dire porte secours et consolation à tous ceux qui sont

dans l'affliction ou la tentation. » (2° part., ch. 39)

23. L'esprit de contradiction vient du démon, la condescendance vient de Dieu

Notre-Seigneur donna à Anna-Maria Taïgi cet enseignement : « L'esprit malin est esprit de

contradiction. Qui en est dominé ne vit en repos ni le jour ni la nuit. Mon esprit, au contraire, est

esprit d'amour et de paix, condescendant pour tout ce qui n'est pas péché. Être condescendant

aux faiblesses des hommes pour le bien de la paix dans les familles est une grâce particulière

que je n'accorde pas à tous. » (Vie, par Mgr Luquet, ch. 6)

24. Comme Jésus a aimé les instruments de la passion, ainsi nous devons aimer

ceux qui nous font souffrir

Le Seigneur dit à Gertrude : « Considère quel exemple je propose à mes élus dans ces

honneurs rendus à la croix. De préférence à toute autre créature, dont je me suis servi en mon

humanité pour les besoins de mon corps, comme sont les vases où je me suis baigné dans

mon enfance, et d'autres, j'ai conféré plus d'honneur à ma croix, à la couronne d'épines, à la

lance et aux clous, qui n'ont servi qu'à mon supplice.

Je désire que mes amis intimes me suivent en cette conduite, en témoignant, pour mon

honneur et pour leur propre salut, une plus grande affection à leurs ennemis qu'à leurs

bienfaiteurs, parce qu'ils en retireront incomparablement plus de profit. Mais s'il arrive qu'étant

offensés, ils oublient sur le moment de rendre le bien pour le mal, ce me sera au moins un

sacrifice agréable, si plus tard ils s'efforcent de répondre aux offenses par des bienfaits, comme

j'ai laissé quelque temps ma croix cachée en terre pour ensuite l'exalter. C'est aussi par

affection pour le salut de l'homme que j'aime la croix ; parce que c'est par elle que j'ai obtenu la

rédemption du genre humain, que je désirais de toutes mes forces. » (Liv. 4, ch. 52)

25. Voir dans ceux qui nous affligent le Dieu qui nous perfectionne

Gertrude demandant au Seigneur pourquoi Il avait permis qu'elle fût affligée par certaines

personnes, reçut cette réponse : « Quand la main d'un père veut corriger son enfant, la verge

ne saurait lui résister. Aussi voudrais-je que mes élus ne s'en prissent jamais aux hommes de

leurs épreuves, mais qu'ils regardassent plutôt mon affection paternelle, qui ne permettrait

jamais le moindre souffle de vent contre eux ; si je n'avais en vue leur salut éternel, qu'ils

doivent recevoir en récompense. Dans cette pensée, ils auraient plutôt compassion de ceux

qui, tout en contribuant à leur vertu, se rendent eux-mêmes coupables. » (Liv. 3 ch. 30 n°13 ;

éd. Lat., p.184)

26. Dieu demande à ses amis de répondre aux injustices par la douceur et par

l'humilité

Henri Suso s'étant plaint au Seigneur des persécutions dont il était l'objet, lui qui pourtant

avait toujours été si doux et si charitable pour tous, reçut de Lui cette réponse: « Tu ne

comprends pas assez les paroles et les actes du Christ souffrant. Sache que Dieu ne se

contente pas d'un coeur bon et sensible, comme est le tien, il veut encore plus de toi. Il veut,

lorsqu'on te maltraitera en paroles et en actes, que tu supportes tout patiemment ; Il veut que tu

meures entièrement à toi-même, que tu ne prennes pas ton repos de chaque jour avant d'être

allé vers tes adversaires et d'avoir apaisé, autant que cela te sera possible, la colère de leur

coeur par des paroles et des actes doux et humbles. C'est par cette douce humilité que tu leur

enlèveras leurs armes, et que rendras leur méchanceté impuissante. C'est là le chemin antique

de la perfection, que le Christ a enseigné à ses disciples, lorsqu'Il leur a dit : « Je vous envoie

comme de petites brebis au milieu des loups. »82 (L'exemplaire, 1re part., ch. 31)

Mechtilde priait pour une personne qui avait à se plaindre d'une autre : « Dis-lui de me

donner ses ennemis, et je me donnerai à elle, moi-même, avec tous les saints, en éternelle

récompense », répondit le Seigneur.

Notre-Seigneur montra un jour son coeur à la Mère Clément en lui disant: « Regarde-le de

tous côtés et vois si tu y remarques le moindre trait d'amertume contre mes ennemis. » Après

cette grâce, la bonne Mère sentit encore augmenter dans son âme l'inclination qu'elle avait à

rendre service à ceux qui lui procuraient quelque peine. (Vie, 1686, 3° part., ch. 19)

CHAPITRE XIII : Zèle

I. Motifs qui doivent exciter notre zèle

1. L'amour de Dieu, source du zèle

Le Seigneur fit comprendre à sainte Catherine de Sienne que l'amour de Dieu ne va pas

sans le zèle du salut des âmes ; « Rien ne m'est si agréable que le désir de souffrir jusqu'à la

mort des peines et des épreuves pour le salut des âmes ; plus on souffre, plus on prouve qu'on

m'aime ; l'amour fait connaître davantage ma vérité, et, plus on la connaît, plus on ressent de

douleur des peines qui m'offensent. Ainsi, en me demandant de punir sur toi les péchés des

autres, tu demandes l'amour, la lumière, la connaissance de la vérité car l'amour se

proportionne à la douceur et augmente avec elle. » (Dialogue, ch. 5)

2. Le zèle s'allume au foyer d'amour qui est dans le coeur de Dieu

Leçon de Dieu le Père à saint Marie-Madeleine de Pazzi : « Ma divinité se communique

d'une manière merveilleuse aux créatures par une union de grâce et d'amour qui les fait

pénétrer en un instant jusque dans mon sein. Arrivée dans ce lieu de repos, l'âme ne s'y arrête

pas ; elle veut pénétrer encore plus avant et connaître les pensées d'amour qui habitent dans

mon coeur. Elle y entre donc, mais elle ne peut encore s'y arrêter, car elle y trouve un foyer

d'amour si ardent que, tout embrasée de ce beau feu, elle brûle de le communiquer à toutes les

âmes qui sont dans le monde. Elle ne peut donc jouir d'aucun repos jusqu'à ce qu'elle se soit

associé d'autres âmes pour les conduire avec elle et les faire reposer en mon sein, en la

compagnie de mon Verbe bien-aimé. » (1re part. ch. 23)

82 Luc, 10 ; Matth., 10

3. Plus une âme s'unit à Jésus, plus elle doit l'aider à sauver les pécheurs

Le 13 juillet 1806, Jésus dit à Marie-Josèphe Kumi : « Mon épouse chérie, je viens

renouveler mon union avec toi, la rendre plus intime et t'enchaîner par des liens étroits. » Alors

des rayons rouges comme des jets de sang partirent des plaies du Sauveur et atteignirent les

mains, les pieds de Marie-Josèphe et son côté déjà blessé ; puis ces rayons sanglants se

transformèrent en une lumière éclatante. Elle se sentit embrasée d'une incomparable ardeur:

« Te voilà transportée, dit le Sauveur ; cependant mon amour surpasse encore le tien.

Souviens-toi, ajouta-t-il en la prenant par la main, que je te choisis pour mon épouse ;

désormais tu es mienne et je suis tien. Tu dois donc, comme une véritable épouse, de montrer

jalouse de mon honneur et le considérer comme tien. En récompense de la vie crucifiée que tu

mènes depuis dix ans, et des peines connues de moi seul qui te sont encore réservées, je te

serai toujours présent par l'union du pur amour et je t'éclairerai de mes lumières. » Puis Jésus

fit passer devant les yeux de son épouse des peuples entiers qui se perdaient, des pécheurs

qui couraient à l'abîme. « Choisis, lui dit-Il, de prendre sur toi les châtiments mérités par ces

peuples ou de vivre dans la douceur de mon intimité. » Marie-Josèphe préféra la souffrance:

« La couronne des tribulations, reprit Jésus, tombera donc sur ta tête ; ce sera pour toi la

couronne de gloire. » (Vie, ch. 7)

Pendant la semaine sainte et la semaine de Pâques de l'année 1806, le Sauveur apparut

plus souvent que de coutume à Marie-Josèphe: « Les péchés du monde se multiplient, dit-Il, la

malice des hommes monte toujours et ma justice souffre violence. Veux-tu pour l'amour de moi

et le salut des pécheurs boire le calice que je suis prêt à répandre sur la terre? » (Ch. 8)

Au mois de janvier 1807, le Sauveur communiqua à son épouse certains secrets concernant

le prochain. Elle répugnait à le dire à son confesseur. « Je sais la cause de ta résistance, lui dit

Jésus, néanmoins je te recommande d'obéir. Les grâces qui te sont accordées ne seraient pas

les oeuvres d'un véritable amour, s'il n'en résultait une utilité pour le prochain. Tu vas tremper

ton doigt dans l'ouverture de mon côté pour asperger le monde de mon sang. Les âmes

prévenus de privilèges particuliers doivent toujours appliquer au salut du prochain les mérites

du sang rédempteur. » Une autre fois Jésus lui dit: « Nulle épouse ne m'est plus chère que celle

qui se sacrifie au salut du prochain. Offre-toi donc souvent en holocauste pour le prochain, afin

de me devenir de plus en plus semblable. » Et une autre fois: « Autant tu désires t'unir avec moi

par l'amour, autant tu dois souhaiter le salut du prochain. » (Vie, ch. 8)

4. La pensée de la vie future, puissant motif de zèle

Depuis quatre heures déjà, on gardait la dépouille mortelle de Catherine de Sienne, quand

on vit la sainte toute en pleurs revenir à la vie. Contrainte par l'obéissance à dire ce qu'elle avait

et ce qui lui était arrivé: Je pleure, dit-elle, et quelle âme ne pleurerait pas à ma place, se voyant

retournée dans cette vallée de misères, après avoir goûté les douceurs du Paradis. Mon coeur

fut vraiment divisé en deux parties, et mon âme, réellement séparée de mon corps, se trouva

dans un monde qui nous est inconnu. J'ai vu la divine Essence et c'est pour cela que je souffre

tant de rester enchaînée en mon corps. Si je n'étais pas retenue par l'amour de Dieu et par

l'amour du prochain, pour lequel j'ai été rappelée à la vie, je mourrais de douleur. Ma grande

consolation est de souffrir, parce que je sais qu'en souffrant j'obtiendrai une vue de Dieu plus

parfaite. Aussi les tribulations, loin d'être une peine pour mon âme, lui sont une jouissance. J'ai

vu les tourments de l'enfer et ceux du Purgatoire ; aucune parole n'est capable de les rendre. Si

les pauvres hommes en avaient la moindre idée, ils aimeraient mieux souffrir mille fois la mort

que d'en supporter la peine la plus légère pendant un seul jour. Je croyais être déjà en

possession de la gloire, lorsque mon cher Epoux me dit : « Tu vois quelle gloire perdent et

quels supplices souffrent ceux qui m'offensent. Retourne donc à la vie et montre-leur

l'égarement où ils sont et le danger qui les menace. Le salut de beaucoup d'âmes le demande ;

tu ne vivras plus comme tu vivais jusqu'ici : désormais, tu ne te confineras plus dans une cellule

; il te faudra même quitter ta ville natale pour sauver des âmes. Je serai toujours avec toi, je te

conduirai et te ramènerai, je te confierai l'honneur de mon nom, et tu enseigneras ma doctrine

aux petits comme aux grands, aux laïques comme aux prêtres et aux religieux. Je te donnerai

une parole et une sagesse auxquelles nul ne saura résister ; je te mettrai en présence des

pontifes et de ceux qui gouvernent l'Église et les peuples, afin de confondre, comme je le fais

toujours par ce moyen, l'orgueil des forts. » (Vie, par le bienheureux Raymond, 2° part. ch. 6)

5. Autre motif de zèle : le malheur des âmes déchues

« Ouvre l'oeil de ton intelligence, dit le Seigneur à la même sainte, et regarde ceux qui se

noient volontairement dans le fleuve du monde ; vois l'abîme où ils tombent par leur faute.

Ils sont devenus d'abord infirmes et malades, quand ils ont conçu le péché mortel dans leur

âme ; quand ils l'enfantent par leurs oeuvres, ils perdent la vie de la grâce: et comme les morts

sont insensibles et n'ont pas de mouvement par eux-mêmes, mais seulement quand on les

remue, ainsi ceux qui sont noyés dans le fleuve de l'amour déréglé du monde sont morts à la

grâce ; et parce qu'ils sont morts, leur mémoire perd le souvenir de ma miséricorde ; l'oeil de

leur intelligence ne voit plus, ne reconnaît plus ma vérité ; car ils sont insensibles, ils ne pensent

plus qu'à eux-mêmes et ils n'ont plus que l'amour de leur sensualité. Leur volonté aussi est

morte à ma volonté, parce qu'elle n'aime que des choses mortes. Les trois puissances de l'âme

étant mortes, toutes leurs opérations actuelles et mentales sont mortes, quant à la grâce ; l'âme

ne peut se défendre de ses ennemis et n'échappe qu'autant que je la secoure moi-même.

Toutes les fois, il est vrai, que ce mort, en qui reste encore le libre arbitre, demandera mon

secours pendant sa vie mortelle, il pourra l'obtenir, mais il ne pourra rien par lui-même. Il a

voulu asservir le monde, et il a été asservi par une chose qui n'est pas, c'est-à-dire par le péché

; car le péché n'est rien que la privation de la grâce, comme l'aveuglement est la privation de la

lumière. Ceux qui commettent le péché sont esclaves du péché. Je les avais faits des arbres

d'amour par la vie de la grâce, et ils se sont faits des arbres de mort ; car ils sont morts, comme

je te l'ai dit.

Sais-tu où est la racine de cet arbre ? Dans l'orgueil ; l'amour d'eux-mêmes entretient cet

orgueil, l'impatience en est la moelle, le fils en est l'aveuglement. Ce sont ces quatre vices qui

tuent l'âme de celui qui est devenu un arbre de mort, parce qu'il n'a pas puisé la vie dans la

grâce ; à l'intérieur de l'arbre se nourrit le ver de la conscience, que l'homme vivant dans le

péché sent bien peu, parce qu'il est aveuglé par l'amour-propre. Les fruits de cet arbre sont

mortels, car ils ont tiré la sève de la racine empoisonnée de l'orgueil. La pauvre âme est pleine

d'ingratitude, et de là vient tout le mal. Si elle était reconnaissante des bienfaits reçus, elle me

connaîtrait ; si elle me connaissait, elle se connaîtrait elle-même et resterait dans mon amour. »

(Dialogue, ch. 31)

6. L'âme est si belle qu'on ne peut trop souffrir pour la sauver

Afin d'encourager le zèle de Catherine de Sienne pour le salut des âmes, Notre-Seigneur lui

montra une âme dont elle avait obtenu le salut. Sa beauté était telle, m'a dit la sainte, que nulle

parole ne saurait l'exprimer. Et cependant l'âme qui lui était ainsi apparue n'avait pas encore

revêtu la gloire de la vision béatifique, mais elle avait l'éclat que donnent la création et la grâce

du baptême. « Très douce fille, disait le Seigneur, voici que par toi j'ai recouvré cette âme déjà

perdue », puis Il ajoutait: « Ne te semble-t-elle pas bien gracieuse et bien belle? Qui donc

n'accepterait pas n'importe quelle peine pour gagner une créature si admirable? Si moi, qui suis

la souveraine Beauté, Moi, de qui vient toute autre beauté, je me suis épris d'amour pour la

beauté des âmes, au point de vouloir descendre sur terre et répandre mon propre sang pour les

racheter, combien plus devez-vous travailler les uns pour les autres, afin de ne pas laisser

perdre de si belles créatures. Si je t'ai montré cette âme, c'est pour te rendre plus ardente à

procurer le salut de tous, et pour que entraînes les autres à cette oeuvre, selon la grâce qui te

sera donnée. »

Catherine remercia le Roi des Cieux, son Epoux, et Le supplia humblement, avec tout le

désir de son coeur, de vouloir bien lui accorder la grâce de voir toujours dans la suite la beauté

des âmes qui vivaient avec elle, afin d'avoir plus d'ardeur à procurer leur salut. Le Seigneur y

consentit et lui dit: « Parce que, méprisant la chair, tu t'es attachée totalement à moi, qui suis

l'Esprit Souverain, et parce que tu as si laborieusement et si fructueusement prié pour le salut

de cette âme, voici que je donne à ton intelligence un lumière qui lui permettra de voir la beauté

ou la repoussante laideur des âmes qui se présenteront devant toi. Tes sens intérieurs

percevront l'état des esprits, comme tes sens extérieurs perçoivent l'état des corps. Et tu auras

cette connaissance non seulement pour ceux qui te seront présents, mais pour toutes les

personnes dont ton zèle cherchera le salut, et pour lesquelles tu prieras avec ferveur, quand

même jamais elles n'auraient été ou ne devraient être présentes à tes sens corporels. » (Vie,

par le bienheureux Raymond, 2° part., Ch. 4)

Le divin Maître expliqua à la vénérable Marie-Céleste la raison profonde de son amour pour

les âmes : « Considère la beauté de ces âmes que j'ai créées à ma ressemblance. Alors tu ne

t'étonneras plus que je sois venu du Ciel, que je sois mort en croix pour elles. Tout cela est

l'effet de ce même amour par lequel comme Dieu, je m'aime moi-même, parce qu'en ces âmes

se manifestent ma bonté, ma sagesse, ma toute-puissance, ma pure substance spirituelle et

toutes ces beautés réunies que tu as pu contempler et qui se trouvent dans mon divin coeur.

Déjà je suis l'Epoux que tu épouses dans l'amour la bonté, maintenant je veux que tu épouses

aussi l'objet des complaisances de mon amour et de ma bonté, c'est-à-dire les âmes (Vie, p.

377)

7. Le défaut de zèle est parfois l'effet de la lâcheté ou de l'égoïsme spirituel

Instruction de Notre-Seigneur à saint Brigitte: « L'homme spirituel cède à la lâcheté quand,

sentant la douceur de ma grâce, il aime mieux se reposer en cette douceur qu'aller aider les

autres afin qu'ils participent avec lui à la même douceur. Eh quoi! Saint Pierre et saint Paul ne

ressentirent-ils pas une grande et indicible douceur de mon Esprit? Si la suavité intérieure qu'ils

ressentaient m'eût été plus agréable que la conversion des âmes, ne se fussent-ils pas cachés

en terre plutôt que d'aller parmi le monde? Néanmoins, afin de rendre les autres participants

des douceurs indicibles qu'ils ressentaient et pour les gagner et les attirer à Dieu, ils aimèrent

mieux sortir que de demeurer dans la solitude, et garder pour eux seuls les grâces dont Dieu

les comblait. De même maintenant mes amis, bien qu'il leur plaise de demeurer dans la solitude

et d'y goûter les joies qu'ils y trouvent, en sortent néanmoins afin de rendre les autres

participants des suavités dont ils jouissent. Car comme celui qui possède de grandes richesses

n'en jouit pas seul, mais les communique aux autres, de même mes grâces et mes faveurs ne

doivent pas être cachées, mais doivent être communiquées à tous, afin que tous en soient

édifiés. » (Liv. 2, ch.14)

Le Père éternel donna à sainte Catherine de Sienne une instruction semblable: « Je veux te

faire connaître combien se trompent ceux qui s'attachent tellement à la consolation que, voyant

les besoins spirituels ou temporels du prochain, ils ne font rien pour les soulager, sous prétexte

de mieux faire ; ils disent : cela m'ôte la paix de l'âme et m'empêche de réciter mes prières à

l'heure convenable.

Ils croient m'offenser parce qu'ils n'ont plus de consolations, mais leur amour-propre

spirituel les abuse. Si j'ordonne des prières vocales et mentales, c'est pour que l'âme puisse

arriver à la charité envers moi et envers le prochain, c'est pour qu'elle persévère dans cette

charité.

Elle m'offense plus en abandonnant la charité du prochain pour prier et pour conserver la

paix, qu'en laissant ses exercices pour assister le prochain. Aussi l'âme me trouve dans la

charité du prochain, tandis qu'elle me perd dans les consolations où elle me cherche. Car, en

n'assistant pas le prochain, la charité du prochain diminue par là même. Dès que la charité du

prochain diminue, mon amour pour elle diminue, et avec mon amour diminue aussi la

consolation.

En voulant gagner on perd, en voulant perdre on gagne ; car celui qui renonce à la

consolation pour le salut du prochain, me gagne et gagne le prochain en l'assistant et en le

servant avec charité. Celui qui ne le fait pas, au contraire, est toujours dans la peine, car

souvent la nécessité, les liens de l'affection, les infirmités corporelles ou spirituelles le

contraindront à s'occuper du prochain ; alors il le fera avec chagrin, avec ennui et trouble de

conscience, il deviendra insupportable à lui-même et aux autres.

Si vous lui demandez : Pourquoi ressentez-vous de la peine ? Il vous répondra : Il me

semble que j'ai perdu la paix et la tranquillité d'esprit ; je n'ai pas fait mes exercices ordinaires,

et je crois que j'ai offensé Dieu. Il n'en est rien ; mais, parce qu'il ne regarde que sa propre

consolation, il ne sait connaître et discerner véritablement où est son offense. S'il le savait, il

verrait que l'offense ne consiste pas à être privé de consolation spirituelle et à laisser l'exercice

de la prière lorsque les besoins du prochain le réclament, mais à manquer de charité pour le

prochain, qu'on doit aimer et servir par amour pour moi. Tu vois donc que l'âme se trompe ellemême

à cause de son amour-propre spirituel. » (Dialogue, ch. 59)

8. Dieu choisit certaines âmes pour être le canal de ses grâces et pour sauver,

souvent inconsciemment, une multitude d'âmes.

« Ma chère épouse, disait le Seigneur à Madeleine Vigneron, sais-tu bien que j'ai une

abondance de grâces à départir à plusieurs âmes, et que ces grâces doivent passer par la

tienne comme par un canal. C'est pourquoi tu dois, premièrement, être extrêmement attentive à

ne pas laisser passer le temps de les recevoir quand elles se présenteront. Secondement, tu

dois te maintenir dans une grande pureté, de crainte qu'elles ne soient salies, durant qu'elles

demeureront en toi. Troisièmement, tu dois avoir une fidélité entière à les communiquer à ceux

à qui elles sont destinées. » (2° part. , ch. 15)

Quand donc irai-je vers vous ? disait Véronique à Jésus et à Marie. Et ils lui dirent: « Tu es

à nous, mais il faut que tu restes encore plusieurs années dans ta prison terrestre », et le

Seigneur ajouta: « Telle est ma volonté. Tu dois vivre encore pour attirer à moi beaucoup

d'âmes, et faire beaucoup d'oeuvres pour ma gloire. » (Diairio, 1 guigno 1697)

« Ma bien-aimée, dit un jour le Seigneur à la bonne Armelle, tu es si acquise à l'amour que

je ne te laisse plus en ce monde que pour attirer tes frères qui s'éloignent de moi par le

péché. » (Vie, 1re part., ch. 22)

Notre-Seigneur, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélémy, me dit un jour pour

m'encourager: « Vois comme les oiseaux se prennent à la glu ; de même les âmes se colleront

à toi, et tu me les gagneras pour toujours. » (Vie, ch. 26)

Le Seigneur montra un jour à la vénérable Marie-Céleste une légion d'âmes religieuses

qu'elle n'avait jamais vues, en lui disant: « Je veux te faire mère de beaucoup d'âmes que je

sauverai par ton moyen. » (Vie, p. 86)

« Combien d'âmes tu me gagnes, mon épouse, dit un jour Jésus à Benigna. Tu m'en

gagnes en Amérique, en Afrique, en Australie, dans le monde entier, mais plus spécialement

dans la ville de Turin. » (24 janvier 1916) « Qui sauve une âme sauve la sienne, et tu m'en as

sauvé déjà plus d'un million. » (23 juillet 1916 ; Vie, p. 352) « Combien de fois m'arrive-t-il de

me servir du vent pour porter des semences..., et le vent ne le sait pas … Ainsi ferai-je de toi. »

(11 mai 1915 ; Vie, p 403)

En souffrant pour les péchers, les amis de Dieu concilient la justice et la miséricorde

Au mois de septembre 1807, après que Marie-Josèphe Kumi eut vu passer devant ses

yeux, comme un tableau effrayant, la malice des hommes, les périls de l'Église et des fléaux

imminents qui allaient fondre sur le monde, elle se proposa aux coups de la divine justice, et le

Seigneur lui dit que, pour acquitter la dette des peuples pervers, elle subirait la sensation des

vices, les assauts de l'ennemi et de violentes tentations. « Tu me porteras la croix nue, lui dit-Il,

je m'éloignerai de façon que ma présence n'adoucira plus tes peines ; même le souvenir de

mon amour s'évanouira en ton coeur. » (Ch. 9)

Le 7 juin 1814, Marie-Josèphe, transportée dans l'enfer, vit qu'on s'apprêtait à y recevoir

l'âme d'un pécheur qu'elle connaissait. Cet homme, bien portant alors, mourut en effet bientôt

après presque subitement. Le jour suivant, la sainte fille, surprise par une extase, entendit ces

paroles: « Mon épouse bien-aimée, demande ce que tu voudras en compensation des douleurs

que tu as supportées, la nuit dernière, par charité pour le prochain. » Elle réclama des grâces,

d'abord pour le pécheur qui lui était alors représenté, puis pour plusieurs de ses compagnes.

« Puisque tu ne désires pour toi, reprit le Sauveur, d'autre récompense que moi-même, je te

promets que pour chaque goutte de sang qui est sortie de ton coeur avec tant de violence,

j'arracherai une âme aux ténèbres du péché et à l'amour des choses terrestres. Tu sentiras se

concilier en toi la justice et la miséricorde. » Après avoir entendu ces paroles, la soeur fut

transportée par un ange dans une grande ville, où elle voyait des hommes de l'univers entier.

Un abîme effrayant, au fond duquel s'apercevaient toutes sortes d'instruments de torture,

s'ouvrit au milieu d'eux. Puis de ce lieu de ténèbres Marie-Josèphe se sentit ramenée dans la

pleine lumière ; elle y contempla le mystère infini de l'amour et de la bonté de Dieu, ainsi que la

béatitude qu'on goûte près de Lui, et ce qu'elle ne pouvait savoir, la Mère de Dieu le lui

expliquait. Le désir de procurer ce bonheur aux hommes qu'elle avait vus sur le point de se

perdre s'enflamma tellement dans son coeur qu'elle eût désiré mourir mille fois, s'il eût été

possible, pour chacune de ces âmes. L'ange qui l'avait conduite lui dit alors : « Si le Souverain

Pontife Pie VII n'avait pas été par les prières d'âmes pieuses préservé d'une mort, qui trois fois

déjà a été résolue, tous les hommes que tu as aperçus auraient été exclus de la vue de Dieu et

précipités dans l'abîme qui t'a été montré. » (Vie, ch. 19)

On avait recommandé à Anna-Maria Taïgi trois condamnés à mort, une femme et deux

hommes. Comme elle priait pour eux elle entendit ces paroles : « On a commué la peine de la

femme, les autres ne veulent pas se convertir. Ils finissent ainsi leur vie moins pour les délits

pour lesquels le gouvernement les a condamnés que pour des crimes plus considérables, pour

les indignes traitements dont ils se sont rendus coupables à l'égard de leurs pères et mères. »

La servante de Dieu éprouva alors des douleurs si fortes qu'elle dut s'aliter ; elle comprit qu'elle

souffrait parce que ces malheureux ne voulaient pas se convertir. Le soir elle entendit ces

paroles : « Par amour pour toi J'ai converti ces âmes ; elles sont sauvées. Elles le sont pour

l'amour que je te porte. Tout a bien fini mais je prends sur toi satisfaction pour ma justice. » (Vie,

par Mgr Luquet, ch. 10)

10. Les souffrances offertes pour le bien des âmes produisent de grands fruits et on

ne perd rien pour soi à prier pour les autres

Le jour de la Pentecôte 1852, le Seigneur fit voir à Anna Moes, alors âgée de vingt ans, qui

devait être plus tard la Mère Marie-Dominique-Clara, qu'Il n'avait mené à terme l'oeuvre de la

rédemption qu'au milieu de difficultés et d'oppositions continuelles. Il lui déclara aussi que

l'Église n'accomplit sa mission qu'en luttant sans cesse contre de semblables difficultés et

contradictions, qu'il en est ainsi de toute oeuvre voulue par Lui, et que, par conséquent, les

âmes qu'Il choisit pour être ses instruments doivent, fortifiées par la grâce, avoir uniquement en

vue la gloire de Dieu et se consoler par là de toutes les épreuves et oppositions qu'elles ont à

subir. « Si tu connaissais, ajouta-t-il, les grands avantages et les fruits magnifiques de tes

souffrances pour les grandes intentions que je t'ai recommandées, tu serais prête à sacrifier

mille vies, s'il le fallait, pour procurer à mon Église ce bienfait inexprimable. » (Erster Theil, Kap.

8)

Le 15 mai 1903 Jésus disait à Benigna: « Oublie-toi toi-même afin de prier pour les autres :

intercède pour les pauvres pécheurs ; demande la persévérance pour ceux qui me sont fidèles,

un renouvellement de ferveur pour les âmes tièdes, la douceur pour ceux qui ont soif

d'indépendance... Ne crains jamais de rester privée de mes grâces si tu les communiques aux

autres : plus tu les partageras volontiers, plus tu en recevras. » (Vie, p. 353)

11. La prière pour les pécheurs, remède aux aridités et moyen de tout obtenir

de Dieu

Saint Véronique Juliani avait passé toute une nuit à lutter dans une aridité et une obscurité

complète ; elle ne pouvait ni faire au Seigneur ses appels pressants, qui, d'ordinaire, l'aidaient à

se mettre en prières, ni se recommander au saints ; malgré ses désirs et ses efforts il lui

semblait perdre son temps. A la fin, elle se mit à prier pour la conversion des pécheurs et à offrir

à cette intention toutes ses souffrances. Alors le recueillement la saisit, au point qu'elle ne

pouvait plus faire de considérations, mais seulement s'unir à Dieu. Elle comprit par là combien

plaisent à Dieu les prières qui se font pour le salut des âmes, et une voix intérieure lui dit: « Que

tous ceux qui veulent obtenir des grâces prient pour la conversion des pécheurs ; ils obtiendront

ce qu'ils demanderont. » (13 maggio 1697)

II. Manière d'exercer le zèle : ardeur, douceur, vigilance, constance, en union

avec Jésus

12. Un zèle ardent pour la gloire de Dieu ne peut souffrir ce qui l'offense

Gertrude avait repris avec des paroles assez dures une de ses familières, qui supplia le

Seigneur de modérer un zèle si fougueux. Il lui fut répondu: « Lorsque j'étais sur la terre, je

mettais aussi de l'ardeur dans mes sentiments, et je ne trouvais rien qui me déplût comme

l'injustice ; c'est en quoi Gertrude ne fait que me ressembler. » Vos paroles, Seigneur, n'étaient

dures que pour les méchants, tandis que les siennes, au contraire, blessent même quelquefois

des personnes qui semblent vertueuses. « Les Juifs, au temps où je parus, passaient pour les

plus saints des hommes ; cependant ils furent les premiers à se scandaliser à mon sujet; » (Liv.

1er, ch. 12)

Voyant une personne se mal acquitter de la règle, Gertrude craignit de devenir coupable en

ne la reprenant pas ; mais, en même temps, par faiblesse humaine, elle redoutait que d'autres,

plus indulgentes, ne vinssent dire qu'elle relevait des choses de peu d'importance. Elle eut

recours au Seigneur, qui lui dit: « Toutes les fois que, pour mon amour, tu encourras ce

reproche ou d'autres semblables, je te fortifierai et t'environnerai de toutes parts, afin que nulle

occupation ne puisse élever d'obstacle entre nous. Et, pour mettre le comble à tes mérites, je

les augmenterai du mérite qu'aurait pu gagner la personne que tu auras avertie, si elle s'était

soumise, pour ma gloire, humblement à tes remontrances. » (Liv. 3, ch. 62)

Sainte Mechtilde demandant à Notre-Seigneur d'où venait que Gertrude jugeait avec tant de

sévérité les fautes et les négligences d'autrui, eut cette réponse: « Comme elle ne souffre pas

la moindre tache sur son coeur, elle ne peut tolérer avec indifférence les défauts des autres. »

(Liv. 1er, ch. 11)

13. Les défauts du prochain sont les plaies du corps mystique de Jésus. Avec

quelle charité on doit s'appliquer à les guérir.

Notre-Seigneur à Gertrude: »Si quelqu'un désire que son zèle soit pour moi le plus beau

sacrifice de louange, et pour son âme le profit le plus assuré, il doit observer trois choses : la

première est que la personne dont il poursuit les négligences, trouve en lui, comme le

réclament l'humanité et le besoin de cette personne, un accueil doux et serein et, dans ce qu'il

exige, des paroles et des procédés pleins de charité. La seconde est qu'il se garde bien de

raconter ces négligences en des lieux où il ne peut espérer ni la correction de la personne

coupable, ni la discrétion de ceux qui l'entendent. En troisième lieu, lorsque sa conscience lui

signale un défaut à reprendre, aucun respect humain ne doit l'empêcher de parler ; mais

simplement, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, il cherchera l'occasion de détruire avec

profit et charité les défauts qu'il a remarqués. Et alors il sera certainement récompensé selon sa

peine, et non d'après le succès, parce que, n'y eût-il aucun bon résultat, le dommage ne lui en

sera pas imputé, mais bien à ceux qui n'ont pas voulu l'écouter, ou qui lui ont résisté. » (Liv. 3,

ch. 79)

Le Seigneur montra à Gertrude, dans la forme de son corps naturel, son corps mystique,

l'Église, dont il est le Chef et l'Epoux. Il paraissait, en la partie droite de son corps,

solennellement revêtu des insignes royaux, tandis qu'en la partie gauche il était nu, et comme

couvert de plaies. Gertrude comprit que la partie droite représentait les élus qui sont dans

l'Église, et qui, par le mérite de leurs vertus, reçoivent les bénédictions divines, le côté gauche

représentant les imparfaits. Toutes les fois qu'on fait quelque bien aux élus de Dieu, on ajoute

un ornement au côté droit du Seigneur. Cependant, il y en a qui font volontiers du bien à ceux

qui sont bons, et, par la dureté qu'ils mettent à reprendre de leurs défauts les méchants ou les

imparfaits, il les aigrissent. Ceux-là paraissent frapper de coups de poing avec fureur les plaies

du Seigneur et en faire rejaillir la suppuration jusque sur leur visage. Cependant, vaincu par sa

tendresse, le Seigneur fait semblant de n'en rien voir, et, à cause du bien qu'ils font à ses

fidèles amis, Il leur pardonne et Il efface les taches, dont ils se sont couverts, avec les mérites

de ses élus. « Si, au moins, dit le Seigneur, en pansant les plaies de leurs amis, ils voulaient

apprendre comment ils pourront guérir les plaies de mon corps, qui est l'Église, c'est-à-dire

comment ils pourront corriger les défauts du prochain. Il faut d'abord les toucher avec

précaution, c'est-à-dire employer de douces admonitions pleines de charité ; puis, quand on voit

que ce moyens ne peuvent réussir, on doit peu à peu reprendre avec plus de fermeté. Mais il en

est qui paraissent n'avoir aucun souci de mes plaies : tels sont ceux qui, connaissant les

défauts du prochain, l'en méprisent, sans daigner dire un seul mot pour l'en corriger, s'abritant

derrière cette pauvre excuse de Caïn : Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? On dirait

qu'ils mettent sur mes plaies un appareil, non pour les guérir, mais pour les envenimer, y faire

naître la pourriture et les vers, tandis qu'ils laissent ainsi, sous le couvert de leur silence,

s'augmenter les défauts du prochain que quelques paroles auraient peut-être pu réformer.

D'autres signalent, il est vrai, ses défauts au prochain ; mais, du moment qu'ils ne voient pas

qu'il soit corrigé aussitôt qu'ils le voudraient, ils s'irritent et se proposent, en leur coeur, de ne

plus corriger personne, puisqu'on ne donne pas d'attention à leurs paroles. Mais cela ne les

empêche pas d'accuser âprement le prochain en leur coeur, et quelquefois même de le noircir

par leurs détraction. Quant à ce qui est d'avertir, d'amender les gens, ils n'en disent plus un

mot. Ceux-là aussi semblent mettre sur mes plaies un appareil, qui couvre par dehors la tumeur

d'une certaine façon, mais qui, à l'intérieur, déchire mes plaies, comme avec un trident de fer, et

me torture cruellement.

Quant à ceux qui peuvent corriger les autres, mais qui s'en abstiennent, moins par malice

que par insouciance, c'est comme s'ils me marchaient sur les pieds. Mais ceux qui suivent

aveuglément leur bon plaisir, sans s'inquiéter si quelqu'un de mes élus est scandalisé, pourvu

qu'ils se contentent, ceux-là semblent me prendre les mains et les percer avec des alènes

ardentes.

Il y en a encore qui aiment sincèrement et comme il est juste les supérieurs bons et

religieux et ne cessent, de fait et de paroles, de les révérer et de les exalter ; mais, quant aux

supérieurs qui ne sont ni doux ni parfaits, ile en font grand mépris et par un jugement trop

sévère déprécient sans aucun ménagement toutes leurs actions. Ceux-ci ornent la partie droite

de ma tête de pierreries et de perles ; mais, pour la partie gauche ou malade, que je voulais

reposer sur eux, afin d'en recevoir du soulagement, ils semblent la repousser et la frapper

impitoyablement avec le poing. Enfin, il y en a d'autres qui applaudissent aux mauvaises

actions des prélats ou des supérieurs, pour se concilier ainsi leurs bonnes grâces, et en avoir

plus de liberté de faire leur propre volonté. Il semblent ainsi me retourner avec grande douleur

la tête en arrière, insulter outrageusement à mes souffrances et faire en quelque sorte leur

divertissement des vers et des plaies de ma tête. » (Liv. 3, ch. 75)

14. Le zèle véritable doit être plein de douceur et de miséricorde

Comme Gertrude priait pour des personnes qui avaient causé beaucoup de tort au

monastère et lui en causaient encore, le Seigneur lui apparut avec un de ses bras tellement

retiré en arrière, qu'il semblait que les nerfs en fussent détendus. Il lui dit : « Regarde quelle

grande douleur me ferait celui qui me frapperait maintenant du poing sur ce bras, et pense que

je suis affligé de cette sorte par tous ceux qui, sans pitié de la damnation encourue par vos

persécuteurs, ne font autre chose que raconter malicieusement leurs méfaits et les torts qu'ils

en ont soufferts, oubliant que ceux-là aussi sont mes membres. Au contraire, tous ceux qui,

touchés d'une profonde compassion, implorent ma clémence, afin que je les convertisse

miséricordieusement de leurs désordres à une vie meilleure, ceux-là semblent appliquer sur

mon bras un calmant plein de douceur. Et ceux qui, par leurs conseils et leurs avis, les amènent

charitablement à l'amendement et à la réconciliation, ressemblent à d'habiles médecins qui, en

maniant avec douceur mon bras, le remettent en sa position naturelle. » Mais, dit la sainte,

quelle raison, Dieu très miséricordieux, peut-il y avoir d'appeler votre bras des gens aussi

indignes ? « Parce qu'ils sont du corps de l'Église, dont je me glorifie d'être la tête. » Mais,

Seigneur, ils sont déjà séparés du corps de l'Église par un ban d'excommunication, à cause des

pillages qu'ils ont commis contre notre monastère. Le Seigneur répondit: « Néanmoins, comme

ils peuvent être réconciliés à l'Église par l'absolution, ma bonté m'oblige à prendre soin d'eux et

à désirer d'une ardeur incroyable qu'ils se convertissent et reviennent à moi par la pénitence. »

(Liv. 2, ch. 68)

Le divin Maître dit à la Mère Elisabeth de la Croix, qui avait fondé le Refuge de Nancy, que,

son Institut ayant pour fin de gagner les âmes à Dieu et souvent des âmes toutes perdues dans

le péché, il fallait avoir pour elles beaucoup de patience et de douceur, supportant leur humeur

et compatissant à leur faiblesse. Un jour qu'elle lui disait : Mon Dieu ! Que voulez-vous que je

fasse ? Il lui répondit : « Miséricorde et toujours miséricorde. » (2° part., ch. 8)

15. Zèle généreux, zèle vigilant

Le 13 juin 1915, jour de la fête du Sacré-coeur, Jésus expliqua à Benigna Consolata

comment on peut sauver les âmes : « Ma Benigna, lui dit-Il, donne-moi des âmes ! » Mais,

comment dois-je faire pour te donner des âmes ? « Par le sacrifice, oui, ma Benigna, sois

continuellement dans un état de sacrifice. Quand tu n'es pas dans cet état, tu dois te sentir hors

de ta place. Il faut tenir constamment ce feu allumé dans ton coeur ; on ne sauve pas les âmes

en ne faisant rien. Moi, je suis mort sur la croix pour sauver les âmes. Je ne te demande pas de

grandes choses ; non, ma Benigna, mais une parole étouffée, un regard réprimé, une pensée

qui plaît rejetée, en un mot tout ce qui mortifie. Unis ces petites chose à mes mérites infinis et

elles acquerront une grande valeur. Si tu savais combien elles me plaisent ces âmes qui

s'immolent ainsi dans le silence. » (P. 85)

Dans une vision qu'eut sainte Véronique Juliani, elle vit le Seigneur lui étreindre le coeur et

en faire sortir du pus et de la pourriture : « Raconte ceci à ton confesseur, lui dit-Il, et dis-lui qu'il

soit en paix, car c'est moi qui opère tout ; mais qu'il veille bien sur ton âme, afin qu'elle soit bien

vite capable d'accomplir tout ce que j'attends d'elle. » (Diario, 24 febbraio 1697) Même dans

cette âme déjà si héroïque, le Seigneur trouvait des imperfections à retrancher et Il voulait que

son directeur veillât sur elle avec sollicitude ; combien plus nécessaire est la vigilance à l'égard

des âmes moins aimantes !

16. Jésus encourage à persévérer dans l'exercice du zèle

Le Seigneur dit à Marguerite de Cortone : « Fais savoir à ton confesseur que je veux qu'il

vive d'une vie apostolique. Qu'il cherche en moi sa force et qu'il m'offre ses peines et ses

tribulations. Lorsqu'il travaille au salut des âmes, qu'il agisse avec prudence sans s'inquiéter de

ce qu'on pourra dire de lui, se souvenant que j'ai été plus atrocement maltraité, moi, son

Créateur. Que sa sagesse lui fasse comprendre que, parmi ceux qui m'ont crucifié, beaucoup

sont revenus à moi et m'ont adoré, et que d'autres les auraient imités s'ils m'avaient connu.

Qu'il en soit de même pour lui. Dis-lui de nouveau de travailler à la pacification de Cortone. Je

lui promets mon assistance. » (Vie intime, ch. 8, & 12)

17. L'insuccès apparent ne doit pas décourager notre zèle

Gertrude exprima un jour au Seigneur sa surprise de ce que ses conseils et admonitions

produisaient parfois si peu d'effet. « Ne sois pas étonnée, lui répondit-Il, que tes paroles soient

quelquefois proférées en vain, puisque moi-même j'ai souvent prêché sur la terre avec toute la

ferveur de mon Esprit divin et que mes paroles chez quelques-uns ne produisirent aucun bon

effet ; car toutes choses sont réglées pour leur temps par ma divine Providence. » (Liv. 1er, ch.

14)

18. Ce qu'il ne faut pas se lasser de rappeler aux hommes

Chaque année Notre-Seigneur appliquait la Mère Françoise de la Mère de Dieu à honorer le

mystère de sa retraite de quarante jours au désert, depuis la fête des Rois jusqu'au 15 février.

Une année Il lui dit après la communion : « Je veux faire mon désert et ma retraite en votre

coeur. » Quand les quarante jours furent écoulés, Notre-Seigneur dit à Françoise : « Bien que je

sorte du désert, je ne sortirai point de vous et je me donne à vous dans ma vie conversante.

Conversez maintenant avec vos Soeurs et parlez-leur de mes miséricordes. » Elle répondit

humblement : Seigneur, je ne sais rien ; que vous plaît-il que je leur dise ? Il lui dit : « Parlezleur

de la grandeur de mes bontés infinies, du désir que j'ai de me communiquer à elles, du

néant et de la bassesse de toutes les choses créées, de la charité et de la miséricorde avec

laquelle je les ai appelées à mon service. » (Vie, ch. 31)

19. Zèle exercé en union avec Notre Seigneur Jésus-Christ

Sur le point de communier, Gertrude désirant que le Seigneur la préparât lui-même, ce doux

Maître lui parla ainsi : « Je me revêts de toi-même, afin de pouvoir étendre ma main délicate,

sans la blesser, à travers les pécheurs tout hérissés de pointes, pour leur faire quelque bien.

Puis je te revêts de moi-même, afin que tous ceux que tu me présentes en ta mémoire, et

même tous ceux que la nature a fait tes semblables, soient élevés à cette dignité, que je puisse

les combler de bienfaits, selon ma royale munificence. » (Liv. 3, ch. 18 ; éd. Lat. , P. 151)

20. Offrir Jésus à son Père pour les pécheurs

Notre-Seigneur dit à Marguerite-Marie : « Ma justice est irritée et prête de punir par des

châtiments manifestes les pécheurs cachés, s'ils ne font pénitence. Et je te veux faire connaître

lorsque ma justice sera prête à lancer ses coups sur ces têtes criminelles. Ce sera lorsque tu

sentiras appesantir ma sainteté sur toi, qui dois élever tes mains et ton coeur au Ciel, par

prières et bonnes oeuvres, me présentant continuellement à mon Père, comme un victime

d'amour immolée et offerte pour les péchés de tout le monde, me mettant comme un rempart et

un fort assuré entre sa justice et les pécheurs, afin d'obtenir ma miséricorde, de laquelle tu te

sentiras environnée, lorsque je voudrai faire grâce à quelqu'un de ces pécheurs. C'est alors que

tu me dois offrir à mon Père, comme l'unique objet de ses amoureuses complaisances, en

actions de grâces de la miséricorde qu'Il exerce envers les pécheurs. » (Contemp. p. 53 ; éd.

Gauthey, 2, P.163)

III. Objet de notre zèle : pécheurs, peuple, église, ordres religieux, prêtres

etc .

21. Jésus presse ses amis de prier pour les pécheurs

Le Seigneur recommanda maintes fois à sainte Lutgarde de prier et de s'immoler pour les

pécheurs. Une nuit, au signal de matines, elle crut ne pas devoir se lever parce qu'elle était

couverte de sueurs, quand elle entendit la voix divine lui dire : « Lève-toi, lève-toi ; va prier pour

les pécheurs. » (Vie, ch. 4)

Un jour Jésus lui montra les plaies ouvertes de ses pieds, de ses mains, de son côté et lui

dit : « Regarde, ma très chère amie ! Et entends comme mes plaies crient vers toi, afin que mon

sang ne soit pas inutilement répandu et que mon horrible mort ne soit pas infructueuse. » Que

signifient, Jésus, demanda-t-elle, les clameurs de vos plaies ? Jésus répondit : « Mes plaies

crient vers toi et te demandent de calmer par la souffrance et les larmes la colère de Dieu, mon

Père, afin qu'Il ne perde pas les pécheurs, mais qu'ils se convertissent et qu'ils vivent. » (Ch. 5)

Une autre fois, elle vit le Sauveur se présenter devant son Père et Le prier comme Il priait

au jardin des Oliviers : « Vois-tu, lui dit Jésus, comme je m'offre à mon Père pour les péchés

des hommes ? Fais de même : offre-toi aussi toute entière pour mes pécheurs, afin de

détourner d'eux sa justice. » (Ch. 6)

« Voyons, accorde-moi ceci, dit le Seigneur à sainte Mechtilde, de prier pour les pauvres

pécheurs, que j'ai si chèrement rachetés et dont je désire si fort la conversion. » (4è part. ch.

53)

Catherine de Ricci avait dans sa cellule un crucifix, sujet habituel de ses contemplations. Ce

fut par cette image que l'Epoux se plut à entrer en communication avec son épouse. Un jour, se

détachant de sa croix, emportant les clous dans les plaies de ses mains et de ses pieds, Il

s'avance dans l'air au-devant d'elle. Catherine, émerveillée, lui tendit les bras. Le crucifix, se

penchant vers elle, lui dit : « Chère épouse, je viens chercher un asile dans ton couer, et celui

de mes filles, contre les crimes des pécheurs dont je me sens accablé. Je vous demande de

faire trois processions solennelles en expiation de leurs péchés, et pour désarmer ma justice. »

(Vie, par le P. Bayonne, ch. 1°0).

22. Invitations divines à expier pour les pécheurs et se sacrifier pour eux

Saint Véronique Juliani, s'étant mise à prier pour les pécheurs, reçut soudain des coups

violents de la part des démons ; elle offrit tout à Dieu pour le salut des âmes. Alors elle entendit

une voix intérieure qui lui disait : « Tu obtiendras la grâce, mais prépare-toi à souffrir. » (Diario,

1er agosto 1696)

Une autre fois que Véronique demandait au Seigneur la conversion des pécheurs, Il lui dit :

« Oh! Si tu savais combien ils sont nombreux. Partout, il n'y a que pécheurs et pécheresses, et

ils commettent de si grands péchés qu'ils méritent bien plus le châtiment que le pardon. Ils sont

devenus comme des bêtes ; ils ne pensent ni à moi ni à leur âme. » Alors Il me fit comprendre

que dans son grand amour Il ne désire autre chose que s'unir aux âmes, entrer en elles soit par

des lumières, soit par la contrition, soit par des appels et des illuminations intérieures, mais bien

peu veulent en profiter. « Et toi, me dit-Il, que veux-tu faire ? » Ô Seigneur, si je le pouvais, je

voudrais vous aimer pour moi et pour tous ceux qui ne vous aiment pas. « C'est ce que je veux

de toi », me dit le Seigneur, et aussitôt Il disparut. (5 aprile 1697)

Au mois de juillet 1805, Dieu manifesta à Soeur Marie-Josèphe Kumi la situation déplorable

de divers peuples et les prévarications des pécheurs ; elle les voyait dans une vive lumière

marcher à leur perte éternelle, et une voix lui dit : « Es-tu prête à prendre sur toi les châtiments

qu'ils ont mérités ? » Elle se mit pour cela à la disposition du Seigneur. « Ma fille, reprit Jésus,

tu m'es toute douce par cette réponse ; tu porteras donc le poids de la colère divine, et les

sentences d'un Juge irrité s'accompliront en toi, mais ma grâce et ma force te soutiendront

toujours. Ton vouloir doit être de ne point vouloir, ton bien de ne rien posséder que moi seul. »

Au mois d'octobre, elle ressentit non seulement cette blessure d'amour qui semblait la

consumer, mais aussi de violentes douleurs aux pieds et aux mains. Le Sauveur lui apparut

alors avec la couronne d'épines sur la tête ; Il portait une lourde croix sur les épaules : « Vois,

ma fille, je suis ici pour te communiquer ces douleurs. » Comme elle se montra toute disposée

à s'y soumettre, le Sauveur enfonça la couronne d'épines sur sa tête et déposa la croix sur ses

épaules en disant : « Tu sentiras aussi la douleur produite par les clous qui m'attachaient sur

cette croix. Je te retirerai toute consolation sensible pour te laisser expérimenter ton néant. Le

temps vient où tu n'auras ni rafraîchissement intérieur, ni aucune satisfaction venant des

hommes, pas même de ton confesseur ; tu seras vraiment comme abandonnée sur la croix.

Morte à toi-même, pénétrée du sentiment de ton néant, tourne alors vers moi ton désir et ton

amour. Offre-toi pour les pécheurs comme un holocauste entièrement dévoré par le feu de

l'amour. Par cette souffrance beaucoup d'âmes obtiendront leur salut et passeront des ténèbres

à la lumière. » (Vie, ch. 7)

23. Quelle les peine les pécheurs causent au coeur de Jésus

Catherine de Racconigi vit Jésus-Christ, la bienheureuse Marie et, avec elle, beaucoup

d'autres saints, tous vêtus de deuil ; mais le plus affligé était Jésus. Catherine Lui demanda la

raison de sa tristesse ; Il répondit, en l'exhortant à offrir ses peines pour l'Église et les âmes :

« Eh! Comment ne veux-tu pas que je te témoigne ma douleur, au spectacle d'un si grand

nombre d'âmes qui courent à leur perte ? Ne vois-tu pas combien est grande l'ingratitude de

mon peuple, que j'ai racheté de mon sang ? Je suis un précieux trésor, le bien suprême et

éternel, et pourtant la plupart des hommes font plus de cas des biens misérables de cette terre.

Plusieurs, par leurs mauvais exemples, par leur vie infâme, éloignent beaucoup d'âmes de mon

service. La vertu leur est odieuse, et ils aiment le vice, ils méprisent mes ministres. Ils volent les

revenus des sanctuaires, non pour les distribuer aux pauvres et aux ministres des autels, mais

pour en jouir eux-mêmes ou les donner à des scélérats. Ils estiment plus leur honneur, leur

maison et jusqu'à leurs chiens, que ma gloire, mon Église et mes fidèles serviteurs. »

24. Dieu par égard pour les mérites de ses amis pardonne aux pécheurs

Le Seigneur fit connaître à sainte Brigitte les désordres et les péchés qui sévissaient dans le

royaume de Chypre et la chargea de faire connaître aux habitants de ce pays les menaces de

sa justice : « Je vous ai longtemps portés dans mon coeur, je vous ai gardés comme la prunelle

de mon oeil lorsque vous étiez assaillis par les adversités et les tribulations ; quand vous avez

gardé mes préceptes, alors une multitude innombrable d'âmes sont venues du royaume de

Chypre dans le Ciel. Mais maintenant vous ne me craignez point, quoique je sois votre Juge ;

vous ne m'aimez point, bien que je sois votre Créateur ; vous n'avez pas plus honte de pécher

devant moi que les animaux sans raison. Ma justice demande que vous soyez plongés dans les

abîmes de l'enfer parmi mes ennemis … Sachez aussi que vous n'étiez pas dignes qu'un pareil

avertissement vous fût envoyé ; mais quelques-uns qui sont en votre royaume, lesquels me

servent fidèlement et m'aiment de tout leur coeur, m'ont fléchi par leurs larmes et leurs prières et

ont obtenu que je vous fisse comprendre le danger de vos âmes. « (Liv. 7, ch. 19)

« Sans Moïse, dit une autre fois le Seigneur à Brigitte, le peuple eût été tiré de l'Égypte,

mais sans Moïse ce même peuple fût mort. » On voit, en effet, dans l'Écriture, que Moïse à

maintes reprises apaisa par ses prières la colère divine.

« Plusieurs saints, dit encore le Seigneur, entrèrent par l'inspiration du Saint-Esprit dans les

terres des infidèles, pour les convertir, et n'obtinrent pas ce qu'ils voulaient. Mais à cause de

leur bonne volonté ils eurent de très glorieuses couronnes et, à cause de leur patience, Dieu a

fait avancer le temps de la miséricorde. » (Liv. 8, ch. 49)

En considération de tes prières et de tes maux, dit le Fils de Dieu à la vénérable Marguerite

du Saint-Sacrement, j'épancherai sur les pécheurs les trésors de mes mérites. » (Vie, par

Amelotte, liv. 5, ch. 3)

25. Zèle envers les peuples coupables. Réparation et expiation pour les

désordres du Carnaval

Gertrude demanda au Seigneur par quelles prières, durant ces trois jours de Carnaval , où

les mondains Le provoquent plus que jamais à la colère, elle pourrait l'apaiser: « Je tiendrais

pour beaucoup, dit le Seigneur, que l'on dît trois fois : Pater noster ou Laudate Dominum,

omnes gentes, en offrant à Dieu le Père : la première fois, tout ce qu'a fait mon très saint coeur,

lorsque je me fatiguais sur la terre pour le salut des hommes, en louanges, en actions de

grâces, en gémissements, en prières, en désirs et en amour pour expier tous ces sentiments

terrestres et charnels, toutes ces volontés perverses, dont le coeur de l'homme est maintenant

tout embarrassé. La seconde fois : qu'on offre à Dieu le Père tout ce qu'a pratiqué ma bouche

très pure, dans la tempérance qu'elle a observée pour les aliments, et pour les paroles, dans la

prédication et la prière continuelle où je me suis fatigué pour le salut des hommes, et cela en

expiation de tous les péchés commis en l'Église universelle par gourmandise et ivrognerie, par

excès de paroles nuisibles ou inutiles. A la troisième fois : qu'on offre à Dieu le Père tout ce qu'a

fait mon très saint corps, les mouvements de tous mes membres, toute la suite de ma vie très

parfaite, avec toute l'amertume de ma passion et de la mort que j'ai soufferte pour la rédemption

du genre humain ; qu'on l'offre en expiation de tous les péchés que les gens du monde

commettent avec frénésie en ce temps, par leurs actes et mouvements extérieurs, contre leur

propre salut. » (Liv. 4, ch.15)

26. Zèle envers les peuples coupables : diocèses, pays infidèles

Esprite eut connaissance par une vision des maux qui allaient frapper Carpentras et le

diocèse. Elle conjura le Seigneur de faire grâce aux pécheurs et entendit cette réponse au fond

de son âme : « Ma fille, tu ne t'aperçois pas que ceux pour qui tu pries savent bien qu'ils

m'offensent d'une manière scandaleuse, et pourtant ils préfèrent leurs plaisirs à mes lois et à

leurs salut. » A ces mots, les larmes d'Esprite coulèrent plus abondamment, et ses douleurs et

ses soupirs touchèrent le Seigneur, qui lui dit intérieurement : « J'exaucerai tes prières, et je

pardonnerai à ces pécheurs ; mais dis-leur que je demande telle et telle satisfaction. » (Vie, ch.

8)

Afin de l'exciter à prier pour la conversion de l'Égypte, Notre-Seigneur disait à la

bienheureuse Esprite : « Il y a encore dans ces provinces infidèles des coeurs qui m'aiment et

que je n'abandonne pas. » (Ibid, ch. 8)

Notre-Seigneur demanda maintes fois à la Mère Françoise de la Mère de Dieu de prier pour

l'Angleterre ; un jour qu'elle avait partagé les heures de sa journée selon les diverses intentions

qu'elle voulait Lui recommander, le doux Sauveur lui dit : « Vous oubliez l'Angleterre. » (Ch. 28)

« Voyez ce peuple, lui avait-Il dit un jour ; je suis mort pour eux et il n'y en a pas un qui m'aime.

Je veux que vous m'aimiez pour eux tous et que vous fassiez tous les jours quelques

pénitences pour leur conversion. » (Ch. 6) Un jour Il se montra à elle tout couvert de sang figé,

ce qui fit répandre à cette âme aimante une grande abondance de larmes : « Donnez -moi, lui

dit alors Jésus, les larmes que vous versez pour laver et amollir mon sang. » Et Il lui renouvela

l'obligation de prier pour l'Angleterre, lui disant que dans ce royaume on Le persécutait

furieusement en ses membres, et qu'Il aurait abandonné depuis longtemps ce pays sans les

prières que ses serviteurs Lui offrent pour ces âmes infidèles. (Ch. 33)

Le Seigneur ordonna plusieurs fois à Jeanne-Bénigne Gojoz de prier pour Genève, lui

apprenant à faire cette prière : « Mon Dieu, je vous prie, par l'excès de vos miséricordes et de

votre amour pour Bénigne, d'amollir les coeurs des habitants de cette ville, pour que votre main

la mène à son troupeau et à la vraie foi de votre unique Épouse, la sainte Église, catholique,

apostolique et romaine. »

Pendant les guerres de la Fronde, Jeanne-Bénigne priait beaucoup pour que les princes de

France fissent la paix avec leur roi. Elle entendit un jour cette divine réponse : « Tu es exaucée,

Bénigne, les troubles civils de la France vont être calmés. » (3° part., ch. 15)

27. Zèle envers l'Église

Le 23 décembre 1856, la Mère Véronique du coeur de Jésus83 eut une vue saisissante des

maux de l'Église Voici ce qu'elle en raconte : Je vois se former dans le Ciel un calice, surmonté

de la sainte hostie et de la croix. Je me mets aussitôt à genoux ; de toutes parts mille traits lui

étaient lancés. On l'atteignait, mais on ne l'ébranlait pas, et la fureur de ses persécuteurs était à

son comble.

C'est alors que je vis toute une persécution se dessiner dans le Ciel et j'entendis cette

parole : « C'est la Religion qui m'attaque. » Des profanations, des sacrilèges, des communions

83 Marie-Caroline Lioger, qui devint la Mère Véronique du coeur de Jésus (1825-1883), fut la fondatrice de

l'institut des Soeurs Victimes du coeur de Jésus. Son admirable vie a été racontée par le P. Prévot, des

Prêtres du Sacré-coeur, Paris, Amat, 1903. Mgr l'Évêque de Grenoble a constitué un tribunal pour

enquêter sur l'héroïsme de ses vertus.

indignes me semblaient exciter la colère de Dieu. Toujours selon mon habitude je criais :

Miséricorde, Seigneur, attendez à la pénitence. Alors Notre-Seigneur s'approche et me dit : « Je

n'ai que désir de pardonner, mais viens et assiste au jugement des nations. » Je vis ce que je

n'aurais jamais cru voir au sein même de la religion, le nombre des justes était si petit que j'en

fus glacée d'effroi. Je sentais aussi mes reproches, ma honte ; je voulais fuir. Néanmoins je dis :

Et moi, Seigneur ? Et j'eus cette réponse : « Ton sacrifice et tes dernières épreuves t'ont rendue

agréable à mes yeux. Voilà où est la justice. Mais maintenant ton coeur doit se consumer dans

mon amour. » (Vie, ch. 10)

Le 1er janvier 1876, le Seigneur annonça à la Mère Marie-Dominique Moes pour l'année qui

commençait tout un océan de douleurs ; Il lui déclara que, depuis la grande oeuvre de la

Rédemption, aucune oeuvre ne s'était faite dans l'Église que grâce à de dures souffrances ; plus

est importante l'oeuvre voulue par Dieu et plus elle doit porter de fruits, plus il faut de sacrifices

pour la mériter. (Vie, 2° part., ch. 5)

Dans la nuit du 17 au 18 novembre 1863, Notre–Seigneur apparut à Marie Brotel. Il lui dit :

« Ma fille, je viens te voir, car je t'aime. L'amour se prouve par la souffrance : j'ai souffert pour

toi, il faut que tu souffres pour moi. Tes souffrances par leur union avec les miennes ont un

grand prix. Je les distribue comme je veux pour les âmes, car tout est pour les âmes. » Alors,

raconte Marie Brotel, j'ai dit à Jésus : Quand est-ce que cesseront les combats et les épreuves

de votre Église ? Il m'a répondu : « Ma fille, j'aime bien l'Église, je la tiens dans mes bras, mais

ses souffrances ne finiront qu'avec le monde. Il y aura des temps où elle souffrira moins, elle

aura des moments de triomphe qui seront suivis de nouvelles peines, car toujours elle sera

dans le combat. » Je lui ai dit : Vous ne devriez pas la faire souffrir ainsi. Il ne s'est pas fâché

contre moi. Au contraire. Il m'a répondu : « Tout en faisant souffrir, ne crois-tu pas que je suis

bon ? Oh! Si, vous l'êtes. Ne crois-tu pas que j'aime ? Oh! Si, vous aimez infiniment. Eh bien,

ma fille, c'est justement parce que j'aime que je permets qu'elle soit dans le combat et la

souffrance. Aussitôt qu'il y a trop de calme sais-tu ce qui arrive ? L'Église, les pasteurs, les

fidèles vivent d'une manière trop naturelle ; ils ne sentent pas alors qu'ils ont un besoin

continuel de moi et qu'ils ne peuvent rien par eux-mêmes. Mais dans le combat et la souffrance

l'intention se purifie, et la confiance aussi, parce qu'on ne peut s'appuyer que sur moi. C'est

ainsi que dans mon amour j'attire à moi les âmes qui m'oublieraient sans cela. » (Vie, ch. 6)

28. Dieu demande des larmes pour son Église

« Il y a un moyen d'apaiser ma colère, dit le Père éternel à sainte Catherine de Sienne. Mes

serviteurs peuvent l'arrêter par leurs larmes et la vaincre par l'ardeur de leurs désirs : c'est ainsi

que tu en as triomphé, parce que je t'en ai donné la puissance, afin de pouvoir faire miséricorde

au monde. Oui, j'excite moi-même dans mes serviteurs une faim et une soif dévorante du salut

des âmes, afin que leurs larmes tempèrent les rigueurs de ma justice. Versez donc des larmes

abondantes, puisez-les dans l'océan de ma charité, et lavez avec des larmes la face de mon

Épouse bien-aimée. Vous lui rendrez cette beauté que ne donnent pas la guerre et la violence,

mais que procurent les humbles et continuelles prières de mes serviteurs, et les larmes qu'ils

répandent dans l'ardeur de leurs désirs. Oui, je satisferai ces désirs ; j'éclairerai, avec la lumière

de votre patience, les ténèbres des méchants. Ne craignez pas les persécutions du monde ; je

serai toujours avec vous, et ma providence ne vous manquera jamais. » (Dialogue, ch. 15)

Le Seigneur Jésus apparut un jour à sainte Gertrude, debout et semblant soutenir de ses

épaules une grande maison qui s'inclinait sur Lui, comme si elle voulait tomber. « Voici, dit-il,

avec quel zèle je soutiens ma maison bien-aimée, c'est-à-dire la sainte Religion, qui, dans

presque tout le monde, menace ruine, parce qu'il n'y en a qu'un très petit nombre, dans tout

l'univers, qui veuillent sincèrement travailler à sa défense ou à son extension et souffrir pour

cela quelque peine.

Ainsi, ma bien-aimée, regarde et compatis à ma fatigue ! Tous ceux qui par un acte ou une

parole propagent la Religion sont comme des contreforts qui me soulagent selon leurs forces

du poids qui m'accable et soutiennent avec moi l'édifice. » (Liv. 1Er, ch. 7)

29. Zèle envers les ordres religieux

Le Seigneur dit un jour à la Mère Marie-Dominique Moes : « De même que de toute éternité

j'ai prédestiné la Mère des douleurs à coopérer à la grande oeuvre de la Rédemption, de même,

je t'ai choisie pour être la coopératrice de la grande oeuvre du renouvellement de l'ordre de saint

Dominique dans l'esprit primitif de son saint fondateur et de l'oeuvre non moins grande de

l'entente et union fraternelle des deux grands ordres que tu sais. De même que la coopération

de ma Mère consistait dans les prières et les souffrances, de même la tienne consistera en

prières et en souffrances84. » (Vie, 2 Theil, Kap. 1, & 2)

30. Zèle envers les prêtres de Jésus-Christ

Ayant su qu'un prêtre, d'une conduite scandaleuse, ne laissait pas de dire la messe tous les

jours à l'autel même du monastère, Agnès de Langeac, émue d'une grande indignation, résolut

d'aller le trouver. Elle en obtint la permission de sa supérieure ; mais, au moment de lui parler,

elle fut saisie de crainte. Une voix lui dit : « Va ma chère fille, va hardiment, et ne crains pas, car

je suis avec toi. » Agnès parla si puissamment à ce prêtre qu'il promit de ne plus retomber dans

ses mauvaises habitudes. (Vie, par Lantages, 3° part., ch. 9)

Notre-Seigneur avait pressé une sainte personne de Paris, Marie Rousseau, de prier et de

faire des sacrifices pendant plusieurs années pour M.Olier, alors rempli de l'esprit du monde, et

M. Olier, touché de la grâce, devint alors très fervent et très généreux. Mais ce n'était pas

assez, et le divin Maître poussa une autre âme plus sainte encore, la vénérable Agnès de

Langeac, à offrir d'ardentes prières et à faire de nombreuses pénitences pour lui obtenir la

grâce d'une héroïque sainteté. Un jour qu'Agnès demandait avec larmes à sortir promptement

de ce monde : « Tu m'es encore nécessaire, lui répondit Jésus, pour une âme que je veux que

tu m'obtiennes. »

Et Marie lui dit : « Prie pour mon Fils, l'abbé de Pébrac. » (C'était M. Olier) (Vie, par

Lantages, 3° part, ch. 12)

31. Zèle envers les âmes choisies

Un matin, après avoir communié, sainte Véronique Juliani eut la vision de l'Enfant Jésus.

Elle fit signe de Le repousser avec mépris, comme elle en avait eu l'ordre. Jésus se montra tout

heureux : « Tu me fais grand plaisir, lui dit-Il, parce que tu fais la sainte obéissance. Mais ne

doute pas, c'est moi, Jésus crucifié, ton Epoux. » Et Il lui montrait ses mains, ses pieds, son

côté et toutes ses plaies resplendissantes. « Que désires-tu? Que veux-tu ? » lui disait-Il. Elle

demanda d'abord la connaissance d'elle-même, la pardon de ses fautes et une vive contrition ;

elle se sentit aussitôt exaucée. A une seconde demande de Jésus : « Que veux-tu ? » elle

répondit en demandant des âmes. Alors Jésus lui recommanda de bien veiller et de ne pas

épargner ses peines pour obtenir que toutes ses Soeurs eussent un zèle ardent de son honneur

et qu'elles devinssent toutes brûlantes d'amour. Il lui fit comprendre que cela Lui serait très

agréable et que, si elle faisait ce qu'Il demandait, Il serait comme obligé de lui accorder de

nouvelles grâces. La sainte accordant de grand coeur ce que Jésus lui demandait, Il la serra

étroitement dans ses bras et lui dit : « Si tu fais cela, tu seras au nombre de mes plus chères

épouses ! » (Diario, 13 aprile 1700)

32. Zèle pour la science sacrée – Sa récompense

Des docteurs de l'Université de Paris soumirent un jour à Thomas d'Aquin leurs difficultés

84 Un autre jour, son ange gardien lui déclara que c'était le Seigneur qui depuis vingt-cinq ans la pressait de

prier et de souffrir pour obtenir que les ordres de saint Benoit et de saint François retrouvent leur

antique splendeur ; car, disait-il, les ordres contemplatifs sont de nos jours plus que jamais nécessaires à

l'Église, appelés qu'ils sont par leur vie de pénitence et d'expiation et par leurs prières de jour et de nuit,

à apaiser la justice de Dieu, à arrêter ses châtiments et à faire descendre sur le monde coupable les

grâces de sa miséricorde. (Vie, 3 Theil, Kap. 5, & 2)

sur le mode de présence de Jésus-Christ dans l'Eucharistie. Quand le saint docteur eut écrit sa

réponse, il s'alla prosterner devant l'autel tenant son cahier à la main. Pendant qu'il priait Notre-

Seigneur de ne pas permettre qu'il enseignât rien de contraire à la vérité sur l'auguste

sacrement de l'Eucharistie, Jésus lui apparut et lui dit : « Tu as bien écrit sur mon sacrement et

résolu la difficulté proposée, autant du moins que l'homme peut le faire, durant sa vie

mortelle. » Tandis que Thomas d'Aquin poursuivait son oraison et rendait grâces à Jésus-Christ,

on le vit s'élever de terre, à la hauteur d'une coudée.

Le Frère Dominique de Caserte était resté, un soir, couché dans l'église, attendant la venue

de Thomas d'Aquin. Le saint docteur arrive, s'agenouille, selon sa coutume, dans la chapelle de

saint Nicolas et, tandis qu'il priait, son corps s'élève et demeure suspendu en l'air, devant le

crucifix de l'autel. Le Frère jouissait depuis longtemps de ce spectacle, quand, tout à coup une

voix qui semblait partir du grand crucifix prononça distinctement ces paroles : « Thomas, tu as

bien écrit de moi : quelle récompense veux-tu recevoir de moi en retour de de ton travail ? »

Thomas répondit : Seigneur, nulle autre que vous.

33. Zèle pour la pure doctrine

Gertrude reçut du Seigneur cette leçon : « Si tu veux me donner de ce parfum que la

pieuse Marie répandit sur ma tête, apprends que tu l'auras si tu aimes la vérité. Car celui qui

par amour de la vérité et pour la défendre perd ses amis ou s'attire d'autres peines, ou

entreprend de grands travaux, brise réellement le vase d'albâtre et répand sur ma tête un

parfum précieux, qui remplit toute la maison de sa bonne odeur, parce qu'il donne ainsi un bon

exemple ; tandis qu'il s'applique à corriger les autres, il s'amende lui-même en s'observant

davantage sur les points qu'il reprend dans les autres. Ainsi il répand de toutes parts la bonne

odeur et en se corrigeant et en édifiant les autres par les exemples qu'il donne. Mais, si l'amant

de la vérité en la défendant tombe en quelques fautes, par exemple en employant par excès de

zèle des expressions trop dures lorsqu'il reprend les autres, ou de quelque autre manière en se

montrant trop rigoureux ou trop relâché, je l'excuserai fidèlement auprès de Dieu le Père et de

tous les habitants du Ciel; comme j'ai autrefois excusé Marie, ou plutôt je satisferai pour toutes

ses fautes. » (Liv. 4, ch. 46.)

34. Zèle à faire connaître les perfections divines

Le Sauveur se montra un jour à la bienheureuse Crescentia entouré d'une troupe

nombreuse d'esprits angéliques; son visage exprimait une joie très vive. La bienheureuse avec

une humble familiarité lui en demanda la raison, le Seigneur répondit: « Je me fais voir ainsi à

toi parce que, hier, pour la seconde fois avec tes Soeurs tu as parlé avec grande insistance de

mes divines perfections, ainsi que des grâces et des bienfaits sans nombre que j'accorde aux

hommes. Par tes paroles tu as fait que tes Soeurs reconnaissent et estiment ma miséricorde,

qu'elles admirent et glorifient ma bonté, mon amour et ma libéralité. C'est une grande joie pour

moi quand les hommes reconnaissent le bien et cherchent à l'obtenir ; je puis alors leur donner

des preuves plus grandes de ma miséricorde. Je ne cherche qu'à les rendre heureux. Va et dis

aux enfants des hommes combien je suis bon. » (2 Buch, Kap. 8.)

CHAPITRE XIV : Recueillement

1. Le Seigneur recommande avec instance le recueillement

Le Seigneur recommanda fort souvent à sainte Véronique Juliani de vivre dans un profond

recueillement. Voici quelques unes de ses recommandations: « Je veux que tu restes dans un

recueillement intime avec moi seul, et ceci dans toutes tes oeuvres. Pour en arriver là, veille à

ce que dans toutes tes occupations tu ne penses qu'à ce que je réclame de toi. Fais en sorte

aussi que tes travaux extérieurs soient faits comme entre toi et moi seulement... Sois détachée

de tout, entièrement dépouillée ; tu dois rester comme dans un désert, même au milieu des

tumultes et des conversations. » (Diario, vol. 2, p.183.)

« Regarde-toi en moi. Vois-tu tout ce que j'ai fait pour ton salut ? Désormais je veux que tu

te donnes tout entière à mon service. Veille à ce que toutes tes pensées soient dirigées vers

moi, que ton esprit soit tout occupé de moi ; tes oeuvres, remets-les toutes à ma disposition et

sois attentive à coopérer à tout ce que j'opère en toi. » (29 marzo 1697.)

«Je veux t'apprendre comment tu dois faire pour n'avoir que cette seule et unique pensée

que je t'ai souvent recommandée. C'est moi seul qui dois être l'objet de tes pensées et, pour

que tu t'arrêtes en moi seul, il faut que tu demeures dans la vue et la connaissance de toimême,

afin de bien voir qu'il n'y a rien pour toi, ni en toi, ni hors de toi, mais que je suis ton seul

bien. Applique ton esprit, ta pensée à cette vérité, afin que j'opère tout. Tu reçois tout de moi, et

tu dois tout rapporter à moi. » (22 maggio 1697.)

Ce matin, raconte encore Véronique, le Seigneur s’est fait un peu sentir dans mon coeur et Il

m'a dit : « Ce coeur est à moi, et je le fais souffrir à cette heure de la nuit, afin qu'il achève de se

purifier, comme je le veux. » Et, en parlant ainsi, Il me l'a serré très fort et m'a fait voir qu'il en

sortait du pus et une pourriture noire. En même temps, Il m'a fait comprendre que je devais

n'avoir pas d'autre pensée que de Lui et regarder toutes les créatures comme si pour moi elles

n'existaient pas. Il a fait alors une nouvelle pression de mon coeur et Il m'a dit : « Vois, ce sont là

des choses que je ne veux pas. » Et de nouveau, je voyais sortir du pus et de la pourriture. (24

aprile 1697.)

2. Jésus veut que ses amis vivent de la vie intérieure

C'est le recueillement et la vie intérieure qui étaient recommandés à sainte Thérèse quand

elle entendit ces paroles : « Ne cherche pas à m'enfermer en toi, mais cherche à t'enfermer en

moi. » (Relation, 15.)

Plusieurs années auparavant, au moment où vivement attirée à une vie sainte, elle n'avait

pas le courage de cesser certaines relations qui, toutes légitimes qu'elles fussent, étaient pour

elle une source de distractions, le divin Maitre lui avait dit: « Je ne veux plus que tu converses

avec les hommes, mais avec les anges. » (Vie, ch. 24.)

« Que rien ne te fasse sortir de ton intérieur, dit le Sauveur à Marcelline Pauper, ni te sépare

de mon amour. » Et une autre fois :« Tu ne vivras dans la vie intérieure qu'autant que tu

mourras au monde et à toi-même. » (Vie, ch. 17.)

« Ma bien-aimée fille, dit le Seigneur à Marie-Céleste, dès le matin tu te renfermeras en

moi, ton Créateur, fuyant toute conversation et toute parole oiseuse. Tu garderas avec une

grande jalousie la cellule de ton coeur, afin que j'y prenne mon repos. Tu resteras retirée et

solitaire autant que tu le pourras, me gardant seul dans ton coeur. Dorénavant, ta cellule secrète

sera dans mon divin Coeur ; tu y feras ta demeure, y priant continuellement et ainsi je resterai

dans ton coeur, et toi, dans le mien. » (Vie, p. 57.)

Il lui dit une autre fois: « Tais-toi en tout temps, tais-toi avec l'esprit, avec le coeur et avec la

langue. Tais-toi quand on parle de toi, soit en louange, soit en blâme ou en mépris ou en

exagération. Tais-toi devant n'importe quelle opinion des hommes, favorable ou désagréable.

Tais-toi dans les dons, dans les grâces et dans les lumières. Tais-toi dans les changements et

les vicissitudes de la vie ; ne cherche pas à parler ni dans les consolations, ni dans les peines.

Que tout soit abîmé dans ta pureté. Ne désire t'éclairer en rien, soit avec tes supérieurs, soit

avec tes égaux... Consacre-toi au silence du pur amour. » (Vie . p. 392.)

3. Veiller à ce qu'aucun importun ne vienne troubler le coeur à coeur avec l'ami

divin

« Ma fille, dit le divin Maître à la bonne Armelle, quand une personne est retirée dans sa

maison avec son intime ami, avec lequel elle s'entretient familièrement, si quelque importun

vient frapper à la porte, elle fait semblant de ne pas entendre, ou bien elle fait dire qu'elle est

empêchée, et ainsi il se retire. De même dois-tu faire de tout ce qui se présentera; car tu n'es

plus pour rien de ce monde, mais pour moi seul. » (Vie, ch. 18.)

4. Tendresse de Jésus pour l'âme recueillie

On lit dans le journal de Gertrude-Marie : Après la communion, je disais: Mon Jésus, je veux

m'oublier pour penser à vous, pour m'occuper uniquement de vous. « Et moi, répondit Notre-

Seigneur, j'oublierai que je suis ton Dieu, pour me communiquer familièrement à toi. » (28

octobre 1907.)

5. Reproches amoureux du divin Maître à l'âme distraite

Jeanne-Bénigne Gojoz priait pour une soeur ; Notre-Seigneur lui dit : « Sa course est plus

lente qu‘elle n'était au commencement, parce qu'elle s'est un peu retirée de l'attention à la vie

intérieure ; mais je la ramènerai et l'assisterai jusqu'à la fin. » Cette soeur fit une très sainte

mort. (Vie, ch. 14.)

La Mère Anne-Marguerite Clément reçut un jour une réprimande de son divin Maître, parce

qu'elle avait laissé la liberté à ses puissances de se joindre à d'autres objets qu'à Lui. (Vie,

1686, 3° part., ch. 12.)

Une autre fois, Il la reprit de quelques distractions qu’elle avait eues ; mais, lui en accordant

aussitôt le pardon, Il lui dit comme autrefois à Madeleine : « Va-t-en en paix. » Mais elle resta à

ses pieds et lui dit: Seigneur, où pourrais-je aller, je mourrais loin de vous. Alors Jésus, la tirant

de ses pieds pour la mettre dans son Coeur, lui dit: « C'est là où je veux que tu ailles. N'est-ce

pas ce Coeur qui est le séjour de la véritable paix ? » (Vie, 1915, p. 222.)

6. Jésus s'indigne de ce qu'on reproche à une âme de trop penser à Lui

Marguerite-Marie pensant constamment à son Dieu, on craignit que cette grande application

n'altérât sa santé. On lui dit donc de se modérer et de ne pas passer, les jours de fête, tant de

temps en oraison. Notre-Seigneur lui dit alors d'une voix irritée: « Apprends que, si tu te retires

de ma présence, je te le ferai bien sentir, et à toutes celles qui en seront cause ; je leur cacherai

ma présence et elles ne me trouveront point lorsqu'elles me chercheront »85(Contemp, p. 48 ;

éd. Gauthey, 1 p. 108.)

7. Jésus instruit l'âme dans la solitude

Un jour de Saint-Jean-Baptiste, en 1630, le divin Maître fit entendre à la Mère Clément ces

paroles du psaume : Audi, filia, et vide et inclina aurem tuam : Ecoute, ma fille, vois et prête ton

oreille. Puis Il l’invita à suivre le Précurseur au désert parce que son dessein était de lui parler

coeur à coeur. Il lui fit connaître que le désert est le lieu le plus propre à ses divines

communications ; qu’une âme séparée de toutes les créatures et dans un entier dégagement

d’elle-même est un grand attrait à son Coeur et que c’est dans la solitude qu’Il façonne les âmes

à son gré.(Vie, 1686, IIe part., ch. VII ; Vie, 1915, P. 204.)

Pendant une octave de Pâques, elle entendit le Sauveur lui dire comme autrefois à

Madeleine : « Femme, que cherches-tu ? » Elle répondit : Je vous cherche, Seigneur, soyez

mon Maître. – « Eh bien, reprit Jésus-Christ, si je suis ton Maître, écoute-moi, car je veux

t’instruire. Que tout se taise en toi et me laisse parler seul. » (IVe part.)

8. Combien les pensées nuisent à l’âme

« Tu pourrais mieux me servir, dit un jour le Sauveur à Marguerite de Cortone, si ton âme

n’était divisée par une foule de pensées diverses, dont tu ne sais pas te débarrasser… Si tu

85 Nous verrons plus loin que le Seigneur lui recommanda d'être « sourde, aveugle, muette et insensible à

toutes les choses terrestres ». Parmi les résolutions que prit la bienheureuse quand elle fit le voeu du plus

parfait, le 31 octobre 1686, remarquons celle-ci qui est la quatorzième : «Je ne m'arrêterai point

volontairement à aucune pensée, non seulement mauvaise, mais inutile. >> (Contemp., p. 251.)

veux avoir la force de venir à moi, ne t’embarrasse pas dans les pensées du siècle, mais

retourne à la croix. » (Vie intime, ch. 5, & 46.)

« Tu te plains, lui dit Il dans une autre circonstance, de ne pas jouir des délices

accoutumées. Tu ne peux les sentir actuellement, parce que ton esprit est distrait par la crainte

et par mille préoccupations qui m’empêchent d’y trouver une place. » (Ch. IX, & 13.)

« Ma soeur bien-aimée, tu voudrais être à ce point abimée dans les douceurs de ma

présence que tes yeux ne verraient rien, que tous les membres de ton corps ne sentiraient rien

comme s’il était privé de vie. Tu n’obtiendras cette faveur que lorsque tu seras morte

complètement au monde, car si tu ne lui appartiens plus par le coeur ni par les oeuvres, tu lui

appartiens encore par les pensées. Non, tu n’es pas encore parfaitement morte, car le vent de

diverses pensées agite encore ton esprit. C’est pourquoi élève autour de ton coeur un mur de

charité si fort que je puisse seul le franchir, puisque c’est ce coeur, chère épouse, que j’ai choisi

pour tabernacle. N’aie aucun autre souci que celui de me servir seul, de vivre dans

l’observance de mes préceptes, et la recherche de mon amour. » (Ch. 10, & 4.) « Ne te

préoccupe pas des choses terrestres et passagères, elles abaissent l’esprit et le portent à des

bassesses. Tout ce qui est terrestre est vil et méprisable ; il faut l’abandonner à ceux qui le

recherchent. Médite ma crèche, ma pauvreté, mes grands travaux, la trahison de mon disciple,

la dernière Cène et les supplices que j’ai endurés sur la croix. » (Ch. VII, & 27.)

Mechtilde de Magdebourg entendit la voix du Père éternel qui disait : « Je suis une source

exubérante que personne ne peut épuiser. Toutefois, quelqu’un peut par des pensées inutiles

fermer son propre coeur et la Divinité, qui jamais ne se repose, qui sans travail toujours opère,

ne pourra pas s’épancher dans son âme. » (Liv. Ier, ch. II.)

Benigna était au couvent quand le Seigneur lui dit : Je ne donne pas la dixième partie des

grâces que je voudrais aux âmes religieuses, parce que je ne les trouve pas suffisamment

recueillies… Pour pouvoir faire mes communications intimes, je veux le recueillement. » (Vie, p.

295.)

9. Moins on cherche le plaisir des sens, plus on trouve son plaisir en Dieu

Sainte Gertrude reçut un jour du Seigneur cette lumière : « Le coeur humain a été créé par

Dieu pour contenir la délectation, comme un vase pour contenir de l’eau. Si le vase qui contient

l’eau la laisse échapper par quelque légères fissures, il se vide et finit par rester à sec. De

même si le coeur humain, qui contient la délectation, la laisse écouler par les sens du corps,

prenant son plaisir à voir et à entendre, ou en permettant aux autres sens tout ce qui leur plaît,

il finit par en perdre tant qu’il reste vide et ne peut plus se délecter en Dieu. C’est ce que

chacun peut expérimenter en soi-même. Lorsqu’il vient à l’esprit de voir ou de dire quelque

chose, c’est qu’on regarde cela comme rien, parce que cela s’échappe comme un peu d’eau.

Mais, si l’on se propose de s’en abstenir pour Dieu, cela monte et croît tellement dans le coeur

qu’il peut à peine le contenir. Aussi l’homme qui s’est formé à se vaincre dans ces occasions

s’accoutume à se délecter en Dieu et le fait avec d’autant plus de fruits qu’il en a coûté

davantage. » (Liv. III ch. 30, n° 25 ; éd. lat., p. 189.)

10. Pour garder le recueillement il faut mortifier la curiosité et

l’empressement

Notre-Seigneur chargea souvent la Mère Françoise de la Mère de Dieu de donner de sa

part des avis à Soeur Marie du Saint-Esprit, que Françoise avait amenée à une vie fervente.

(Supra, 5, 17.) Il voulait qu’elle fût très exacte à mortifier toute curiosité. Ainsi lui fit-Il dire qu’elle

fût très fidèle à ne point s’informer de toutes les choses qu’elle avait envie de savoir et qui ne

seraient point pour l’aider à aller à Lui. Un jour, Notre-Seigneur dit à Françoise : « Oh ! Qu’il fait

bon de se quitter pour penser à moi et prendre quelque peine pour honorer mes souffrances ;

dites-le à Soeur Marie du Saint-Esprit. » Et, comme elle Lui représentait que cette soeur avait

grand désir de le faire, Il répondit : « Quand on désire une chose bien précieuse, on a garde de

faire ou de dire ce qui peut empêcher de la posséder ; ainsi, qu’elle s’abstienne des choses qui

la peuvent empêcher de penser à moi. » Et une autre fois, Il la mit en garde contre

l’empressement, qui nuit tant au recueillement : « Dites-lui qu’elle m’offre le temps qui reste

jusqu’à Pâques pour m’honorer et m’accompagner dans mes souffrances ; non pas qu’elle

doive quitter ce qu’elle à faire, mais laisser de côté l’inquiétude et l’activité qu’elle y met ; et

quand elle le peut, qu’elle quitte pour lors son ouvrage et me vienne trouver. » (Vie, ch. IX.)

11. Récompenses ineffables réservées à celui qui aura veillé sur son coeur, ses

sens et son imagination

Mechtilde, dans un transport d’amour, criait au Seigneur : Que j’aimerais être votre captive !

« Celui qui veut être mon captif sur la terre doit retenir ses yeux de tout ce qui est illicite et

inutile, et moi, dans la gloire céleste, j’ouvrirai ses yeux en lui révélant la clarté de ma face. Je

lui manifesterai ma gloire et je me montrerai à lui avec tant de délices que toute la milice des

cieux en sera dans l’allégresse et l’admiration. Semblablement, celui qui tient captives ses

oreilles en leur défendant d’entendre quoi que se soit d’inutile et de nuisible, je lui chanterai

avec ma voix mélodieuse, pendant toute l’éternité, une mélodie d’une douceur toute

particulière. Celui aussi qui refrène sa bouche de toute parole oiseuse ou nuisible, je la lui

ouvrirai si excellemment pour ma louange qu’Il célèbrera ma gloire avec plus de distinction que

les autres. Celui qui interdit également à son coeur toutes pensées vaines ou mauvaises et

désirs nuisibles sera doté par moi avec tant de libéralité qu’il m’aura en sa puissance avec tout

ce qu’il voudra, et que son coeur tressaillira éternellement d’une liberté et de délices singulières

dans mon divin coeur. Et celui qui se lie les mains pour ne faire aucune oeuvre de péché, je le

délivrerai de tout travail, je lui donnerai le repos éternel avec tant de gloire, je l’exalterai et

j’exalterai ses bonnes oeuvres unies aux miennes avec tant d’honneur, que toute la cour céleste

en recevra un nouveau surcroît de joie. » (4e part., ch. 21.)

CHAPITRE XV : Mortification corporelle

1. Le Seigneur demande la mortification du corps

« Ma fille, dit le Seigneur à Marguerite de Cortone, si tu veux suivre les traces de Madeleine

et partager ses consolations, abandonne absolument tout ce qui peut plaire à ton corps. Que

tous ces membres, qui n’ont autrefois servi qu’à provoquer ma colère par l’usage criminel que

tu en as fait, soient brisés, broyés comme on broie la paille pour en extraire le froment. » (Vie

intime, ch. III & 1er.)

« Ma fille, lui dit un autre jour le Seigneur, tu diras à ton confesseur que les chrétiens, mes

serviteurs, ne peuvent être parfaits en cette vie, s’ils ne mettent un frein à leur appétits

grossiers. Sans abstinence, il est impossible de réprimer les assauts de la chair. Que ceux donc

qui veulent la dompter en prennent le moyen en pratiquant la mortification des sens et du corps

surtout. » (Ibid., & 7.)

Notre-Seigneur avait commandé à Françoise de la Mère de Dieu de jeûner au pain et à

l’eau tout l’Avent. Le samedi, veille de l’Avent, elle se sentit si faible qu’elle avait bien de la

peine à jeûner comme la communauté. Dans l’appréhension d’une si longue abstinence, la

nature en elle défaillait. Les jours suivants, sa faiblesse augmenta de telle sorte qu’elle n’en

pouvait plus : Mon Seigneur, dit- elle, vous voyez bien que je n’en puis plus ; Est-ce votre

volonté que je continue ? – Notre-Seigneur lui dit : « C’est moi, je le veux. Continuez à jeûner

dans l’état où vous êtes. » Et Il lui déclara qu’Il voulait qu’elle jeûnât encore au pain et à l’eau

tout le carême suivant, quand même elle serait dans l’état où elle se sentait à présent. Je ne

veux pas, lui dit-Il, ôter la peine que l’on a à faire ma volonté pour ne pas faire perdre le mérite

que l’on a en souffrant pour m’obéir. » Elle passa encore un jour sans sentir plus de force, mais

le lendemain Notre-Seigneur la fortifia. (Vie, ch. 7.)

Une autre fois qu’elle était exténuée et qu’elle continuait cependant les jeunes au pain et à

l’eau que Notre-Seigneur lui avait prescrit, Il se présenta devant elle, paraissant extrêmement

fatigué, et Il lui dit: « Voyez comme je suis ; vous n’êtes pas encore aussi épuisée que moi ; j’ai

voulu être en cet état pour vous donner force et appui en vos faiblesses ; puisez la force dans

l’état où vous me voyez… » Quelquefois, se sentant fort faible, la nature soupirait après

quelqu’un de ces jours où elle ne devait point jeûner, afin de rétablir un peu ses forces. Mais il

arrivait souvent le contraire. Une fois qu’elle avait fait deux repas, elle se sentit beaucoup plus

faible et abattue qu’en un jour de jeûne ; sur quoi Notre-Seigneur lui dit : « Vous expérimentez

maintenant ce que vous servent vos industries et vos propres recherches ; voyez si vous

pouvez compter là-dessus et si c’est un repas ou deux qui vous soutiennent. » Elle avait la

permission de porter quelques jours de la semaine un cilice. Une autre fois quelle était fort

accablée de maux, la partie inférieure lui proposait de différer à un autre jour cette pénitence,

puisqu’elle n’en avait point de fixé : « Si vous voulez faire quelque chose pour moi, lui dit Notre-

Seigneur, il faut que vous mettiez ce cilice sans différer, car vous ne savez pas ce qui peut vous

arriver. » (Vie, ch. 12)

Cette sainte âme était conduite, il est vrai, par des voies extraordinaires et la prudence ne

permettrait pas d’appliquer ces règles de conduite à des personnes qu’on ne saurait pas

appelées à une vie aussi austère ; mais ces paroles du Sauveur montrent combien se trompent

ceux qui écoutent toujours les réclamations de la nature et qui, cédant toujours à la crainte

d’être incommodés, négligent la mortification.

2. Nos privations nourrissent Jésus

Deux jours après Noël, comme Françoise entrait au choeur, le Saint Enfant Jésus lui

dit : « Ma sainte Mère avait grand soin de me nourrir, et vous, qu’est-ce que vous m’avez donné

pour ma nourriture? La nourriture que je veux de vous et de toutes celles auxquelles je me suis

donné est un soin exact de retrancher les choses dont on a envie et où la nature prend vie et

satisfaction ; ainsi, en se privant pour l’amour de moi, on me donne une nourriture agréable. »

(Ch. 29.) Et une autre fois: « Je me nourris de toute chose dont vous vous privez pour l’amour

de moi ; votre jeûne sera ma réfection. » (Ch. 31.)

3. Chercher les jouissances de la nature et servir Dieu est impossible

« Celui qui veut commencer une vie sainte par la tiédeur, dit la divine Sagesse à Henri

Suso, verra bientôt ses bonnes résolutions s’évanouir. On quitte vite le bien que l’on entreprend

avec négligence. Celui qui pense vaincre son corps révolté et le sentir sous la loi de l’esprit, en

vivant au sein des délicatesses, des satisfactions sensuelles, est un insensé dépourvu de toute

espèce de jugement. Vouloir jouir du monde et servir Dieu est une impossibilité dont la

réalisation détruirait la morale et la parole de Jésus-Christ. Si tu veux me servir, il faut le faire

avec courage et commencer ton oeuvre en renonçant au monde et à toi-même. » (L’exemplaire,

liv. Ier, ch. 2.)

4. A quoi on reconnaît le vrai soldat du Christ

Le Seigneur donna à Anna-Maria Taïgi cette leçon : « Le vrai soldat ne se fait point

connaître quand il est assis en paix et respecté de tous ; chacun alors peut faire le soldat. Mais

on le connaît lorsque il reste debout dans les veilles, qu’il se passe de manger, de boire, de

dormir ; quand il combat fidèlement pour son souverain, de qui seulement il attend la

récompense. » (Vie, par Mgr Luquet, ch. 3.)

5. Importance de la mortification du goût

La bienheureuse Anne-Maria Taïgi entendit plus d’une fois le divin Maître lui dire que si la

mortification du goût semblait peu importante à plusieurs, Lui l’agréait beaucoup ; que si l’on

voulait obtenir la paix et les douceurs spirituelles, il fallait la pratiquer ; qu’en s’abandonnant à

l’excès contraire, c’était Lui renouveler les amertumes de sa passion, les insultes et les

abominations dont sa bouche divine fut alors l’objet. (Vie, par Mgr Luquet, ch. 12.)

6. Le Créateur de toutes les fontaines n’ayant pas une goutte d’eau

Un jour, Notre-Seigneur encouragea Henri Suso à endurer le tourment de la soif, en lui

disant : « Rappelle-toi, Henri, combien fut terrible ma soif lorsque j’étais sur la croix, dans les

dernières angoisses de la mort. Quoique je fusse le Créateur de toutes les fontaines, je n’ai pu

obtenir alors pour me soulager que du fiel et du vinaigre. Supporte avec patience la soif que tu

éprouves, si tu veux suivre mes traces. » ( l’Exemplaire, ch.20.)

7. Sensualité vaincue

Jaccoponi, de l’ordre de saint François, voulant se punir d’un ardent désir de manger de la

chair, suspendit dans sa cellule le morceau de chair qui avait été cause de sa tentation. Bientôt

la mauvaise odeur se répandit dans les chambres voisines. Le gardien l’enferma dans le lieu le

plus infect de monastère. Jacoponi accepta ce châtiment avec joie. Alors Notre-Seigneur lui

apparut et lui dit : « Jaccoponi, je suis venu pour te récompenser d’avoir accepté cette punition

par amour pour moi ; Demandes-moi la grâce que tu voudras et je te l’accorderai. » - La grâce

que je désire, c’est que vous me placiez en un lieu encore plus horrible, afin que je puisse y

expier mes péchés, car celui où je me trouve ne l’est pas assez. Dieu, en récompense de sa

mortification, inonda son âme de consolation.

8. Jésus aime qu'on lui sacrifie une partie du repos de la nuit

Jésus obligeait souvent la Mère Anne-Marguerite Clément, pendant qu'elle était supérieure

à Montargis, à passer ses nuits en oraison. Parlant de ces heures de la nuit : « Laisse moi agir

à présent, lui disait-Il, car je suis ami du silence et de la paix. C'est la nuit que j'ai toujours

choisie pour opérer mes plus grandes merveilles. Je veux que tu passes ce temps dans un

hommage continuel devant moi, pour réparer par ton sacrifice non seulement les outrages et

les insultes que je reçus la nuit qui précéda ma mort, mais encore pour ceux que je reçois à

présent de la part des pécheur. C'est aussi pendant la nuit que je me communique le plus aux

âmes cachées qui sont dans un silence sans interruption à l’égard des créatures. Car je suis un

Dieu jaloux qui ne souffre point de partage. » (Vie, 1915, p. 249.) Mais voulant quelquefois

céder aux besoins de son épouse, il se servait de ces paroles du cantique : « Ego dormio et cor

meum vigilat ... Dors si tu le peux, mon épouse, et moi qui suis ton coeur, je veillerai pour toi. »

(Vie, 1686, 2e part., ch. 10.)

9. L’esprit de mortification rend doux à l’âme ce qui est amer à la nature

François d’Assise86, étant en oraison, entendit la voix de son Bien-Aimé : « Mon fils, si tu

veux connaître ma volonté, il faut que tu méprises et que tu haïsses ce que tu as aimé et désiré

selon la chair. Que ce nouveau sentier ne t’effraie point, car si les choses qui te plaisent doivent

te devenir amères, celles qui te déplaisent te paraîtront douces et agréables. » A dater de ce

jour, ce qui semblait à François le plus amer se changea pour lui en douceur, pour l’âme et

pour le corps. (Ch.III.)

10. Le Sacré-coeur donne la force de se vaincre

Dans une occasion où Sainte Marguerite-Marie, étant encore novice, avait peine à se

soumettre, son divin Maître lui fit voir son sacré Corps couvert des plaies qu’Il avait souffertes

pour son amour, lui reprochant son ingratitude et lâcheté à se vaincre, pour l’amour de Lui. Que

voulez-vous donc, mon Dieu, que je fasse, puisque ma volonté est plus forte que moi ? Il lui dit

que, si elle mettait cette volonté dans la plaie de son sacré Côté, elle n’aurait plus de peine à se

surmonter. O mon Sauveur, dit-elle, mettez-l’y si avant et l’y enfermez si bien que jamais elle

n’en sorte. Elle avoua que dès ce moment tout lui parut si facile qu’elle n’eut plus de peine à se

vaincre. (Ed. Gauthey, I, pp. 83, 84.)

86 Saint François d’Assise (1182-1226). (Vie, par le R. P. Léopold de Cherancé, Paris, Poussielgue.)

11. Comment on doit polir une pierre précieuse

Notre-Seigneur apparut à sainte Rose sous la forme d’un lapidaire : il lui remit plusieurs

pierres précieuses à tailler et à polir. Comme elle objectait le peu de force de ses mains

habituées à manier l’aiguille et le fuseau, Jésus sourit : « Ne croyez pas, dit-Il, être la seule

femme que j’occupe à ce travail. » Il fit alors paraître devant ses yeux un vaste atelier de jeunes

vierges qui, armées de ciseaux, de maillet et de scies, taillaient des blocs de marbres et de

porphyre et amollissaient la pierre dure en la mouillant de leurs larmes. Ces vierges étaient

parées comme pour prendre part à un festin et Rose, s’approchant d’elles pour mieux juger de

la perfection de leur travail, s’aperçut qu’elle-même portait une parure semblable. Une lumière

se fit en elle, lui révélant que cette opération de la taille et de la sculpture des pierres

représentaient les peines, les efforts et les larmes que coûtent l’acquisition des vertus et

l’achèvement de la beauté d’une âme. (Ch. 16.)

12. Le travail et la fatigue ne dispensent pas de la pénitence

Se trouvant tout épuisée d’un travail long et pénible, la bienheureuse Crescentia Hoëss pria

le Seigneur de lui permettre d’appuyer un peu les mains sur la grille de choeur. Elle entendit

alors ces paroles : « Mon enfant, ce n’est pas ici le temps du repos. » (2 Buch, Kap. 12.)

Un jour que, fatiguée,Bénigna s’était assise pendant l’oraison, Jésus lui dit : « Ceux qui

m’ont accompagné au Calvaire avaient-ils porté un siège avec eux ? » (Notice, p. 76.) Une

autre fois, Il lui dit : « Quand tu es lasse, unis ta lassitude à la mienne. Lorsque je tombais en

gravissant le Calvaire, on me donnait des coups de pied pour me faire avancer. » (Vie, p. 181.)

13. Qui veut devenir saint doit aux souffrances bien supportées joindre une

généreuse pénitence

Saint Roch, de Montpellier, pendant la peste, se voua au service des malades. Une nuit, il

entendit ces paroles : « Roch, vous avez supporté jusqu’à présent de très grands travaux pour

l’amour de moi ; il faut maintenant que vous souffriez aussi d’extrêmes douleurs, dans la vue de

celles que j’ai endurées pour vous. » Le saint, en proie à de terribles souffrances, fut soulagé

par divers moyens ; mais lors qu’il fut guéri, il entendit encore une voix lui dire : « Roch ! Roch !

j’ai exaucé votre prière et je vous ai rendu la santé ; retournez maintenant en votre pays et y

pratiquez les exercices de la pénitence, afin que vous puissiez avoir place dans la compagnie

des saints. » (Petits Bollandistes, au 16 août.)

CHAPITRE XVI : Renoncement et mortification de la volonté

I. Invitation divines au renoncement

1. Le renoncement à la propre volonté est le vrai fondement de la vie spirituelle

Les trois premières règles d’une vie parfaite que le divin précepteur communiqua à

Catherine de Gênes furent les suivantes : « Ma fille, que jamais on ne vous entende dire : je

veux ou je ne veux pas. Vous ne direz jamais : le mien, mais toujours le nôtre. Ne vous excusez

jamais, mais soyez toujours prête à vous accuser. » Et en une autre occasion, Il lui donna cette

instruction : « Je veux que vous donniez pour fondement à votre vie spirituelle ces paroles du

Pater : Que votre volonté soit faite. Cela signifie, ma fille, que vous devez vous conformer

parfaitement à la volonté de Dieu en toutes choses, à savoir en tout ce qui a rapport à votre

corps et à votre âme, à vos parents et à vos amis, à vos propriétés, à vos joies et à vos

douleurs. » (Vie, ch. 6.)

2. Le Seigneur presse ses amis de renoncer à tout sentiment naturel et de

n’avoir que des sentiments tout surnaturels

Le Seigneur recommanda souvent à sainte Brigitte d’étouffer en elle tout sentiment

humain : « O mon épouse, si tu ne désires que moi, si tu méprises tout pour l’amour de moi,

non seulement je te donnerai en douce et précieuse récompense des enfants et des parents,,

mais aussi des richesses et des honneurs, non pas l’or et l’argent, mais moi-même, moi qui suis

Roi de gloire, je me donnerai à toi comme époux. » (Liv. Ier, ch.2.) « Si tu veux m’aimer de tout

ton coeur et ne désirer rien que moi, je t’attirerai à moi par la charité, comme l’aimant attire le

fer. » (Liv. Ier, ch. 3.)

« A celui qui ne désire que Dieu toutes les choses mondaines déplaisent ; son corps ne

désire de voir et d'entendre que ce qui est de Dieu, son âme ne se réjouit que des grâces du

Saint-Esprit ; celui-là ne peut être trompé, car l'esprit mauvais le redoute. » (Liv. 4, ch. 12)

Le Verbe éternel fit à sainte Brigitte cette triple recommandation : « 1° De ne rien désirer

que ce qui est nécessaire à la vie et les vêtements ; 2°de ne désirer les choses spirituelles que

conformément aux volontés divines ; 3° de ne s’affliger que de ses péchés et de ceux d’autrui, ?

(Liv. 4, ch. 93.)

Lui parlant un jour de Marthe et de Marie, le fils de Dieu lui dit : « Celui qui veut imiter Marie

ne doit se réjouir ni de l’honneur du monde ni de la prospérité, ni s’affliger des adversités, mais

se réjouir seulement de ce que les impies deviennent pieux, de ce que les amateurs du monde

se prennent à aimer Dieu, de ce que les bons font des progrès dans le bien et, combattant

pour le service de Dieu, deviennent plus dévots. Qu’il s’attriste encore de ce que les pécheurs

se pervertissent de plus en plus, de ce que Dieu n’est plus aimé de ses créatures et de ce que

ses commandements sont méprisés. Qu’il se dise : Je ne veux point posséder de biens

temporels, je me contente de ma petite nourriture ; je veux employer jusqu’au moindre de mes

moments à l’honneur de Dieu. Je ne veux point occuper mon esprit à ce qui est beau ou laid,

utile ou inutile à la chair, agréable ou désagréable, si ce n’est autant que cela plaît à Dieu ou est

utile à l’âme. » (Liv. VI, ch. LXV.)

Le Seigneur avait fait une recommandation semblable à sainte Gertrude ; « Que toutes tes

affections viennent se réunir dans mon coeur, c'est-à-dire que tout plaisir, toute espérance, toute

joie, toute douleur, toute crainte, en un mot, que tout tes sentiments se fixent en mon amour. »

(Liv. II, ch. V.)

« Tu devrais t’occuper de moi, dit Dieu au Bienheureux Suso, et faire moins attention à toi,

de telle sorte que, me sachant content, tu ne t’occupes pas de ce qui doit t’arriver. »Sainte

Brigitte entendit le Seigneur dire à un ange qui priait pour elle : « Dis-moi en sa présence quelle

miséricorde tu demandes pour elle. Car il y a trois sortes de miséricordes : une par laquelle le

corps est puni et on pardonne à l'âme comme il arriva à Job, mon serviteur, dont la chair fut

livrée a toutes sortes de douleurs et dont l'âme fut épargnée. La deuxième miséricorde, c'est

quand on pardonne au corps et à l'âme et qu'on les rend quittes de la peine. La troisième

miséricorde, c'est quand le corps et l'âme sont éprouvés de sorte qu'on ressente la tribulation

dans la chair et la douleur dans le coeur, comme saint Pierre, saint Paul, et autres saints. En

effet, sur la terre, les hommes sont partagés en trois états. Les uns tombent dans le péché et se

relèvent ; je permets que parfois ceux-ci aient des tribulations au corps afin qu'ils soient sauvés.

Les autres vivraient volontiers éternellement pour pécher éternellement, tous leurs désirs sont

pour ce monde ; si, parfois ils font quelque chose pour moi, ils le font pour que les biens

temporels s'accroissent. A ceux-ci ne sont pas données les tribulations de corps ni grande

affliction d'esprit, mais ils sont laissés en leur puissance et en leur propre volonté, car pour un

petit bien qu'ils ont fait pour l'amour de moi ils reçoivent sur terre leur récompense, devant être

tourmentés éternellement en l‘autre monde. En effet puisque leur volonté est de pécher

éternellement, éternelle aussi doit être leur peine. Le troisième état est de ceux qui craignent

plus mon offense que la peine qui leur en est due et qui aimeraient mieux être éternellement

tourmentés par des peines intolérables que de provoquer mon indignation. A ceux-ci sont

données des peines corporelles et spirituelles, comme à saint Pierre, à saint Paul et à d'autres

saints, afin qu'ils se purifient dans ce monde de tout ce qu'ils ont pu faire, ou bien pour une plus

grande gloire et pour l'exemple des autres. Donc, ô ange, quelle miséricorde demandes-tu pour

mon épouse ? » (L’exemplaire, ch.LII)

« Il faut que tu te sacrifie à moi sans réserve, et que tu vives avec moi d’une vie toute

intérieure et toute cachée. Par là tu arriveras à la perfection que je t’ai destinée. » La Mère

Marie du Divin coeur, qui rapporte ces paroles divines ajoute : Le bon Dieu demande de moi

que désormais je ne m’occupe plus de moi-même. Je ne dois plus penser à ce que je désire, à

ce que j’attends, à ce que je veux, à ce que je crains, à ce que je souffre et à tout ce que mon

amour-propre m’inspire, mais penser aux intérêts du coeur de Jésus, entrer dans ses

dispositions et dans ses vues, m’abandonner totalement à sa conduite, à sa providence, à son

amour. Ce n’est que de cette manière-là que j’aurai la paix et que j’arriverai à l’union avec Dieu.

(Vie, ch. III.)

3. N’aimons pas de parole et de langue, mais en action et en vérité

Voici une utile leçon donnée à sainte Catherine de Sienne par le Père éternel : « Lorsque tu

désirais faire de grandes pénitences, tu me disais : Que pourrais-je faire, que pourrais-je

endurer pour vous ? – Je te répondais intérieurement : J’aime beaucoup d'oeuvres et peu de

paroles, afin de te faire comprendre que je m’attache peu à celui dont la bouche me dit :

Seigneur ! Seigneur ! que puis-je faire pour vous ? et qui désire par amour pour moi mortifier

son corps sans vaincre et tuer sa volonté. Ce que je préfère, ce sont les actes d’une

courageuse patience et les oeuvres d’une vertu intérieure qui agit toujours sous l’influence de la

grâce. Tout ce que l’on fait en dehors de ce principe, je le regarde comme de simples paroles,

parce que ce sont des actes bornés, et moi, qui suis un être infini, je veux des actes et un

amour sans bornes ; Je veux que les oeuvres de pénitence et les autres pratiques corporelles

soient le moyen et non le but de l’âme. ? (Dialogue, ch. XI.)

4. Donner la clef de chez soi au divin Maître

Jésus la demandait à sainte Gertrude : « Si tu veux que j’aie la liberté de prendre et de faire

chez toi tout ce qui peut m’être agréable, donne-moi la clé qui me permettra de prendre et de

replacer tout ce qui me conviendra, tant pour être à mon aise que pour me refaire… »- Et quelle

est cette clef ? dit-elle. Le Seigneur répondit : « Ta volonté propre. » (Liv. IV, ch. XXIII.)

5. Sortir de soi-même, s’oublier et se perdre en Dieu

Écoutons cette recommandation faite par le Seigneur à sainte Véronique Juliani : « Tu ne

peux rien, mais je suis là, moi qui peux tout ; aussi je veux agir en toi selon mon bon plaisir pour

ma gloire et pour ton avantage. Tu n’es rien et tu ne fais rien. Je suis régnant en toi, j’y fais tout,

j’y opère tout, selon ce qu’il me plaît ; et je le fais quand je ne trouve pas toi en toi. Quand tu te

tiens hors de toi-même et en moi, alors tu es tout à moi et j’opère en toi des merveilles que tu

ne connais pas. Je ne te les fais pas connaître ,maintenant, parce qu’il y a en toi un

empêchement qui est toi-même. Dépouille-toi entièrement de toi-même ; détache-toi de tout,

alors tu éprouveras les effets de ma divine grâce ; et par elle, je te manifesterai beaucoup de

choses que, pour le moment, je te tiens cachées. » (Diario, vol. VI, p. 921.)

Notre-Seigneur enseignait à la mère Françoise de la Mère de Dieu que les âmes doivent

être désoccupées d’elles-mêmes et de ce qu’elles souffrent pour s’élever à la considération des

desseins de Dieu et des intérêts de sa gloire. (Vie, ch. XXXIII.)

6. Préférer la volonté divine à sa propre consolation

Le Seigneur instruisit ainsi sainte Gertrude : « Si quelqu’un, pour mon amour, veut

entreprendre un travail pénible, dont il appréhende quelque dérangement pour ses exercices de

piété et qu’il préfère à la consolation de son âme l’accomplissement de ma volonté, j’estime si

haut la pieuse intention de cet homme, que je l’accepte pour le fait même. Bien qu’il n’en arrive

peut-être jamais à l’entreprendre, il en aura auprès de moi la même récompense que s’il l’avait

accomplie et n’eût mis la moindre négligence à son exécution. » (Liv. III, ch. LXXXIX.)

II. Avantages du renoncement

7. La mortification la plus nécessaire et la plus efficace est celle de la volonté;

elle rend apte à recevoir les grâces

« Ah ! ma fille, dit le Seigneur à Anna-Maria Taïgi, le profit spirituel ne consiste pas dans la

pénitence ; il ne consiste pas dans la fréquente participation aux sacrements ; ni dans la

componction du coeur, mais dans la persévérante union de la volonté avec la mienne. » Il peut

se faire en effet qu’une âme communie souvent, pratique les mortifications et ne fasse que peu

ou point de progrès parce qu’elle reste attachée à sa volonté; mais, si elle y renonce pour ne

vouloir que ce que Dieu veut, elle profitera infailliblement. (Vie, par Mgr Luquet, ch. XIII.)

Anna-Maria Taïgi reçut encore cette leçon : « Qui veut suivre ma voie et marcher sur mes

traces, qui veut être vraiment à mon service, doit contredire en tout et partout sa propre volonté.

Ceux qui agissent ainsi sont mes vrais serviteurs ; ils obtiendront de moi tout ce qu’ils veulent. »

(Ibid.)

« Sache, fut-il dit encore à la même servante de Dieu, que tu auras dans cette vie un jour

bon et cent jours mauvais parce que tu dois ressembler à mon Fils. Or, dans ce monde toutes

ses bien-aimées ont souffert et se sont fait violence à elles-mêmes. Elles ont entrepris de très

rudes pénitences. Toi tu dois t’appliquer spécialement à suivre sa volonté, ta vie à toi étant toute

particulière (ses devoirs de pauvre mère de famille l’obligeant au labeur quotidien ne lui

permettaient pas de sortir de la voie commune). On y verra un jour qu’il est possible dans tous

les états et dans toutes les conditions de servir Dieu sans faire d’aussi grandes pénitences

extérieures, mais en luttant avec force contre ses passions et en se conformant à la volonté de

Dieu. C’est chose plus grande de renoncer à sa volonté et de se soumettre complètement à

celle de Dieu, que de faire les plus grandes pénitences. » (Ibid., ch. VI.)

Réfléchissant un jour, rapporte sainte Thérèse, à la peine que j’éprouvais de manger de la

viande et de ne point faire pénitence, il me fut dit que « parfois cette peine venait bien plus de

l’amour-propre que du désir de pénitence ». (Relation, 57.)

Jésus m’a dit, écrit Bénigna : « Si l’on jette une pierre dans l’eau, elle n’est pas pénétrée par

celle-ci, car elle est compacte ; mais une éponge se remplit, étant pleine d’orifices. Les orifices

sont des actes de mortification : plus l’âme en contient, plus il lui est facile de recevoir Dieu. »

(Vie, p. 351.)

8. Qui s’aime soi-même se perd, et qui se sacrifie se sauve

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, ayant demandé l’explication de cette parole de Jésus :

Qui aime son âme la perdra et celui qui hait son âme en ce monde la garde pour la vie

éternelle, reçut du Père éternel cette leçon : « Il faut, ma fille, faire attention à ces mots : dans

ce monde, et à ces autres : pour la vie éternelle, et distinguer ensuite différentes sortes

d’amour, car ce qui paraît amour n’est pas toujours amour… Ce que vous appelez amourpropre,

amour de vous-même, est la plus subtile et la plus parfaite de toutes les haines, car il

n’est pas d’ennemi dont la haine puisse vous être aussi préjudiciable que cet amour prétendu,

qui est l’auteur de tous vos maux. C’est lui qui fournit des armes au démon pour vous attaquer

et vous vaincre ; c’est lui qui me met en main la verge pour vous punir ; sans lui, comme l’a dit

mon apôtre, personne ne pourrait vous faire le moindre mal : qui vous nuira, si vous ne

cherchez que le bien ?

« Mon Verbe vous a donné une belle leçon lorsqu’Il a dit en mourant sur la croix : Mon Père,

je remets mon esprit entre vos mains. Il vous a appris par là à me remettre tout ce que vous

avez et tout ce que vous êtes, parce que tout vient également de moi. Votre être est sorti de

l’idée que j’en ai conçue de toute éternité et qui fait partie de mon essence même, car il y a en

moi rien d’accidentel, et c’est ma volonté qui a mis en exécution, dans le temps fixé par moi, ce

que j’avais résolu de toute éternité. Si donc vous revenez à moi, qui suis votre principe, comme

les fleuves qui retournent à la mer d’où ils sont sortis, vous jouirez d’un bonheur perpétuel,

parce que vous vivrez en moi, qui suis la vie de votre âme et votre souverain Bien. » (IVe part.,

ch. x.)

Très précieuses sont les leçons que Jésus donna à sa Benigna pour l’encourager à se faire

de saintes violences et à marcher dans cette voie des sacrifices qui fut toujours celle des vrais

amis de Dieu. « Bénigna, dit Jésus, peu d’âmes marchent d’un pas décidé dans la voie de

l’amour, parce que peu entrent avec générosité dans la voie du sacrifice. Si on s’arrête dans le

sacrifice, on s’arrête dans l’amour ; si l’on vacille dans le sacrifice, on vacille dans l’amour. Ma

Bénigna, ne dis jamais : C’est assez, dans l’esprit de sacrifice ; tu dirais par là même : C’est

assez, aux accroissements en toi du divin amour. Rien ne fait autant que la croix grandir

l’amour dans une âme.

Je te demande seulement la mortification, et surtout la mortification de l’esprit, parce que si

la mortification du corps est une des conditions que je recherche pour faire à l’âme des grâces

spirituelles, celle de l’esprit, je la recherche pour faire avancer l’âme davantage dans la

perfection. Ma Bénigna, avec la mortification tu me donneras des vases vides que je remplirai

d’huile ; tant que tu m’en donneras, je les remplirai, et quand tu n’en auras plus, l’huile

cessera. » (Notice, p. 77.)

« Ma Benigna, plus tu marches dans le chemin de la mortification, plus tu te rapproches de

Dieu ; c’est seulement le commencement qui coûte. Porte ton regard sur Jésus en croix et tu

verras le programme de la mortification… Après, les consolations spirituelles te

dédommageront… Plus tu mortifieras la chair, plus tu seras apte à comprendre les choses de

l’esprit…Traite ton corps comme un ennemi : ne lui donne que ce que tu ne peux lui refuser… »

P. 72.) « La mortification est comme un canal par où passent mes communications spéciales. Si

ce canal est petit, il en passe peu; s’il est grand, il en passe beaucoup. Quand tu es en doute

entre deux choses, et que tu ne sais pas quoi faire, regarde toujours où il y a plus de

mortification ; parce que, où il y a le plus de mortification, il y a plus de perfection… » (P. 73.)

« Crois-tu qu’on soit plus soulagé en s’accordant un soulagement matériel ou en se privant

par amour ? Pourquoi, parmi les religieuses, y-a-il peu de contemplatives? peu d’âmes à qui je

puisse faire des grâces extraordinaires ? Parce qu’il y a peu de mortification. J’ai beau la

chercher avec une lampe, j’en trouve peu. Cela ne vous fait guère honneur. Je vous le dis par

amour et par le désir que j’ai de vous faire de grandes grâces : Si vous n’êtes mortifiées, je ne

puis vous les faire. » (PP. 75, 76.)

« Il y a peu de saints, parce qu’il y a peu de gens mortifiés. On devrait vivre de mortifications

comme on vit de pain, et on la fuit comme on fuirait la peste. » (P. 101.) « Plus tu enlèves de ce

qui est de toi, plus l’Amour met en toi du sien. » (24 avril 1916.) « L’âme qui se mortifie rejette

du naturel ; aussitôt elle reçoit de Dieu plus de surnaturel. »

9. Qui se tient sous la dépendance constante de la volonté divine va loin dans la

perfection

Le Seigneur me dit sans cesse, raconte dans son journal sainte Véronique Juliani : « Je suis

pour toi ; et tu dois te tenir dans la dépendance en tout et pour tout, voulant tout ce que je veux,

comme je le veux, et abandonnée comme une morte à ma volonté. Si tu le fais, ce sera tout à

ma gloire et à ton profit, et tu avancera dans l’état le plus parfait d’une vie crucifiée, toute

soumise à moi, qui suis ton souverain et unique Bien. » (14 maggio 1697.)

10. La force et le courage sont donnés à qui est généreux dans le sacrifice

Jésus, pour encourager Marie-Consolata encore dans sa famille, lui dit : « Ton coeur est

faible, abattu, indécis, chancelant dans la pratique de la vertu. Il lui manque ce noble élan, cette

volonté ferme et résolue qui fait vouloir, à quelque prix que ce soit, ce qui est beau, ce qui est

saint ; mais tu l’auras, Marie, en récompense des sacrifices que tu me feras toujours plus

volontiers. » (22 mars 1903.) (Vie, p. 396.)

11. Enlevez la volonté propre : il n’y aura plus d’enfer (saint Bernard)

Les paroles suivantes furent dites par le Seigneur à sainte Brigitte : « Quiconque possède le

libre arbitre doit craindre et comprendre qu’il n’y a rien qui conduise plus facilement à la

damnation éternelle que la volonté propre, la volonté qui est sans conducteur. Par conséquent,

celui qui renonce à sa propre volonté et l’abandonne entre mes mains, de moi qui suis son

Dieu, aura le Ciel sans peine. » (Liv. V, ch. Ier.)

12. Le renoncement universel, unique moyen d’avoir l’âme toute pure

Dieu le Père dit à sainte Marie-Madeleine de Pazzi : « Le moyen unique pour acquérir la

pureté est le renoncement absolu à tout ce qui est créé : renoncement à l’être, renoncement à

l’intelligence, renoncement à la science, renoncement à la volonté propre pour ne plus vouloir

que ce que je veux et parce que je le veux. »(Ire part., ch. XXIV.)

13. Souvent des attaches inconscientes arrêtent les progrès de l’âme

Voici une grande leçon donnée par Jésus à Bénigna : « Sais-tu ce que veut dire un amour

sans réserve ? Il ne défend pas seulement les attaches plus importantes, comme seraient

celles qui regardent les créatures et les choses de ce monde, mais il descend à un examen

plus particulier et plus minutieux : il va chercher les affections qui pullulent dans le coeur même

pour des choses qui ne sont pas coupables, mais cependant ne doivent pas exister dans un

coeur qui doit être uniquement occupé de Dieu.

« Par exemple, tu aimes dans la prière à ne pas être dérangée, parce qu’il te semble que si

tu le fais sans interruption, tu la fais mieux. Tu sais que là où il y a moins de ton plaisir, il y a

plus du mien. Eh bien ! tu dois être contente quand tu ne peux pas la faire comme tu le veux,

parce que, si moi j’en dispose ainsi, c’est pour le plus grand avantage de ton âme. Dans la

sainte communion, dans la confession, dans la méditation, tu ne dois pas chercher autre chose,

que le bon plaisir de Dieu. Il peut te parler dans la sainte communion, dans la confession, dans

la méditation, tu ne dois pas chercher autre chose que le bon plaisir de Dieu. Il peut te parler

dans la sainte communion : tu écouteras ce qu’il te dit. Il peut te laisser privée du sentiment de

sa présence : sois également tranquille et contente.

« Je te veux morte : morte dans la volonté, morte dans tes goûts, morte dans tes désirs,

morte dans ton jugement. C’est celui-ci surtout que je veux voir mourir en toi. » (Vie, p. 234.)

« Il y a différentes manières de mourir, suivant la générosité et l’amour : il y a celui qui meurt

joyeusement et celui qui abandonne la vie à contre-coeur ; mais mon amour ne souffre pas de

réserve. » (p. 238.)

14. Le parfait renoncement mène à la parfaite union

Marie-Josèphe Kumi entendit un jour ces paroles du Bien-Aimé : « Quitte tes sens, renonce

à tout ce qui est et qui n’est pas, afin que tu sois unie à ce qui est au dessus de tout être. Si tu

te détaches de toi-même librement et purement, et que tu souffres par amour, tu parviendras à

l’union parfaite. » (Vie, ch. VII.)

Sainte Véronique Juliani entendit un jour au fond de son âme ces paroles de Jésus qui lui

recommandaient le même renoncement : « Je ne veux rien autre chose de toi, sinon que tu te

donnes toute entière à moi. Allons, oublie toi toi-même et oublie tout ; qu’il ne reste en toi que la

douleur de tes fautes, la connaissance de ton néant et la résignation à mon divin vouloir. »

(Diario, novembre 1703.)

« Plus tu te renonceras, plus tu t’immoleras, plus je vivrai en toi » disait Jésus à Bénigna.

(Vie, p. 231.)

15. Le détachement nécessaire pour parvenir à l’amour

Mon Jésus, quand donc vous aimerai-je ? demandait Véronique Juliani. Et elle entendit

cette réponse : « Quand tu n’aimeras pas autre chose que moi. » - Eh bien, mon Jésus,

désormais je porte toute mon affection sur vous seul, je ne veux que vous.- Et Jésus de

répondre: « Je veux l’amour, non pas en paroles, mais en oeuvres et en actes ; et tu auras ce

véritable amour quand tu seras détachée de toi et de toutes choses… » (26 marzo 1700.)

« O âme très chère, dit le Seigneur à sainte Catherine de Cènes, sais-tu qui est celui qui

trouve mon amour ? C’est celui qui a le coeur pur et net de tout autre amour. » (Dialogue, IIIe

part., ch. IV.)

III. Récompense du renoncement

16. Qui laisse tout retrouve tout

On dit dans les Dialogues de sainte Catherine de Sienne cette instruction de Dieu le Père :

« Celui qui laisse tout retrouve tout ; celui qui s’est dépouillé entièrement de soi se trouve tout

revêtu de moi ; par humilité il se fait en tout serviteur et il devient Seigneur, car il est maître du

monde et maître de ses sens. Parce qu’il s’est fait volontairement aveugle en ne voulant pas

voir, il a été environné de lumière ; parce qu’il ne veut pas espérer en lui-même, il jouit d’une foi

vive et d’une parfaite espérance ; il goûte ainsi la vie éternelle sans ressentir aucune peine,

aucune amertume. Il juge tout en bien, parce qu’il trouve en tout ma volonté et qu’il comprend à

la lumière de la foi que je cherche en tout sa sanctification. Aussi rien n’altère sa confiance. Oh !

que cette âme est heureuse puisque dans un corps mortel elle goûte un bien éternel. Elle prend

tout avec respect. La main gauche ne lui pèse pas plus que la main droite, elle aime autant la

tribulation que la consolation, la faim et la soif que la nourriture et le breuvage, le froid que la

chaleur, la nudité qu’un vêtement, la vie que la mort, la gloire que les affronts. En toutes choses

elle est calme et inébranlable, parce quelle est affermie sur la pierre vive et qu’elle voit à la

sainte lumière de la foi, et avec une forte espérance que je fais tout par amour dans l’unique but

de votre salut » (Dialogue, ch. CXVI)

17. Bonheur intime de l’âme qui pratique le parfait renoncement

La divine Sagesse instruisit ainsi son disciple Henri Suso : « Vois ceux qui travaillent

sérieusement à obtenir ce détachement que tout homme doit avoir avant tout, détachement de

lui-même et de toute chose-et il n’y en a pas beaucoup- ; toutes ces personnes ont leur sens et

leur esprit tellement perdu en Dieu, qu’elles ne savent plus rien d’elles-mêmes, et qu’elles ne se

voient plus, elles et toutes les choses que dans leur première origine, en Dieu. C’est pourquoi

elles éprouvent autant de joie et autant de plaisir dans tout ce que Dieu fait, que si Dieu était

resté inactif et qu’il leur eût laissé faire ces choses à elles-mêmes. Et c’est de cette manière

qu'elles ont la puissance du désir ; le ciel et la terre les servent et toutes les créatures leur

obéissent dans tout ce qu’elles font et dans tout ce qu’elles et dans tout ce qu’elles omettent.

Ces hommes ne souffrent d’aucune peine intérieure, car j’appelle peine, et peine intérieure,

celle dont une volonté délibérée désire être délivrée. Peut-être qu’extérieurement ils ont

ressenti de la joie, peut-être ont-ils eu, comme les autres hommes, des peines à souffrir, et

peut-être même les ont-ils ressenties plus profondément à cause de leur nature plus raffinée,

plus délicate ; mais à l’intérieur cela n’a laissé aucune trace et, extérieurement ils demeurent

fermes en face de toute attaque. Ils sont au-dessus de tout, autant qu’il est possible, à cause de

leur détachement, et leur joie demeure entière et perpétuelle en tout. Dans l’essence divine, où

leur coeur est noyé, si toutefois cela leur est donné, il n’y à place ni pour les souffrances, ni pour

les chagrins, il n’y a que joie et paix. Quand, par fragilité humaine, on a commis un péché, il est

juste qu’on en éprouve de la douleur et du chagrin, et le bonheur en est d’autant diminué. Mais

plus on évite le péché, plus on sort de soi-même, pour aller se perdre là ou il n’y a plus ni

souffrance ni douleur, là où la douleur n’est plus de la douleur, où les souffrances ne sont plus

des souffrances, plus vite aussi on trouve la paix la plus pure en tout, plus vite on trouve le vrai

bonheur. Tout cela n’arrive que dans le renoncement à la volonté propre ; alors on est poussé

de soi même, par une puissance irrésistible, vers la volonté éternelle de Dieu, vers sa justice, et

on éprouve dans cette volonté, tant de bien-être, cette volonté est tellement douce et tout ce

que Dieu envoie alors à l’âme lui devient si agréable qu’elle ne veut ni ne désire rien autre

chose. » (L’exemplaire, ch. XXXIV.)

18. Quels sont ceux qui sont dans le coeur de Jésus

Une nuit, raconte sainte Véronique Juliani, pendant que je faisais oraison, je vis sortir du

côté du Sauveur une liqueur qui répandait une odeur de Paradis. Et elle remplissait une sorte

de fontaine qui se trouvait devant le Seigneur ; j'y voyais beaucoup d'âmes s'y plonger. Le

Seigneur me fit comprendre que c'étaient les âmes pures qui s'étaient données à Lui tout

entières. (Diario, vol. 1er, p. 401)

Une nuit que je faisais oraison, raconte encore la même sainte, Notre-Seigneur me montra

le lieu ou je devais habiter : ce lieu était le Coeur de Jésus. Mais ceux qui veulent y faire leur

séjour doivent se dépouiller de tout, n'avoir qu'une seule pensée, celle de plaire a Dieu seul;

n'avoir d'autre volonté que la volonté divine. Pour entrer dans cette demeure, ils doivent

prendre les trois clefs qui en ouvrent la porte, et ces clefs sont l'humilité, le mépris et la

mortification universelle. (Diario, vol. 2, p. 721)

19. Ceux qui se dépouillent de leur volonté habitent dans la plaie du côté de

Jésus

« Sache, dit une autre fois a la même sainte le divin Sauveur, sache, ô mon épouse bienaimée,

que je donnerai comme demeure à quiconque fera ma volonté la plaie de mon côté. »

Alors, raconte la sainte, Il me la fit voir, et j'appris que ceux qui y habitent étaient fort peu

nombreux, j'en demandai la raison et Jésus me dit : « Tous veulent ma volonté, mais peu

veulent se dépouiller de la leur; Or, qui tient à sa propre volonté ne peut vouloir la mienne et

n'entrera jamais dans mes plaies. » (Vol. 6, p. 919.)

20. Celui qui ne veut que ce que Dieu veut a son coeur dans le coeur de Dieu

Les paroles suivantes furent dites par le Seigneur à sainte Brigitte : « Préfère ma volonté à

la tienne ; ma Mère, votre Souveraine, depuis le commencement de sa vie jusqu’à la fin, n’a

jamais fait autre chose que ce que je voulais. Si tu fais cela, ton coeur sera dans mon coeur et

sera enflammé de mon amour ; et, comme ce qui est sec et aride est facilement enflammé par

le feu, de même ton âme sera remplie de moi et je serai en toi, de sorte que toutes les choses

temporelles te seront amères et toute volupté charnelle te sera comme un poison. Tu te

reposeras dans les bras de ma divinité où il n’y a aucune volupté charnelle, mais il y a joie et

délectation spirituelle ; l’âme qui se remplit de joie intérieurement et extérieurement ne pense ni

ne désire autre chose que la joie dont elle tressaille. Aime-moi donc tout seul et tu auras à

foison tout ce que tu voudras. » (Liv. Ier, ch. Ier.)

21. Dieu demeure avec délices dans la volonté qui a renoncé à tout vouloir humain

« Celui dont la volonté ne désire rien avec plus d'ardeur que d'apprendre que Dieu est

honoré, qui ne veut vivre que pour pouvoir servir Dieu, celui-là plaît à Dieu ; Dieu demeure en

sa volonté avec délices et contentement, ll détourne tous les dangers qui le menacent, Il rend

doux les écueils qui autrement seraient fort dangereux. Ces écueils, ce sont les mauvais

désirs... Mais tout homme qui ne désire pas plus entendre ses louanges ou celles du monde

que d'entendre souiller un air empesté, qui mortifie son corps et ses appétits et déteste la

volupté abominable de la chair peut demeurer en repos et rester joyeux, car Dieu est à toute

heure avec lui. » (Ibid, liv. 4, ch. 44.)

IV. Pratique du parfait renoncement

22. Sois sourde, aveugle, muette, insensible, sans désir et sans volonté

Après une de ses retraites, Marguerite-Marie écrivit ces paroles de son Bien-Aimé : « Voici

la plaie de mon côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle ; c’est là que tu pourras

conserver la robe d’innocence dont j’ai revêtu ton âme afin que tu vives désormais de la vie

d’un Homme-Dieu ; vivre comme ne vivant plus, afin que je vive parfaitement en toi ; pensant à

ton corps et à tout ce qui t’arrivera, comme s’il n’était plus ; agissant comme n’agissant plus,

mais moi seul en toi. Il faut pour cela, que tes puissances et tes sens demeurent ensevelis en

moi, que tu sois sourde, aveugle, muette et insensible à toutes les choses terrestres, voulant

comme ne voulant plus, sans jugement, sans désir, sans affection et sans volonté que celle de

mon bon plaisir, qui doit faire toutes tes délices ; ne cherchant rien hors de moi, si tu ne veux

faire injure à ma puissance et m’offenser grièvement, puisque je te veux être toutes choses.

Sois toujours disposée à me recevoir, je serai toujours prêt à me donner à toi, parce que tu

seras souvent livrée à la fureur de tes ennemis. Mais ne crains rien, je t’environnerai de ma

puissance et serai le prix de tes victoires. Prends garde de ne jamais ouvrir les yeux pour te

regarder hors de moi. Qu’aimer et souffrir à l’aveugle soit ta devise : Un seul coeur, un seul

amour, un seul Dieu ! » (Ed. Gauthey, II, p. 188.)

23. Le détachement doit s’étendre aux plus petites choses

Un jour que Marie-Dominique Moess, encore enfant, montrait quelque attache à certains

vêtements, Notre Seigneur lui apparut couronné d’épines, chargé de sa croix et avec un visage

plein de tristesse : « Je veux, dit-Il, que tu sois à moi sans réserve ; c’est pourquoi je ne souffre

pas que tu attaches ton coeur à un objet terrestre. »

Vers la même époque, elle prit goût à la lecture des livres profanes ; ces lectures la

rendirent bientôt plus froide et plus négligente dans le service de Dieu. Son divin Epoux exigea

d’elle qu’elle y renonçât. Il se montra à elle, l’affliction peinte sur le visage ; son coeur paraissait

sur la poitrine tout entouré de rayons. Indiquant du doigt ce coeur sacré, Il lui dit : « Vois, ma

chère enfant ce que mon coeur aimant souffre pour toi. Que de fois j’ai frappé à la porte de ton

coeur et tu ne m’as pas ouvert ! As-tu donc oublié que tu t’es donnée à moi sans réserve,

puisque tu reprends ce qui est à moi ? Ma chère enfant, regarde mon coeur aimant qui seul

peut te rendre heureuse. Laisse la lecture des livres profanes car elle te conduirait à ta perte.

Laisse au monde ses frivolités et reviens de nouveau entièrement à ton divin Epoux. Dans

l’amour de mon coeur divin, j’oublierai tout à fait ton infidélité. Recommence donc sérieusement

aujourd’hui à te sacrifier sans partage pour les intérêts de mon coeur qui t’aime tant. » (1 Teil,

Kap. VII. N° 2.)

Ma fille, dit un jour le divin Maître à Marie-Céleste, tu crois être totalement détachée des

créatures, mais tu te trompes. Tu ne vois pas le fond de ton coeur et tu n’aperçois pas les

mouvements qui t’agitent. La partie la plus noble et la plus spirituelle de ton âme est dominée,

de temps à autre, par le désir de la partie inférieure, soucieuse de voir les créatures répondre à

son affection. Tu donnes entrée à ce sentiment, non pas d’une façon délibérée, mais par

mollesse d’esprit, recherchant la satisfaction et le plaisir qui te sont proposés. Cela déprime la

fermeté de ton âme et la trouble, car ce désir ne tend pas purement vers moi et ne peut qu’avilir

ton coeur… Ne cherche pas à contenter ce désir ni quant à l’estime, ni quant à l’affection de

quelque créature que ce soit, car tout cela ne serait autre chose que vouloir vivre dans leur

coeur et les sentir vivre dans le tien. » (Vie, p.153.)

24. Jésus demande à ses amis un détachement complet

Gemma Galgani se défaisait même des saintes images que pourtant elle aimait beaucoup;

Il lui semblait qu’elle était plus légère quand elle avait renoncé à tout objet qui n’était pas

d’absolue nécessité… Jésus m’a dit, répétait-elle souvent : « Souviens-toi que je t’ai créée pour

le ciel ; tu n’as rien à voir avec la terre. » Jésus, dit-elle un jour, le père confesseur me parle

toujours de détachement ; je n’y comprends rien, car je n’ai plus rien et je ne sais de quoi je

dois encore me détacher.- « Et cette dent du vénérable Gabriel, lui dit le Sauveur, n’y es-tu pas

trop attachée ? » - Mais enfin, Jésus, s’écria-t-elle, c’est une relique précieuse. « Ma fille, Jésus

te le dit, cela suffit. » (Biografia, cap. XVI.)

Reproche adressé par Jésus à Benigna « Tu t’es relâchée dans la mortification, dans la

fidélité, dans le recueillement. Je n’abandonne pas ton âme, mais je reste comme dans un coin.

Je suis comme lié dans ton coeur et c’est quand tu commets quelque imperfection que tu me

lies. Une personne liée ne peut en aider une autre. » (18 mai 1914.) (Vie, p.336.)

25. Le renoncement doit être de tous les instants

Notre-Seigneur m’a dit, rapporte la Mère Marie de Divin coeur, que je devais me détacher de

plus en plus de moi-même et des créatures en cherchant les souffrances dans sa compagnie,

en profitant de toutes les occasions et en faisant de toutes les petites contrariétés et

souffrances autant d’actes d’amour. Je devais vous prier de me laisser le visiter plus souvent à

la chapelle. Il me disait aussi que je ne devais chercher en rien mon contentement, que je

devais même sacrifier la joie d’être avec Lui et les faveurs que je reçois de Lui pour accomplir,

si l’occasion s’en présente, quelque acte de charité envers le prochain. Il m’a encouragée à

m’unir de plus en plus à Lui par la croix. (Vie, ch. XII.)

CHAPITRE XVII : Patience et amour des croix

I. Invitation divines à souffrir patiemment

1. Dieu demande non pas la tendresse du coeur mais le courage et l'énergie

Henri Suso, qui s'était plaint à Dieu de ses croix, se trouva un peu soulagé, la paix revint, et

il entendit en lui-même ces paroles célestes : « Henri, tu ne comprends pas assez les paroles et

les actes du Christ souffrant. Sache que Dieu ne se contente pas d’un coeur bon et sensible,

comme est le tien ; Il veut encore plus de toi. Il veut, lorsqu’on te maltraitera en paroles et en

actes, que tu supportes tout patiemment; Il veut que tu meures entièrement à toi-même, que tu

ne prennes pas ton repos de chaque jour avant d’être allé vers tes adversaires et d’avoir

apaisé, autant que cela te sera possible, la colère de leur coeur, par des paroles et des actes

doux et humbles. C’est par cette douce humilité que tu leur enlèveras leurs armes et que tu

rendras leur méchanceté impuissante. C’est là le chemin antique de la perfection, que le Christ

a enseigné à ses disciples, lorsqu’Il leur a dit : Je vous envoie comme de petites brebis au

milieu des loups. » (L’Exemplaire, ch. XXXI.)

2. Jésus apprend à souffrir

Le jour de la Purification, Jésus qui voulait instruire le bienheureux Henri Suso, lui apparut

sous la forme d’un enfant et lui dit : « Henri, tu ne sais pas souffrir, je vais te l’apprendre.

Lorsque tu as une peine il ne faut pas en attendre la fin, il ne faut pas désirer de la voir finir ;

mais tant qu’elle dure, il faut te préparer à accepter avec patience celle qui va suivre. Il faut

imiter la jeune fille qui cueille des roses : lorsqu’elle en détache une du rosier, cela ne suffit pas,

elle se propose intérieurement d’en cueillir encore bien d’autres. Fais de même : prépare-toi

lorsqu’une peine finit à en rencontrer bientôt une autre. » (L’exemplaire, ch XXII.)

C’est dans les épreuves surtout que s’exerce l’amour. Jésus l’expliqua ainsi à Benigna :

« Quand tu souffres, que ce soit des souffrances spirituelles ou temporelles, rends-les tout à fait

précieuses en t’appliquant à souffrir par pur amour. C’est en cela que la plus grande partie des

personnes même pieuses et dévotes, diminuent leurs mérites, qu’elles vont racontant ce

qu’elles souffrent, et même quand elles ne se plaignent pas, elles désirent que les autres le

sachent. Cela ne plaît guerre à mon divin coeur, qui, quand il envoie la souffrance, veut qu’elle

soit acceptée avec grande résignation et patience. Elles croient peut-être alléger leurs maux en

les faisant connaître aux créatures ; elles donnent seulement du soulagement à la nature, mais

elles affaiblissent l’esprit et après elles ne se trouveront plus capable de souffrir quelque chose

par pur amour. » (P. 23.)

3. Jésus reproche à l’homme sa lâcheté

Dieu envoya à Henri Suso tant de douleurs, qu’il tomba presque dans le désespoir. Le jour

suivant, son coeur entendit ces paroles : « Henri, où est-elle donc cette noble chevalerie ?

Qu’est ce donc que ce chevalier de paille, cet homme de drap ? Ce n’est pas en faisant des

promesses téméraires, quand on est en paix, et en reculant ensuite, quand arrive la souffrance,

qu’on gagne l’anneau éternel que tu désires. » Henri répondit : Hélas ! Seigneur, les tournois où

il faut souffrir pour vous durent si longtemps ! Il lui fut alors répondu : « Mais la récompense,

l’honneur et l’anneau dont j’honore les chevaliers durent éternellement ! » Le serviteur ne

pouvant répondre à cela dit humblement : Seigneur, j’ai tort, permettez-moi de pleurer tout seul

dans mes souffrances, car mon coeur déborde. - « Comment, tu veux pleurer comme une

femme ? Tu en rougiras de honte devant toute la cour céleste. Essuie tes yeux et montre-toi

joyeux, afin que ni Dieu ni les hommes ne voient que tu as pleuré à cause de tes souffrances. »

(L’Exemplaire, ch. XLVII.)

4. Deux parties de jeu avec Jésus

Sainte Rose était affligée d’un violent mal de tête ; elle reçut la visite de Jésus, qui lui

dit : « Nous allons faire ensemble une partie de jeu, et celui qui sera vainqueur prescrira le prix

de sa victoire. » La partie eut lieu et fut gagnée par Rose, qui demanda un soulagement à son

mal et l'obtint. Le divin visiteur reprit : »J'espère que vous allez me donner une revanche ? »

Volontiers, répondit-elle. Une nouvelle partie s'engage, et la victoire reste à Jésus. Quelle

récompense me demandez-vous, Seigneur, lui dit la jeune vierge ? « C'est votre patience que

j'exige » ; et sur-le-champ, sa douleur devint si violente qu'elle passa la nuit sans sommeil.

5. Prédilection de Jésus pour ceux qui, souffrant, Lui ressemblent davantage

Jésus dit à Gertrude : « Je veux que tu apprennes la patience. » Comment et pourquoi

pourrais-je l'apprendre ? « Considère premièrement combien un roi honore de son amitié celui

qui lui ressemble le plus en toute chose, et par conséquent juge de mon affection pour toi,

quand tu souffres des mépris semblables à ceux que j'ai soufferts. Vois secondement avec quel

respect on tient à la cour celui qui a le plus de ressemblance avec le roi et qui est le plus avant

dans son amitié, et juge par là quelle gloire t'est réservée dans le Ciel pour ta patience. Pense

troisièmement combien la compassion tendre et délicate d'un ami fidèle donne de consolation à

son ami, et apprends par là avec quelle tendresse je te consolerai moi-même au Ciel pour les

moindres pensées qui t'affligent en ce moment. » (Liv. 3, ch. 30.)

6. L'âme souffrante, compagne de Jésus

Le divin Maître m'a montré, dit Gertrude-Marie, deux voyageurs cheminant dans la route de

l'exil, l'un portant habituellement le fardeau et l'autre le portant de temps à autre, quand il plaît

au Voyageur Chef et Maître d'essayer les forces de sa pauvre et faible compagne. Ces deux

voyageurs sont Jésus et l'âme. Jésus m'a dit: « Je porte souvent le fardeau tout seul, mais ces

jours-ci je te l'ai donné. » (15 mai 1907.)

« Si tu méditais tous les jours ma passion, tu aurais moins peur de la souffrance. » (6

octobre 1907.)

« On aime Dieu dans la mesure où l'on est généreux. Toujours sourire à la douleur... Enfant,

buvons au même calice, au calice de la tristesse, de l'angoisse, de la douleur, buvons et

enivrons-nous. » (21 octobre 1907.)

7. Jésus aussi a été mal jugé

Une fois, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy, je vis venir à moi une

personne qui m'avait témoigné beaucoup de tendresse dans le passé ; elle me reprocha

brusquement de ne pas faire assez de pénitences. J'avais alors la fièvre et on m'avait saigné ce

jour-là. Ce coup me fut sensible. J'allai au choeur et Notre-Seigneur me dit: « Pourquoi vous

affliger ? Ne devriez-vous pas vous réjouir de ce qu'on vous méprise comme une personne de

rien? J'en ai souffert autant et même plus pour les hommes. Les maximes du monde sont bien

différentes des miennes ; je n'agrée rien plus que la souffrance, la mortification et la patience. »

(Ch. 29.)

8. Jésus sur la croix n'avait point d'oreiller

Sainte Brigitte, ayant fait faire un lit plus somptueux que de coutume, fut frappée à la tête

par une main invisible si fortement qu'à peine pouvait-elle se remuer à cause de la douleur

qu'elle ressentait, et elle entendit ces paroles « J'ai été suspendu sur la croix et ma tête ne

reposait point sur un oreiller, et toi tu recherches avec tant de soin le repos. » (Rével extrav.,

53.)

9. Jésus en a souffert autant

Plusieurs des Pères franciscains et des plus instruits avaient des doutes au sujet de

Marguerite de Cortone et la croyaient victime d'illusions. La sainte pénitente en fut toute

consternée, se demandant elle-même avec de terribles angoisses si toute sa vie, ses

révélations, ses visions, ses consolations n‘étaient pas une insigne tromperie. Pour la consoler,

le Seigneur lui dit : « Ma fille, ne t'étonne pas si les Frères diffèrent d'opinion à ton égard et s'ils

en discutent, puisque moi-même, le vrai Fils du Dieu vivant, j'ai été l'objet de semblables

doutes. » (Vie intime, ch. 5, § 9.) Est-il une de nos peines dont nous ne puissions dire : Jésus l'a

soufferte Lui aussi et plus cruellement que moi ?

10. Nos souffrances réjouissent Jésus

Notre-Seigneur, raconte sainte Véronique Juliani, s'est montré à moi couvert de plaies, mais

ces plaies étaient brillantes, surtout celles des mains et des pieds. Dans celle de son côté

sacré, il y avait un beau joyau que le Seigneur considérait de telle sorte qu'on voyait qu'il y

prenait un souverain contentement. « Connais-tu ce joyau », me dit-Il. Non, répondis-je, mais je

pense qu'une âme aimante vous a fait ce présent en endurant quelque souffrance, car je vois

bien qu'il est sorti des souffrances. Alors, le Seigneur tout joyeux me dit : « Sache, ma bienaimée,

que par les souffrances que tu as endurées ces deux derniers jours avec résignation, tu

m'as procuré le plus grand contentement. Chaque fois que tu as protesté ne vouloir autre chose

que mon bon plaisir, tu as rendu plus brillantes mes saintes plaies. Et moi, avec toutes tes

souffrances, j'ai formé ce joyau que je tiens dans mon côté ; je le regarde avec une souveraine

complaisance, et toujours je le regarderai, et par mes regards amoureux je le rendrai de plus en

plus beau. Vois combien me plaisent tes souffrances »(Diario, 27 marzo 1694.)

11. L'âme souffrante est pour Jésus un jardin de délices

Cette sainte eut un jour la vision d'un très beau jardin dans lequel se promenait l'Enfant

Jésus. « C'est, lui dit-Il, le lieu où je prends mes délices cachées. » Et Véronique apprit que ce

jardin était son âme et que Jésus voulait y planter de nouveau les semences des souffrances,

afin qu'elles produisissent pour Lui des fruits délicieux. Alors Il lui montra un lieu très obscur

fermé par une porte si petite qu'elle faisait peur; la pensée qu'elle devait y aller pour souffrir

toute sorte de peines la remplissait d'effroi. « Sois tranquille, lui dit le Seigneur, j'y serai avec toi,

mais caché. Et, quand tu devras endurer ces souffrances, je te montrerai mes plaies, pour

qu'elles t'inspirent le désir de souffrir. » Il lui montra encore un précipice tel que sa seule vue

faisait trembler. « Tu auras encore cette peine, dit le Sauveur, et il te semblera être précipitée

au fond de l'enfer. Mais, avant que tu passes par ce tourment, je te fortifierai par la rénovation

de mes saintes plaies. » Le Seigneur lui fit voir ensuite un lieu rempli de serpents venimeux. A

ce moment, Jésus parut tout couvert de son sang qui coulait à terre abondamment. « Ces

serpents, lui dit-Il, sont les offenses que me font les pécheurs ; et, comme tu es leur médiatrice,

tu dois voir ce spectacle et en souffrir grandement. Ta peine en sera si cruelle que jamais tu

n'en éprouvas de semblable...Ne crains pas, sois forte dans toutes les luttes et toutes les

contrariétés que je permettrai, non pas maintenant, mais quand je voudrai. Je suis pour toi ; que

cela te suffise » (Diario, 23 giugno 1697)

12. Qui s'approche de Jésus s'approche des épines

Le Seigneur disait souvent à saint Paul de la Croix, pour le préparer à sa mission future, les

paroles qui furent dites à Ananie de son saint patron: « Je te ferai voir bientôt combien tu dois

souffrir pour mon nom. » Un jour que le saint jeune homme (il avait alors vingt-cinq ans) priait

devant le Saint Sacrement, le Seigneur lui dit : « Mon fils, qui s'approche de moi s'approche des

épines. » (Vie, par le P. Thomas de Jésus agonisant, ch. 4.)

13. Que de souffrances perdues, que de trésors gaspillés !

Notre-Seigneur me dit souvent, raconte la Soeur Saint Martinien : « Tu vois combien mes

pauvres enfants se donnent de la peine pour travailler, combien je leur envoie de souffrances

pour leur montrer que je suis leur maître ; malgré cela ils ne pensent pas à m'offrir leurs travaux

et leurs souffrances. Je t'en prie, toi qui m'es si chère, toi qui as bien voulu me permettre de

t'associer à mes souffrances, console mon Coeur, il en a besoin, en m'offrant, en union avec ce

que j'ai fait et ce que je fais encore pour eux, leurs souffrances, leurs travaux, leurs peines. »

(Lettre du 20 septembre 1861.)

14. Jésus demande de réparer les souffrances perdues

Jésus apparut un jour à sainte Véronique Juliani avec une grande Croix qu'Il lui mit sur les

épaules: «Voilà, lui dit-Il, l'enseigne de mon amour ; je t'en fais présent. » La sainte fut tellement

accablée de cet écrasant fardeau qu'elle tomba a terre. Jésus la releva et lui dit : « Je te fais

éprouver cette souffrance en réparation de toutes les souffrances que tu as fuies et, afin que tu

souffres davantage, je te quitte », et ll disparut. (Diario, 15 maggio 1697.)

15. Quelle vertu sur la terre et quelle gloire au Ciel veulent-ils avoir ceux qui ne

veulent pas souffrir ?

La Soeur Mechtilde entendit le Seigneur lui tenir ce langage : « Cet homme ne veut pas être

malade, il ne veut pas être méprisé ; sur quoi édifierai-je sa gloire ? » Seigneur, quand l'homme

est dans la maladie ou dans le mépris, avec quoi édifiez-vous sa gloire? « Quand il est malade,

il m'honore, il me sert, il m'aime rien que par une gaie patience ; dans le mépris, il m'aime et il

m'attend. » (Liv. 5, ch. 18 ;éd. lat., cap. 16.)

II. Avantages des souffrances

16. Le Seigneur est tout près de ceux dont le coeur souffre

La vénérable Anne de Jésus avait été privée de la communion quotidienne. Pour la

dédommager d'un sacrifice aussi pénible, Dieu permit qu'elle conservât pendant toute une

journée la sensation de la sainte hostie, comme si celle-ci était demeurée attachée à son palais,

et Notre-Seigneur lui fit entendre ces paroles : «Je fais cela afin que tu sois assurée que je suis

plus que jamais avec toi. » (Vie, t. 2, liv. 5, ch. 7.)

« Je te l'ai dit souvent, dit Jésus à la bienheureuse Varani, plus tu te croiras abandonnée du

Seigneur, plus, en réalité, tu seras rapprochée de Lui. » (Vie, par la comtesse de Rambuteau,

ch. 6.)

17. Dieu, par les épreuves, attire à Lui les humbles et Il les glorifie

Il y avait dans un couvent, au temps de sainte Brigitte, un frère malade depuis trois ans dont

le pied pourrissait et laissait couler la moelle. Admirable de patience, il avait toujours Jésus

dans son coeur et dans sa bouche, disant sans cesse : ô Jésus très bon, ayez pitié de moi. Il

disait encore: je désire, je désire, oui, je désire ce que je ne peux dire. Comme on lui demandait

ce qu'il désirait, il répondit: Dieu ! De le voir je me réjouis et même je tressaille d'un tel bonheur

que pour le posséder, je donnerais bien cent ans en cette infirmité. Il mourut une nuit, et le jour

suivant, sainte Brigitte entendit ces paroles : « Ô ma fille, parce que les seigneurs et les maîtres

ne veulent point venir à moi, j'attire à moi les pauvres ; ce pauvre ignorant a trouvé aujourd'hui

plus de sagesse que Salomon, des richesses qui ne vieillissent pas et une couronne qui ne se

flétrira jamais. » (Liv. 6, ch.30.)

18. Les plus fidèles sont les plus éprouvés

Sainte Brigitte entendit le Seigneur dire à un ange qui priait pour elle : « Dis-moi en sa

présence quelle miséricorde tu demandes pour elle. Car il y a trois sortes de miséricordes : une

par laquelle le corps est puni et on pardonne à l'âme comme il arriva à Job, mon serviteur, dont

la chair fut livrée a toutes sortes de douleurs et dont l'âme fut épargnée. La deuxième

miséricorde, c'est quand on pardonne au corps et à l'âme et qu'on les rend quittes de la peine.

La troisième miséricorde, c'est quand le corps et l'âme sont éprouvés de sorte qu'on ressente la

tribulation dans la chair et la douleur dans le coeur, comme saint Pierre, saint Paul, et autres

saints. En effet, sur la terre, les hommes sont partagés en trois états. Les uns tombent dans le

péché et se relèvent ; je permets que parfois ceux-ci aient des tribulations au corps afin qu'ils

soient sauvés. Les autres vivraient volontiers éternellement pour pécher éternellement, tous

leurs désirs sont pour ce monde ; si, parfois ils font quelque chose pour moi, ils le font pour que

les biens temporels s'accroissent. A ceux-ci ne sont pas données les tribulations de corps ni

grande affliction d'esprit, mais ils sont laissés en leur puissance et en leur propre volonté, car

pour un petit bien qu'ils ont fait pour l'amour de moi ils reçoivent sur terre leur récompense,

devant être tourmentés éternellement en l‘autre monde. En effet puisque leur volonté est de

pécher éternellement, éternelle aussi doit être leur peine. Le troisième état est de ceux qui

craignent plus mon offense que la peine qui leur en est due et qui aimeraient mieux être

éternellement tourmentés par des peines intolérables que de provoquer mon indignation. A

ceux-ci sont données des peines corporelles et spirituelles, comme à saint Pierre, à saint Paul

et à d'autres saints, afin qu'ils se purifient dans ce monde de tout ce qu'ils ont pu faire, ou bien

pour une plus grande gloire et pour l'exemple des autres. Donc, ô ange, quelle miséricorde

demandes-tu pour mon épouse ? »

L'ange répondit : je demande la miséricorde de l'âme et du corps afin qu'elle expie en ce

monde toutes ses fautes et qu'aucun de ses péchés ne vienne en jugement. Et le Seigneur dit:

« Qu'il soit fait selon ta volonté. » (Liv. ler, ch. 36.)

19. Avantages admirables accordés ici-bas à ceux qui souffrent patiemment

Dieu révéla à Henri Suso les grâces qu'Il répandait en cette vie sur les affligés : «

Réjouissez-vous, ayez courage, vous tous qui souffrez avec patience, car vous serez

magnifiquement récompensés. Ici-bas, beaucoup vous prennent en pitié ; mais les anges et les

élus dans le Ciel se réjouiront éternellement de votre gloire et de l'honneur dont vous jouirez.

Vous êtes morts avec moi, avec moi aussi vous ressusciterez. Je vous ferai en particulier trois

dons si précieux, que personne ne pourra assez les estimer. Premièrement, je vous donnerai la

puissance du désir dans le Ciel et sur la terre ; tout ce que vous désirerez recevra son

accomplissement. Ensuite, je vous donnerai ma paix divine, et personne, ni les anges, ni le

démon, ni les hommes, ni aucune créature, ne pourra vous la ravir. Enfin, je veux vous baiser et

vous embrasser avec tant d'amour que moi et vous, vous et moi, que nous deux nous ne ferons

qu'un toujours et éternellement.87 De plus, comme une longue attente est pénible pour un Coeur

87 Jean, 17, 21-23

impatient, cet amour n'aura pas la plus petite interruption pendant l'heure présente, mais au

contraire, après avoir commencé ici-bas, il durera éternellement, autant que la mortelle

humanité et que la nature de chacun pourra plus ou moins le supporter. » (L'Exemplaire, ch.

34.)

20. Récompense ineffable de la patience

Sainte Gertrude, demandant pour une personne qui s'était gravement blessée, qu'elle ne

mourût pas des suites de l'accident, le Seigneur lui répondit avec bonté : « Il n'y a pas de

danger, mais pour cette douleur elle recevra une incomparable récompense, une récompense

sans fin et même tous les autres membres qui se sont mis en devoir de soulager celui-là et de

le guérir de sa douleur, obtiendront aussi une récompense sans fin. » Mon Seigneur, comment

les membres qui s’assistent ainsi mutuellement peuvent-ils avoir tant de mérites, puisqu'ils ne le

font pas afin que le membre souffre plus patiemment ou davantage pour votre amour, mais

seulement dans le but de le soulager ? Le Seigneur répondit : « Lorsque le remède a été

appliqué à la blessure et ne l'a point guérie, la souffrance que l'on endure encore avec patience

pour mon amour a été sanctifiée par cette parole que dans mon agonie j'adressais à mon Père ;

Mon Père, s'il est possible, faites que ce calice passe loin de moi ; et pour elle, on gagne un

grand mérite et une incomparable récompense. » N'avez-vous pas pour plus agréable, mon

Dieu, que l'on souffre patiemment pour votre amour tout ce qui peut se présenter, que si l'on se

montre patient alors qu'il n'y a aucun moyen d'échapper ?

« Ceci est caché dans l'abîme de mes jugements et surpasse l'intelligence humaine. Mais,

autant qu'un homme peut y comprendre quelque chose, il en est de cette double souffrance

comme de deux couleurs d'une grande beauté, que les hommes trouvent l'une et l'autre si

riches qu'il leur est difficile de distinguer celle qui mérite la préférence. »

Alors la sainte demanda au Seigneur qu'il donnât une vraie et effective consolation à cette

personne, par ces paroles, quand elles lui seraient rapportées. Il lui répondit: « Non, mais sache

que je lui refuse cette vive consolation par une secrète dispensation de ma Providence, afin de

l'éprouver davantage et de la rendre plus recommandable, spécialement en ces trois vertus : la

patience, la foi et l'humilité. En la patience, car, si elle ressentait de ces paroles autant de

consolation que tu en éprouves, toute sa douleur s'amortirait tellement que son mérite en serait

amoindri; en la foi, afin qu'elle croie davantage sur le rapport d'autrui ce qu'elle n'éprouve pas

elle-même, parce que la foi n’a plus de mérite quand la raison humaine apporte son

expérience ; en l'humilité, afin qu'elle se persuade que d'autres ont sur elle cet avantage de

connaître, par inspiration divine, ce qu'elle-même ne mérite pas de savoir. » (Liv. 3, ch. 70.)

21. Tout le bien de l'âme est dans la souffrance

« Ma fille, dit Jésus à sainte Mechtilde, tout ce qui est sur la terre ne saurait donner de joie à

une seule âme ; toute sa gloire et son salut consistent dans la souffrance et la tribulation. Ainsi

qu'une étoffe de soie est douce et moelleuse, ainsi toute souffrance et toute tribulation est

douce pour l'âme qui aime vraiment Dieu. » Cela est vrai au commencement de la souffrance,

répondit Mechtilde au Seigneur, quand elle saisit l'âme dans le fort de son affection, mais quand

elle augmente, elle lui devient bien lourde. » Sans doute, reprit le Seigneur, mais, quand on

porte un vêtement de soie orné d'or et de pierreries précieuses, on ne le rejette pas à cause de

sa pesanteur, on ne l'en tient que pour plus distingué et plus précieux; ainsi l'âme fidèle ne

refusera pas la souffrance par la raison qu'elle est trop cuisante; elle s'y attachera au contraire

avec amour, parce que ses vertus s'y anoblissent et que son mérite s'en accroît à l'infini. » (2°

part., ch. 25.)

22. Les desseins d'amour que le Seigneur a sur les âmes s'accomplissent par la

souffrance

Une religieuse de la Visitation de Metz avait demandé et Marie- Catherine Putigny de bien

la recommander au Seigneur. Un jour, celle-ci lui dit : Je prie chaque jour pour vous et chaque

jour une même réponse de mort se fait entendre à mon âme : « Le temps que je lui accorde doit

être rempli par la souffrance; qu'elle n'attende donc et n‘espère pas autre chose. J'ai sur elle de

grands desseins d'amour; par la souffrance seule ils pourront s'accomplir; qu'elle me laisse

donc faire. » Un autre jour que cette sainte religieuse demandait au Seigneur de perfectionner

son oeuvre en cette soeur, il lui fut répondu : « Je le ferai, mais ce sera rude. » (Ch. 16.)

C'est une leçon semblable que Jésus donnait à Benigna Consolata, encore dans le monde:

« Ne me limite pas tes sacrifices, ô mon épouse; est-ce que je te limite mes grâces, moi? je t'en

donne au-delà de tes désirs et plus que tu n'oserais jamais espérer ; je te les donne même sans

que tu me les demandes. Aurais-tu pensé à me demander la grâce de cette peine intérieure qui

te fait tant souffrir ? S'il y a une chose que tu abhorres, c'est bien celle-là... C'est justement pour

cela que je te la donne... je me plais à habiter dans les coeurs affligés et oppressés pour mon

amour, parce que là où l'on souffre davantage, on aime aussi plus purement. » (3 et 4 juillet

1903.) (Vie, p. 373.)

23. Pourquoi Dieu permet que ses amis soient délaissés

Agnès de Langeac, à laquelle son ange avait prédit de grandes douleurs, n'oublia point qu'il

lui avait promis aussi l'assistance de son divin Époux. Voyant que, d'après le traitement de son

confesseur, il n'y avait plus personne à qui elle pût avoir recours sur la terre, elle s'en alla dans

une chapelle ou il y avait un crucifix de bois; elle s'étendit de tout son long devant l'autel et

s'écria : C'est à vous, mon cher Époux, que j'ai recours, puisque toutes vos créatures m'affligent

et me rejettent. L'image sainte répondit: « C‘est moi, ma chère fille, qui le permets ainsi, afin

que tu délaisses toute créature et que tu te donnes tout à moi. Et, quoique les langues ne

manquent pas au monde pour te calomnier, ni les maux pour t'opprimer, prends bon courage, je

te serai fidèle, fais que tu me le sois, et ne crains rien. » (lère part., ch. 18.)

24. Dieu afflige pour mieux récompenser

« Ma fille, dit le Seigneur à sainte Gertrude, il m'arrive souvent d'affliger mes amis

particuliers de quelque infirmité temporelle, ou de quelque désolation spirituelle, ou de quelque

peine semblable, afin que, lorsqu'ils désirent les biens opposés à ces maux, l'amour jaloux que

j'ai pour eux dans mon Coeur s'applique à les récompenser plus largement, selon le bon plaisir

de ma libéralité. » (Liv. 3, ch. 32.)

Le Seigneur dit à Catherine de Gênes : « Tu comprendras mieux par l'expérience que par le

raisonnement la cause des grandes souffrances par lesquelles tu dois passer. Sache cependant

que je fais à l’âme un Purgatoire de son corps; par ce moyen j'augmente sa gloire afin de

l'attirer à moi sans autre Purgatoire. Pour y parvenir, je frappe sans cesse à la porte du coeur de

l'homme; s'il consent et m'ouvre, je le conduis avec une sollicitude continuelle au degré de

gloire pour lequel je l'ai créé. Et s'il voyait, s'il comprenait le soin avec lequel je m'occupe de son

salut et de son avantage, il s'abandonnerait à moi sans réserve ; il laisserait et mépriserait le

reste quand bien même il pourrait avoir tout ce que j'ai créé, et pour ne point perdre mon

assistance qui le conduit à la gloire suprême, il n'est sorte de martyre qu'il n'endurât volontiers.

L'homme n'ayant d'autre temps que celui de la vie présente pour purifier son âme en mon

amour, n'est-il pas bien misérable et bien fou de s'occuper d'autre chose et de perdre ces

moments précieux qui lui sont donnés uniquement pour cet effet, sans que jamais il en puisse

avoir d'autres, et qui, une fois passés, ne reviennent plus. Écoute donc, ô âme très chère,

écoute ma voix, ouvre tes oreilles à ton Seigneur, lequel t'aime de la plus vive tendresse et te

fait infiniment de bien. Personne autre que Lui ne peut t'en faire; car tu es enveloppée d'une

foule de péchés, tu es plongée dans les misères et chargée d'une masse de mauvaises

habitudes ; ma lumière t'en fera voir la gravité par ta propre expérience, lorsque tu seras

délivrée. » (Dialogue, 2° part., ch. 6.)

Au Carmel d'Avila, une religieuse fut atteinte de la lèpre. Dieu permit sans doute ce fâcheux

accident pour éprouver sa grande vertu, car c'était une sainte. La bienheureuse Anne de Saint-

Barthélemy et une autre soeur demandèrent et obtinrent d'en avoir soin. L'odeur épouvantable

que répandait le corps de la malade suffoquait toutes les soeurs qui approchaient de la cellule.

Anne de Saint-Barthélemy pria le Seigneur avec larmes de soulager la malade, dont les

souffrances étaient affreuses ; mais le Seigneur fit comprendre à la bienheureuse qu'il destinait

cette âme à une très grande gloire et Il lui dit: « Elle n'a pas encore assez gagné de mérites ; il

n'est pas expédient de finir ses souffrances et de lui ôter ses peines. » (Vie, ch. 24.)

« Je t'afflige, dit le Seigneur à Marguerite de Cortone, pour te donner de nouvelles

consolations. » (Ch. 4, § 18.)

25. Opération de la pureté divine dans l'âme chérie de Dieu

Le Seigneur donna à Madeleine Vigneron l'explication suivante des épreuves qu'elle

endurait : « Ma pureté divine est si grande qu'il y a peu de créatures vivant ici-bas qui la

puissent souffrir, d'autant que l'application de cette divine pureté sur une âme est une entière

destruction des mauvaises racines provenant du misérable péché d'Adam, de laquelle peu de

personnes ont une connaissance pratique, telle que je désire qu'ait ma petite âme. Et, pour la

lui communiquer,je la veux faire passer par les rigoureuses souffrances que Dieu, mon Père,

m'a fait endurer, puisqu'elle m'appartient comme épouse. Il faut donc qu'avant qu'elle vienne à

mon Père, j'exécute sur elle ce qu'Il a exécuté sur moi, afin qu'Il puisse la recevoir dans son

royaume éternel, ainsi qu'Il m'y a reçu. » (3° part., ch. 33.)

Leçon donnée par Notre-Seigneur à Marie-Céleste ; « Ma fille, tu ne pourras jamais assez

comprendre combien les créatures sont esclaves de leur amour-propre, de l'orgueil et de la soif

des jouissances. Ce sont là autant de chaînes très lourdes qui attachent l'âme à la terre.

Cependant, dans ma bonté et ma providence, je viens à leur secours pour rompre peu à peu

tous ces liens. Je ménage des épreuves qui contrarient ces inclinations naturelles, si nuisibles à

l'avancement spirituel. Oui, ma fille, grand est le préjudice que l'amour-propre fait à l'homme.

Cet amour pernicieux est le premier à naître et le dernier à être vaincu et peu d'âmes arrivent à

la perfection de cette victoire. De la vient qu'il y a si peu de parfaits, quoique beaucoup

s'essayent à la vie parfaite. Un nombre sont arrêtés en chemin sans comprendre la nature de

l'obstacle. » (Vie, p. 386.)

26. Comment le vigneron céleste taille sa vigne

Le Sauveur, dans son discours après la Cène, a dit a ses disciples : « Je suis la vraie vigne

et mon Père est le vigneron ... Tout sarment qui porte du fruit, Il l'émonde, afin qu'il en porte

davantage. » Le Père éternel expliqua ainsi à sainte Catherine de Sienne cette parole de son

Fils : « Apprends, ma fille, ma conduite envers mes serviteurs qui sont unis à mon Fils bienaimé

par leur fidélité à suivre ma doctrine. Je les taille pour qu'ils portent beaucoup de fruits et

que ce fruit soit excellent et non pas sauvage. Les rameaux de la vigne sont coupés par le

vigneron pour que le vin soit meilleur et plus abondant ; et les branches qui ne portent pas de

fruit sont retranchées et mises au feu. je fais de même, moi qui suis le vigneron véritable ; je

taille par la tribulation les serviteurs qui sont en moi, afin que leur vertu soit éprouvée et donne

des fruits plus abondants et plus parfaits, Ceux qui sont stériles sont retranchés et jetés au feu.

» (Dialogue, ch. 24.)

27. L'olive et le raisin doivent être écrasés

La bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy, à la suite d'une lumière que Dieu lui avait

donnée, était persuadée qu'elle irait en ·France et qu'elle aurait beaucoup à y souffrir. La nature

appréhendait vivement ce voyage, mais Notre-Seigneur lui dit : « L'olive et le raisin ne donnent

leur liqueur qu'après avoir passé par le pressoir ; tous ceux qui m'ont aimé ont passé par le

chemin de la croix ; je veux que tu fasses de même. » A une religieuse de son monastère qui

désirait ardemment que le projet de fondation en France échouât, parce qu'elle prévoyait pour

ses soeurs de nombreuses souffrances, Notre-Seigneur dit : « Ceux qui prennent le miel de la

ruche doivent s'attendre à recevoir quelques coups d‘aiguillon, mais ils emportent le miel. »

(Vie, ch. 26.)

28. L'âme enténébrée par les émanations de la chair reçoit la lumière par le

moyen des souffrances

Vous m'avez révélé plusieurs fois, dit Gertrude au Seigneur, que l'âme demeurant dans le

corps, qui est si fragile, se couvre de ténèbres, ainsi qu'une personne qui se trouverait au milieu

d'une habitation étroite d'où s'échapperait une épaisse vapeur, comme celle que produit un

vase plein d'eau bouillante, en serait enveloppée de tous côtés. Vous m'avez dit aussi que

quand le corps éprouve quelque souffrance, l'âme reçoit de la partie souffrante comme une

éclaircie produite par les rayons du soleil et la clarté se fait en elle d'une merveilleuse manière.

Plus la souffrance est générale ou intense, plus l'âme reçoit de clarté. Mais, plus spécialement,

l'affliction et les épreuves du coeur dans l'humilité, la patience et autres vertus semblables

éclairent d'autant plus l'âme qu'elles la touchent de plus près et plus fortement. Mais ce qui

donne le plus de lumière et d'éclat, ce sont les oeuvres de la charité. (Liv. 2, ch. 15.)

29. La souffrance conduit à l'amour

« Demande des peines et des tourments, dit Jésus à Véronique juliani, là se trouve mon

amour. » (Diario, 16 aprile 1699.) « Allons, il est temps de demander des grâces. Apprends une

bonne fois et sache bien que la souffrance est le chemin de l'amour. L'un et l'autre vont

ensemble. » (19 aprile 1699.) «Je te ferai cette grâce (de t'accorder une vive douleur de toutes

tes fautes) afin qu'elle te prépare à tout ce que je veux opérer en toi ; et je te la fais afin de te

faire connaître que toutes ces oeuvres sont miennes. Ne doute pas, ne crains pas, je suis pour

toi. Je te confirme dans la voie de la souffrance. Par là, je veux que tu trouves le moyen de

m'aimer, de te détacher de tout, de n'avoir pas d'autre volonté que la mienne. » (12 agosto

1699.)

30. Comment la souffrance égale l'amour

Cette même sainte vit un jour deux plateaux d'une balance d'or. Notre-Seigneur lui dit

qu'une seule chose peut se balancer avec l'amour, c'est la pure souffrance. Mais, mon Dieu, ditelle,

quelque grandes et nombreuses que soient les souffrances, elles ne sont rien quand on les

met en contrepoids avec votre amour infini. Elle reçut du Seigneur cette réponse: « C'est vrai,

mais unies à mes mérites, trempées dans mon sang, mises dans la fournaise de mon amour,

elles deviennent participantes de cet amour ; alors elles lui ressemblent et peuvent être mises

dans la même balance. » (23 luglio 1693.) (T. 2, appendice, p. 160.)

31. Les oeuvres faites sans peine sont moins solides que les autres

« Quand tu vois des difficultés dans les affaires que tu traites, dit le Seigneur à Anna-Maria

Taïgi, quand tu y trouves des peines, des contrariétés et des obstacles, sache que ces choses

me sont chères et agréables, qu'elles finissent par arriver à bien. Les choses faciles semblent

bonnes, mais il s'y trouve un secret poison. Elles réussissent tout d'abord, puis elles se

gâtent. » (Vie, par Mgr Luquet, ch. 9.)

32. Le meilleur des pâturages est celui qui est mêlé de ronces et d'épines

La bienheureuse Crescentia Hoëss eut un jour une longue extase après sa communion. Le

Sauveur lui apparut et lui dit: « Je suis le bon Pasteur et je donne ma vie pour mes brebis. »

Oui, mon Bien-Aimé, répondit-elle, tu es le bon Pasteur et l'Agneau de Dieu que je viens de

recevoir sous les espèces du pain. « Tu es ma chère brebis, et tu le seras pendant l'éternité »,

dit encore Jésus, et Il lui montra un pâturage riche et gras, mais semé de ronces et d'épines : «

Vois-tu, dit-Il, ce pâturage? A la vérité, il est rempli d'épines, cependant il est très bon, et même

c'est le meilleur ; car mon amour, te nourrissant de nombreuses souffrances, te conduit jusqu'à

moi et te rend semblable à moi. Pendant ma vie mortelle, la souffrance fut mon aliment

quotidien. Je veux qu'il en soit ainsi pour toi, parce que tu es ma brebis chérie. Je te donnerai

toujours le secours de ma grâce et, après cette vie, je te nourrirai de jouissances inexprimables

et je t'abreuverai d‘un torrent de délices. Grandis donc dans mon amour et marche dans la voie

de la croix jusqu'à ce que tu viennes me rejoindre dans mon royaume. » (2 Buch, Kap. 8.)

33. La souffrance est bonne qui empêche le péché

Dans ma société, raconte la soeur Mechtilde, il y a une personne religieuse dont j'eus

beaucoup à souffrir, car elle ne voulait m'obéir en rien. Notre-Seigneur, à qui je m'en plaignais,

me dit : « Vois d'où cela vient. » Je vis alors un démon qui l'éloignait de tout ce qui pouvait être

bon. Je dis au démon : Qui t'a donné ce pouvoir ? Et le démon répondit : je ne tiens ce pouvoir

que de sa propre volonté. Je lui dis alors : Qui pourra aider cette pauvre femme à se délivrer de

toi? Contraint par Dieu, le démon répondit: Personne ne peut l'aider que sa propre volonté, car

Dieu lui a donné le pouvoir de changer ses sentiments. Si elle le fait, je l'aurai bientôt

abandonnée. Alors mon âme parla ainsi au Seigneur : Mon bien-aimé, souvenez-vous de la

peine que je souffre de cette personne et changez ses sentiments par votre divine douceur.

« Non, dit le Seigneur, elle n'est pas digne de recevoir ma suavité, mais je vais l'affliger dans

son corps, et la maladie la paralysera si bien qu'elle ne pourra suivre aucune voie de péché. Je

la rendrai si muette qu'elle ne pourra proférer de mauvaises paroles. Elle sera si aveugle qu'elle

aura honte de voir la vanité. Cependant, ce qu'on lui fait alors, c'est à moi qu'on le fait. » Et

réellement, tout cela lui arriva quatorze jours plus tard. Alleluia. (Liv. 2, ch. 10.)

34. La vraie fidélité se manifeste dans l'épreuve

Anna Maria Taïgi reçut du Seigneur ces conseils : « La véritable sanctification consiste à

supporter en patience les épreuves intérieures et extérieures. Une âme qui souffre patiemment

les tribulations qui lui viennent des créatures est plus grande qu'une pénitente. Ah ! ma fille, tout

le monde désire mon amour, tout le monde désire ma paix, tout le monde voudrait goûter mes

délices ; mais le voile d'amour-propre qui couvre les yeux fait rechercher les biens temporels,

les commodités de la vie et les honneurs. A quoi sert-il de dire : J'ai du bonheur â être humilié,

car par amour pour Dieu je serais disposé à tout souffrir, attendu que mes péchés méritent

l'enfer? Et en même temps, à peine ai-je soumis à la plus légère épreuve ceux qui parlent ainsi

qu'ils s'agitent, s'inquiètent et manquent de résignation. C‘est là vraiment une belle fidélité ! La

fidélité se montre alors qu'on souffre au dedans et au dehors sans proférer une parole, toujours

égal à soi-même, sans se permettre une plainte avec qui que ce soit. Celui qui possède la

patience a tout. » (Vie, par Mgr Luquet, ch. 13.)

35. Plaisir de chanter refusé

Un jour de fête, empêchée de chanter par un mal de tête, Gertrude demanda au Seigneur

pourquoi ll permettait souvent que cela arrivât les jours de fête. « De peur qu'entraînée par le

plaisir de chanter, tu n'en deviennes moins propre à recevoir la grâce.» Votre grâce, Seigneur,

pourrait me prévenir contre un tel accident ? « Il y a plus d'avantage pour l'homme à ce qu'une

telle occasion lui soit dérobée par la souffrance, car il aura le double mérite de la patience et de

l'humilité. » (Liv. 3, ch. 30, n° 7 ; éd. lat., p. 186.)

36. Prix inestimable des peines causées par l'amour divin

Notre-Seigneur révéla à sainte Thérèse le prix de cette si haute grâce, qui consiste dans la

peine ineffablement douloureuse produite par le désir de Dieu qui semble très éloigné. Cette

peine causée par le sentiment de l'absence du Bien-Aimé ravit l'âme hors d'elle-même et lui fait

éprouver les souffrances qu'on endure en Purgatoire.88 Comme Thérèse avait des craintes sur

cette nouvelle faveur, Jésus lui dit: « De ne pas craindre et de plus estimer cette grâce que

88 Simple remarque : cette faveur, qui allait jusqu'à produire des extases, était une grâce mystique de

premier ordre. Il y a donc des grâces mystiques, et elles sont nombreuses et fréquentes, qui ne supposent

pas dans l'âme le sentiment intime de la présence de Dieu. Ceux qui prétendent que tout état mystique

consiste dans ce sentiment de la présence de Dieu émettent une opinion nouvelle et certainement

inacceptable.

toutes celles qu'll lui avait faites ; l'âme se purifiait dans cette peine, elle y était purifiée et

travaillée comme l'or dans le creuset, afin que sa main divine pût mieux étendre sur elle l'émail

de ses dons ; enfin elle endurait là les peines qu'elle aurait endurées dans le Purgatoire. » (Vie,

ch. 20.)

37. La souffrance rend plus puissant à obtenir des grâces

Voici de belles paroles de Jésus à Véronique Juliani : « Ton repos sera de souffrir pour le

salut des âmes. » (6 aprile 1700.) « Maintenant que tu es dans la souffrance, c'est le temps des

grâces. » (17 settembre 1700.) « Maintenant c'est le moment de recommander les ordres

religieux, tes soeurs et le monde entier, puisque je te fais participante de cette grâce insigne de

ressentir les douleurs qu'éprouva ma sainte Humanité, quand elle opéra le salut des hommes,

comme mon Père éternel l'avait ordonné. » (3 décembre 1700.)

« Tu peux t'approcher plus près de mon Coeur, dit Jésus a Gertrude-Marie, parce que tu

souffres. Tu as le droit de me demander davantage. Presse la croix que je te donne et il en

sortira des grâces abondantes pour la personne que tu me recommandes. » Et un peu après

Gertrude-Marie ajoute : « Plus la persécution se déchaînera, a promis Jésus, plus je

m'approcherai de mes fidèles amis, de mes enfants bien aimés ; plus je leur demanderai de

souffrances avec moi et pour moi. » (17 octobre 1907.)

38. Remède bien salutaire

Sainte Mechtilde, malade, consentit à prendre une potion qui redoubla ses souffrances. Le

Seigneur dit à une âme qui priait pour elle : « De cette douleur que lui a causée la potion qu'elle

a prise hier au soir, par égard aux prières des autres et afin de m'être agréable, j'ai composé un

salutaire remède pour tous les pécheurs du monde et pour les âmes du Purgatoire. » (En sainte

Gertrude, liv. 5, ch. 4.)

39. Les souffrances accélèrent et la sanctification d'une âme et

l'accomplissement de sa mission

La Mère Marie du Divin Coeur, ayant vu sa maladie empirer et ses souffrances redoubler,

s'excitait à des actes d'espérance, à une joyeuse constance et s'abandonnait à l'amour de son

Dieu. Alors, dit-elle, «Il me fit savoir ceci en l'honneur de sa sainte Mère: l'accroissement des

douleurs doit hâter ce qui autrement eût été le résultat d'efforts et de travaux prolongés pendant

des années entières. C'est en considération de mon ardent désir de m'unir à Lui et de son désir

de s'unir à moi (quelle condescendance !) qu'Il a décidé cela. Il m'assura que par la souffrance

mes travaux atteindraient plus tôt leur but, que ma tâche serait accomplie plus tôt et que plus

vite serait complété le nombre des âmes que je dois sauver, d'après le choix de sa grâce, de

telle sorte que serait accompli, quoique autrement, tout ce que désirent Lui, N., N., etc. » (Vie,

ch. 8)

40. Les peines sont utiles et à ceux qui les endurent et à ceux pour qui elles sont

offertes

On lit dans le Dialogue de sainte Catherine de Sienne ces enseignements de Dieu le Père:

« Souffrez les épreuves avec une vraie patience, avec une douleur sincère de tout ce qui

m'offense, avec un amour ardent de tout ce qui peut glorifier mon nom. Vous satisferez ainsi à

vos fautes et à celles de mes autres serviteurs. Vos peines, rendues efficaces par la puissance

de la charité, pourront expier et mériter pour vous et pour les autres. Pour vous, vous recevrez

le fruit de vie ; les fautes qui vous sont échappées seront effacées et je ne me rappellerai pas

que vous les avez commises; pour les autres je prendrai votre charité en considération et je leur

donnerai selon les dispositions avec lesquelles ils vous recevront. A ceux qui recevront avec

respect et humilité mes serviteurs, je remettrai la faute et la peine, parce qu'ils parviendront à la

connaissance et à la contrition de leurs péchés. » (Dialogue, ch. 3.)

41. L'épreuve tient lieu de purgatoire

Sainte Lutgarde, étant devenue aveugle, se plaignit un jour de ne plus voir ceux qui lui

étaient chers. « Patience, lui dit Jésus, ne te suis-je pas plus précieux que tous tes amis ? Ce

sera ton Purgatoire et tu n'en auras pas d'autre. Quant à tes amis, je les garderai de telle sorte

que tu puisses les revoir tous dans la patrie. » (Ch. 6.)

III. Epreuves spirituelles, aridités, impuissance

42. La consolation et la désolation, la paix et la guerre se succèdent dans toute

vie humaine

Notre-Seigneur, raconte sainte Thérèse, voulant un jour me consoler, me dit avec beaucoup

d'amour de ne pas m'affliger, « que nous ne pouvions dans cette vie être toujours en un même

état ; tantôt je sentirais de la ferveur et tantôt j'en serais privée ; tantôt je serais en paix, tantôt

dans l'inquiétude et les tentations, mais je devais espérer en Lui et ne rien craindre. » (Vie, ch.

40.)

43. Pourquoi Dieu retire la grâce sensible quand on la désire davantage

Priant pour une personne qui se plaignait d'une froideur plus grande les jours où elle devait

communier, Gertrude reçut cette réponse du Seigneur: « Cela ne se fait pas par hasard, mais

providentiellement. Quand je communique la grâce de la dévotion dans les jours ordinaires ou

l'âme ne s'y attend pas, j'oblige par là le coeur de l'homme à s'élever vers moi, lorsque peut-être

il resterait enfermé dans son corps. Mais quand, aux jours de fête, au moment de la

communion, je soustrais la grâce sensible, les élus s'en exercent davantage aux saints désirs

ou à l'humilité, et cette application, cette contrition, profite plus à leur salut que ne le fait souvent

la grâce de la dévotion. » (Liv. 3, ch. 18, n° 13 ; éd. lat., p.158.)

44. Dans la sécheresse l'âme doit se souvenir qu'elle est aimée de Dieu

Notre-Seigneur chargea la Mère Françoise de consoler la Soeur Marie du Saint-Esprit, qui

était dans une grande peine intérieure: « Dites-lui que si elle savait l'amour que j'ai pour elle et

ce que j'ai fait et fais encore pour son intérêt, elle ne s'étonnerait point des choses passagères,

ni des dispositions différentes qu'il faut porter, mais elle reconnaîtrait que c'est par grande

miséricorde que je les permets et elle s'y soumettrait humblement. Quand elle se voit seule, nue

et dénuée de tout bien, lui dit une autre fois Notre-Seigneur parlant de la même Soeur, qu'elle

me regarde et qu'elle m'adore dans la croix tout nu pour son amour et qu'elle cherche en moi ce

qui lui manque ; elle l'y trouvera pour elle ; et si elle se détache de tout, je la revêtirai de moi et

suppléerai si elle m'est fidèle.» Un autre jour, parlant de cette même Soeur, Notre-Seigneur dit à

la Mère Françoise : « Allez la consoler. » Françoise répondit : Que lui dirai-je pour la consoler ?

« Dites-lui que j'ai plus d'amour pour elle dans cette disposition de pauvreté (c'est-à-dire quand

elle est pauvre de mes grâces sensibles) que lorsqu'elle a de la dévotion ; car par cet état

j'accomplis le dessein que j'ai sur elle ; et dites-lui qu'elle ait patience et qu'elle me cherche

jusqu'à ce qu'elle m'ait trouvé soit par quelque recueillement intérieur, soit par quelques actes

d'humiliation profonde, confessant véritablement devant moi qu'elle ne mérite rien, ou louant ma

bonté et ma miséricorde à son égard. » (Vie, ch. 9.)

45. Dieu nous cache notre amour pour que nous désirions toujours plus aimer

La Mère Françoise de la Mère de Dieu priait pour une personne : Seigneur, disait-elle, elle

dit toujours qu'elle ne vous aime point ; faites donc qu'elle vous aime autant que vous le voulez.

Il lui répondit: «Voyez-vous, ma fille, je tiens son coeur en moi et tout l'amour qui y est; mais je

ne le lui fais pas connaître, afin que, désirant toujours m'aimer, elle augmente sa ferveur et me

cherche sans relâche. » (Vie, ch. 28.)

46. Combien les sécheresses sont profitables

« Tant que tu seras sur cette terre, dit Jésus a Marguerite de Cortone, tu seras affligée de

peines aussi nombreuses que variées et, bien que je sois toujours avec toi, tu ne goûteras pas

sans interruption la joie de ma présence, car si tu en jouissais continuellement tu ne sentirais le

poids ni de la tribulation, ni de l'affliction, ni d'aucune tentation, quelque pénible qu'elle fût. »

(Vie intime, ch. 5, § 11.)

« Pourquoi chercher le Paradis sur terre, puisque je ne l'y ai pas trouvé moi-même, bien que

ma divinité fût unie à mon humanité. » (Ibid, § 10.)

Benigna éprouvant de grandes sécheresses craignit que ce fût en punition de quelque faute

inconsciente. Jésus la rassura: « Il ne faut pas, dit-il, que Benigna pense mal d'elle-mème. Je

fais violence à mon Coeur de la traiter ainsi, mais je le fais pour ton bien. En ce temps-là, tes

actions sont dans une banque comme un capital qui rapporte cent pour un : tu gagnes plus en

un jour qu'en un an à petit intérêt. » (30 mai 1935 ; Vie, p. 334.)

Déjà, étant encore dans le monde, elle avait eu une longue période d'aridité et le 25 juillet

1906, Jésus lui avait dit : « Écoute, Marie, ton épreuve va finir : voilà deux ans que tu endures

cette aridité ; je veux t'en délivrer. Ma joie, je t'ai fait beaucoup souffrir, mais sois-en heureuse :

pendant ce temps tu as fait de si rapides progrès qu'on en reste émerveillé. Tu ne les vois pas,

parce que je ne le veux pas. Au lieu même de te croire meilleure, tu sens davantage ta

faiblesse et ta misère ; mais moi qui te vois et qui te connais jusqu'au fond, je puis t'affirmer que

tu as beaucoup changé, presque complètement, et cela dans le bref espace de deux ans. Oh !

combien est efficace le travail de ma grâce dans une âme qui n'y oppose aucune résistance ! »

(Vie, p. 393.)

Une autre fois Il lui dit : « ll y a plus de valeur dans un Ave Maria dit avec une ferveur non

sensible, mais de pure volonté, que dans un rosaire récité en temps de consolation. » (Notice,

p. 92.)

« Quand j'ai souffert sur la croix de l'abandon de mon Père, est-ce que mon Père ne

m'aimait pas ?... Il ne pouvait pas ne pas m'aimer et pourtant il agissait comme si je lui fusse

devenu odieux. » (Août 19l4.)

47. Dieu retire ses consolations pour rendre l'amour plus pur

Paroles de Dieu le Père à sainte Catherine de Sienne : « Après s'être purifiée du péché

mortel et s'être reconnue coupable, l'âme qui veut parvenir à la perfection commence à pleurer

par crainte du châtiment; puis elle s'élève à la considération de ma miséricorde, où elle trouve

son bien-être et son avantage. Elle est encore imparfaite et, pour la faire arriver à la

perfection... après ces deux états, je me retire d'elle de temps en temps, non par grâce, mais

par sentiment. C'est ce que mon Fils annonçait lorsqu'il disait aux disciples : je m'en vais et je

reviendrai vers vous. Tout ce qu'Il disait en particulier à ses disciples était dit en général à tous

les hommes présents et futurs. Je te dis de même : pour faire sortir l'âme de son imperfection,

je me retire d'elle d'une manière sensible et je la prive de la consolation qu'elle avait d'abord...

mais, si je me retire quelquefois, elle ne perd pas la grâce, elle n'en perd que le sentiment. »

(Dialogue, ch. 63.)

48. Les consolations préparent aux sacrifices et les sacrifices aux consolations

Les consolations du reste ont souvent pour but de préparer l'âme aux sacrifices ; elles sont

donc moins précieuses que les sacrifices eux-mêmes et par conséquent souvent moins

salutaires que les sécheresses : « Quand un berger, disait Jésus à Françoise, a destiné une

brebis pour être tuée et sacrifiée, il l'engraisse et la nourrit jusqu'au temps ordonné pour le

sacrifice. » (Vie, ch. 13.)

Ô mon Souverain Maître, demandait Marguerite de Cortone, apprenez-moi pourquoi j'ai eu

tant à souffrir en ce temps? « C'est que je veux, répondit Notre-Seigneur, te donner de

nouvelles consolations. Pour cette raison, tu auras a subir le choc d'une nouvelle horde

d'ennemis qui t’assailliront sans trêve ni merci. Mais ne crains rien, je te protégerai. » (Vie

intime, ch. 4, § 18.)

49. Les goûts intérieurs sont souvent le fruit de généreux efforts

Seigneur, demandait sainte Mechtilde, de quoi peut servir l'effusion de vos grâces aux

personnes qui n'en ressentent pas de goût intérieur? Le Sauveur répondit: « Lorsqu'un homme

reçoit de son seigneur un verger plein de fruits, il ne peut toutefois connaître le goût des fruits

avant qu'ils ne soient venus à maturité. De même, lorsque j'épanche sur une âme les dons de

ma grâce, elle n'en perçoit pas toujours la saveur de la délectation intérieure, jusqu'à ce que par

la pratique des vertus extérieures, la dure enveloppe de la délectation terrestre étant brisée, elle

mérite enfin de goûter l'amande de la suavité intérieure. » (7° part., ch. 8.)

50. La grâce n'est pas moins précieuse quand elle est moins consolante et moins

discernable

Sainte Gertrude se voyant privée des visites habituelles du Seigneur lui en demanda la

raison ; Jésus lui répondit: « Un trop grand rapprochement empêche quelquefois les hommes

de se voir, comme, par exemple, quand ils s'embrassent ; ils sont alors privés du plaisir de se

voir. » Elle comprit que la soustraction qui se fait parfois de la grâce sensible contribue à

l'accroissement du mérite, pourvu que, pendant qu'on endure cette aridité, on n'apporte pas de

la lâcheté dans ses exercices de piété.

Un jour qu'elle considérait que Jésus la visitait de sa grâce d'une autre manière que

précédemment, le Seigneur lui dit: « Autrefois je t'instruisais par de fréquentes réponses qui te

permettaient de manifester aux autres mon bon plaisir ; maintenant, quand tu pries, je ne te fais

plus sentir qu'en esprit mon inspiration : je fais alors comme si j'amassais dans ton âme les

richesses de ma grâce, qui permettront à chacun de trouver en toi ce qu'il y voudra chercher. »

(Liv. 1er, ch. 17.)

Ainsi Jésus annonça-t-ll aussi un jour à sainte Marguerite de Cortone qu'Il diminuerait le

nombre de ses communications : « Tu recevras par mon ange des révélations, et je te parlerai

encore, mais plus rarement. » (Vie intime, ch. 5, § 40.)

Une autre fois, ll la prévint qu'elle passerait par des désolations intimes : « Ne t'étonne pas

si après m'avoir reçu en paix, tu éprouves encore des peines et des tribulations : il me plaît

d'éprouver ainsi ta foi en te privant des joies de ma présence. Tant que tu me sentiras près de

toi, aucune épine ne te déchirera. Quand tu me crois éloigné, tu t'affliges ; cependant ma grâce

demeure, bien que tu n'en goûtes pas la suavité. » (Ibid, 7, § 7.)

Les sécheresses et désolations intérieures sont, en effet, voulues de Dieu pour le bien de

ses meilleurs amis : « Aujourd'hui, dit-Il un jour à sainte Véronique Juliani, je te veux dans les

ténèbres. » (19 luglio 1697.) Et on voit par le journal de cette grande sainte qu'elle passait fort

souvent par de grandes aridités et impuissances. Le Seigneur donna à Marie-Céleste cette

règle : « Dans toutes tes peines et croix tu te réjouiras et tu feras de même dans les aridités et

désolations intérieures autant que dans les consolations. Comme le feu produit une flamme

brillante avec le bois sec et non avec le bois vert, ainsi mon divin amour, au temps de l'aridité et

des peines consume plus purement, plus parfaitement, plus fortement le coeur dans la vraie

charité. » (Vie, p. 59.)

Benigna se plaignait à Jésus de ne pas sentir la douleur de ses péchés. Jésus lui dit : « Estu

moins riche en offrant un billet de mille francs dont tu ne sens pas le poids, que tu ne l'es en

portant dans une bourse vingt francs de billon, qui te pèsent ? » (Vie, p. 117.) Souvent quand la

sensibilité opère, petite est la part de la volonté.

51. La vraie marque de l'état de grâce. Il ne dépend pas de nous d'avoir des

consolations spirituelles

Sainte Thérèse se plaignant au Seigneur de son incertitude au sujet de son âme, tremblant

de n'être pas en état de grâce, le Seigneur la rassura : « Ma fille, la lumière est très différente

des ténèbres ; je suis fidèle, personne ne se perdra sans le savoir ; ce serait se tromper que de

vouloir fonder son assurance sur les douceurs spirituelles ; l'assurance vraie, c'est le

témoignage d'une bonne conscience. Mais que nul ne pense pouvoir par lui-même demeurer

dans la lumière : cela n'est pas plus en sa puissance que d'empêcher la nuit de venir ; cela

dépend uniquement de ma grâce. Le meilleur moyen pour l'âme de retenir la lumière est de

bien comprendre qu'elle ne peut rien par elle-même et que c'est de moi qu'elle lui vient ; car,

alors même que cette lumière est en elle, si je m'éloigne un instant, la nuit viendra. » (Éd. esp.,

Relation, 5 ; éd. Carm., Relation, 64.)

52. L'âme troublée et distraite n'est pas pour cela oubliée de Dieu

Etant un jour dans un trouble extrême, sainte Thérèse, loin de pouvoir se recueillir, sentait

son imagination lui échapper et son âme plongée dans d'épaisses ténèbres. Notre-Seigneur lui

dit: « De ne point s'affliger en se voyant de la sorte ; elle devait comprendre dans quelle misère

elle tomberait s'll s'éloignait d'elle, et qu'il n'y avait point de sécurité tant que l'âme est dans

cette chair mortelle. Il me dit encore, ajoute la sainte, que je ne devais pas croire qu'Il m'eût

oubliée ; jamais il ne m'abandonnerait ; mais qu'il était nécessaire que de mon côté je fisse tout

ce qui dépendrait de moi. » (Vie, ch. 39.)

53. Marie a été pendant des années privée de la présence de Jésus

Notre-Seigneur, écrit Soeur Saint-Martinien, me trouve, je crois, un peu trop sensible et

peut-être trop attachée à sa présence sensible, car il me sembla l'entendre me dire : « Ma fille,

tu voudrais donc être traitée avec plus de douceur que ma Mère, qui, pendant tant d'années, a

été privée de ma personne. » (Lettre 85, du 17 octobre 1861)

54. La foi, l'espérance, l'amour et aussi la contrition ne sont pas moins vives

quand on ne les sent pas

Une autre fois Notre-Seigneur lui dit: « Tu sais que je suis ton Epoux, par conséquent maître

de tout ce que tu possèdes : de ton âme et de toutes ses facultés, de tes oeuvres, de ton corps,

oui, de tout. Je veux que tu croies, que tu aimes, que tu espères sans avoir le sentiment de ces

vertus. Tu auras la foi, l'espérance, la charité et d'autres vertus, mais tu vivras comme si tu

n'avais rien; je te le garderai jusqu'au jour où tu entreras dans ton éternité. » (Lettre 103, du 14

janvier 1862.)

Quelqu'un avait demandé à Marie-Consolata de lui obtenir une vive douleur de ses péchés,

et croyait n'avoir rien obtenu. Jésus dit à sa confidente : « Sache qu'il a obtenu cette grâce de

contrition parfaite, mais sans en avoir l'intime connaissance. ll lui est arrivé ce qui t'arrive bien

souvent..., ce que j'ai l'habitude de faire aux âmes que j'aime tendrement : je leur tiens mes

dons cachés et tellement cachés qu'ils ne pensent pas les avoir... ll a la douleur intime de ses

péchés et sa conduite en est la garantie... Celui qui met tous ses soins à éviter le péché, donne,

par là même, la meilleure preuve qu'il se repent de ses fautes passées... Il a donc cette

douleur... de même que tu m'aimes et que tu le sens d'autant moins que tu m'aimes plus

parfaitement. » (13 avril 1903 ; Vie, p. 369.)

55. Dans la voie qui mène à la sainteté il y a plusieurs tunnels à traverser

Un jour que Gertrude-Marie souffrait cruellement de peines intimes, Notre-Seigneur, qui

autrefois venait si souvent l‘instruire et la réconforter, la laissa sans consolations : Deux fois

seulement ces jours-ci, écrit-elle, Jésus s'est éveillé et m'a parlé: « Ma fille, tu me crois bien loin

et c'est alors que je suis tout près : Qu'ai-je épargné pour ta sanctification ? » (8 février 1905.)

ll y avait pour elle comme pour tous les amis de Dieu des alternatives : je vous ai dit hier,

écrit-elle, qu'il faisait moins noir dans le chemin ; aujourd'hui encore ; pourtant ce n'est pas la

lumière, c'est une ombre moins épaisse. Mais voici ce que Jésus m'a dit aujourd'hui à ce sujet:

«Tu ne goûteras plus les douceurs sensibles de mon amour ; ce qui ne m‘empêchera pas de te

combler d'insignes faveurs... Ne t'étonne point de ces dégoûts, de ces sécheresses que tu

éprouves ; tout cela est voulu par moi. Ne t'ai-je pas dit que je voulais faire de toi une victime de

mon amour ! Agis toujours comme si tu goûtais mes joies, mes consolations. » Il y aura

plusieurs tunnels à passer, plusieurs chemins noirs à traverser, Notre-Seigneur me l'a dit et redit

ces jours-ci. (15 mars 1907.) « Je veux de toi, lui dit un autre jour le divin Maître, un service pur,

c'est-à-dire un service dans lequel non seulement tu ne trouveras point de consolations, mais tu

ne trouveras même pas le Dieu des consolations : il sera caché pour toi. » (25 mars 1907.)

56. Dans les heures de scrupules ne pas rechercher de multiples absolutions

Benigna assaillie d'horribles pensées était portée à se troubler: «Tiens ferme, Benigna, lui

dit Jésus, ne demande pas à recevoir l'effusion de mon sang avant vendredi... si tu cèdes une

fois, l'ennemi s'en servira pour te troubler. Je t'assure que tu ne m'as pas offensé... Ma Benigna,

plus tu mortifies ta sensualité et aussi la sensualité de l'esprit, pour l'appeler ainsi, en ne

cherchant pas à te faire rassurer, plus tu te rends apte à recevoir mes divines

communications. » (Vie, p. ll9.)

IV. Amour de la croix

57. La croix, échelle du Paradis

Dans une de ses apparitions, Notre-Seigneur dit à sainte Rose: « Que tous mes disciples

sachent que l'affliction est toujours la compagne de la grâce; la grâce est proportionnée à la

douleur. La mesure de mes dons augmente avec la mesure des épreuves. Qu'ils ne se fassent

plus illusion sur le sens de la douleur ; l'épreuve est le chemin de la perfection ; c'est par elle

qu'on arrive à la beauté de I'âme, au comble de la grâce, à la gloire des enfants de Dieu. La

croix est la véritable et l'unique échelle pour aller au Ciel. Sans la croix, cette ascension est

impossible. » (Vie, par Masson, ch. 33, p. 303.)

Jésus dit à Marguerite de Cortone: « Tes souffrances seront en proportion des grâces que je

t'accorderai. » (Vie intime, ch. 4, § 12.)

58. L'amour de Jésus et l'amour de la croix sont inséparables

« Mon enfant, dit Jésus à Gertrude-Marie, une âme qui m'aime véritablement ne trouve

jamais assez souffrir pour moi. » (22 novembre 1891.)

« Mon enfant, j'ai mis dans ton coeur deux amours : l'amour de Dieu et l'amour du sacrifice;

à toi de les faire grandir. » (17 avril 1895.)

Le Seigneur, dit sainte Véronique Juliani, m'a donné le baiser de paix et m'a dit : « Je te

confirme pour mon épouse ; parce que tu cours vers les souffrances, vers les peines. » (11

gennaio 1698.)

« Comme j'ai aimé et porté la croix, dit Jésus à Françoise de la Mère de Dieu, il faut qu'elle

soit partout où je suis. » (Vie, ch. 13.)

Voici, écrivait sainte Marguerite-Marie à la Mère de Saumaise, ce que le Seigneur a mis

dans mon esprit pour occupation : « La croix est ma gloire; l'amour m'y conduit ; l'amour me

possède ; l'amour me suffit. » (20 avril 1685 ; éd. Gauthey, 2, p. 289.)

« Si vraiment tu veux m'aimer, dit Jésus à Gemma Galgani, voici mon calice, ou j'ai déjà

trempé les lèvres. Peux-tu le boire jusqu'à la dernière goutte ? » (Biografia, cap. 21.)

59. Qui veut Jésus pour époux doit lui être conforme

Le vendredi saint de l'année 1681, Notre-Seigneur, se présentant à Marceline Pauper dans

toutes les souffrances et opprobres de sa passion, lui fit entendre ces paroles : « Ma fille, vois si

tu me veux pour époux : je te donnerai pour dot ma croix, mes fouets, mes épines, mes clous,

ma lance; et, si tu es fidèle, je te ferai entrer en société de tous ces biens avec moi. Jusqu'ici tu

n’as regardé la qualité d'épouse qu'avec complaisance ; je veux de la conformité. » (Vie, ch. 3.)

60. Tendresse de Jésus pour l'âme qui souffre sans se plaindre

Un jour, raconte la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy, une malade, à qui je portais à

manger, me dit quelques paroles blessantes ; je les souffris en silence sans donner aucune

marque de mécontentement. Je me retirai dans notre cellule, où je me sentis si pénétrée de la

présence de Dieu que j'entrai dans un grand recueillement. Je vis Notre-Seigneur sous la figure

d'un jardinier ; Il se mit à mon côté et me fit reposer ma tête sur son bras en me disant : « Vois

ce que c'est que souffrir sans se plaindre et ce que c'est que la charité. » (Vie, ch. 18.)

« Prier, souffrir, se taire, un ange me dit cela tous les matins », disait la bienheureuse Mère

Marie de Sainte-Euphrasie Pelletier, fondatrice du généralat du Bon-Pasteur.

61. Celui à qui Dieu plaît plaît à Dieu

Parlant de Gertrude à une personne, le Seigneur disait : « Si jamais je ne lui parais irrité,

cela vient de ce qu'elle trouve toujours mes oeuvres justes et excellentes et qu'elle ne veut pas

se troubler pour aucun de mes actes. Au contraire, si fâcheux que soit ce qui lui arrive, elle s'en

accommode toujours avec joie, comme d'une disposition de ma providence. Aussi toujours elle

me trouve bien disposé à son égard, car, l'a dit saint Bernard : A qui Dieu plaît celui-là ne peut

que plaire à Dieu. » (Liv. 1er, ch. 16.)

62. Combien est agréable à Dieu celui qui accepte amoureusement l'épuisement et

l'extrême fatigue

Ayant passé une nuit entière sans dormir, sainte Gertrude, très affaiblie, parla ainsi au

Seigneur, selon qu'Il le lui enseigna: Par la douceur ineffable avec laquelle de toute éternité

vous avez tranquillement reposé dans le sein de Dieu le Père, par le séjour si doux que vous

avez fait durant neuf mois dans le sein d'une Vierge, par les délices que vous avez daigné

jamais goûter dans une âme aimante, je vous prie, Dieu très miséricordieux, de daigner, non

pour ma satisfaction, mais pour votre louange, m'accorder quelque repos, afin que mes

membres fatigués puissent reprendre leurs exercices. Notre-Seigneur lui dit : « Viens, mon

élue, repose sur mon Coeur, et vois si mon amour, toujours en éveil, te permettra de goûter le

repos. » Ainsi posée sur ce Coeur, elle dit : Ô mon très doux amant, que me disent ces

battements que je ressens à cette heure ? « Ils disent ceci: Toutes les fois que quelqu'un, se

sentant épuisé par la veille et destitué de force, m'adressera cette courte prière que je viens de

t'inspirer, afin que je lui accorde du repos pour ma louange et pour réparer ses forces, si je ne

l'exauce pas et que néanmoins il supporte sa faiblesse avec patience et humilité, ma douceur,

ma bonté divine l'accueilleront avec d'autant plus de joie... Il m'est infiniment plus agréable de

voir quelqu'un, dont la maladie et les veilles ont épuisé les forces, m'offrir humblement et

patiemment son infirmité, qu'un autre en bonne santé, passer la nuit en oraison, sans être

fatigué de veiller. » (Liv, 3, ch. 52.)

63. La croix est un don de l'amour de Jésus

L'Enfant Jésus se montra à sainte Véronique Juliani serrant une croix entre ses bras : «

Voilà, lui dit-ll, le présent que je te fais, c'est le lit de l'amour ; c'est le lit de repos où se repose le

véritable amour. » (Diario, l gennaro 1697.)

Une autre fois Jésus lui apparut glorieux et lui présenta la croix en lui disant « Voici le signe

de mon amour pour toi ; je veux que tu réveilles l'amour dans le coeur de mes épouses. Cette

croix te servira de bouclier pour combattre contre tous tes ennemis, elle te donnera force et

vigueur pour tout ce que tu auras à faire par amour pour moi. Dans ce don que je te fais de ma

croix, je veux te communiquer mon immense amour. » (27 marzo 1698.)

Une autre fois ce fut après la communion que le Seigneur lui montra une grande croix en lui

disant : « Voici la croix dont je t'ai dotée; grâce à tes souffrances tu participeras à ce trésor; car

c'est ainsi que s'appelle la croix de ceux qui m'aiment. » Et Il me fit comprendre, ajoute la

sainte, que tous les vrais trésors qui enrichissent l'âme sont cachés là dans la croix. (3 maggio

1698.)

64. La croix donnée comme récompense

Le 1er novembre 1898, écrit la Mère Marie du Divin Coeur, quand j'eus fait voeu

d'obéissance au confesseur, Notre-Seigneur me dit: «Viens, mon épouse, que je te couronne

avec la couronne des souffrances, en attendant que je te couronne avec la couronne de gloire.

Je t'ai dit que je te couronnerais avec la couronne des souffrances pour te récompenser du

sacrifice que tu me fais aujourd'hui de toi-même, de ta liberté, de ta volonté, car je sais que tu

ne désires rien tant que de souffrir pour mon amour et d'être crucifiée avec moi. » (Vie, ch. 10.)

65. La croix désirée et redoutée

Vers le milieu de février 1571, sainte Thérèse entendit de la bouche de Notre-Seigneur les

paroles suivantes : « Tu désires toujours des souffrances, et d'un autre côté tu les refuses. Pour

moi je dispose les choses d'après ce que je connais de ta bonne volonté et non d'après ta

sensibilité et ta faiblesse. Prends courage, puisque tu vois combien je t'aide ; j'ai voulu te faire

gagner cette couronne. » (Relation, 11.)

Anna-Maria Taïgi entendit des paroles semblables : « Rappelle-toi que, si une âme cherche

à fuir la croix que je lui ai donnée pour son avantage et pour son bien, alors je la charge d'une

autre plus pesante. Quoi, ma fille, tu es si désireuse de souffrir et ensuite tu te laisses ainsi

accabler par la tristesse. Mais, tu le sais, tu dois souffrir jusqu'à la fin. » (Vie, par Mgr Luquet,

ch. 4.)

66. La folie de la croix est la suprême sagesse

Voici une instruction de Dieu le Père à sainte Marie-Madeleine de Pazzi : « Ma fille, la folie

de la croix est une sagesse infinie et l'abnégation de soi-même est une insigne prudence ; mais

qui est-ce qui le comprend ? La prudence est une vertu qui en toutes choses considère la fin ;

l'on regarde comme une personne prudente celle qui prévoit tout ce qui doit arriver et qui agit

en tout avec poids et mesure. C'est donc une grande prudence que de renoncer à soi-même,

car celui qui le fait pense à la fin et considère l'avenir. Il sait que personne ne peut venir à moi si

ce n'est par la voie étroite... Mes élus et tous ceux qui veulent venir à moi, reconnaissant leur

misère, s'abaissent et se rapetissent tellement par l'abnégation d'eux-mêmes qu'ils n'ont

aucune peine à marcher par cette voie étroite à la suite de mon Verbe, qui a voulu leur en

donner l'exemple et leur montrer par là qu'elle est la bonne voie. » (4° part., ch. 17.)

67. Le joyau qui vaut mieux que tous les joyaux

Un jour que saint François d'Assise succombait sous le poids de la douleur, on l'entendit

s'écrier : Ô mon Dieu ! jetez les yeux sur votre pauvre petit serviteur, daignez venir à mon

secours et accordez-moi la grâce de supporter patiemment toutes ces infirmités. Une voix

répondit : « François, peut-on acheter trop cher un joyau qui permet d'acquérir un royaume

sans prix ? Or, ce joyau c'est la souffrance, envoyée de Dieu ; sache qu'elle vaut mieux que

tous les trésors de la terre et qu'il ne faudrait pas s'en défaire pour le monde entier, quand

même toutes les montagnes se changeraient en or pur, toutes les pierres en diamants et toutes

les eaux en baume. » Oui, Seigneur, repartit le saint, c'est ainsi que j'apprécie les peines par

lesquelles vous me visitez ; elles sont un don de votre amour, qui me châtie en ce monde pour

me faire éternellement miséricorde dans l'autre. « Réjouis-toi donc, ajouta la voix, car c'est là le

chemin qui mène au Ciel. » François resta animé d'une ferveur nouvelle. (Vie, ch. 18.)

68. Les deux couronnes l'une après l'autre

Sainte Catherine de Sienne souffrait beaucoup d'une horrible calomnie et elle répandait

devant Dieu ses prières et ses larmes, lorsque le Sauveur lui apparut, tenant dans sa main

droite une couronne d'or enrichie de pierres précieuses, et dans sa main gauche, une couronne

d'épines, et lui adressa ces paroles : « Sache bien, ma très chère fille, qu'il te faudra

nécessairement recevoir, l'une après l'autre, ces deux couronnes. Choisis ce que tu préfères.

Veux-tu, pendant cette vie, porter la couronne d'épines, je te réserverai l'autre et sa beauté pour

la vie éternelle. Veux-tu, au contraire, avoir dès maintenant la couronne de prix et tu recevras

après ta mort celle d'épines. » Catherine répondit : Depuis longtemps, Seigneur, j'ai renoncé à

ma volonté, préférant faire uniquement la vôtre. Par conséquent il ne m'appartient pas de rien

choisir. Mais, puisque vous voulez une réponse, je vous dis donc que je veux avant tout me

conformer toujours pendant cette vie à votre bienheureuse passion et mettre ma consolation à

souffrir pour vous. Cela dit, dans sa ferveur, elle arrache à deux mains le diadème d'épines de

la main du Sauveur et se le met si rudement sur la tête que celle-ci, transpercée de partout par

ces épines, garda toujours, depuis cette vision, la douloureuse sensation de leurs piqûres ; c'est

Catherine elle-même qui l'a attesté de vive voix. Le Seigneur lui dit alors: « Toutes choses sont

en mon pouvoir; de même que j'ai laissé ce scandale s'élever, ainsi puis-je tout aussi facilement

l'étouffer. Pour toi, persévère dans le service que tu as entrepris et ne cède pas au diable, qui

voudrait y mettre obstacle. Je te donnerai pleine victoire sur le Malin. Toutes ces machinations

contre toi retomberont sur sa tête et tourneront à ta plus grande gloire. » (Vie, par le

bienheureux Raymond, 2° part., ch. 4.)

69. Breuvage dégoûtant devenu divin

Un jour que sainte Catherine de Sienne, pour se vaincre, avait avalé la lavure et le pus

d'une plaie hideuse, Notre-Seigneur, pour la récompenser, lui montra ses cinq plaies sacrées et

lui dit: « Ma bien-aimée, tu as soutenu pour moi de grands combats et, avec mon aide, tu es

restée victorieuse. Aussi m'es-tu devenue bien gracieuse et bien agréable. Mais, hier en

particulier, tu as mérité tout l'excès de mes complaisances. Car non seulement tu as méprisé

les délectations des sens, tenu pour rien l'opinion des hommes et triomphé des tentations de

l'ennemi, mais tu as vraiment foulé aux pieds l'instinct naturel de ton propre corps ; quand, dans

l'ardeur de ta charité, tu as pris si joyeusement un si horrible breuvage. C'est pourquoi, je te le

dis, de même que dans cet acte tu t'es élevée au-dessus de la nature, ainsi vais-je te donner

une boisson qui dépasse tout ce qui est habituellement accordé a la nature humaine. » Et,

mettant la main droite sur le cou de la vierge, il approcha celle-ci de la blessure de son divin

côté: « Bois, lui dit-ll, ma fille, bois à mon côté, un breuvage qui remplira ton âme de tant de

suavité que cette suavité fera sentir ses admirables effets jusque dans ton corps, méprisé à

cause de moi. » (Vie, par le bienheureux Raymond, 2° part., ch. 4.)

70. Jésus prépare l'âme à porter sa croix

Au mois de décembre 1805, Marie-Josèphe Kumi reçut du Seigneur l'annonce des

souffrances qui allaient bientôt fondre sur elle : « Tu supporteras, lui dit-Il, une telle amertume et

tristesse que tu croiras endurer les peines de l'enfer, car je me cacherai complètement et

retirerai de ton âme tout ce qui m'appartient. Même si ton confesseur n'ajoutait plus foi à tes

paroles, ma volonté est que tu ne lui caches rien. » (Vie, ch. 6.)

« Tes souffrances iront si loin, lui dit un autre jour le Sauveur que ce que tu as enduré

jusqu'ici te semblera bagatelle. Tu sentiras les tortures du remords attachées à certains crimes ;

tu accuseras ces prétendus péchés comme étant les tiens propres ; remets-t'en alors

entièrement au jugement de ton confesseur et ne lui cache rien; il aura lumières et grâce pour

t'éclairer. » (Ch. 99.)

Sainte Véronique Juliani entendit un jour ces paroles du Seigneur : « Désormais, toute

chose te servira à souffrir davantage. Telle est ma volonté ; et je ferai que tu ne pourras pas

même raconter tes souffrances. Tu trouveras de la peine, même dans les consolations que je te

donnerai pour te soutenir ; ainsi peine dans l'oraison, peine dans la communion, peine dans la

confession, peine dans les entretiens. Ainsi je veux; mais dans toutes ces peines tu dois être

contente. » (28 giugno 1697.)

V. Conseils pratiques pour bien souffrir

71. Trois manières de porter la croix

Le divin Maître voulant faire connaître à son épouse, sainte Véronique Juliani, les âmes qui

lui étaient le plus chères, lui en montra une multitude, qui tenaient la croix en mains. Elles se

mirent en rang ; parmi elles la sainte reconnut son confesseur et quelques-unes des Soeurs de

son couvent. Le Seigneur se complaisait en elles et donnait à chacune sa bénédiction. Pour

l'une d'elles ll paraissait tout anxieux et comme cherchant à l'aider à porter le poids de sa croix.

Ces âmes étaient vêtues diversement et, parmi les croix, les unes étaient grandes, les autres

petites. Elles les portaient de trois differentes manières. Les premières, qui avaient une grande

croix, la portaient à la main; cela signifiait que, non seulement elles se plaisaient à porter leur

croix, mais qu'elles invitaient avec joie et entrain tout le monde à la suivre. Les secondes

tenaient leur croix embrassée comme un objet très cher ; les troisièmes la portaient sur l'épaule

et il semblait à Véronique que l'une était presque tombée à terre, tant la croix lui était lourde. Le

Seigneur me déclara, nous citons les paroles de la sainte, que ceux qui allaient en tête étaient

tous des prêtres ; ils portaient la croix à la main pour signifier qu'ils se donnaient beaucoup de

peines pour faire connaître aux créatures la valeur et le prix de la croix. Les secondes étaient

toutes des religieuses de divers ordres, et parmi elles il se trouvait quelques-unes de nos

Soeurs. Leur façon de tenir la croix embrassée avec amour indiquait qu'elles se plaisaient à

souffrir et le Seigneur les caressait et les bénissait. Les troisièmes étaient pour la plupart des

religieuses, mais parmi elles se rencontraient aussi des personnes du monde. Elles portaient

leur croix avec tant de fatigue qu'à peine pouvaient-elles faire un pas. Le Seigneur me fit

comprendre qu'elles étaient siennes, mais que, si elles avaient tant de peine a porter leur croix,

c'est qu'elles étaient lâches et qu'elles n'avaient pas encore goûté les joies de la souffrance. Il

me les faisait voir afin que je les aidasse par de continuelles prières à marcher par le sentier de

la croix. (Diario, t. 2, p. 506.)

72. Il faut porter sa croix et non pas la traîner

« Remarquez bien, ma fille, dit le Père éternel à sainte Marie- Madeleine de Pazzi, que mon

Verbe a dit de prendre sa croix et de Le suivre, par conséquent de la porter comme Il l'a portée

lui-même et non de la traîner. Qu'ils sont nombreux, hélas l ceux qui traînent leur croix, ou qui,

chose plus triste encore, la jettent à terre ! Savez-vous quels sont ceux qui la traînent ? Ceux

qui éclatent en plaintes quand il leur arrive quelque tribulation, que je leur envoie bien souvent

pour leur plus grand bien. Ces pauvres âmes ne peuvent souffrir sans murmure et leur

impatience est telle qu'elle les rend insupportables à eux-mêmes et aux autres. Ceux-la jettent

à terre leur croix qui font tout ce qui dépend d'eux pour échapper aux tribulations et aux

souffrances que je leur envoie. » (4° part., ch. 17.)

73. Il ne faut pas compter ses croix

Qui veut bien porter sa croix ne doit point s'arrêter à en considérer le poids, mais tenir

toujours les yeux fixés sur le divin Modèle. Dieu, dit Bénigne Gojoz, ne me laissait considérer ni

mon péril, ni ma peine : un seul retour sur moi ne m'était pas permis... Parlant un jour de mes

croix à mon Jésus, Il me répéta : « Ne t'amuse pas à les distinguer et compter. L'arrêt est porté ;

elles dureront jusqu'à ce que tu viennes à moi dans ma gloire. je te polis comme une pierre que

l'ouvrier veut poser en un bel édifice. » (Vie, 1re part., ch. 7.)

Jésus lui enseigna aussi qu'il y a des temps où l'amour requiert de l'âme qu'elle se prive de

tout, qu'elle sépare son esprit, son corps et son coeur de tout plaisir ; mais, en d'autres temps, Il

veut qu'elle ait tout et prenne tout de sa main par soumission aux ordres de la Providence. (3°

part., ch. 7.)

74. L'âme vraiment patiente cache ses souffrances

« Applique-toi surtout, disait Jésus à Gertrude-Marie, à ressembler à ta Mère dans sa

générosité, dans sa résignation, dans sa patience. Ne te plains jamais des petites douleurs que

je t'envoie. Ce qui me glorifierait encore davantage, ce serait de ne pas laisser soupçonner que

tu souffres. » (Avril 1899.)

75. L'âme vraiment patiente ne pense plus à elle-même

« Du moi il ne devrait plus y en avoir en toi, dit un jour Notre-Seigneur à Gertrude-Marie

après la communion ; tout devrait être divin. Je ne veux plus que tu t'occupes de toi. Je veux

que tu t'oublies totalement. Tu ne devrais plus avoir qu'une pensée : Dieu et les âmes. Ne

t'occupe plus de ta santé, je m'en occuperai. Qui est-ce qui t'a donné le mieux que tu as ? Sontce

les soins ? sont-ce les remèdes? » Non, Seigneur, c'est vous, vous tout seul. » Eh bien,

laisse-moi faire ce que je veux, donne-moi tout ce que je te demande sans faire attention à telle

ou telle précaution raisonnable. Je veux cette mortification de ne pas te chauffer, donne-la moi

chaque fois que je te la demanderai. Tu dois être comme une cire molle entre mes mains. Je ne

veux pas non plus que tu cherches la consolation, ni même que tu la désires, je te la donnerai

quand bon me semblera. » (23 janvier 1907.)

76. Vouloir tout ce que Dieu veut pour nous

« Veux-tu tout ce que je veux pour toi ? » Quand Notre-Seigneur me fait cette question, dit

Gertrude-Marie, c'est l'annonce de souffrances plus grandes, de peines plus vives. (22 février

1907.) « Si tu refuses la souffrance, tu refuses mes grâces de choix. » (4 octobre 1907.)

77. Le moyen de gagner d'inappréciables mérites c'est de bénir Dieu dans

l'épreuve

Un jour, Jésus montra à Véronique Juliani une croix qu'Il tenait à la main et qui était ornée

de magnifiques joyaux: « Ce sont là, lui dit-ll, les actes de résignation que tu as faits ; vois

comme ils sont précieux. » (12 settembre 1697.)

« Je veux, lui dit-Il, une autre fois, que dans toutes les tempêtes et persécutions que tu

auras à subir, tu t'appliques toujours à me bénir et à me remercier, en disant: Sit nomen Domini

benedictum : Soyez, ô mon Dieu, béni et remercié maintenant et toujours. » (7 giugno 1703.)

CHAPITRE XVIII : Abandon

I. Invitations divines au saint abandon

1. Attendre l'heure de Dieu

« Ma très chère fille, dit Jésus à sainte Catherine de Sienne, quand j'étais parmi les

hommes, je n'ai pas eu souci de faire ma volonté, mais celle de mon Père. Ainsi que je l'ai

attesté à mes disciples, j'ai désiré d‘un grand désir manger la dernière Pâque avec eux Luc, 21,

15), et cependant j'ai attendu avec patience jusqu'au temps fixé d'avance par mon Père. Cest

pourquoi, toi aussi, malgré ton souverain désir de m'être parfaitement unie, tu dois attendre

patiemment jusqu'au temps que j'ai moi-même fixé. » (Vie, par le bienheureux Raymond, 2°

part., cap. 6, p. 224.)

2. Laissons le divin Maître peindre en nous son image

La maîtresse des novices de Marguerite-Marie, en réponse aux supplications de la sainte,

qui demandait comment il fallait faire oraison, lui dit d'aller se placer devant le Saint Sacrement

comme une toile d'attente devant un peintre. Marguerite-Marie ne comprenait pas ce qu'on

demandait d'elle mais elle entendit une voix qui lui disait : « Viens, je te l'apprendrai » et, dès

qu'elle fut à l'oraison, Il lui fit voir que son âme était cette toile d'attente, sur laquelle Il voulait

peindre tous les traits de sa vie souffrante, qui s'est tout écoulée dans l'amour et la privation,

dans la séparation, le silence et le sacrifice ; qu'Il ferait cette impression dans son âme après

l'avoir purifiée de toutes les taches qui lui restaient, tant de l'affection aux choses terrestres que

de l'amour d'elle-même et des créatures, pour lesquelles elle avait beaucoup de penchant.

Dans une autre circonstance, Il lui dit : « Je te ferai comprendre que je suis un sûr et savant

directeur qui sait conduire les âmes, lorsqu'elles s'abandonnent à moi, s'oubliant elles-mêmes.

» (Éd. Gauthey, 2, pp. 56 et 69.)

3. Laissez-moi faire

Après la profession de Marguerite-Marie, Notre-Seigneur la comblait de délices, ce qui la

faisait bien souffrir, à cause du peu de conformité qu‘elle sentait avec son Époux du Calvaire ;

mais Il lui dit intérieurement : « Laisse-moi faire ; chaque chose a son temps. Maintenant, mon

amour veut se jouer de toi selon mon bon plaisir, comme les enfants font de leurs poupées. Il

faut que tu sois abandonnée sans vue ni résistance, me laissant me contenter a tes dépens,

mais tu n'y perdras rien. Sois toujours prête à me recevoir, car je veux désormais faire en toi ma

demeure et converser avec toi. » (Éd. Gauthey, 2, p. 6l.)

Une autre fois, Jésus dit à Marguerite-Marie : « Je suis ton gouverneur auquel tu dois être

tout abandonnée, sans soin ni souci de toi-même, puisque tu ne manqueras de secours que

lorsque mon Coeur manquera de puissance. » (Ibid. Gauthey, 2, p.l92.)

« Pense à moi, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne ; si tu le fais, je penserai à toi. »

(Vie, par le bienheureux Raymond, Ire part., ch. 10.)

Quelquefois, raconte Marie Brotel, Jésus me reproche de n'avoir pas assez de confiance,

d'abandon, d'amour. « Laisse-moi faire, dit-Il, ce n'est pas ton affaire, c'est la mienne. Si je veux

que tu meures, cela ne te regarde pas, c'est à moi de voir, non à toi de me commander ; à toi

d'obéir, rien de plus. Tu ne veux pas te livrer assez ; cela fait que je ne puis faire tout ce que je

voudrais ; tu m'arrêtes. » (Vie, appendice 2.)

Ô mon divin amour, demandait Armelle, n'y aurait-il point encore quelque chose à faire ou à

détruire pour vous plaire ? « Rien, rien du tout, répondit la voix divine, sinon t'abandonner et me

laisser faire. » (lre part., ch. 20.)

4. Pourquoi m'importuner ?

Gertrude désirait que le Seigneur lui rendit sa santé première, afin de pouvoir suivre

rigoureusement la règle de l'Ordre. « Et pourquoi mon épouse voudrait-elle m'importuner, en

s'opposant a ma volonté ? » Trouvez-vous, Seigneur, que je vous résiste dans ce désir, où je

cherche, il me semble, uniquement votre gloire? « Je regarde ce que tu me dis ici comme un

discours de jeune fille ; mais, si tu insistais davantage, je serais mécontent. » Ce qui fit

comprendre à la sainte que le plus parfait est de s'abandonner à la volonté de Dieu. (Liv. 3, ch.

50.)

5. S'abandonner à Dieu pour vivre ou pour mourir

« Choisis ce que tu voudras : ou de sortir à l'instant de ton corps, ou de recevoir une

nouvelle parure dans une longue maladie, quoique je sache la crainte que tu as de la poussière

des négligences, qui s'attachent ordinairement à l'âme dans une longue maladie. » Que votre

volonté se fasse, mon Seigneur, dit Gertrude. Et le Seigneur reprit : « C'est avec raison que tu

me laisses le choix. Mais, si par amour pour moi tu consens à poursuivre en ton corps ton

pèlerinage, je demeurerai en toi comme une colombe en son nid, et je te réchaufferai en mon

sein, jusqu'à ce qu'après ta mort je te conduise au séjour délicieux de la croissance et floraison

éternelles. » (Liv. 5, ch. 23.)

6. Qu'un paisible abandon succède à de violents désirs de souffrir

Notre-Seigneur, raconte la Mère Marie du Divin Coeur, m'a dit à peu près ce qui suit : Que le

temps du désir de la souffrance était passé, qu'Il demandait maintenant un plein et paisible

abandon. Je dois vivre désormais dans un commerce plus intime avec Lui. ll veut rendre l'union

de plus en plus intime et pour cela ne veut plus de sacrifices violents, de l'excès de travail. Il

m'accordera plus de temps et de tranquillité pour le commerce avec Lui. L'unique condition qu'll

met à la conclusion de cette alliance plus étroite, à l'établissement de ces rapports encore plus

intimes, c'est que je tienne mon coeur détaché de tout ce qui est terrestre (comme la bulle de

savon qui se balance dans l'air, ainsi je dois m'élever au dessus de la terre, toute en Lui) et que

je renonce aux appuis humains. Alors Il me donna sainte Thérèse, sainte Gertrude et sainte

Catherine de Sienne pour modèles particuliers, pour patronnes et pour compagnes. (Ch. 8.)

7. Tenir son coeur dressé vers Dieu comme un vase bien droit

Le jour de la fête du Sacré-Coeur, ne sachant quel désir pouvait être plus agréable au divin

Époux, si c'était celui de guérir ou de rester malade ou de mourir, je le Lui demandai. La

réponse fut : Un vase que l'on tient droit reçoit le maximum de liquide ; qu'on le penche à droite

ou à gauche, il est impossible de le remplir autant. Ainsi dois-je tenir mon coeur dressé vers Lui,

sans désir, et je pourrai recevoir sans obstacle les flots de la grâce et acquérir les mérites les

plus abondants. (Ibid)

II. Motifs de l'abandon

8. Comment ne pas s'abandonner entre les bras d'un Dieu si puissant et si bon ?

Un jour que Marguerite-Marie était dans l'inquiétude au sujet des grâces qu'elle recevait : «

Qu'as-tu à craindre entre les bras du Tout-Puissant ? Pourrais-je bien te laisser périr en

t'abandonnant à tes ennemis, après que je me suis rendu ton père, ton maître et ton

gouverneur dès ta plus tendre jeunesse, en te donnant de continuelles preuves de l'amoureuse

tendresse de mon divin Coeur, dans lequel même j'ai établi ta demeure actuelle et éternelle ?

Pour plus grande assurance, dis-moi quelle plus forte preuve tu souhaites de mon amour et je

te la donnerai. Mais pourquoi combats-tu contre moi qui suis ton seul, vrai et unique ami ? »

(Ed. Gauthey, 2, p. 90.)

Dans une autre circonstance, Marguerite-Marie entendit ces paroles de la bouche du

Sauveur: « J'ai encore une rude et pesante croix à mettre sur tes faibles épaules, mais je suis

assez puissant pour la soutenir ; ne crains rien et me laisse faire ce que je voudrai de toi, sans

que tu fasses rien pour te cacher dans le mépris ou pour te produire dans l'estime. Je ne

permettrai point à Satan de te tenter que par les trois sortes de tentations dont il eut la

hardiesse de m'attaquer. Mais ne crains rien, confie-toi en moi ; je suis ton protecteur et ta

caution ; j'ai établi mon règne de paix dans ton âme, personne ne la pourra troubler, et celui de

mon amour dans ton coeur ; il te donnera une joie que personne ne pourra t'ôter. » (Éd.

Gauthey, 2, p. 192.)

9. Pourquoi craindre puisque Dieu fait tout tourner à sa gloire ?

Lorsque le Seigneur envoya à sainte Thérèse ces grands ravissements auxquels, même en

compagnie, elle ne pouvait résister, elle aurait voulu se cacher à tous les regards. Notre-

Seigneur lui en fit un doux reproche. « Que crains-tu? Il ne peut arriver que deux choses : ou

bien on murmurera contre toi, ou bien on me glorifiera. » Thérèse, comprenant que des deux

côtés il y avait un gain pour elle, retrouva le calme. (6e Demeure, ch. 4.)

Une autre fois que cette grande sainte se laissait aller à quelque inquiétude, elle entendit

ces paroles : « Que craignez-vous ? Pouvez-vous perdre autre chose que vos vies ? Et vous

me les avez tant de fois offertes ! Je vous aiderai. » (Relation, 40.)

10. Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient

Marguerite de Cortone faisait au Sauveur cette demande : Couvrez-moi de lèpre afin que je

ne vous offense pas et daigne votre amour me reconduire à la croix. Jésus répondit: « Tes

peines te suffisent; avec la lèpre, tu serais en sécurité, mais par la tentation et la faiblesse du

corps, tu conserves et la crainte et la grâce. Quant à la seconde demande : je te reconduis

souvent à la croix, mais toi, créature, tu dois t'appliquer à mériter souvent la grâce d'y revenir.

Tu me demandes en outre à ne plus pécher et à mourir promptement. Je te laisserai dans cette

vallée de larmes autant qu'il plaira à ma volonté. » (Vie intime, ch. 5, § 29.)

« je ne veux pas, dit le Seigneur à sainte Catherine de Gênes, que jamais tu te mêles de

mes opérations, car tu en déroberais toujours quelque chose en t'appropriant ce qui ne

t'appartient pas. Je ferai donc le reste de l'oeuvre sans que tu en saches rien ; je veux te

séparer de ton esprit et qu'il se trouve noyé dans mon abîme. » (Dialogue, 3° part., ch.11.)

Un jour, raconte sainte Thérèse, que je songeais avec douleur aux besoins de notre Ordre,

Notre-Seigneur me dit : « Fais ce qui est en ton pouvoir, abandonne-toi à moi et ne t'inquiète de

rien. Jouis du bien qui t'a été accordé ; il est immense. Mon Père prend ses délices en toi et tu

es aimée de l'Esprit-Saint. » (Relation, 10.)

11. Dieu a plus de soin de nous que nous ne pouvons en avoir

Dieu dit à sainte Catherine de Sienne: « Quoi qu'il arrive au milieu des misères de cette vie,

dans les choses temporelles ou spirituelles, rien ne doit détruire la paix ou troubler le calme de

ton esprit. Il faut, au contraire, croire avec une foi inébranlable que moi, le Dieu tout-puissant, je

t'aime plus que tu ne t'aimes toi-même et que j'ai pour toi plus de soin et de sollicitude que tu ne

peux en avoir toi-même. Plus tu t'abandonneras et te confieras en moi, plus je t'aiderai et te

serai présent, plus tu connaîtras et sentiras parfaitement la douceur de ma charité envers toi. »

(Traité de la perfection, n° 26.)

12. Dieu est maître de faire de nous ce qui lui plaît

Comme la Mère Marie-Dominique Moes s'effrayait d'être conduite par des voies

extraordinaires, le Seigneur la rassura en ces termes : « Ce que j'ai commencé en toi, je

l'achèverai, tu ne trouveras pas la possibilité d'échapper à ma puissance. Je suis ton Maître et

je puis opérer en toi ce qui me plaît, tu ne peux ni ne dois mettre des obstacles dans le chemin.

Il faut que tu sois dans l'indifférence pour ce qui s'opère en toi par moi. Tant que tu fais des

efforts sérieux pour ne chercher que moi en tout et accomplir ma sainte volonté, tu n'as rien à

craindre dans ces voies extraordinaires. » (2 Teil, Kap. 5, n°1.)

13. Il vaut mieux pour nous ne pas connaître l'avenir

Daignerez-vous, Seigneur, ô Père des miséricordes, demandait sainte Gertrude, après cette

septième maladie, me rendre la santé ? Le Seigneur: « Si, la première fois que tu étais malade,

je t'avais annoncé que tu le serais sept fois, peut-être, par faiblesse humaine, te laissant

effrayer, tu te serais permis quelque impatience. De même, si je te promettais aujourd'hui que

cette septième maladie est la dernière, l'espérance d'en voir la fin pourrait diminuer ton mérite.

C'est pourquoi la Providence paternelle de ma sagesse incréée a disposé pour ton bien que tu

ignorasses l'un et l'autre, afin que tu sois toujours obligée de soupirer de tout ton coeur vers

moi, de me recommander toutes tes peines intérieures et extérieures. Alors je te regarde avec

tant de fidélité, je prends pour toi tant de sollicitude, que je ne permets jamais que tu sois

affligée au-delà de tes forces, attendu que je connais toute la délicatesse de ta patience. » (Liv.

3, ch. 55.)

Dans une des maladies de Marguerite-Marie, sa supérieure la remit entre les mains de

Notre-Seigneur, pour qu'Il fît d'elle ce qu'Il voudrait. Jésus apparut à la bienheureuse : « Te

voilà tout à moi et à mes soins ; c'est pourquoi je te veux rendre en santé à celle qui t'a remise à

mes soins. » (Ed. Gauthey, 2, p. 112.)

III. Avantages de l'abandon

14. Fruits du saint abandon

Gertrude, priant pour une personne qui craignait de perdre une de ses amies, reçut de Dieu

cette instruction: « Lorsqu'une personne craint de perdre, ou même a déjà perdu un ami qui lui

est cher, chez qui elle trouvait, non seulement les consolations de l'amitié, mais encore des avis

et des encouragements pour son avancement spirituel, si elle m'offre, avec une entière volonté,

la peine qui oppresse son coeur (en sorte que, si elle pouvait retenir près d'elle cet ami, elle

consentirait volontiers à s'en priver pour ma gloire, préférant que ma volonté s'accomplisse en

perdant cet ami, plutôt que la sienne en le conservant) ; elle peut être certaine, si seulement

elle maintient son coeur en cette disposition durant une heure, qu'après cette heure, ma bonté

lui conservera toujours cette offrande dans la même générosité, la même perfection qu'elle

avait en cette heure où elle fut dans son coeur. Ensuite, toutes les peines qu'elle devra soutenir

par fragilité humaine concourront au succès de son salut éternel. Ainsi toutes les pensées

pénibles à son coeur ; si, par exemple, elle se disait : Tu pourrais avoir en cette personne telle

assistance, telle consolation, tel soulagement, et tu dois en être désormais privée ; ces

pensées, dis-je, et d'autres, dont la fragilité humaine se laisse accabler, auront pour effet, après

cette offrande, de disposer en l'âme de cette personne une place à la divine consolation. Ma

consolation, ainsi assurée par une peine passagère, a une telle vertu que nulle personne sur

terre ne peut faire de perte si grande, qu'elle n'en soit dédommagée par la consolation divine

cent fois en cette vie et mille fois en l'éternité. » (Liv. 3 ch. 86.)

15. On gagne plus en s'abandonnant qu'en obtenant de Dieu qu'il accomplisse nos

désirs

Avant une fête, Gertrude, se sentant malade, désirait qu'il plût au Seigneur de la garder en

santé jusqu'après cette fête, s'en remettant cependant à la volonté divine, et le Seigneur lui dit :

« En me faisant cette demande et, de plus, en te soumettant à ma volonté, tu me conduis dans

un jardin cle délices tout planté de fleurs, et qui m'est fort agréable. Mais il faut que tu saches

que, si je t'accorde de ne pas être privée de prendre part à mon service, je te suivrai au parterre

des fleurs que tu préfères, tandis que, si je ne t'exauce point et que tu persévères dans ta

patience, tu me suivras au parterre de celles que J'aime le mieux ; car j'aurai plus de

complaisance en toi, si tu as le désir et la peine que si tu as la dévotion et le plaisir. » (Liv. 3, ch.

30, n° 24 ; éd. lat., p. 189.)

16. L'abandon joint au recueillement mène l'âme au véritable amour

Le Seigneur fit comprendre à la Mère Clément qu'Il voulait que les trois puissances de son

âme fussent solitaires et qu'elles n'eussent point d'occupation que celles qu'Il leur fournirait Luimême

; son âme devait être dans une continuelle attente de ses desseins pour être disposée à

recevoir ses impressions. ll lui dit ensuite que le plus grand secret pour se rendre heureuse est

de s'abandonner au pouvoir de son amour, que ce même amour la ferait entrer dans la

connaissance de ses divines perfections et que cette connaissance produirait en elle une

admiration, une complaisance et une adoration perpétuelles. « Mon Coeur, lui dit-Il, ne demande

pas autre chose de l'âme, sinon qu'elle prenne ses délices en Lui. » (Vie, 1915, p. 350.)

17. Combien le parfait abandon purifie l'âme

Il sembla un jour à Gertrude qu'elle se trouvait devant le Seigneur en la même condition

qu'Esther devant Assuérus ; Il lui disait: «Qu‘ordonnez-vous, ma souveraine, ma reine ? » Elle

répondit : je demande, Seigneur, et je désire de tout mon coeur, que votre volonté, digne de

toute louange, s'accomplisse en moi, selon votre bon plaisir. Alors le Seigneur, nommant l'une

après l'autre toutes les personnes pour qui elle devait prier, lui dit : « Que demandez-vous pour

celle-ci, pour celle-la, et pour telle autre, qui se sont recommandées plus spécialement à vos

prières ? » je ne veux rien demander pour elles autre chose, sinon que votre volonté, Seigneur,

s'accomplisse paisiblement en elles. « Et que veux-tu que je fasse pour toi ? » Pour toutes

délices, je désire que votre glorieuse et pacifique volonté s'accomplisse tant en moi qu'en toutes

vos créatures. Et, à cet effet, je suis toute prête à exposer chacun de mes membres à quelque

supplice que ce soit. « Du moment que tu cherches avec tant de dévotion à faire prévaloir

partout ma volonté, moi, suivant ma bienveillance accoutumée, je récompenserai tes efforts de

cette faveur : tu paraîtras aussi agréable à mes yeux que si tu n'avais jamais en rien

transgressé ma volonté. » (Liv. 3, ch. 11.)

18. L'amour généreux produit la paix et la paix fait la force de l'âme

Jésus disait à Jeanne-Bénigne Gojoz : « Bénigne doit souffrir que je la corrige, parce que je

l'aime et que je suis sévère à mes plus chères épouses tant qu'elles vivent ; Bénigne doit

attendre ma divine miséricorde ; Bénigne doit se fier à l'amour de Jésus et le croire ; Bénigne

ne doit rien refuser au pur amour ; Bénigne doit prendre ce que je lui donne (grâces et faveurs)

sans se détourner de moi, et elle doit surtout savoir que l'amour du Coeur de Jésus veut un

coeur humble qui sache souffrir. Elle doit surtout se souvenir que l'amour et l'union tiennent son

oreille ouverte à la divine parole et que l'âme tranquille est un trône de paix. C'est cette paix qui

soutient particulièrement en Bénigne les dons et les opérations de ma grâce. C'est un bien qui

dérive de Dieu seul, il doit faire la joie de Bénigne ; son coeur possède la paix et l'oeil de l'amour

est ouvert sur elle pour veiller à ses besoins, parce que sa crainte même est paisible. Bénigne

sera consolée en se souvenant de moi, et pour cela elle doit souvent parler de ma bonté

magnifique ; elle doit me remercier du miracle que je fais en lui donnant la force de soutenir

mes opérations et les impressions de ma grâce. Enfin, je veux que ma Bénigne ne cesse

d'aimer Dieu, d'espérer en Lui, de souffrir avec Jésus et de s'abandonner à l'amour; ce sont les

quatre lois que l'amour divin lui a données. » (Ch. 9.)

Son divin Époux lui apprit une fois que c'était par une fausse humilité qu'elle s'était opposée

à son élévation (on avait voulu la faire soeur de choeur et elle avait refusé) parce que, de

quelque manière que nous manquions à suivre ses desseins, nous manquons aussi de Le

glorifier, sortant de cet abandon qu'Il aime tant. Il m'a appris, dit-elle, à me livrer par amour aux

motions de la grâce, sans faire d'efforts pour me conformer aux mystères. Même les jours ou

l'Église honore sa passion, II m'a assuré que je Lui faisais plaisir en m'abandonnant aux

sentiments de son pur amour, parce que je craignais de ne pas assez m'attrister au souvenir de

ses douleurs. Ceci m'arriva surtout une fois que le mystère de l'Incarnation tombait un vendredi

saint ; je fus élevée à un profond sentiment de l'amour du Verbe divin en Dieu, mais je fus

consolée par ces paroles qui me furent dites: «Bénigne, j'aime qui m‘aime, et je ne veux que

l'amour de ma créature. » (Ibid)

19. Valeur admirable d'un acte de total abandon

Menacée d'un procès très injuste, la Mère Marie-Dominique Moess se voyait à la veille

d'être condamnée à payer une somme considérable, bien supérieure à toutes ses ressources.

C'était la ruine en perspective et la destruction de son oeuvre. Alors elle fit un acte de complet

abandon entre les mains de Dieu. Lorsque j'eus ainsi sacrifié totalement ma volonté à mon

bien-aimé Sauveur, dit-elle, Il me dit : « Mon enfant, tu m'as davantage honoré et glorifié en

cette heure par la donation totale de ta volonté, que si tu avais accompli pendant des années

les plus dures pénitences. Cette donation entière a été si agréable à mon Père céleste qu'll a

accordé de suite la demande que saint Joseph lui a présentée pour cette affaire. Aie donc

courage, saint Joseph, mon père nourricier, arrange l'affaire pour le mieux. » (2 Teil, Kap. 4, n°

2.)

20. Qui accepte de vivre par abandon à la divine volonté obtient l'union de sa vie

à celle de Jésus

Gertrude désirait avec l'apôtre être séparée de son corps et réunie à Jésus-Christ, poussant

pour cela vers Dieu de nombreux soupirs du plus profond de son coeur ; elle fut une fois

consolée par cette réponse : « Toutes les fois que de tout son coeur elle exprimerait le désir

qu'elle avait d'être affranchie de cette prison de mort et que néanmoins elle serait fermement

déterminée à demeurer en son corps aussi longtemps qu'il plairait à Dieu, autant de fois le Fils

de Dieu ajouterait sa très sainte conduite à la sienne propre et elle deviendrait par là

merveilleusement parfaite aux yeux de Dieu le Père. » (Liv. 3, ch. 30, n° 22 ; éd. lat., p. 187.)

21. L'Esprit-Saint serviteur des âmes abandonnées

« Ma fille, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne, ceux qui, par amour pour moi, se

sont dépouillés de tous les biens temporels en renonçant au monde, à ses plaisirs et à leur

propre volonté, enrichissent leur âme et dilatent leur coeur dans l'abîme de ma charité. Ils

perdent tout soin d'eux-mêmes ; ils ne se tourmentent plus des choses du monde et renoncent

à tout ce qui les regarde ; alors je me charge de leur âme et de leur corps, et j'ai pour eux une

providence particulière. L'Esprit-Saint devient comme leur serviteur. « N'as-tu pas lu l'histoire de

ce grand solitaire qui avait renoncé à tout pour l'amour de moi ? Lorsqu'il tomba malade, je lui

envoyai un ange pour le servir et l'assister dans tous ses besoins ; rien ne manquait à son

corps, et son âme trouvait une joie ineffable dans la conversation de l'envoyé céleste. L'Esprit-

Saint, comme une mère tendre, nourrit ces hommes sur le sein de sa divine charité ; Il les rend

libres et souverains en les délivrant des chaînes de l'amour-propre. Car, là où se trouve le feu

de ma divine charité, on ne trouve jamais l'eau de l'amour-propre, qui éteint sa douce flamme

dans les âmes. Oui, l'Esprit-Saint est un bon serviteur que ma bonté leur a donné ; Il revêt

l'âme, ll l'enivre, l'inonde de douceur et la comble de richesses. » (Dialogue, ch. 140)

22. Bonté du Seigneur pour l'âme abandonnée

Le Seigneur dit à Jeanne-Bénigne que la communauté devait être parfaite entre Lui et elle,

qu'elle ne devait jamais user de ce mot : je veux, je ne veux pas ; mais s'abandonner toute à

Lui, pour qu'Il agisse à son gré en son âme ; qu'autrement, bien qu'elle ne fît rien qui parût

imparfait, elle ne laisserait pas de Lui être désagréable, parce qu'en fait d'amour le défaut de

perfection est une imperfection notable. La considérant comme sienne, Il la traitait en amant et

lui donnait des noms pleins de douceur, l'appelant sa désirée, sa choisie, sa colombe, son

amie, sa toute belle, sa soeur et son épouse. Il éprouvait sa fidélité, se cachant un peu, se

faisant chercher et revenant après qu'elle l'avait nommé inexorable.

« Je veux voir, lui disait-Il, si ton amour est à toute épreuve. » Quelquefois ll faisait semblant

de lui tout refuser et aussitôt elle reconnaissait qu'elle avait été pleinement exaucée, comme

elle le fut une fois à propos de la délivrance et de la paix du royaume de Pologne.

Voici quelques-unes des leçons que lui donna le Précepteur divin : « Par l'ordre de l'amour,

Bénigne doit toujours souffrir et mourir en croix avec Jésus son Époux. Elle ne doit point

s'étonner de voir en elle quelques défauts malgré tant de miséricordes reçues, ni de sentir

même des mouvements imparfaits, pourvu qu'elle n'y adhère pas. Il faut qu'elle se souvienne

que la sainteté ne consiste pas essentiellement en ce qui paraît au dehors, mais en la perte de

soi-même en Dieu ; que ce qui est le plus inconnu à la créature est souvent le plus connu au

Créateur et que la moindre souffrance, unie à celle de Jésus, est d'un plus grand prix que le

plaisir qu'on peut goûter en recevant les affluences de la grâce. Bénigne doit continuer de vivre

comme elle fait, c'est-à-dire comme si Dieu seul et elle seule étaient au monde, et parvenir à

cet heureux état de ne plus se trouver en son savoir, en son sentiment, en sa volonté et en son

pouvoir ; elle doit mourir sans mourir, vivre sans vivre, avoir de la joie sans se réjouir et sentir

des goûts sans les goûter. » (Vie, 3e part., ch. 5.)

CHAPITRE IXX : Force dans les luttes

I. Motifs de confiance dans la tentation

1. Où étiez-vous, Seigneur ?

Saint Antoine le Grand, solitaire, ayant triomphé des démons qui le couvrirent de plaies, dit

au Seigneur: Où étiez-vous, bon Jésus ? Où étiez-vous ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu dès le

commencement pour me guérir de mes blessures ? Une voix répondit: « Antoine, j'étais ici, et

j'attendais la fin de ton combat ; mais, voyant que tu as as combattu courageusement et que tu

as vaincu, je t'aiderai toujours et ferai voler ta réputation par tout le monde. » (Petits

Bollandistes, au 17 janvier.)

2. Jésus intimement présent dans l'âme qui est tentée

Après une des victoires remportées par Catherine de Sienne sur l'esprit impur, Notre-

Seigneur lui apparut tel qu'II était sur la croix, lorsqu'avec son sang Il nous ouvrit le Ciel. Du

haut de sa croix, II appela notre vierge et lui dit : « Ma fille, vois-tu combien j'ai souffert pour

toi ? Ne trouve donc pas trop lourd d'avoir à souffrir pour Moi.»

Puis Il prit une autre forme pour s'approcher davantage de la sainte et la consoler. II lui

parlait doucement du triomphe qu'elle venait d'obtenir dans ce combat. Catherine, imitant

Antoine, lui dit alors : Et où étiez-vous, mon Seigneur, quand mon coeur était tourmenté par

tant de turpitudes ? « J'étais dans ton coeur », répondit le Seigneur. Elle reprit : Seigneur, je ne

doute nullement de votre vérité et ne veux manquer en rien au respect dû à votre Majesté ;

mais comment puis-je croire que vous habitiez dans mon coeur, alors qu'il n'était rempli que de

pensées immondes et honteuses ? « Ces pensées et tentations apportaient-elles à ton coeur

joie ou tristesse, plaisir ou chagrin ? » Une tristesse et un chagrin sans bornes. « Et qui donc

causait en toi cette tristesse, si ce n'est moi, qui me tenais caché au milieu de ton coeur. Sans

ma présence ces pensées auraient pénétré dans ta volonté, tu y aurais pris plaisir. Mais, parce

que j'étais là, elles déplaisaient à ton âme ; tu voulais alors chasser loin de toi ces imaginations,

comme d'odieuses suggestions et, comme tu ne le pouvais pas au gré de tes désirs, de là ta

tristesse et ton chagrin. C'est moi qui faisais tout cela et qui défendais contre les ennemis ton

coeur tout entier. Je me cachais à l'intérieur et je te laissais dans le trouble à l'extérieur, autant

que cela pouvait être utile à ton salut. Le temps que j'avais fixé pour ce combat étant écoulé, j'ai

laissé ma lumière rayonner jusqu'au dehors ; aussitôt les ténèbres de l'enfer se sont évanouies

et enfuies, car elles ne peuvent habiter avec la lumière. (2 Cor, 6, 14.) Ainsi donc, ma fille bienaimée,

parce que tu as fidèlement combattu, non par ta propre vertu, mais par la mienne, tu as

mérité une augmentation de grâce. » (Vie, par le bienheureux Raymond, Iere part., ch. 11.)

Jésus se montra un jour à la bienheureuse Crescentia Hoess sur les branches d'un

pommier violemment secoué par le vent ; Il était calme et immobile bien que les branches qui

semblaient Le porter se balançassent à droite et a gauche. « Ma fille, dit Jésus, de même que

je me repose en paix sur cet arbre, quoiqu'il soit violemment secoué, de même je repose dans

ton coeur. Bien que tu croies qu'il y règne une affreuse tempête, j'y demeure cependant bien au

fond. » (2 Buch, Kap. 8.)

3. Si Jésus n'avait pas été là

Sainte Rose de Lima rencontra un jour, sous un bosquet, son éternel ennemi, transformé en

cavalier jeune, élégant, qui la sollicitait au mal. Aussitôt Rose prit la fuite, se flagella jusqu'au

sang et se plaignit à son Epoux de ce qu'Il avait permis qu'elle courût un aussi grand danger.

Jésus, apparaissant sous une forme sensible, lui dit : « Aurais-tu vaincu si je n'eusse été dans

ton coeur ; je suis toujours avec toi, et ma grâce ne t'abandonne pas ; cesse donc de pleurer. »

(Vie, ch. 22.)

4. L'ange fidèle soutient l'âme contre l'ange rebelle

Notre-Seigneur vint consoler Marguerite-Marie, en proie à une grande souffrance. « Ma fille,

ne t'afflige pas, car je te veux donner un gardien fidèle, qui t'accompagnera partout, t'assistera

dans tous les besoins et empêchera que ton ennemi prévale contre toi ; et toutes les fautes où il

croira te faire tomber par ses suggestions tourneront à sa confusion. » (Éd. Gauthey, 2, p. 158.)

5. Dieu mesure l'épreuve aux forces de chacun

Je priais, dit la Soeur Mechtilde, pour une personne, afin que Dieu lui enlevât ces

mouvements de la chair qui ont lieu toutefois sans péché quand il ne s'y joint pas de mauvaise

volonté. Notre-Seigneur me dit : « Tais-toi. Aimerais-tu mieux qu'un chevalier muni de toutes

ses armes, bien instruit dans sa noble profession, doué d'une force virile et habile de ses mains,

se montrât insouciant de l'honneur de son maître et perdît avec sa solde les louanges que lui et

son maître recevraient dans leur patrie ? Mais, si un homme sans expérience qui par lâcheté

n'a jamais pris part à un combat, veut entrer dans le tournoi des princes, il y perdra aussitôt la

vie. Je dois donc ménager ceux qui feraient facilement une chute ; je les laisse seulement

combattre avec les enfants, pour gagner en prix une couronne de fleurs. » (Liv. 3, ch. 8.)

6. Le tentateur n'a qu'un pouvoir borné et de plus Dieu contient sa fureur

Un matin, après avoir nourri Benigne par la sainte communion, le Seigneur lui déclara que

le démon avait une rage horrible contre elle et que, pour le mieux confondre, Il lui permettrait

bientôt de tendre ses pièges et de l'attaquer furieusement. Mais ce doux Sauveur Jésus ajouta :

« Ne crains pourtant pas, ma fille ; je viendrai à ton secours, et sois sûre qu'il n'est jamais

permis à cet esprit malin d'atteindre à la suprême partie de l'âme ; c'est ce qui redouble sa

fureur. ll bandera ses forces pour troubler ton imagination et pour nuire à ton corps, mais en

cela même je bornerai ses efforts, comme aussi ceux qu'il fera pour te susciter des

contradictions de la part de toutes créatures et toutes espèces de peines, dont la suite et

l'arrangement te causeront quelque ennui, je te cacherai même le plaisir que je prendrai pour

lors en te voyant combattre contre mon ennemi. Oui, Bénigne, en ce temps-la surtout, je serai

incessamment en toi d'une façon singulière. » (Vie, ch. 11.)

7. C'est un mensonge de dire de ne pas pouvoir lutter

Je parlais un jour, raconte la bienbeureuse Anne de Saint-Barthélemy, avec une personne

extrêmement tentée, mais elle ne croyait rien de ce que je lui disais : Faites au moins un petit

effort sur vous-même pour croire que les mystères de notre foi sont véritables. Quoi que je

fasse, reprit-elle, il m'est impossible de les admettre. J'allai la recommander a Notre-Seigneur

qui me fit entendre ces paroles: « Dis-lui que c'est un mensonge ; elle peut croire si elle veut,

elle a son libre arbitre ; le secours de ma grâce est plus fort que sa peine. » (Vie, cbr 24.)

8. Les démons voient redoubler leurs souffrances quand on repousse leurs

attaques

Le Seigneur donna cette instruction à Madeleine Vigneron: « Il faut que je te dise cette

vérité : les démons qui affligent les âmes qui tendent à leur perfection sont beaucoup plus

tourmentés dans les enfers que les autres. La raison est que ma pureté divine s'attache d'une

façon si particulière sur ces âmes innocentes et fidèles qu'elle met l'orgueil de ces malheureux

dans la derniere confusion, voyant qu'une chétive créature leur tient tête et leur résiste

courageusement, quoi qu'ils emploient toutes leurs forces pour me réduire à néant en elles. Qui

plus est, autant de fois qu'ils la tourmentent, leur rage et leur désespoir augmentent

excessivement, parce que par le moyen des souffrances dont ils prétendent l'accabler je la

rends plus pure et plus belle, et je la fortifie pour les tourmenter encore davantage. » (3° part.,

ch. 33.)

9. L'amour fait accepter de bon coeur les tentations pourtant si pénibles

On lit dans les révélations de sainte Brigitte cette instruction de Notre-Seigneur: «Il est écrit

que Jacob servit pour avoir Rachel comme épouse et les jours lui semblaient courts en raison

de l'amour qu'il lui portait ; l'ardeur de son amour adoucissait ses peines. Pensant jouir du fruit

de ses labeurs, il fut déçu ; néanmoins il ne cessa point de servir pour obtenir Rachel ; l'amour

ne se plaint jamais des difficultés jusqu'à ce qu'il ait acquis ce qu'il désire. Il en est de même

dans les choses spirituelles ; ainsi plusieurs, pour obtenir le Ciel, travaillent généreusement,

multipliant les prières et les bonnes oeuvres; mais hélas ! quand ils pensent arriver au sommet

d'une sublime contemplation, ils sont assaillis d'un monde de tentations importunes et d'une

armée de tribulations ; alors, quand ils pensaient être parfaits, ils se trouvent en tout imparfaits ;

et ce n'est pas merveille, car ces tentations nous font voir clair en nous-mêmes, nous éprouvent

et nous purifient. De là vient que ceux qui sont assaillis par les tentations au début deviennent

plus tard solides en leur dévotion. D'autres sont rudement tentés au milieu et à la fin; ceux-là

deviennent vigilants, ils ne présument jamais d'eux-mêmes et travaillent avec plus de courage.

« Ne t'étonne donc pas, ô ma fille, si les tentations croissent même en la vieillesse, car le diable

ne dort jamais. La tentation est un moyen d'arriver à la perfection ; je t'en montre un double

exemple : un homme fut rudement tenté au commencement de sa conversion ; il persista, il

profita, et il acquit ce qu'il désirait. Un autre en sa vieillesse a éprouvé de grandes tentations ; il

en fut tellement obsédé qu'il oublia toutes les premières tentations. Mais, comme il a suivi les

conseils qu'on lui donna, comme il ne laissa point ses exercices, bien qu'il se sentît froid et

lâche, il est néanmoins parvenu au comble de ses désirs et au repos de l'esprit. » (Liv. 5, ch. 6.)

Une autre fois la sainte Vierge dit à la même sainte : « Tu admires pourquoi croissent en ta

vieillesse les tentations que tu n'as eues ni en la jeunesse ni dans le mariage. Cela se fait afin

que tu saches que tu n'es rien et que tu ne peux rien sans mon Fils ; et si mon Fils ne t'avait

gardée, il n'y a péché dans lequel tu ne te fusses plongée. » (Liv. 6, ch. 94.)

10. Paroles rassurantes du Sauveur

Sainte Véronique Juliani dit au Seigneur : Seigneur, celui qui tient votre place veut que je

vous demande de sa part si j'ai commis quelque faute mortelle contre la pureté. Et le Seigneur

lui dit: « Dis-lui que non. Mais, si je ne t'en avais préservée, tu en aurais commis

d'innombrables. » Et, continue la sainte, Il me fit comprendre quels sont les défauts les plus

graves et les fautes qui Lui déplaisent beaucoup ; mais Il me montra que pour faire un péché

mortel il faut en avoir la volonté en connaissant bien que c'est un péché (grave). « Or tu

craignais que ce fût péché et, si tu avais vu en cela un péché, tu ne l'aurais pas fait. Quant aux

peines et regrets que tu as eus pendant tant d'années, je les ai permis pour te faire expier les

fautes que tu as commises. » (Diario, 31 marzo 1697.)

II. Utilités des tentations

11. La vraie vertu se manifeste dans les occasions

Paroles du Père éternel a sainte Catherine de Sienne : « Tous les tyrans de la terre ne

peuvent ôter la vertu d'une âme ; leurs persécutions, au contraire, la fortifient et l'augmentent.

Cette vertu, que mon amour a fait naître, s'éprouve et se développe dans les rapports avec le

prochain ; car, si elle ne se manifestait pas dans l'occasion, si elle ne répandait pas ses clartés

sur les créatures, ce serait une preuve qu'elle ne viendrait pas de la vérité. La vertu ne peut être

parfaite et utile que par l'intermédiaire du prochain. »

12. La patience dans les tentations assure la victoire

Les démons ne cessaient de tourmenter Catherine de Racconigi contre la sainte vertu de

pureté ; la sainte triomphait toujours avec la grâce de son divin Époux. Après une de ses

victoires, Notre-Seigneur lui apparut accompagné de vingt-quatre compagnons, les uns anges,

les autres apôtres et martyrs. La prenant par la main, il l'enleva de terre et lui dit : « Que veux-tu

de moi, mon épouse ? » Faites-moi la grâce, ô mon Jésus, pour votre honneur et pour votre

gloire de pouvoir surmonter tous les assauts de mes ennemis. « Avec la patience tu

surmonteras tout » , et Jésus lui présenta une lourde croix.

13. Le soldat doit combattre pour gagner ses grades

Pour préparer Marie-Josèphe Kumi aux assauts du démon qui allaient succéder à une

période de calme et de consolations, une nuit le Seigneur lui dit: « Viens, ma fiancée, repos et

délices de mon coeur, je veux agir avec toi comme un chef d'armées le fait avec ses soldats ; il

les éprouve avant de les porter aux grades élevés. » Quelques minutes après, les craintes et

les angoisses envahissaient son coeur. Le combat recommençait. Elle sentait en elle, comme

l'apôtre, tout le mal, quoiqu'elle ne le voulût pas ; et le bien qu'elle désirait lui inspirait de vives

répugnances. (Vie, ch. 3.)

14. Chaque acte de repentir et de bon propos est un nouvel hommage à Dieu

Sainte Gertrude demandait au Seigneur d'être corrigée de l'habitude de dire ces paroles :

Dieu le sait. Le Seigneur lui dit : « Et pourquoi voudrais-tu me priver de cet honneur et perdre la

récompense infinie que tu gagnes chaque fois que, reconnaissant ce défaut ou un autre, tu te

proposes de l'éviter à l'avenir ? Lorsque, pour mon amour, on s'efforce de vaincre ses défauts,

on me témoigne autant de fidélité et d'honneur que le ferait à son chef un soldat qui, en

résistant courageusement aux ennemis dans un combat, les vaincrait et les abattrait par sa

valeur et par la force de son bras. » (Liv. 3, ch. 58,)

15. La tentation affermit l'âme dans l'humilité

La Mère Clément, ayant eu à subir pendant plusieurs jours la fureur des démons tentateurs,

se plaignait au Seigneur et réclamait son secours. Jésus l'assura qu'll lui donnerait un secours

nouveau et lui dit que, puisqu'll l'avait armée pour la guerre, elle ne devait point craindre le

combat. « Qu'appréhendez-vous, ajouta-t-ll, votre volonté n'est point dans ces choses. ll vous

est nécessaire d'être tentée pour vous affermir dans l'humilité. L'on ne me plaît pas moins dans

ces peines que dans la jouissance de mes douceurs. Souvenez-vous des confusions de ma

passion et souffrez celles que vous portez à present par hommage à celles que j'ai souffertes. »

ll lui ordonna ensuite de dire souvent les deux premiers versets du psaume Lauda Jerusalem,

parce que son coeur était plus fortifié que jamais par la protection qu'll venait de lui promettre :

« Jérusalem loue le Seigneur, loue ton Dieu, ô Sion, car il a consolidé les verrous de tes portes.

» (Vie, 1915, p. 467.)

16. La tentation, même quand il s'ensuit quelque faute légère, rend l'âme plus

ardente à la lutte, plus pure, plus défiante d'elle-même

Nous tirons les paroles suivantes d'une instruction donnée par Notre-Seigneur à sainte

Brigitte : « Les justes et les parfaits peuvent faire quelques chutes, mais pour leur plus grande

gloire et pour la plus grande confusion du diable ; car, comme le soldat qui est légèrement

frappé à la guerre est plus excité et plus animé contre ses ennemis, il en est de même de mes

élus, qui s'excitent et s'encouragent davantage, étant importunés par les tentations diaboliques,

aux labeurs spirituels et à l'humilité, et s'efforcent d'autant plus d'acquérir la couronne de gloire.

» (Liv. 2, ch. 14.)

« Sais-tu pourquoi, dit un jour Jésus à Benigna, je permets tes si terribles tentations? Pour

te disposer à recevoir de plus grandes grâces. Quand on veut donner le brillant à une chose, on

ne la nettoie pas uniquement dans l'eau, mais on prend encore de la cendre. Ce n'est pas que,

hors de la tentation, tu ne fasses déjà des actes de charité, mais, sous l'épreuve, la charité

devient plus ardente et te purifie bien davantage. Encore une autre raison: quand l'âme est ainsi

assaillie de tentations, elle se méfie d'elle-même et par suite se trouve dans une disposition que

j'aime infiniment. » (Août 1914.)

17. L'âme en luttant contre la tentation se purifie des fautes qu'elle ignore

Gertrude priait le Seigneur pour une personne tentée ; elle reçut de Lui cette réponse : «

C'est moi qui ai permis qu'elle éprouvât cette tentation afin que, reconnaissant ce défaut en elle,

en gémissant et cherchant à le vaincre sans y réussir, elle s‘en humilie. Par là, ses autres

défauts, qu'elle ne voit pas, seront en partie effacés à mes yeux. Ainsi ceux qui, apercevant

une tache plus apparente sur leurs mains, les lavent entièrement, enlèvent les autres taches

qu'ils n'auraient certainement pas lavées, si celles qu'ils voyaient ne les y avait obligées. » (Liv.

3, ch. 77.)

18. La tentation aide l'âme à mieux se connaître

Écoutons cet enseignement du Père éternel à sainte Catherine de Sienne : « Le démon ne

dort jamais ... mais sa vigilance ne peut nuire à l'âme parfaite, parce qu'il ne peut supporter

l'ardeur de sa charité ni l'odeur de l'union qu'elle a contractée avec moi, l'océan de paix. L'âme

ne peut être trompée tant qu'elle est unie à moi ; le démon s'en éloigne, comme la mouche fuit

la vapeur d'un vase qui bout sur le feu ; si le vase était tiède, la mouche ne le craindrait pas ;

elle s'y arrêterait, quoique souvent elle y périsse en y trouvant plus de chaleur qu'elle ne croyait.

ll en arrive de même pour l'âme qui n'est pas encore parvenue à l'état parfait : le démon, parce

qu'il la croit tiède, s'y présente avec beaucoup de tentations ; mais il y trouve une connaissance

d'elle-même, une ferveur et une horreur des fautes qui lui résistent et fixent la volonté dans la

haine du péché et l'amour de la vertu. Que l'âme se réjouisse quand elle éprouve ces

tentations, car c'est là le chemin pour arriver à ce doux et glorieux état. Je te l'ai dit, vous

arriverez à la perfection par la connaissance et la haine de vous-mêmes et par la connaissance

de ma bonté. Jamais l'âme ne se connaît aussi parfaitement qu'au moment de ces combats :

elle se connaît en se voyant dans des combats qu'elle ne peut éviter ; elle peut seulement y

résister en refusant toujours son consentement, mais pas autrement. Elle peut alors

comprendre qu'elle n'est pas, car si elle était quelque chose par elle-même, elle se délivrerait

de ces tentations qui lui répugnent.

Elle s'humilie ainsi dans la connaissance d'elle-même et, avec la lumière de la sainte foi,

elle court vers moi, le Dieu éternel, dont la bonté conserve sa volonté dans la droiture et la

justice, et lui permet de ne pas consentir, dans ces nombreux combats, aux misères qui la

tourmentent. » (Dialogue, ch. 90.)

19. Les tentations des uns réparent les péchés des autres

La Mère Marie-Dominique Moess avait à subir de violentes tentations contre la pureté ; elles

duraient depuis longtemps et lui causaient non seulement des peines cruelles mais aussi

d'horribles angoisses, quand le divin Sauveur, pour la réconforter, lui dit un jour : « Par ces

combats infernaux, tes mérites seront extraordinairement accrus et Dieu sera glorifié sans

mesure. Offre ces peines intimes, si terribles, à mon Père céleste, en réparation des

nombreuses offenses qui Lui sont faites sous ce rapport. Si les hommes n'étaient pas enfoncés

aussi profondément dans ce vice, tu n'aurais pas tant à souffrir des esprits impurs. Quelque

douloureux que soit ce combat, reste bien en paix ; il n'en demeurera pas la moindre poussière

ni sur ton corps ni sur ton âme. » Alors, raconte la servante de Dieu, Il me représenta mon âme

sous la forme d'un vase de cristal tout pur et sans aucune tache. « Vois, dit-Il, mon enfant,

l'image de ton âme ; regarde-la de tout côté, examine bien si tu peux découvrir quelque part

que ce soit un peu de poussière ou la plus petite tache. II en est de même de ton âme, elle est

pure et immaculée, aucune tache ne l'a souillée. Mais, mon épouse et ma fille bien-aimée, il ne

suffit pas que je t'aie de nouveau rassurée ; je veux que tu découvres ton intérieur à ton Père

spirituel, qui doit connaître tout ce qui se passe dans ton âme. » (1 Theil, Kap. 15.)

III. Conseils pour la tentation

20. Conseils de Jésus à l'âme tentée

Pour que les soldats méritent des grades élevés, ils doivent se montrer vaillants dans la

lutte. Comment donc l'âme doit elle s'y conduire ? Voici les conseils donnés par Notre-Seigneur

au vénérable Bernard-François de Hoyos :

« Dans les tentations, ne te montre jamais sans courage, car ton ennemi n'attend pas autre

chose pour redoubler ses attaques. Quand il voudra t'empêcher de me recevoir dans la sainte

Eucharistie, demande à ton supérieur qu'il te donne l'ordre de communier et, bien que tu ne me

sentes pas alors dans ton coeur, je suis là pour te fortifier et soutenir ton courage. Quand la

partie inférieure est troublée par l'ennemi, ne te consume pas en efforts pour faire d'une

manière sentie les actes contraires aux tentations ; fais-les doucement ou vocalement, car tu ne

trouverais pas les sentiments que tu chercherais à avoir. Fais en sorte que la partie supérieure

de ton âme demeure en moi, même quand tu ne sens rien. Dans les tentations honteuses, il ne

faut qu'avoir patience ; car, si tu veux chercher ton refuge en moi, il te semblera que tu ne peux

me trouver. Fais-le cependant autant que ce te sera possible et, quand cette tentation te

laissera un peu plus de liberté, renouvelle le voeu de chasteté, demande secours à moi et à ma

Mere et fais tous les désaveux que tu pourras faire. Dans les assauts du désespoir, conduis-toi

comme je viens de dire : sois calme et patient pendant que l'attaque est la plus violente, et

ensuite recours à moi et fais les actes contraires. Dans les tentations de blasphème, quand il te

semble que tu t'élèves contre moi, ou ma Mère ou les saints, ne t'inquiète pas ; loin de

m'offenser tu m'es agréable, car tu t'efforces de résister a ce que l'ennemi te suggère. Mais

prononce de bouche le contraire de ce que tu ressens ; bien qu'il te semble ne le faire que pour

la forme, en réalité tu le fais de tout coeur. Dans tous ces combats, défie l'ennemi avec un grand

courage et ne te trouble pas, car il n'attend que cela pour te persuader que tu as consenti et

pour te porter au désespoir. » (Vida compendiada, 7.)

Après que le vénérable eut passé par de grandes tentations, il eut une vision de Notre-

Seigneur, de sa sainte Mère et de plusieurs saints; et il entendit Jésus dire aux saints qui

l'entouraient en le désignant : «Je veux prendre cette âme pour épouse, car elle a combattu

vaillamment et supporté avec constance les épreuves ; et je veux publier sa victoire devant mes

saints qui lui sont dévoués et qui I'ont assisté dans ses combats. » (Ibid, 10.)

21. L'âme faible devient forte par la prière

Mon cher maître d'école, écrit la Soeur Mechtilde, m'a donné cette leçon : «Je connais un

ennemi qui a pour emploi d'arracher la vérité du coeur de l'homme ; si on ne le repousse pas, il

met avec le consentement du libre arbitre la fausse sagesse dans le coeur de l'homme, et il lui

fait dire : C'est ma nature d'être colère ou fragile. Ce n'est pas avec pareille raison que tu

pourras t'excuser devant Dieu à ton honneur ; car tu dois, avec le secours de la grâce, devenir

douce, devenir forte. Je n'ai pas la grâce, dis-tu. Eh bien, si tu n'as pas la grâce, tu dois

invoquer le Dieu de grâce, tu dois le supplier avec d'humbles larmes, une prière constante, un

saint désir, et le ver de la colère mourra. Tu dois te donner à toi-même du courage ; alors tu ne

le laisseras vaincre par aucune épreuve pénible, qu'elle vienne de Dieu ou d'un autre, et le ver

qui ronge le grain sera anéanti. » (Liv. 7, ch. 3.)

22. Ne point s'inquiéter d'être tenté

« Pourquoi te troubles-tu et es-tu dans l'anxiété ? » dit à sainte Brigitte Notre-Seigneur. Elle

répondit : Parce que je suis grandement assaillie d'un monde de pensées inutiles, que je ne

puis chasser, et je crains vos terribles jugements. Le Fils de Dieu repartit : « Ce n'est que justice

: comme tu te plaisais auparavant aux affections mondaines contre ma volonté, de même

maintenant je permets que diverses pensées t'importunent contre ta volonté. Mais modère tes

craintes et confie-toi fortement en moi, ton Dieu, sachant d'une manière certaine que, quand la

volonté ne prend point plaisir dans les pensées de péché, mais les repousse en les détestant,

elles servent à l'âme de purification et de couronne. » (Liv. 3, ch. 19.)

Le Sauveur a dit à la Vierge de Côme: « Ma Benigna, tout mon travail en toi est de bien

t'établir dans la paix. On ne peut croire combien la paix est nécessaire pour que Dieu puisse

travailler une âme avec suite. Et le travail, quand il est fait avec suite, tu le sais, donne

beaucoup plus. Ce n'est pas, quand tu perds la paix, que je ne sois plus en toi, mais je reste

comme couvert, ma voix est comme étouffée. » (Notice, p. 96.)

23. Ne pas faire cas du tentateur et de ses attaques

Sainte Véronique était en butte à des tentations qui lui causaient des peines atroces. Après

la communion, Jésus lui apparut tout glorieux et lui dit : « Je suis ton époux ; je te dis de ne

faire cas de rien, quoi que fasse ton ennemi pour te troubler. Demeure en moi ; affermis-toi

dans la conformité à mon vouloir divin et ne crains plus. Je suis pour toi, que peux-tu désirer ? »

(Diario, 23 maggio 1697)

24. Il faut garder la paix dans la tentation

Françoise de Bona était tourmentée par des représentations déshonnêtes, qui lui causaient

beaucoup de peines. Elle s'en plaignit amoureusement à Notre-Seigneur, lui disant : Hélas, mon

Dieu, m'avez-vous abandonnée ? Elle entendit aussitôt cette consolante parole : « Non, ma fille,

je ne t'ai pas abandonnée ; je suis toujours avec toi ; je te garde et te garderai toujours. » Dans

la communion suivante, elle Lui demanda pourquoi Il avait permis que de telles pensées

l'eussent attaquée. Notre-Seigneur lui répondit: « Je prends plaisir à te voir combattre ; je te

garderai toujours. » (Liv. 3, ch. 4.)

« Ô âme de petite foi, disait le Sauveur a Anne-Marguerite Clément qui s'inquiétait dans la

tentation, pourquoi as-tu peur? Ne crains point, espère en moi, qui suis ta force et ton salut. »

(Vie; 1915, p. 364.)

25. Redoubler de confiance au lieu de s'attrister

Gemma Galgani, poursuivie par les attaques des démons, se recommandait au Seigneur :

« Pourquoi, rna fille, lui dit-Il, au lieu de t'affliger de toutes ces vexations, n'accrois-tu pas ta

confiance en moi ? Humilie-toi sous ma main puissante, sans te laisser abattre par les

tentations. Résiste toujours, sans te lasser jamais de repousser l'ennemi et, si la tentation

persévère, persévère aussi dans la résistance ; la lutte te conduira à la victoire. » (Biografia,

cap. 33.)

CHAPITRE XX : Humilité

I. Fondements de l'humilité

1. Ce qu'est Dieu et ce que nous sommes

Notre-Seigneur apparut à sainte Catherine de Sienne pendant qu'elle faisait oraison et lui dit

: « Sais-tu, ma fille, ce que tu es et ce que je suis ? Si tu apprends ces deux choses, tu seras

bienheureuse. Tu es celle qui n'est pas et moi je suis Celui qui suis. Si tu gardes en ton âme

cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te tromper, tu échapperas à tous ses pièges ; jamais tu

ne consentiras à poser un acte qui soit contre mes commandements89 et tu acquerras sans

difficulté, toute grâce, toute vérité, toute clarté. » (Vie, par le bienheureux Raymond, 1re part.,

ch. 10.)

Cette parole rappelle celle qui fut dite à sainte Thérèse : « La véritable humilité pour l'âme

consiste à connaître ce qu'elle peut et ce que je suis. » (Relation, 64.)

Et à la vénérable Marie-Céleste, le Seigneur dit : « Comme ma grandeur est infinie, infinies

sont pour ainsi dire ta pauvreté et ta misère. Sache que tu n'as jamais reçu assez de lumière

pour les connaître comme il convient. Lorsque tu apprendras les grâces et les dons que je fais

à ton prochain, tu t'y complairas et m'en remercieras, comme si je te les avais donnés, et ce

sera pour toi un fruit d'humilité, un accroissement de charité et pour moi une gloire

accidentelle » (Vie, p. 60.)

« Songe que tu es un fumier recouvert d'une petite motte de terre », disait Jésus à Benigna.

(Vie, p, 209.)

2. L'humble ne fait que rendre à Dieu ce qui vient de Dieu

« Ma fille, dit Notre-Seigneur à sainte Gertrude, toutes les fois que, songeant à ton indignité,

tu te reconnaitras indigne de mes faveurs et que tu t'en remettras à ma tendresse, autant de

fois tu me paieras la rente que tu dois sur mes biens. » (Liv. 2, ch. 30 ; éd. lat., p. 99.)

3. L'humilité doit être d'autant plus grande qu'on a reçu plus de grâces

La Mère Anne-Marguerite Clément reçut un jour cette grave leçon: « Si ton humilité n‘est

pas plus profonde que celle de toutes les âmes qui sont sous ta conduite et auxquelles je n'ai

as fait tant de grâces qu'à toi, tu n'auras pas de part avec moi. » (Vie, 191,5, ch. 34, p. 491.) Et

le divin Maître lui en donna en une autre circonstance le vrai motif : « Ne compte pour rien les

trésors que j'ai mis en toi ; la beauté que l'épouse apporte à son Epoux n'est autre chose que

les dons de sa libérale Bonté. » (P. 450.)

4. La pensée des grâces reçues doit nous rendre plus humbles

Dieu dit au Frère Pacifique de l'ordre de Saint-François, en lui montrant, au milieu des

splendeurs du Ciel, un trône étincelant d'or et de pierreries : "Ce trône, qui fait ton admiration et

qu'un ange a perdu par sa révolte, est destiné à l'humble François d'Assise » Le lendemain, à

l'heure de la récréation, Frère Pacifique dit familièrement au saint patriarche : Père, que

pensez-vous de vous-même ? Je pense, répondit François, que je suis le plus misérable et le

dernier des pécheurs ! Comment osez-vous le dire et même le penser ? répliqua le frére. Oui,

s'écria François, je suis bien convaincu que, si Notre-Seigneur avait accordé tant de grâces à

d'autres personnes, elles en auraient profité mieux que moi. Et le frère se retira, méditant en

son coeur cet oracle de l'Évangile : « Quiconque s'élève sera abaissé ; quiconque s'abaisse

sera élevé. »

5. Vanité des grandeurs humaines

« C'est grande folie, ma fille, disait Jésus à sainte Thérèse, de faire attention aux vanités du

monde ; jette les yeux sur moi et vois combien j'ai été pauvre et méprisé par lui ; à quoi servira

ta noblesse au jugement de Dieu ? Crois-tu donc que les grands du monde sont grands devant

89 L'acte contre les commandements est le péché mortel

moi, et devez-vous, vous autres, être estimés pour la naissance ou pour les vertus ? »

(Relation, 5, et Fond., 14.)

II. Amour de Dieu pour les humbles

6. Combien Dieu aime l'humilité

« C'est pour l'amour de toi que je me suis fait petit, pour t'apprendre à t'abaisser, disait

Jésus à Anne-Marguerite Clément ; je me suis caché pour t'apprendre à te cacher et à te rendre

semblable à moi. Vois combien je t'aime : je me cache dans ton humanité et ta bassesse pour

t'abîmer dans ma divinité... Je veux que tu sois un trésor caché à tout le monde et connu de moi

seul. » Et, comme cette sainte religieuse s'humiliait devant Lui et disait comme la Chananéenne

n'être qu'une chienne, indigne des faveurs de son Maître, elle entendit ces douces paroles : «

Oui, tu es une chienne, et c'est pour cela que je te rassasie des miettes de ma table, car j'aime

les petits, je me communique à eux et mon plaisir en terre est d'être avec les humbles. » (Vie,

1686, 3° part., ch. 21.)

Une autre fois Il lui dit comme à sainte Catherine de Sienne : «Je suis Celui qui suis et toi

celle qui n'est rien. Applique ton esprit à y penser et ne sors jamais de ta bassesse et de ton

rien. Si tu veux être du nombre de mes disciples, suis les leçons que je leur ai données :

renonce à toi-même, c'est-à-dire à ce fond d'orgueil qui croit être quelque chose ; prends ma

croix, embrasse le mépris et la confusion et marche sur les pas que je t'ai tracés par mes

abaissements. » (Vie, 1686. 3° part., ch.25.)

Le divin Maître lui dit encore : « L'humilité m'attire ; la pureté me reçoit ; l'oraison me

nourrit ; la pauvreté fait mes délices ; l‘obéissance me lie et la charité me serre. » (Vie, 1915, p.

408.)

Un jour de la Visitation, elle fut appliquée sur ces paroles : Sapientia aedificavit sibi domum :

la Sagesse s'est construit une demeure. Alors le Seigneur lui dit : « La Sagesse a trois

demeures : le sein adorable du Père, le sein virginal de Marie, et l'âme humble. » (Vie, 1915, p.

424 ; cf. p. 370.)

7. Dieu soutient ceux qui abîment leur néant dans sa grandeur

Au milieu de ses luttes, de ses tentations, Marguerite-Marie avait recours à son cher Maître,

qui lui répondait : « Reconnais donc que tu ne peux rien sans moi, qui ne te laisserai point

manquer de secours, pourvu que tu tiennes toujours ton néant et ta faiblesse abîmés dans ma

force. » (Éd. Gauthey, t. 2 , p. 58.)

« Abîme-toi dans ma grandeur et prends garde de n'en jamais sortir, parce que, si tu en

sors, tu n'y rentreras plus. » (T. 1er, p. 109,)

Une fois, écrivait la sainte à la Mère de Saumaise (avril 1687), Il me dit avec une voix pleine

d'autorité: « je te rendrai si pauvre, si vile, si abjecte à tes yeux, et je te détruirai si fort dans la

pensée de ton coeur, que je pourrai m'édifier sur ce néant. » (T.2, p. 362.)

Un jour Il lui apparut sous la forme d‘un enfant lumineux qui vint se poser sur ses bras

croisés ; ce qui lui fit dire : Mon Seigneur et mon Dieu, par quel excès d'amour abaissez-vous

ainsi votre grandeur infinie? « Je viens, ma fille, te demander pourquoi tu me dis si souvent de

ne pas approcher de toi. » Vous savez, ô mon Souverain, que c'est que je ne suis pas digne de

m'approcher de Vous et bien moins de vous toucher. « Apprends que plus tu te retires dans ton

néant, plus ma grandeur s'abaisse pour te trouver. » (T. 1er, p.110,)

8. Jésus choisit les humbles pour ses instruments et il en fait ses intimes

Notre-Seigneur, rappelant à Marie-Josèphe Kumi qu'll avait fait choix d'elle pour travailler au

salut des âmes, elle s'excusait sur son néant et son indignité. « Ne puis-je pas, reprit le

Sauveur, déverser ma grâce ou je veux ? Sache que, ces temps-ci, la superbe des savants et

les vices des orgueilleux sont montés si haut que je ne puis plus les tolérer. Je choisis les

simples pour mes instruments. » (Vie, ch. 15.)

« Le Saint-Esprit prend soin des âmes humbles, disait Jésus à Benigna. Quand est-ce qu'un

enfant est porté entre les bras ? Quand il est convaincu que de lui-même il ne peut pas

marcher. » (Vie, p. 300.)

9. Le Seigneur invite à l'humilité

« Si tu veux me trouver, disait Jésus à sainte Véronique Juliani, trouve d'abord le rien ; si tu

veux me posséder, arrête-toi dans le rien ; si tu veux me contenter, appuie-toi sur le rien, non

pas pour qu'il soit apprécié, mais pour qu'il soit méprisé, avili, mis sous les pieds de tous. Si tu

veux m'aimer tout de bon, apprends du rien comment tu dois le faire ; tu m'aimeras, tu me

serviras, tu seras toute mienne quand tu auras retrouvé le principe, le milieu et la fin de ton

être. » (Diario, 3 giugno 1697). J'ai eu une lumière, raconte la même sainte, qui m'a donné la

connaissance de mon néant et une grande estime des humiliations et des souffrances. A ce

moment, le Seigneur s‘est montré portant une croix pesante ; Il m'a éclairée sur la vertu

d'humilité et Il m'a dit : « Je veux que tu apprennes cette vertu de telle façon qu'elle ait toujours

la première place dans toutes les oeuvres que tu accompliras ; afin qu'elles me soient toutes

offertes dans un esprit d'humilité. » (8 maggio 1699.) «Je suis Celui qui suis et je me suis fait

ton Époux ; toi tu es celle qui n'est pas, car tu n'es rien. Mais comme je suis l'amour souverain,

je t'ai aimée et je t'aime ; et si grand est mon amour que je te porte toujours dans mon Coeur. »

(14 maggio 1697.) « Je suis Celui qui suis, et toi, tu es celle qui n'est pas, c'est-à-dire néant,

poussière et pourriture. Tu dois marcher dans cette voie. » (3 novembre 1715). « Cache-toi toimême

et manifeste-moi. IL en est temps, je t'invite à la bataille ; je te veux sur la croix. Cachetoi

dans la souffrance, dans mon amour, dans la mort à toi-même, détachée de tout, dépouillée

de tout. Renonce-toi généreusement et opère tout avec amour et par amour. » (23 gennaro

1696.) « Ma fille, plus tu seras humble, plus l'amour grandira en toi. Le pur amour veut avec une

pure souffrance une vie détachée, humiliée et persévérante. » (23 agosto 1715.)

10. Dieu ne veut pas que ses amis oublient leurs fautes

On lit dans la vie de sainte Thérèse par elle-même : Un soir j'étais en oraison ; le divin

Maître m'adressa quelques paroles qui me remettaient en mémoire les grandes fautes de ma

vie... Il me présenta les liaisons frivoles que j'avais entretenues : Je devais, dit-Il, regarder

comme une grande grâce qu'Il voulût bien permettre à un coeur aussi infidèle de s'attacher à Lui

et qu'Il daignât encore le recevoir. En d'autres circonstances, Il m'a dit de me souvenir du temps

où je mettais mon honneur à aller contre le sien ; d'autres fois, de réfléchir à ce que je lui dois,

puisque c'est dans le temps où je l'outrageais le plus qu'Il m'accordait de grandes grâces. (Vie,

ch. 38.)

11. Avec quel vif désir Dieu attend que nous réparions nos fautes par l'humilité

Un soir, Gertrude s'était laissée aller à quelque émotion ; le lendemain, étant en prières, elle

vit Notre-Seigneur tout attristé. Pressée par les remords de sa conscience, elle se mit à

considérer combien c'était peu convenable d'affliger, par une émotion coupable, l'auteur de la

pureté et de la paix. Elle conclut de là qu'elle préférerait l'absence de Notre-Seigneur à sa

présence, mais seulement à cette heure où elle négligerait de résister à l'ennemi de sa vertu.

Le Seigneur lui dit : « Un pauvre malade qui peut à peine se faire porter, avec l'assistance

d'autrui, à la douce chaleur du soleil, ne peut se consoler, lorsque tout à coup, il survient du

mauvais temps, que dans l'espoir de voir bientôt revenir la sérénité. Il en est de même pour

moi. Forcé par mon amour, j'ai choisi de demeurer avec toi, au plus fort des tempêtes que

soulèverait la violence des passions ; mais j'attends que ton repentir ramène le beau temps et

que tu abordes au port de l'humilité. » (Liv. 2, ch. 12.)

12. Dieu préfère l'humilité aux élans de la dévotion

Dans une de ses communions, Gertrude, ne se sentant pas suffisamment préparée,

demandait à Notre-Seigneur pourquoi Il ne lui avait pas envoyé ses ornements de dévotion,

dont elle se serait parée pour Le recevoir. « Ma fille, l'époux quelquefois prend plus de plaisir à

voir le cou de son épouse sans ornement que s'il était recouvert d'un collier ; il aime mieux lui

tenir ses mains blanches et délicates que de les trouver couvertes de gants ; eh bien,

quelquefois, je prends plus de plaisir dans la vertu d'humilité que dans la grâce de la dévotion. »

(Liv. 3, ch. 18 ; édit. latine, p. 157.)

La sainte priant pour une personne, le Seigneur lui dit: «Je t'exauce toutes les fois que tu

pries pour elle. » Pourquoi donc alors me réclame-t-elle si souvent mes prières, et avec des

paroles si attristées, comme si elle ne recevait de vous aucune consolation, se plaignant

toujours de son indignité ? Le Seigneur répondit : « La manière la plus délicate par laquelle mon

épouse peut exciter mon affection envers elle, et l'ornement qui lui sied le mieux, c'est surtout

qu'elle se déplaise dans son propre état. Cette grâce s'accroît en elle d‘autant plus que tu pries

davantage pour elle. » (Liv, 3, ch. 72.)

13. Pourquoi Dieu permet que ses amis aient quelques faiblesses

« Ma fille, dit Notre-Seigneur à sainte Gertrude, il est certains défauts dont la connaissance

excite dans l'homme des sentiments d'humilité et de componction, et il y a là profit pour le

salut ; je permets qu'il arrive de ces fautes même à mes meilleurs amis, ce qui leur donne

occasion de pratiquer des vertus ; mais il y a des défauts que l'on reconnaît sans en tenir

compte, ou, ce qui est pire, que l'on défend comme une chose juste et dont l'on ne veut pas se

corriger ; or, ces fautes jettent l'homme en un grand péril de son salut éternel ; de celles-ci ton

âme est pleinement purifiée. » (Liv. 4, ch. 2.)

Tandis que Gertrude priait pour une personne qui s'était abstenue de la communion par la

crainte qu'elle avait de scandaliser quelques âmes, le Seigneur lui répondit par cette

comparaison : « L'homme qui remarque une tache sur ses mains va les laver, et non seulement

il en ôte la tache qu'il avait remarquée, mais ses mains en deviennent plus blanches. Ainsi en

arrive-t-il quelquefois à mes élus, que je laisse tomber en quelques légères fautes, dont ils se

repentent ensuite et deviennent plus agréables à mes yeux par leur humilité ; mais il y en a qui

contrarient mes desseins en négligeant après leur repentir leur beauté intérieure, objet de mes

complaisances, et ne pensent qu'à l'extérieur, qui dépend du jugement des hommes ; ce qui a

lieu quand ils n'ont point de souci de se priver de la grâce qu'ils recevraient dans ce sacrement,

de peur d'être critiqués par le monde, qui ne les trouve pas assez bien préparés pour s'en

approcher. » (liv. 3, ch. 18, n°14; éd. lat., p. 159.)

Le Seigneur ayant fait connaître à Gertrude que les défauts des supérieurs augmentent le

mérite et l'obéissance des inférieurs, elle dit : J'aimerais, sans doute, mon Seigneur, à voir

mériter les inférieurs ; mais je désirerais aussi que les supérieurs ne commissent pas de fautes,

et je crains que cela ne leur arrive par suite de leur imperfection. « Je permets que quelque

chose dans leurs défauts se révèle dans leurs divers emplois, autrement, ils ne seraient pas

assez humbles. Ainsi, les mérites des inférieurs gagnent autant aux défauts qu'aux qualités des

supérieurs, et également les mérites des supérieurs ne gagnent pas moins aux défauts mêmes

qu'aux progrès des inférieurs ; tout ainsi que, dans un même corps les divers membres

contribuent au bien de l'ensemble. » (Liv. 3, ch. 83.)

14. Dieu nous élève pour nous fortifier, Il nous laisse à nous-mêmes pour nous

humilier

Gertrude, se reconnaissant indigne des faveurs du Seigneur et des secrets qu'Il lui révélait,

doutait d'une réponse qui lui avait été faite. Il pourrait, disait-elle, vous paraître inconvenant, à

vous, le Roi des rois, de me faire connaître à moi, qui suis le rebut de toutes les créatures, les

secrets de votre divine Providence. « Il n'en est pas ainsi, répondit le Seigneur, et j'agis de la

sorte dans l'intérêt de ton salut. Quelquefois je t'élève par la contemplation en t'admettant dans

mes secrets ; je t'en exclus aussi d'autres fois, pour te conserver dans l'humilité. Ainsi, tu peux

voir par là ce que tu gagnes avec moi quand tu reçois, et ce que tu es par toi-même, quand tu

ne reçois rien. » (Liv. 3, ch. 16.)

15. Dieu a pour très agréable tout ce qui est fait avec une profonde humilité

Gertrude, se regardant comme la plus vile des créatures, tenait tout ce qu'elle s'accordait à

elle-même comme fait à l'être le plus indigne. Le Seigneur lui révéla combien une telle pensée

lui était agréable une fois qu'elle souffrait des maux de tête et s'était procurée quelques

soulagements pour la gloire de Dieu ; le Seigneur parut se pencher vers elle avec bonté et

respirer doucement les parfums que Gertrude respirait. Il dit alors aux saints : « Voilà le

nouveau présent que j‘ai reçu de ma fiancée. » (Liv. 1er, ch. 11 ; éd. lat., p. 36.)

16. Ce qui tarit la grâce

Notre-Seigneur dit à sainte Marguerite-Marie : « Regarde ma fille, si tu trouveras un père

blessé d'amour pour son Fils unique, qui ait jamais pris tant de soin et qui lui pût donner des

marques d'amour si tendres comme sont ceux que je t'ai donnés et te veux donner du mien,

lequel a eu tant de patience et de peines à te cultiver selon mes desseins, dès ta plus tendre

jeunesse, t'attendant doucement sans me rebuter de toutes tes résistances. Souviens-toi donc

que si tu oubliais la reconnaissance que tu me dois, ne me référant pas la gloire de tout, ce

serait le moyen de faire tarir pour toi cette source inépuisable de tout bien. » (Ed. Gauthey, t. 2,

p. 54.)

17. Dieu veut que nous ne soyons rien en nous-mêmes

Un jour de la fête du saint Nom de Jésus, Françoise de la Mère de Dieu passa tout le temps

jusqu'à la messe sans pouvoir s'appliquer à Dieu, bien qu'elle fit tout son possible, ce dont elle

s'humiliait beaucoup. Lorsqu'elle eut communié, Notre-Seigneur lui dit: « Je veux que vous ne

soyez rien. » Mon Seigneur, répondit-elle, faites que cela soit. Il reprit : « J'entends que vous ne

soyez rien en vous, mais tout en moi, que vous ne soyez rien pour vous, mais tout pour moi. »

(Vie, ch. 4.)

18. Le Seigneur reproche sévèrement un simple mouvement d'orgueil

Marguerite-Marie écrivait à la Mère de Saumaise (20 janvier 1682) : Mon Seigneur Jésus-

Christ me dit souvent : « Que ferais-tu sans moi ? Tu serais bien pauvre. » (T. 2, p. 251.)

Voici ce qu'elle raconte dans son autobiographie (p. 75): Une fois, m'étant laissée aller à

quelque mouvement de vanité en parlant de moi-même, ô mon Dieu, combien de larmes et de

gémissements me causa cette faute. Car, lorsque nous fûmes seul à seul, Il me reprit en cette

manière et d'un visage sévère : « Qu'as-tu, ô poudre et cendre, de quoi te pouvoir glorifier,

puisque tu n'as rien de toi que le néant et la misère que tu ne dois jamais perdre de vue, non

plus que sortir de l'abîme de ton néant ? Et, afin que la grandeur de mes dons ne te fasse

méconnaître et oublier de ce que tu es, je t'en veux mettre le tableau sous les yeux. » Et

aussitôt, me découvrant cet horrible tableau, II me fit voir un raccourci de tout ce que je suis, ce

qui me surprit si fort avec tant d'horreur de moi-même que, s'Il ne m'avait soutenue, j'en serais

pâmée de douleur.

III. Avantages de l'humilité

19. L'humilité est nécessaire à l'âme comme l'eau à la plante

Jésus est mon Maitre, raconte Gertrude-Marie, Il m'instruit, Il essaie de me former à la

pratique de toutes les vertus ; aujourd'hui c'est sur l'humiIité qu'Il m'a parlé. « L'humilité, m'a-t-Il

dit, est aussi nécessaire à l'âme comblée de grâces que l'eau l'est à la fleur. Si la fleur n'avait

que les ardeurs du soleil, elle se fanerait et tomberait. Pour s'épanouir et se conserver fraîche

et belle, il lui faut de l'eau et le soleil, autrement dit la chaleur et l'humidité, les deux à la fois. Ici

la fleur c'est l'âme qui s'épanouit ; la chaleur, les ardeurs du soleil ce sont les rayons qui

s'échappent du divin Soleil de justice, ce sont les ardeurs que l'âme éprouve pour son Dieu, ce

sont ces lumières vives qui l'éclairent et l'excitent, la poussent à la perfection, à la sainteté, ce

sont ces grâces de choix dont Dieu la comble. Il faut à cette âme l'humilité et l'humilité profonde.

Il faut que cette âme soit imbibée d‘humilité, il faut qu'elle trempe continuellement dans cette

eau bienfaisante. S'il en était autrement, bientôt cette âme comblée se dessécherait, se fanerait

et tomberait. Quel dommage ! » (22 octobre 1907.)

20. L'humilité produit les autres vertus

Au moment de la sainte communion, rapporte la Mère Marie-Dominique Moess, le Seigneur

dit à mon âme: « Ma fille bien-aimée, apprends de moi que je suis doux et humble de coeur. Si

tu veux devenir semblable à mon Coeur, il faut t'efforcer de faire ce que ces paroles signifient.

Sois très humble et tu seras très obéissante ; sois très douce et tu seras tout amour. Si tu es

tout amour, tu seras par la même toute prête au sacrifice, rien ne te coûtera, tout te semblera

doux et facile ; tu feras les plus grands sacrifices avec le plus grand empressement. L'amour

produit ceci, que l'on ne voit plus de sacrifice en rien, parce que toute peine et toute fatigue sont

adoucies par la joie que l'on y trouve. A quiconque fait des efforts sérieux, lui dit encore le

Seigneur, pour ressembler à mon Coeur divin par la douceur et l'humiIité, les autres vertus

seront données comme par surcroît. Plus quelqu'un fait d'efforts pour acquérir ces vertus, plus il

goûtera les douceurs de mon Coeur. Rien ne me plaît davantage que de voir une âme chercher

l'humilité et la douceur de mon Coeur. » (3 Teil, Kap. 3.)

21. Plus l'âme s'abaisse, plus elle honore Dieu, plus Dieu se plaît à se servir

d'elle

Notre-Seigneur dit à la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy qui s'était arrêtée à penser

à son incapacité : « Il me plaît que tu sois sans force et sans science pour faire par ton moyen

tout ce que je veux ; les sages du monde s'appuient trop sur la prudence humaine ; ils

n'écoutent pas ce que je leur dis, parce qu'ils croient tout savoir. » (Vie, 1re part., ch. 38.)

Gemma Galgani pria souvent le Seigneur de ne plus lui accorder de faveurs extraordinaires

et de les donner à d'autres qui sauraient mieux y correspondre. Un jour entre autres qu'elle

s'affligeait voyant que le Seigneur n'accédait pas à cette demande, celui-ci lui dit : « Tu fais ce

que tu peux ; mais je veux justement me servir de toi, parce que tu es la plus pauvre et la plus

pécheresse de toutes mes créatures. » (Biografia, cap. 9.)

Notre-Seigneur dit à la Mère Françoise de la Mère de Dieu : « Voyez, ma fille, quel grand

profit il y a à être basse, vile et petite, à ses propres yeux; car jamais la créature ne peut tant

honorer ma grandeur, ma majesté et ma souveraineté que lorsqu'elle se voit et se croit n'être

rien et qu'elle s'abaisse profondément devant moi. » (Vie, ch. 12.)

22. Combien il est bon de connaître et sa misère et sa grandeur

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi reçut du Père éternel cette instruction: « Si votre ennemi

cherche à vous enfler d'orgueil ou à vous précipiter dans le désespoir, c'est à la connaissance

de vous-mêmes que vous devez avoir recours pour vous défendre, opposant à l'orgueil votre

bassesse et au désespoir votre grandeur. Car, si vous ne considériez que votre bassesse, vous

seriez tentée de vous décourager ; il faut donc aussi considérer votre grandeur, qui est si

sublime que celui-là seul, après moi, peut la comprendre, auquel j'en donne une intelligence

particulière. » (4° part., ch. 16.)

23. Dieu permet les tentations pour nous maintenir dans l'humilité

J'ai demandé bien des fois, raconte Soeur Saint-Martinien, d'être délivrée de toutes ces

misérables pensées qui me font tant souffrir et que je méprise du fond du coeur. Notre-Seigneur

m'a répondu bien des fois que, pour me montrer ce que je suis de moi-même, Il ne le ferait pas.

(Lettre du 23 septembre 1861.)

Je Lui ai demandé, raconte-t-elle encore, quelle était la cause de cet abandon, de ce

délaissement, des épreuves et des souffrances de tout genre qu'Il m'avait envoyées depuis le

15 septembre. Il me demanda si je n'étais pas bien exposée à l'orgueil : « Je te comble, m'a-t-Il

dit, de faveurs et chaque jour je t'en accorde de nouvelles ; je bénis tes travaux ; les plus

rebelles t'accueillent avec bonté, reconnaissance ; ils te flattent, ils te donnent des louanges.

Dis-le moi, n'as-tu pas besoin de sentir ta misère et de la sentir bien profondément ? Je sais

que tes oeuvres sont pénibles par elles-mêmes, mais cette confiance, cet accueil, cette

préférence même d'avec tes soeurs, n'y a-t-il rien en cela qui puisse alimenter ton amour-propre

? » (Lettre du 27 octobre 1861.)

IV. Récompense de l'humilité

24. Celui qui s'abaisse sera élevé

Pénétrée d‘un sentiment de profond abaissement, Gertrude dit au Seigneur : Le plus grand

miracle à mes yeux, Seigneur, est que la terre puisse porter une pécheresse aussi indigne que

je le suis. « Ma fille, la terre se laisse volontiers fouler sous tes pas, quand le Ciel, bien

autrement sublime, attend, avec des tressaillements d'allégresse, l'heure bienheureuse où il

aura l'honneur de te porter. » (Liv. 1er, ch. 11; éd. lat., p. 33.)

« La prière que tu m'as adressée, dit Jésus à sainte Marguerite de Cortone, d'être soumise

à toutes les créatures me plaît ; je consens à ce qu'il en soit ainsi autant que mon honneur le

permet, et que tu te regardes comme la plus vile de toutes ; je t'en ai donné l'exemple en me

soumettant à tous et en passant pour méprisable aux yeux du monde. Cette humilité sera la

source de ta grandeur dans le Ciel. » (Vie intime, ch. 11, § 9.)

Jésus-Christ, dans une apparition, dit à la bienheureuse Catherine de Racconigi: « A l'aide

de l'humilité, l'homme se considère vil et abject aux yeux de Dieu, et plus il se met au dernier

rang, plus il s'élève, à l'exemple de ma très sainte Mère, qui, pour avoir été la plus humble des

créatures, fut élevée par Dieu au-dessus de toutes. »

25. Jésus promet la gloire à l'âme qui s'est humiliée. La contrition n'est jamais

trop grande

Soeur Aimée de Jésus avait fait une relation des fautes de sa vie. Notre-Seigneur lui fit

remarquer que dans cette relation elle avait exagéré les expressions en parlant des dissipations

et des légèretés de sa vie. Puis Il lui dit : « Parce que tu n'as pas craint de passer aux yeux de

ton directeur, de tes confesseurs et même de ceux qui liront tes pages pour une véritable

pécheresse, je te couvrirai de gloire. » Je parlai alors à Notre-Seigneur, dit Soeur Aimée de

Jésus, de la contrition qu'll m'avait donnée et des termes dans lesquels je l'exprime pour savoir

si je n'avais rien à changer. « Non, me dit le Sauveur, ta contrition n'est point exagérée, puisque

la plus petite offense commise contre moi exigerait un regret infini, ni les termes dans lesquels

tu l'exprimes, puisqu'ils sont au contraire bien au-dessous de ce que tu éprouves, car je t'ai

donné une douleur et une humilité aussi grandes qu'aux plus insignes pécheurs repentants, ce

qui me procure beaucoup de gloire. De plus, cette contrition t’a purifiée de toutes tes taches, et

cette humilité conserve en toi mes dons. » (Vie, ch. 19.)

26. L'humilité est glorifiée pour le bien des autres

Sainte Marguerite de Cortone éprouvait une douleur extrême si elle venait à s‘apercevoir

que l'on n'ajoutait pas foi à toutes les fautes dont elle s'accusait, tant elle désirait être méprisée

et vilipendée. Ce mépris d'elle-même était si agréable à Notre-Seigneur qu'Il lui dit: « Ma fille, tu

prétends qu'en te choisissant j'ai choisi la plus vile et la plus méprisable de toutes les

créatures ; je l'ai fait pour donner la gloire aux humbles, la grâce aux pécheurs et la justice à

ceux que le monde méprise et déteste. » (Ch. 4, § 13.)

27. L'humilité emporte le Coeur de Dieu

Sainte Gertrude, profondement humiliée au souvenir de ses fautes, cherchait à se cacher, à

s'anéantir ; le Seigneur s'abaissa vers elle avec tant de bonté que toute la cour céleste

s'empressait de le retenir, mais Il dit: « Je ne puis en aucune manière m'empêcher de suivre

celle qui, par ses attraits si puissants d'humilité, a emporté mon Coeur divin avec elle. » (Liv. 3.

ch. 30, n° 26 ; éd, lat., p. 191.)

« A celui qui sera humble, a dit le Seigneur à sainte Véronique Juliani, je donnerai pour

habitation mon Coeur lui-même. » (Diario, t. ler, p. 373.)

28. L'humilité triomphe de Satan

Saint Antoine, solitaire, voyant dans une de ses oraisons la terre couverte de lacets et de

pièges que les démons y avaient tendus, se demandait en lui-même qui pourrait les éviter. Il

entendit une voix qui disait: « Antoine, ce sera la seule humilité. » (Petits Bollandistes, au 17

janvier.)

29. L'humilité rend la prédication efficace

Le bienheureux Ange d'Acri (1669-1739), de l'Ordre des Mineurs capucins, ne manquait pas

de mémoire et pourtant un obstacle invincible l'empêchait de réciter ses sermons comme il les

avait écrits. Ayant supplié le Seigneur de lui faire connaître sa volonté touchant la prédication, il

en reçut cette réponse : « Je te donnerai le don de la prédication, désormais tous tes travaux

seront bénis. Je suis Celui qui suis, tu prêcheras à l'avenir dans un style familier afin que tous

puissent comprendre tes discours. » Cette révélation lui fit connaître la raison de son peu de

succès jusqu'ici dans les prédications. Désormais l'Écriture sainte et le Crucifix furent les

sources où il puisa ses sermons, et Dieu le bénit. (Petits Bollandistes, au 30 octobre.)

30. Les persécutés sont protégés s'ils s'humilient, et frappés plus durement s'ils

s'irritent

Tandis que Gertrude suppliait le Seigneur de prendre la communauté sous sa protection et

de la défendre contre les attaques des méchants, Il lui dit: « Si, pendant que vous êtes

humiliées sous ma main puissante, vous reconnaissez devant moi, en vos coeurs, que vous

méritez d'être châtiées pour vos négligences, ma miséricorde vous gardera saines et sauves de

toute incursion de vos ennemis. Mais si, par orgueil, vous vous emportez contre ceux qui vous

affligent, désirant et leur souhaitant le mal pour le mal, alors par un juste châtiment de ma

justice je permettrai qu'ils prévalent contre vous et qu'ils vous affligent encore davantage. » (Liv.

3, ch. 68.)

V. Pratique de l'humilité

31. L'humilité vient par l'amour

« Aime-moi bien, dit Notre-Seigneur à Anne-Marguerite Clément ; plus on m'aime, plus on

est humble. » (Vie, 1915, p. 486.)

32. Quelle est la vraie humilité et la vraie charité ?

« Celui qui m'offrira un coeur humble, patient et charitable, dit le Seigneur à sainte

Mecthilde, me fera un présent tout à fait agréable. » Et quel est le coeur si humble qui puisse

ainsi vous plaire ? répondit la sainte. Le Seigneur reprit: « Celui qui est joyeux d‘être méprisé,

que les peines et toutes les épreuves rendent heureux, qui se réjouit de pouvoir ajouter quelque

chose à ma passion et à mes humiliations et d'avoir quelque chose à me sacrifier, voilà celui qui

est patient et humble de coeur. De même, celui qui se réjouit du bien qui arrive à ses frères et

s'affIige de leurs disgrâces comme si elles étaient les siennes, celui-la m'offre un coeur vraiment

charitable. » (1re part, ch. 11.)

33. Penser que de soi on n'est rien

Je me plaignais une fois à Notre-Seigneur, raconte la bienheureuse Anne de

Saint-Barthélemy, de ce qu'Il souffrait qu'on mît sur mes épaules une charge si importante,

puisque de moi-même j'étais si peu de chose, moins que de la paille. Il me répondit : « Je me

sers de la paille pour allumer le feu. » (Vie, ch. 27.)

34. Chercher les humiliations et accepter celles que la Providence ménage

Jésus m'a dit, raconte Gertrude-Marie : « Demande à ton directeur de t'humilier, de te dire

tes défauts et tout ce qu'il y a de mauvais en toi. Par ces humiliations tu arracheras de mon

Coeur toutes ces épines que tu y as mises par ton orgueil. » (17 mars 1907.)

Le Sauveur dit à Marie-Céleste : « Souvent je cherche à délivrer les âmes séduites par

l'amour d'elles-mêmes en leur envoyant des humiliations, ou en permettant qu‘il leur en vienne

de la part du prochain. Hélas ! au lieu d'en profiter, elles changent ce remède en poison, et,

comme le serpent, tournent la queue de leur amour-propre contre moi ou contre le prochain qui

les humilie. Au lieu de se résigner à ma volonté, elles prennent tout en mal, commettent mille

imperfections et conçoivent de l'aversion pour le prochain. Leur charité se refroidit et il en

résulte encore d'autres maux. » (Vie, p. 390.)

Jésus fit la même plainte à Benigna : « Quand je donne des consolations, les âmes croient

facilement à mon amour. Mais quand je leur offre des occasions d'humiliations, alors, même les

âmes religieuses me ferment facilement la porte au visage, ou si elles l'ouvrent, c'est à peine

pour entendre... puis, finalement, elles la Ierment entièrement. Ma Benigna, si seulement il

m'était donné de trouver une âme qui réponde à mon désir, que n'en ferais-je pas ? » (Vie, 8

mai 1916, p. 399.)

« Quand une âme, lui dit-Il encore, reçoit bien les humiliations, je donne à cette âme un

nouveau trait de ressemblance avec moi. En disant tes coulpes, choisis toujours celles qui

t'humilient le plus, sois bonne économe pour le Paradis.

Ma Benigna, la pureté de l'amour consiste dans la pureté du sacrifice, et il n'y a pas de

sacrifice qui me plaise autant que celui de l'estime et de l'honneur, de la réputation, car là est la

vie morale de l'homme. Quand une âme en est arrivée à ce point d'aimer le mépris pour donner

plus de gloire à Dieu, je la regarde avec un regard tel que, si l'âme pouvait le voir, elle en

mourrait de joie... Mais on craint le mépris comme on craindrait un monstre. Pourquoi tant

d'âmes n'arrivent-elles pas au sommet de la perfection ? parce qu'elles ont peur du mépris... Un

avertissement bien reçu peut en cinq minutes, ou le temps qu'il dure, faire arriver une âme dans

mon intimité, là où elle n'arriverait qu'après deux ou trois années de vie ordinaire... Plus une

âme tend à l'humilité, plus elle s'approche de moi. » (p. 62, 63, 64.)

35. Ne pas s'enorgueillir des faveurs divines, elles sont souvent données aux plus

faibles

Comme je craignais la vaine gloire, dit sainte Gertrude au Seigneur, votre tendresse

paternelle m'a donné cette leçon : je devais regarder votre disposition envers moi, comme il en

serait d'un père de famille qui aurait la joie de se voir entouré de nombreux et beaux enfants,

aux ordres desquels s'empresserait une foule nombreuse de serviteurs et de voisins ;

cependant, il y en aurait parmi eux un plus jeune, qui ne serait pas encore parvenu à l'élégance

des autres et que le père, ému d'une compassion vraiment paternelle, prendrait souvent entre

ses bras, lui prodiguant plus qu'aux autres caresses et petits présents. Puis, vous avez ajouté

que, si j'avais cette conviction bien arrêtée que je suis plus imparfaite que les autres, le torrent

de vos douceurs célestes ne cesserait jamais de couler dans mon âme. (Liv. 2, ch. 18.)

36. Garder l'humilité dans la ferveur sensible

Le divin Maître donna à Anna-Maria Taïgi cette instruction : « Les âmes doivent s'humilier et

ne pas être trop confiantes quand elles sont dans la ferveur ; car l'âme qui se trouve en cet état

s'empresse bien vite de faire des promesses, puis quand la froideur arrive, elle devient timide,

peureuse et ne va plus en avant. Toute âme qui commence doit parler ainsi : Ô mon Dieu, vous

qui êtes grand, qui êtes tout-puissant, faites de votre serviteur ce qui vous convient, pourvu qu'il

accomplisse votre volonté. Je veux souffrir ce que vous voulez que je souffre, mais rappelezvous

que je ne suis bon à rien. Les âmes doivent se souvenir que Pierre, mon bien-aimé, fit sa

promesse dans un moment de grande ferveur, et, quand le moment de l'épreuve fut venue, il

oublia mon amour. Rappelle-toi ce que je t'ai dit : les hommes sont comme la girouette ; si ma

grâce ne les retenait, ils tourneraient à tous les vents. » (Vie, par Mgr Luquet, ch. 3.)

37. Les vrais amis de Dieu s'humilient et de leurs défauts et des faveurs qu'ils

reçoivent

Sainte Gertrude, ayant quelque peu cédé à une tristesse déréglée et à un mouvement

d'impatience, en fut vivement peinée ; à la vue du grand nombre et de la gravité des défauts

qu'elle découvrait en elle, elle se sentait tout abattue et comme découragée. Alors le Seigneur

lui dit : « Pourquoi donc te défier de toi-même comme si tu n'avais pas la charité, puisque les

faveurs dont tu es comblée sont une preuve que tu la possèdes ? Et pourquoi parler d'une

manière désespérée de tes péchés, quand, au témoignage de l'Écriture, la charité couvre la

multitude des péchés ; puisque tu ne préfères pas ta volonté à la mienne, quoiqu'en la suivant,

tu pourrais vivre commodément, honnêtement, possédant la faveur du monde et le renom de

sainteté ? Et le Seigneur lui expliqua pourquoi Il avait permis qu'elle ressentît ces angoisses :

« Dans la grandeur de mon amour, je restreins toujours pour mes élus par le remords de la

conscience les commodités de ce monde, afin qu'ils aient plus de facilité à les mépriser. » (Liv.

3, ch. 4.) Une autre fois, Il lui dit : « Souvent mes dons ne servent qu'à t'humilier; en effet, tu t'en

juges si indigne qu'il te semble que tu les reçois comme un mercenaire que l'on paie pour s'en

faire servir, et il te paraît que sans ce don même tu n'aurais pour moi aucune fidélité. Aussi,

pour cela tu te préfères les autres, qui, sans être engagés par de semblables faveurs, se

montrent néanmoins fidèles à moi en toutes circonstances. » (Liv. 3, ch. 9.)

38. L'âme humble ne se désole pas des faveurs dont elle est l'objet

Notre-Seigneur, raconte sainte Thérèse, m'enseigna lui-même la vérité que voici : « Si

j'étais fermement convaincue qu'aucun bien ne venait de moi, que tout était de Dieu, je ne me

désolerais pas qu'Il fît éclater en moi ses merveilles, pas plus que je ne me désolais d'entendre

louer les autres. » (Vie, ch. 31.)

39. Les parures mondaines déplaisent à Dieu

Esprite de Jésus entendit cette parole : « Si tu veux t'élever, ce désir ne servira qu'à te

précipiter. » (Vie, ch. 5.) Afin d'obéir à sa mère, qui la pressait de se parer comme les jeunes

filles de son âge, Esprite avait pris quelques vêtements mondains pour aller avec sa mère à

l'église. Elle crut entendre au-dedans d'elle-même une voix qui lui criait : « Où vas-tu ? Oses-tu

paraître devant ton Dieu dans cet état ? » (Ibid, ch. 3.)

__________________________

Table des matières

CHAPITRE I : Encouragements divins à lire, à méditer et à faire connaître aux autres les paroles révélées

.......................................................................................................................................................................8

1. Le Seigneur ordonne d’écrire ses paroles ..............................................................................8

2. Bénédictions promises à ceux qui ont écrit les paroles divines ...........................................10

3. Le Seigneur a aidé ceux qui ont transmis aux hommes ses paroles .....................................10

4. Pourquoi Dieu choisit les simples pour être ses interprètes .................................................10

5. Fruits que doivent produire les paroles divines ....................................................................11

6. Les paroles divines ont aussi pour but de guérir les hommes de leurs péchés .....................11

7. Les péchés des hommes peuvent empêcher le fruit des paroles divines ..............................12

8. Il ne faut pas mépriser les révélations divines .....................................................................12

9. Il faut lire peu à la fois, puis méditer et relire souvent les divines paroles...........................12

CHAPITRE II : Dieu Amour......................................................................................................................13

I. Les qualités de l'amour divin...........................................................................................................13

1. Amour de Dieu le Père pour son Fils et du Fils de Dieu pour son Père ...............................13

2. Dieu nous a aimés avant de nous créer et cet amour est tout gratuit ...................................13

3. Dieu nous aime malgré nos défauts qu’Il combat sans cesse ...............................................14

4. L’amour de Dieu pour nous est toujours en éveil .................................................................14

5. L’amour de Dieu pour nous est fort, éternel, plein d’ardeur ................................................15

6. L’amour de Dieu pour nous est d’une profondeur infinie. ...................................................16

7. Le coeur de l’homme fait les délices de Jésus ......................................................................16

8. Les maux comme les biens viennent de l’amour .................................................................16

9. L’amour souffre de ne pouvoir donner .................................................................................16

10. Jésus est heureux d’avoir souffert pour nous .....................................................................16

11. L’amour de Dieu est gratuit ................................................................................................17

12. Dieu aime certaines âmes d’un amour de préférence..........................................................17

13. La fidélité rend l’âme plus chère à Dieu ............................................................................17

14. Jésus intercède près de son Père pour l’âme imparfaite et indifférente .............................18

II. Tendresses de Jésus........................................................................................................................18

15. Le Seigneur se plaît à nous redire son amour ....................................................................18

16. Comment Jésus prend ses complaisances dans l’âme fidèle ..............................................19

17. Jésus prend ses délices dans tout ce que ses bien-aimés font pour Lui ..............................19

18. Aime-moi, puisque je t’aime ..............................................................................................19

19. Les invitations affectueuses de l’Epoux divin. ...................................................................20

20. Ma bien-aimée est à moi et je suis à elle ............................................................................21

21. Le duel d’amour .................................................................................................................21

22. Jésus à ses intimes agonisants ............................................................................................22

III. Jésus veut être aimé......................................................................................................................22

23. Le ciel doit être désiré par amour .......................................................................................22

24. Donne-moi ton coeur ..........................................................................................................22

25. Je t’aime beaucoup plus que tu ne m’aimes ! ....................................................................22

26. Jésus, pour être plus aimé, communique quelque chose de son amour .............................23

27. Jésus cache son amour pour aviver nos désirs ...................................................................23

28. Les préférés de Jésus. Ils doivent tout faire par amour ......................................................23

29. Adorable jalousie de Jésus .................................................................................................23

IV. Délicatesse de Jésus......................................................................................................................24

30. Combien Jésus est sensible à ce que l’on fait pour Lui et contre Lui ................................24

31. Bénédictions accordées à ceux qui font du bien aux amis de Jésus ...................................24

32. Bontés de Dieu pour les amis de ses amis ..........................................................................25

33. Jésus aime nos amis plus que nous ne les aimons ..............................................................25

V. Les plaintes de l'amour ..................................................................................................................25

34. Le Coeur de Jésus est bien mal payé de ses bienfaits ........................................................25

35. L’Amour n’est pas aimé .....................................................................................................26

36. Jésus a sans cesse sous les yeux le spectacle des péchés de tout l’univers ........................27

37. Jésus voit renouveler sa douloureuse passion ....................................................................27

38. Il y a dans le monde un terrible abus des grâces ................................................................28

39. Jésus compte sur la terre bien peu de vrais amis ................................................................29

40. Jésus persécuté par ceux qu’Il a le plus aimé .....................................................................29

41. Quelles sont les causes des tristesses de Jésus ...................................................................30

42. Les déceptions de Jésus ......................................................................................................31

43. Beaucoup d’âmes religieuses aiment peu parce qu’elles ne désirent pas assez l’amour ...31

CHAPITRE III : Dieu Bonté........................................................................................................................32

1. Heureux qui s’applique à connaître la bonté de Dieu ..........................................................32

2. Bonté du Père éternel............................................................................................................32

3. Bonté de Dieu qui se donne Lui-même et au premier appel ................................................33

4. Dieu se donne autant qu’on veut le recevoir ........................................................................33

5. Dieu par bonté s’est rabaissé et mis à notre portée dans l’Incarnation ................................33

6. Bonté toute gratuite. Âmes choisies .....................................................................................33

7. Dieu est maître de ses dons ..................................................................................................34

8. Bonté qui n’oublie personne sur cette terre ..........................................................................34

9. Bonté qui accroît ses dons selon les efforts de l’âme ...........................................................34

10. Bonté qui se révèle ou qui se cache selon le besoin des âmes ...........................................34

11. Bonté qui met son plaisir à nous faire du bien ...................................................................34

12. Bonté qui ne suspend ses bienfaits que pour les multiplier ensuite ...................................35

13. Bonté qui attend le moment le plus opportun.....................................................................35

14. Bonté qui voudrait donner davantage ................................................................................35

15. Quand Dieu demande, c’est pour donner ...........................................................................36

16. Bonté qui se sert des âmes saintes pour répandre ses grâces sur les autres........................36

17. Bonté qui a su tirer le bien du mal. O felix culpa !.............................................................37

18. Bonté qui nous prépare d'ineffables récompenses..............................................................37

19. Bonté qui accorde la grâce d’une bonne mort ....................................................................37

20. Dieu ne laisse pas facilement se perdre les âmes qui Lui ont coûté si cher .......................38

21. Bonté qui tient compte des bonnes intentions ....................................................................38

22. Bonté qui récompense le dévouement de ceux qui se dépensent pour les amis de Dieu ..39

23. Bonté qui récompense les moindres actes d’amour ...........................................................39

24. Bonté qui récompense même le bien fait par des créatures coupables...............................39

25. Bonté qui récompense les vertus en en faisant pratiquer de plus grandes .........................40

26. Bonté qui accepte la bonne volonté pour le fait .................................................................40

27. Bonté qui aime mieux regarder la sainteté future que les défauts présents .......................40

28. Le chef-d'oeuvre de la bonté divine est de conduire l’âme à la perfection .........................41

29. Bonté qui nous fait d’autant plus de bien qu’on nous fait plus de mal ..............................41

30. Bonté qui nous apprend à nous servir de l’amour infini ....................................................41

31. Bonté qui répare nos négligences et supplée à notre impuissance .....................................41

32. Bonté qui fait ce que nous aurions dû faire ........................................................................42

33. Bonté qui efface les taches des âmes .................................................................................42

34. Bonté qui nous ramène à la présence de Dieu ....................................................................42

35. Bonté qui réconforte ...........................................................................................................42

36. Bonté incomprise ...............................................................................................................43

37. Bonté divinement affectueuse ............................................................................................43

38. Bonté qui nous bénit et qui nous garde ..............................................................................43

39. Bonté qui varie ses dons par sagesse ..................................................................................43

40. Bonté de Dieu et sa patience à l’égard des pécheurs obstinés ...........................................44

41. Ce que Dieu est pour l’âme ................................................................................................44

CHAPITRE IV : Dieu Justice .....................................................................................................................44

1. Il ne faut pas scruter les jugements de Dieu .........................................................................44

2. Dieu respecte la liberté de ses créatures ...............................................................................44

3. Réversibilité des grâces. Le compte qu’il faut en rendre .....................................................44

4. Les bontés de Dieu rendent plus rigoureux les droits de sa justice ......................................45

5. La miséricorde méprisée est vengée par la justice ...............................................................45

6. Les promesses de la miséricorde et les menaces de la justice ..............................................46

7. Dieu retient sa justice et épanche sa miséricorde .................................................................46

8. Les âmes fidèles doivent s'efforcer de faire contrepoids aux iniquités des pécheurs ..........46

9. Les bons eux-mêmes portent la peine de leurs négligences et de leurs défauts ...................47

10. La justice divine trouve encore à punir, même chez les âmes vertueuses qui ont fait une très

précieuse mort ..........................................................................................................................47

11. Dieu, même en punissant le péché, tient compte des vertus du coupable ..........................48

12. Dieu corrige sévèrement les âmes fidèles mais Il corrige en Père .....................................48

13. Les péchés des hommes attirent les châtiments divins ......................................................48

14. Jugement d’un mauvais riche .............................................................................................49

15. Jugement d’un religieux infidèle ........................................................................................49

16. Jugement d’un damné et d’un élu ......................................................................................50

17. Jugement, purification et délivrance de l’âme d’un soldat ................................................51

18. Dieu, quand il punit ses intimes, les punit en père .............................................................53

CHAPITRE V - Dieu Miséricorde ............................................................................................................53

1. L’Océan de la Miséricorde ...................................................................................................53

2. Le monde perdu. Le monde racheté .....................................................................................53

3. La miséricorde combat le désespoir, la présomption et l’endurcissement ...........................53

4. Providence miséricordieuse de Dieu envers les pécheurs ....................................................54

5. Dieu presse ses amis de prier pour les pécheurs ..................................................................55

6. Personne n’échappe à la main de Dieu ................................................................................55

7. La miséricorde s’étend aux païens comme aux chrétiens ....................................................55

8. Combien Dieu a hâte de pardonner ......................................................................................55

9. La miséricorde, fruit de l’amour, est plus grande que nos infidélités ..................................56

10. Jésus et les pécheurs ...........................................................................................................56

11. Miséricorde disposée à accorder plus qu’on oserait demander ..........................................57

12. La miséricorde mérite d’être d’autant plus exaltée qu’elle fait du bien à de plus indignes 57

13. Le bras de la miséricorde et le bras de justice ....................................................................57

14. Il ne faut jamais désespérer du salut d’un pécheur ............................................................57

15. Miséricorde triomphant de la justice ..................................................................................57

16. Miséricorde faite à un homme dont toute la vie avait été coupable ...................................58

17. La miséricorde poursuivant une âme imparfaite jusqu’à ce qu’elle soit toute à Dieu........58

18. La divine miséricorde poursuit le pécheur jusqu’à sa dernière heure ................................59

CHAPITRE VI : Jésus Consolateur ............................................................................................................60

1. Jésus console ses amis malades ............................................................................................60

2. La maladie est la solitude où Dieu conduit l'âme pour parler à son coeur.............................61

3. Comment Jésus s'unit à l'âme souffrante...............................................................................61

4. Jésus veut diviniser nos souffrances ....................................................................................62

5. Jésus au chevet des mourants ...............................................................................................62

6. Jésus remplace les âmes dont nous pleurons l’absence .......................................................63

7. Jésus console l’âme exilée ...................................................................................................63

8. Jésus console de l’oubli et des jugements méchants des créatures ......................................63

9. Jésus console ceux qui sont surchargés d’oeuvres extérieures. ............................................63

10. Jésus dédommage ceux qui sont privés des offices et des cérémonies ..............................64

11. L’âme qui se trouve sans secours peut tout trouver en Jésus .............................................64

12. Directeur éloigné ................................................................................................................64

13. Supérieure changée ............................................................................................................65

14. A l’âme sans consolation Dieu seul doit suffire. ................................................................65

15. Jésus rassure l’âme qu’effraient les grâces divines ............................................................65

16. Jésus ménage ses amis, même quand il les éprouve ..........................................................65

17. Jésus cache les vertus de ses élus sous des apparences de défaut ......................................66

18. Peines causées par nos négligences divinement consolées ................................................66

19. L’âme qui tremble de se laisser emporter par un zèle trop ardent ......................................66

20. L’âme craignant d’être trop sévère .....................................................................................66

21. Jésus console l’âme qui craint d’être trop estimée .............................................................67

22. Jésus console l’âme qui souffre de son impuissance ..........................................................67

23. Jésus console l’âme religieuse qui souffre de ne pouvoir accomplir sa règle ....................67

24. Les sentiments violents ne sont pas nécessaires ................................................................67

25. Jésus console l’âme qui se croit abandonnée .....................................................................68

26. Jésus rassure l’âme qui se croit éprouvée ..........................................................................69

27. Jésus rassure et instruit .......................................................................................................69

28. Encouragements divins ......................................................................................................70

29. Jésus rassure l’âme qui craint de s’accorder trop de douceurs ...........................................71

30. Jésus enseigne comment il faut subvenir aux besoins de la nature en purifiant son intention ....72

31. Jésus, le délassement de l’âme fatiguée .............................................................................72

32. L’âme sainte est le ciel de Dieu ..........................................................................................72

33. L’âme fidèle est dans le Coeur de Jésus ..............................................................................72

34. Jésus agit avec l’âme fidèle comme la mère avec son enfant ............................................72

35. Jésus avec nous dans les oeuvres entreprises pour sa gloire ...............................................73

36. Dieu, le seul Ami fidèle ......................................................................................................73

37. Jésus, la force des martyrs ..................................................................................................74

CHAPITRE VII : Jésus Victime .................................................................................................................74

1. Combien il est salutaire à l’âme de penser à la passion .......................................................74

2 . Les préférences de Jésus sont pour ceux qui méditent sa passion ......................................75

3. Jésus invite l’âme fidèle à contempler l’une après l’autre toutes ses souffrances ...............75

4. Jésus fait à ses amis la confidence de ses douleurs ..............................................................76

5. Jésus a souffert toute sa vie ..................................................................................................77

6. Avec quel amour Jésus a enduré sa passion .........................................................................77

7. Les peines intérieures de Jésus .............................................................................................78

8. Membres arrachés sans retour du corps mystique de Jésus .................................................78

9. Le fatal jamais des âmes tant aimées ...................................................................................78

10. En quel sens Jésus a souffert les peines des damnés ..........................................................79

11. Membres séparés pour un temps du corps mystique de Jésus ............................................79

12. Jésus partageant toutes les douleurs de ses élus .................................................................79

13. Pensées des douleurs causées à Marie, sa Mère .................................................................80

14. Participation aux souffrances de Marie-Madeleine ............................................................80

15. Les douleurs de ses apôtres ................................................................................................80

16. La trahison de Judas ...........................................................................................................81

17. Larmes et baisers de Jésus sur les pieds de Judas ..............................................................81

18. La haine obstinée du peuple juif ........................................................................................82

19. Combien Jésus à souffert de l’obstination des pécheurs ....................................................82

20. Gethsémani .........................................................................................................................83

21. Et beaucoup plus encore ! ..................................................................................................83

22. Couronnement d’épines, Crachats, Flagellation, Crucifiement .........................................83

23. Pourquoi Jésus n’est pas descendu de la croix ...................................................................84

24. De chacun de ses tourments Jésus a fait un principe de grâces .........................................84

25. Comment Jésus a voulu être lié pour être tout au pouvoir de l’homme .............................84

26. Jésus pensait à tous dans sa passion. Ses souffrances ont rendu les nôtres méritoires ......85

27. L’espoir du pécheur ............................................................................................................85

CHAPITRE VIII : Les victimes de Jésus ....................................................................................................85

I. Jésus veut et se choisit des Victimes ..............................................................................................85

1. Il y aura toujours des victimes de Jésus................................................................................85

2. Souffrir avec Jésus ...............................................................................................................86

3. Jésus choisit ses victimes .....................................................................................................88

4. Saintes exigences de Jésus ...................................................................................................89

5. L’âme doit se faire victime pour consoler Jésus-Victime ....................................................89

6. Jésus continue de souffrir dans ses intimes ..........................................................................90

7. Jésus donnant sa croix à l’âme sa victime ............................................................................90

8. Ce que Jésus choisit pour ses amis .......................................................................................90

9. Ce que préfèrent les amis de Jésus .......................................................................................91

10. Ceux qui nous font souffrir sont les instruments de Dieu ..................................................92

11. Compatissons aux souffrances de Jésus .............................................................................92

12. Les bras en croix ................................................................................................................92

13. Dieu en donnant les stigmates se propose le bien des âmes ..............................................93

14. L’amour tient lieu de stigmate ............................................................................................93

II. Jésus encourage et fortifie ses victimes.........................................................................................93

15. Jésus prédit des tribulations à ses amis et leur promet ses faveurs ....................................93

16. Jésus fait connaître la part que le ciel et l’enfer prendront aux épreuves de sa victime ....96

17. Jésus fait connaître quels sont ses préférés ........................................................................97

18. Jésus aussi était innocent ....................................................................................................98

19. Jésus n’a jamais cherché son plaisir ...................................................................................98

20. Le sacrifice réclame le sacrifice..........................................................................................98

21. Le divin Crucifié veut des âmes crucifiées ........................................................................99

22. Jésus souffrant est la voie qui conduit à son Père ..............................................................99

23. Tes souffrances seront aussi nombreuses que les étoiles ...................................................99

24. Le chien et le lambeau d’étoffe ........................................................................................100

25. Les grâces augmentent avec les souffrances ....................................................................100

26 .La vraie patience est une patience d’amour .....................................................................100

27. L’amour se montre et grandit par le sacrifice ...................................................................101

28. Par l'amour la croix devient légère....................................................................................101

29. La croix est le lit des épouses de Jésus.............................................................................101

30. Jésus, la force de ses victimes ..........................................................................................101

31. Jésus, la constance de ses victimes...................................................................................101

32. Avis à ceux qui craignent trop les labeurs et qui désirent trop ardemment les douceurs de la

solitude ..................................................................................................................................102

III. Victimes avec Jésus pour les pécheurs.......................................................................................102

33. Larmes, prières, souffrances expiatrices pour les pécheurs .............................................102

34. Laisser à Dieu l’application des expiations accomplies ...................................................103

35. Combien une victime fidèle est puissante sur le coeur de Dieu ........................................103

36. L’amour torturant et réconfortant rend capable de sauver les âmes .................................104

37. Il faut toujours des expiations parce qu’il y a toujours des péchés ..................................105

38. La mission du peuple choisi. Une âme juste et mille pécheurs.........................................105

39. Les fléaux de la justice écartés par les mérites d'une âme fidèle......................................106

40. Combien il en coûte à une victime pour désarmer la justice divine..................................106

41. La victime du Sacré-Coeur doit toujours être prête à être immolée pour les âmes...........107

CHAPITRE IX : Foi.................................................................................................................................108

1. Précieuses lumières de la foi ; Vertus qu’elle enfante.........................................................108

2. Aveuglement des hommes sans foi ....................................................................................108

3. La foi manifeste l’or et le poison des choses terrestres ......................................................109

4. Le grand malheur du monde c’est le manque de foi ..........................................................109

5. Jésus demande une foi pleine .............................................................................................110

6. La foi mystique ou infuse éclaire l’âme sur les perfections incompréhensibles de Dieu.. .110

7. Mariage mystique dans la foi .............................................................................................110

CHAPITRE X : Espérance........................................................................................................................111

I. Motifs de notre Espérance ............................................................................................................111

1. Les mérites de Jésus, fondement de notre espérance .........................................................111

2. Jésus couvre de ses mérites l’âme confiante ......................................................................111

3. Le Seigneur enferme la justice dans la miséricorde ...........................................................111

4. Pourquoi le pécheur obtient si facilement son pardon........................................................112

5. Dieu supplée à la faiblesse humaine ..................................................................................112

6. Dieu proportionne les épreuves aux forces de chacun .......................................................112

7. Pourquoi craindre quand Dieu est là ?................................................................................112

II. La confiance est un devoir...........................................................................................................113

8. Nécessité de l’espérance. Malheur de ceux qui ne mettent pas leur espérance en Dieu.....113

9. Jésus réclame notre confiance ............................................................................................113

10. Point de défiance ..............................................................................................................114

11. Jésus souffre de notre défiance..........................................................................................114

12 On ne croit pas assez à l’amour de Jésus...........................................................................114

13. Dieu fait des promesses consolantes et veut qu’on y ait foi..............................................115

14. Il faut jeter en Dieu toute sollicitude.................................................................................115

15. Notre confiance ne doit être diminuée ni par le souvenir de nos fautes, ni par la vue de notre

faiblesse..................................................................................................................................116

16. Jésus supplée à ce qui nous manque..................................................................................116

17. Nous devons demeurer confiants même quand nous ne nous sentons pas exaucés..........117

18. Celui qui n’espère pas vaincre sera forcément vaincu......................................................117

III. Puissance de la confiance...........................................................................................................117

19. Combien Dieu aime et récompense la confiance parfaite.................................................117

20. Dieu ne refuse rien à l’âme confiante................................................................................118

21. La confiance fait violence au Coeur de Jésus....................................................................118

22. La confiance obtient des conversions................................................................................119

23. Miracle de confiance.........................................................................................................119

CHAPITRE XI : Charité...........................................................................................................................119

I. Notions sur la Charité....................................................................................................................119

1. Force admirable de la charité. Elle est une participation à l’amour de Dieu lui-même......119

2. L’amour n’est pas pur quand on recherche les consolations...............................................120

3. L’Amour parfait ..................................................................................................................121

4. L’amour pur est versé dans l’âme par Dieu directement ....................................................122

5. Le cri de l’amour héroïque .................................................................................................123

II. – Modes divers de l'amour...........................................................................................................123

6. Amour de conformité .........................................................................................................123

7. Amour compatissant............................................................................................................123

8. Amour consolateur..............................................................................................................123

9. Amour reconnaissant...........................................................................................................124

10. Amour réparateur..............................................................................................................124

III. Pratique de l'amour.....................................................................................................................124

11. Les dispositions de la volonté se connaissent aux oeuvres .............................................124

12. Par quelles oeuvres on prouve son amour à Jésus.............................................................125

13. Pratiquer les vertus pour réjouir Jésus..............................................................................125

14. Quelle est la robe nuptiale.................................................................................................125

15. L’amour doit être généreux...............................................................................................125

16. Amour renfermant toute vertu...........................................................................................126

17. Penser à Jésus et non à soi c’est le moyen nécessaire pour l’aimer, le servir, l’imiter.....126

18. Combien les soupirs d’amour plaisent au Seigneur..........................................................127

19. L’amour fait paraître doux et bon tout ce qui vient du Bien-Aimé...................................127

20. La même charité inspire aux uns plus de familiarité, aux autres plus de respect.............127

IV. – Dieu est avide de notre amour.................................................................................................127

21. Invitation à l’amour ..........................................................................................................127

22. Jésus se livre pour être aimé..............................................................................................128

23. L’amour se paie en amour.................................................................................................128

24. Jésus aime ceux qui l’aiment et se donne à ceux qui se donnent à Lui.............................128

25. Combien le pur amour plaît à Jésus..................................................................................129

26. Jésus nous donne infiniment plus que nous ne Lui donnons............................................129

27. Le Seigneur donne son amour à qui souffre et s’humilie..................................................129

CHAPITRE XII : CHARITE FRATERNELLE........................................................................................130

I- La charité chrétienne en général...................................................................................................130

1. Dieu nous presse d’être charitables.....................................................................................130

2. Qui aime Dieu, aime ceux que Dieu aime...........................................................................130

3. Ce que vous faites au moindre de vos frères, c’est à moi que vous le faites......................130

4. Dieu nous traite comme nous traitons les autres.................................................................131

5. La charité fraternelle attire les bénédiction divines............................................................131

6. Combien de fautes contre la charité déplaisent au Seigneur...............................................131

7. Mépriser les infortunés, c’est mépriser le Seigneur............................................................132

8. La vraie charité est indulgente dans ces jugements............................................................132

9. La charité dans les jugements obtient une sainte mort et un jugement bienveillant..........132

10. Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés............................................................................133

11. Aimer les dons de Dieu chez les autres, c’est attirer sur soi les grâces de Dieu...............133

12. Combien les supérieurs doivent être charitables...............................................................133

13. Amitié sainte......................................................................................................................133

II. – Charité corporelle.....................................................................................................................134

14. Jésus vivant dans ses pauvres............................................................................................134

15. J’étais nu et vous m’avez vêtu..........................................................................................134

16. Qui fait du bien aux amis de Dieu sert Dieu lui-même.....................................................135

17. Couronne d'épines et couronne de gloire obtenues par l'aumône.....................................135

18 Bénédictions promises si l'on exerce la charité..................................................................136

19 La charité couvre la multitude des péchés.........................................................................136

20. Il faut se priver pour donner et se priver de bon coeur......................................................136

III Charité spirituelle: intercéder, consoler, supporter......................................................................136

21 Prier pour le prochain est un acte de charité très salutaire et très méritoire.......................136

22. Imitons le Seigneur en consolant les affligés....................................................................137

23. L'esprit de contradiction vient du démon, la condescendance vient de Dieu....................137

24. Comme Jésus a aimé les instruments de la passion, ainsi nous devons aimer ceux qui nous font

souffrir....................................................................................................................................137

25. Voir dans ceux qui nous affligent le Dieu qui nous perfectionne......................................137

26. Dieu demande à ses amis de répondre aux injustices par la douceur et par l'humilité.....138

CHAPITRE XIII : Zèle.............................................................................................................................138

I. Motifs qui doivent exciter notre zèle.............................................................................................138

1. L'amour de Dieu, source du zèle.........................................................................................138

2. Le zèle s'allume au foyer d'amour qui est dans le coeur de Dieu........................................138

3. Plus une âme s'unit à Jésus, plus elle doit l'aider à sauver les pécheurs.............................139

4. La pensée de la vie future, puissant motif de zèle...............................................................139

5. Autre motif de zèle : le malheur des âmes déchues............................................................140

6. L'âme est si belle qu'on ne peut trop souffrir pour la sauver...............................................140

7. Le défaut de zèle est parfois l'effet de la lâcheté ou de l'égoïsme spirituel.........................141

8. Dieu choisit certaines âmes pour être le canal de ses grâces et pour sauver, souvent

inconsciemment, une multitude d'âmes..................................................................................142

10. Les soufrances offertes pour le bien des âmes produisent de grands fruits et on ne perd rien pour

soi à prier pour les autres........................................................................................................143

11. La prière pour les pécheurs, remède aux aridités et moyen de tout obtenir de Dieu........143

II. Manière d'exercer le zèle : ardeur, douceur, vigilance, constance, en union avec Jésus.............144

12. Un zèle ardent pour la gloire de Dieu ne peut souffrir ce qui l'offense.............................144

13. Les défauts du prochain sont les plaies du corps mystique de Jésus. Avec quelle charité on doit

s'appliquer à les guérir.............................................................................................................144

14. Le zèle véritable doit être plein de douceur et de miséricorde..........................................145

15. Zèle généreux, zèle vigilant..............................................................................................146

16. Jésus encourage à persévérer dans l'exercice du zèle........................................................146

17. L'insuccès apparent ne doit pas décourager notre zèle......................................................146

18. Ce qu'il ne faut pas se lasser de rappeler aux hommes.....................................................147

19. Zèle exercé en union avec Notre Seigneur Jésus-Christ...................................................147

20. Offrir Jésus à son Père pour les pécheurs..........................................................................147

III. Objet de notre zèle : pécheurs, peuple, église, ordres religieux, prêtres etc ..............................147

21. Jésus presse ses amis de prier pour les pécheurs...............................................................147

22. Invitations divines à expier pour les pécheurs et se sacrifier pour eux.............................148

23. Quelle les peine les pécheurs causent au coeur de Jésus...................................................149

24. Dieu par égard pour les mérites de ses amis pardonne aux pécheurs...............................149

25. Zèle envers les peuples coupables. Réparation et expiation pour les désordres du Carnaval149

26. Zèle envers les peuples coupables : diocèses, pays infidèles............................................150

27. Zèle envers l'Eglise...........................................................................................................150

28. Dieu demande des larmes pour son Eglise........................................................................151

29. Zèle envers les ordres religieux.........................................................................................152

30. Zèle envers les prêtres de Jésus-Christ..............................................................................152

31. Zèle envers les âmes choisies............................................................................................152

32. Zèle pour la science sacrée – Sa récompense....................................................................152

33. Zèle pour la pure doctrine.................................................................................................153

34. Zèle à faire connaître les perfections divines....................................................................153

CHAPITRE XIV : Recueillement..............................................................................................................153

1. Le Seigneur recommande avec instance le recueillement...................................................153

2. Jésus veut que ses amis vivent de la vie intérieure.............................................................154

3. Veiller à ce qu'aucun importun ne vienne troubler le coeur à coeur avec l'ami divin...........154

4. Tendresse de Jésus pour l'âme recueillie.............................................................................155

5. Reproches amoureux du divin Maître à l'âme distraite.......................................................155

6. Jésus s'indigne de ce qu'on reproche à une âme de trop penser à Lui.................................155

7. Jésus instruit l'âme dans la solitude.....................................................................................155

8. Combien les pensées nuisent à l’âme .................................................................................155

9. Moins on cherche le plaisir des sens, plus on trouve son plaisir en Dieu...........................156

10. Pour garder le recueillement il faut mortifier la curiosité et l’empressement...................156

11. Récompenses ineffables réservées à celui qui aura veillé sur son coeur, ses sens et son

imagination.............................................................................................................................157

CHAPITRE XV : Mortification corporelle................................................................................................157

1. Le Seigneur demande la mortification du corps.................................................................157

2. Nos privations nourrissent Jésus.........................................................................................158

3. Chercher les jouissances de la nature et servir Dieu est impossible...................................158

4. A quoi on reconnaît le vrai soldat du Christ........................................................................158

5. Importance de la mortification du goût...............................................................................158

6. Le Créateur de toutes les fontaines n’ayant pas une goutte d’eau......................................159

7. Sensualité vaincue ..............................................................................................................159

8. Jésus aime qu'on lui sacrifie une partie du repos de la nuit................................................159

9. L’esprit de mortification rend doux à l’âme ce qui est amer à la nature.............................159

10. Le Sacré-coeur donne la force de se vaincre......................................................................159

11. Comment on doit polir une pierre précieuse.....................................................................160

12. Le travail et la fatigue ne dispensent pas de la pénitence.................................................160

13. Qui veut devenir saint doit aux souffrances bien supportées joindre une généreuse pénitence. 160

CHAPITRE XVI : Renoncement et mortification de la volonté...............................................................160

I. Invitation divines au renoncement................................................................................................160

1. Le renoncement à la propre volonté est le vrai fondement de la vie spirituelle..................160

2. Le Seigneur presse ses amis de renoncer à tout sentiment naturel et de n’avoir que des sentiments

tout surnaturels.......................................................................................................................161

3. N’aimons pas de parole et de langue, mais en action et en vérité.......................................162

4. Donner la clef de chez soi au divin Maître ........................................................................162

5. Sortir de soi-même, s’oublier et se perdre en Dieu.............................................................162

6. Préférer la volonté divine à sa propre consolation..............................................................162

II. Avantages du renoncement..........................................................................................................163

7. La mortification la plus nécessaire et la plus efficace est celle de la volonté; elle rend apte à

recevoir les grâces...................................................................................................................163

8. Qui s’aime soi-même se perd, et qui se sacrifie se sauve...................................................163

9. Qui se tient sous la dépendance constante de la volonté divine va loin dans la perfection 164

10. La force et le courage sont donnés à qui est généreux dans le sacrifice...........................164

11. Enlevez la volonté propre : il n’y aura plus d’enfer (saint Bernard).................................165

12. Le renoncement universel, unique moyen d’avoir l’âme toute pure.................................165

13. Souvent des attaches inconscientes arrêtent les progrès de l’âme....................................165

14. Le parfait renoncement mène à la parfaite union..............................................................165

15. Le détachement nécessaire pour parvenir à l’amour.........................................................166

III. Récompense du renoncement.....................................................................................................166

16. Qui laisse tout retrouve tout..............................................................................................166

17. Bonheur intime de l’âme qui pratique le parfait renoncement..........................................166

18. Quels sont ceux qui sont dans le coeur de Jésus................................................................167

19. Ceux qui se dépouillent de leur volonté habitent dans la plaie du côté de Jésus..............167

20. Celui qui ne veut que ce que Dieu veut a son coeur dans le coeur de Dieu.......................167

21. Dieu demeure avec délices dans la volonté qui a renoncé à tout vouloir humain............167

IV. Pratique du parfait renoncement.................................................................................................168

22. Sois sourde, aveugle, muette, insensible, sans désir et sans volonté................................168

23. Le détachement doit s’étendre aux plus petites choses.....................................................168

24. Jésus demande à ses amis un détachement complet..........................................................168

25. Le renoncement doit être de tous les instants....................................................................169

CHAPITRE XVII : Patience et amour des croix.......................................................................................169

I. Invitation divines à souffrir patiemment.......................................................................................169

1. Dieu demande non pas la tendresse du coeur mais le courage et l'énergie..........................169

2. Jésus apprend à souffrir.......................................................................................................169

3. Jésus reproche à l’homme sa lâcheté..................................................................................170

4. Deux parties de jeu avec Jésus............................................................................................170

5. Prédilection de Jésus pour ceux qui, souffrant, Lui resssemblent davantage.....................170

6. L'âme souffrante, compagne de Jésus.................................................................................170

7. Jésus aussi a été mal jugé....................................................................................................171

8. Jésus sur la croix n'avait point d'oreiller.............................................................................171

9. Jésus en a souffert autant.....................................................................................................171

10. Nos souffrances réjouissent Jésus.....................................................................................171

11. L'âme souffrante est pour Jésus un jardin de délices........................................................171

12. Qui s'approche de Jésus s'approche des épines.................................................................172

13. Que de souffrances perdues, que de trésors gaspillés !.....................................................172

14. Jésus demande de réparer les souffrances perdues............................................................172

15. Quelle vertu sur la terre et quelle gloire au Ciel veulent-ils avoir ceux qui ne veulent pas souffrir

?..............................................................................................................................................172

II. Avantages des souffrances...........................................................................................................172

16. Le Seigneur est tout près de ceux dont le coeur souffre....................................................172

17. Dieu, par les épreuves, attire à Lui les humbles et Il les glorifie......................................173

18. Les plus fidèles sont les plus éprouvés.............................................................................173

19. Avantages admirables accordés ici-bas à ceux qui souffrent patiemment........................173

20. Récompense ineffable de la patience................................................................................174

21. Tout le bien de l'âme est dans la souffrance......................................................................174

22. Les desseins d'amour que le Seigneur a sur les âmes s'accomplissent par la souffrance..174

23. Pourquoi Dieu permet que ses amis soient délaissés........................................................175

24. Dieu afflige pour mieux récompenser...............................................................................175

25. Opération de la pureté divine dans l'âme chérie de Dieu..................................................176

26. Comment le vigneron céleste taille sa vigne.....................................................................176

27. L'olive et le raisin doivent être écrasés.............................................................................176

28. L'âme enténébrée par les émanations de la chair reçoit la lumière par le moyen des souffrances

................................................................................................................................................177

29. La souffrance conduit à l'amour........................................................................................177

30. Comment la souffrance égale l'amour ..............................................................................177

31. Les oeuvres faites sans peine sont moins solides que les autres ......................................177

32. Le meilleur des pâturages est celui qui est mêlé de ronces et d'épines ............................177

33. La souffrance est bonne qui empêche le péché.................................................................178

34. La vraie fidélité se manifeste dans l'épreuve.....................................................................178

35. Plaisir de chanter refusé....................................................................................................178

36. Prix inestimable des peines causées par l'amour divin ....................................................178

37. La souffrance rend plus puissant à obtenir des grâces......................................................179

38. Remède bien salutaire.......................................................................................................179

39. Les souffrances accélèrent et la sanctification d'une âme et l'accomplissement de sa mission..179

40. Les peines sont utiles et à ceux qui les endurent et à ceux pour qui elles sont offertes....179

41. L'épreuve tient lieu de purgatoire......................................................................................180

III. Epreuves spirituelles, aridités, impuissance...............................................................................180

42. La consolation et la désolation, la paix et la guerre se succèdent dans toute vie humaine180

43. Pourquoi Dieu retire la grâce sensible quand on la désire davantage...............................180

44. Dans la sécheresse l'âme doit se souvenir qu'elle est aimée de Dieu................................180

45. Dieu nous cache notre amour pour que nous désirions toujours plus aimer.....................180

46. Combien les sécheresses sont profitables.........................................................................181

47. Dieu retire ses consolations pour rendre l'amour plus pur................................................181

48. Les consolations préparent aux sacrifices et les sacrifices aux consolations....................181

49. Les goûts intérieurs sont souvent le fruit de généreux efforts...........................................182

50. La grâce n'est pas moins précieuse quand elle est moins consolante et moins discernable182

51. La vraie marque de l'état de grâce. Il ne dépend pas de nous d'avoir des consolations spirituelles

................................................................................................................................................183

52. L'âme troublée et distraite n'est pas pour cela oubliée de Dieu .......................................183

53. Marie a été pendant des années privée de la présence de Jésus .......................................183

54. La foi, l'espérance, l'amour et aussi la contrition ne sont pas moins vives quand on ne les sent

pas..........................................................................................................................................183

55. Dans la voie qui mène à la sainteté il y a plusieurs tunnels à traverser............................183

56. Dans les heures de scrupules ne pas rechercher de multiples absolutions........................184

IV. Amour de la croix ......................................................................................................................184

57. La croix, échelle du Paradis..............................................................................................184

58. L'amour de Jésus et l'amour de la croix sont inséparables................................................184

59. Qui veut Jésus pour époux doit lui être conforme.............................................................185

60. Tendresse de Jésus pour l'âme qui souffre sans se plaindre..............................................185

61. Celui à qui Dieu plaît plaît à Dieu.....................................................................................185

62. Combien est agréable à Dieu celui qui accepte amoureusement l'épuisement et l'extrême fatigue

................................................................................................................................................185

63. La croix est un don de l'amour de Jésus............................................................................185

64. La croix donnée comme récompense................................................................................186

65. La croix désirée et redoutée..............................................................................................186

66. La folie de la croix est la suprême sagesse.......................................................................186

67. Le joyau qui vaut mieux que tous les joyaux....................................................................186

68. Les deux couronnes l'une après l'autre..............................................................................187

69. Breuvage dégoûtant devenu divin.....................................................................................187

70. Jésus prépare l'âme à porter sa croix.................................................................................187

V. Conseils pratiques pour bien souffrir ..........................................................................................188

71. Trois manières de porter la croix.......................................................................................188

72. Il faut porter sa croix et non pas la traîner........................................................................188

73. Il ne faut pas compter ses croix.........................................................................................188

74. L'âme vraiment patiente cache ses souffrances.................................................................189

75. L'âme vraiment patiente ne pense plus à elle-même.........................................................189

76. Vouloir tout ce que Dieu veut pour nous...........................................................................189

77. Le moyen de gagner d'inappréciables mérites c'est de bénir Dieu dans l'épreuve............189

CHAPITRE XVIII : Abandon....................................................................................................................189

I. Invitations divines au saint abandon ............................................................................................189

1. Attendre l'heure de Dieu......................................................................................................189

2. Laissons le divin Maître peindre en nous son image .........................................................189

3. Laissez-moi faire ................................................................................................................190

4. Pourquoi m'importuner ? ....................................................................................................190

5. S'abandonner à Dieu pour vivre ou pour mourir.................................................................190

6. Qu'un paisible abandon succède à de violents désirs de souffrir........................................190

7. Tenir son coeur dressé vers Dieu comme un vase bien droit..............................................191

II. Motifs de l'abandon .....................................................................................................................191

8. Comment ne pas s'abandonner entre les bras d'un Dieu si puissant et si bon ?..................191

9. Pourquoi craindre puisque Dieu fait tout tourner à sa gloire ?...........................................191

10. Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient ...............................................................191

11. Dieu a plus de soin de nous que nous ne pouvons en avoir..............................................192

12. Dieu est maître de faire de nous ce qui lui plaît................................................................192

13. Il vaut mieux pour nous ne pas connaître l'avenir.............................................................192

III. Avantages de l'abandon...............................................................................................................192

14. Fruits du saint abandon.....................................................................................................192

15. On gagne plus en s'abandonnant qu'en obtenant de Dieu qu'il accomplisse nos désirs....193

16. L'abandon joint au recueillement mène l'âme au véritable amour....................................193

17. Combien le parfait abandon purifie l'âme.........................................................................193

18. L'amour généreux produit la paix et la paix fait la force de l'âme....................................193

19. Valeur admirable d'un acte de total abandon.....................................................................194

20. Qui accepte de vivre par abandon à la divine volonté obtient l'union de sa vie à celle de Jésus

................................................................................................................................................194

21. L'Esprit-Saint serviteur des âmes abandonnées................................................................194

22. Bonté du Seigneur pour l'âme abandonnée.......................................................................195

CHAPITRE IXX : Force dans les luttes....................................................................................................195

I. Motifs de confiance dans la tentation ...........................................................................................195

1. Où étiez-vous, Seigneur ?...................................................................................................195

2. Jésus intimement présent dans l'âme qui est tentée.............................................................195

3. Si Jésus n'avait pas été là ....................................................................................................196

4. L'ange fidèle soutient l'âme contre l'ange rebelle................................................................196

5. Dieu mesure l'épreuve aux forces de chacun......................................................................196

6. Le tentateur n'a qu'un pouvoir borné et de plus Dieu contient sa fureur.............................196

7. C'est un mensonge de dire de ne pas pouvoir lutter............................................................197

8. Les démons voient redoubler leurs souffrances quand on repousse leurs attaques............197

9. L'amour fait accepter de bon coeur les tentations pourtant si pénibles...............................197

10. Paroles rassurantes du Sauveur.........................................................................................198

II. Utilités des tentations ..................................................................................................................198

11. La vraie vertu se manifeste dans les occasions.................................................................198

12. La patience dans les tentations assure la victoire..............................................................198

13. Le soldat doit combattre pour gagner ses grades..............................................................198

14. Chaque acte de repentir et de bon propos est un nouvel hommage à Dieu.......................198

15. La tentation affermit l'âme dans l'humilité........................................................................198

16. La tentation, même quand il s'ensuit quelque faute légère, rend l'âme plus ardente à la lutte, plus

pure, plus défiante d'elle-même..............................................................................................199

17. L'âme en luttant contre la tentation se purifie des fautes qu'elle ignore...........................199

18. La tentation aide l'âme à mieux se connaître....................................................................199

19. Les tentations des uns réparent les péchés des autres.......................................................200

III. Conseils pour la tentation...........................................................................................................200

20. Conseils de Jésus à l'âme tentée........................................................................................200

21. L'âme faible devient forte par la prière.............................................................................200

22. Ne point s'inquiéter d'être tenté.........................................................................................201

23. Ne pas faire cas du tentateur et de ses attaques.................................................................201

24. Il faut garder la paix dans la tentation...............................................................................201

25. Redoubler de confiance au lieu de s'attrister.....................................................................201

CHAPITRE XX : Humilité.......................................................................................................................202

I. Fondements de l'humilité..............................................................................................................202

1. Ce qu'est Dieu et ce que nous sommes...............................................................................202

2. L'humble ne fait que rendre à Dieu ce qui vient de Dieu....................................................202

3. L'humilité doit être d'autant plus grande qu'on a reçu plus de grâces.................................202

4. La pensée des grâces reçues doit nous rendre plus humbles...............................................202

5. Vanité des grandeurs humaines...........................................................................................202

II. Amour de Dieu pour les humbles.................................................................................................203

6. Combien Dieu aime l'humilité............................................................................................203

7. Dieu soutient ceux qui abîment leur néant dans sa grandeur..............................................203

8. Jésus choisit les humbles pour ses instruments et il en fait ses intimes..............................203

9. Le Seigneur invite à l'humilité............................................................................................204

10. Dieu ne veut pas que ses amis oublient leurs fautes.........................................................204

11. Avec quel vif désir Dieu attend que nous réparions nos fautes par l'humilité...................204

12. Dieu préfère l'humilité aux élans de la dévotion...............................................................204

13. Pourquoi Dieu permet que ses amis aient quelques faiblesses.........................................205

14. Dieu nous élève pour nous fortifier, Il nous laisse à nous-mêmes pour nous humilier....205

15. Dieu a pour très agréable tout ce qui est fait avec une profonde humilité........................205

16. Ce qui tarit la grâce...........................................................................................................206

17. Dieu veut que nous ne soyons rien en nous-mêmes..........................................................206

18. Le Seigneur reproche sévèrement un simple mouvement d'orgueil..................................206

III. Avantages de l'humilité...............................................................................................................206

19. L'humilité est nécessaire à l'âme comme l'eau à la plante.................................................206

20. L'humilité produit les autres vertus...................................................................................206

21. Plus l'âme s'abaisse, plus elle honore Dieu, plus Dieu se plaît à se servir d'elle...............207

22. Combien il est bon de connaître et sa misère et sa grandeur............................................207

23. Dieu permet les tentations pour nous maintenir dans l'humilité.......................................207

IV. Récompense de l'humilité...........................................................................................................208

24. Celui qui s'abaisse sera élevé............................................................................................208

25. Jésus promet la gloire à l'âme qui s'est humiliée. La contrition n'est jamais trop grande.208

26. L'humilité est glorifiée pour le bien des autres.................................................................208

27. L'humilité emporte le Coeur de Dieu................................................................................208

28. L'humilité triomphe de Satan............................................................................................208

29. L'humilité rend la prédication efficace..............................................................................209

30. Les persécutés sont protégés s'ils s'humilient, et frappés plus durement s'ils s'irritent.....209

V. Pratique de l'humilité ...................................................................................................................209

31. L'humilité vient par l'amour..............................................................................................209

32. Quelle est la vraie humilité et la vraie charité ? ...............................................................209

33. Penser que de soi on n'est rien..........................................................................................209

34. Chercher les humiliations et accepter celles que la Providence ménage..........................209

35. Ne pas s'enorgueillir des faveurs divines, elles sont souvent données aux plus faibles....210

36. Garder l'humilité dans la ferveur sensible.........................................................................210

37. Les vrais amis de Dieu s'humilient et de leurs défauts et des faveurs qu'ils reçoivent.....210

38. L'âme humble ne se désole pas des faveurs dont elle est l'objet.......................................211

39. Les parures mondaines déplaisent à Dieu.........................................................................211